- Une charge susceptible d'être lourde. - Lorsque l'on désire anticiper sa propre dépendance, la donation avec charges peut constituer une alternative patrimoniale intéressante. Il s'agit, pour le disposant, de consentir une donation à une personne de confiance, à charge pour elle d'exécuter une obligation particulière à son profit. Le donateur peut constituer à son bénéfice des charges d'une infinie diversité. S'agissant de prévenir une éventuelle vulnérabilité, il est très généralement envisagé deux types de charges, l'une en argent et l'autre en nature. Quelle que soit la modalité choisie, la charge peut s'avérer très lourde. Il en résulte deux conséquences : d'une part, il ne faut pas que la charge absorbe la valeur du bien donné car l'acte perdrait alors sa qualification de libéralité et, d'autre part, la solution suppose le plein accord du donataire. En effet, aux fins d'éviter un engagement qui ne serait pas éclairé et, par-delà, des risques évidents d'inexécution au préjudice du disposant, il appartient à ce dernier de pleinement mesurer, lors de la signature de l'acte, les conséquences de la charge qui lui est imposée, eu égard à l'évolution prévisible de sa situation personnelle, mais aussi de la situation du donateur. À cet égard, il convient d'évaluer les besoins réels de la future dépendance de ce dernier, en tenant compte de son âge, de la dégradation éventuelle de son état de santé et de la diminution probable de ses ressources.
La donation avec charges
La donation avec charges
- La charge en argent. - Le bien, objet de la donation, peut être transmis à charge pour la donataire de verser une rente viagère au donateur, lui garantissant ainsi un flux de revenus réguliers (C. civ., art. 1969). Rappelons simplement, à ce propos, que la rente doit être indexée, qu'elle peut être révisée judiciairement (C. civ., art. 900-2) et être déclarée insaisissable, par disposition expresse du donateur (C. civ., art. 1981). En pratique, avant de conseiller une telle donation, le notaire doit se montrer vigilant, cette source de revenus procurée par le versement de la rente pouvant remettre en cause, au moins partiellement, les aides sociales touchées par le donateur. En conséquence, le choix de ce mécanisme suppose au préalable de chiffrer ses répercussions éventuelles sur les diverses prestations sociales pouvant être perçues par ce dernier. Il convient également de le comparer économiquement avec la réserve d'usufruit, notamment en présence d'un bien frugifère. « Il est quelquefois plus simple de ne pas être usufruitier ! »
Ici le donateur n'aura plus à s'occuper de l'entretien du bien immobilier ni, s'il est loué, de la gestion locative. En contrepartie, parce qu'il ne touchera plus les fruits dudit bien, la rente devra compenser cette perte de revenus en tenant compte de la fiscalité attachée à cette forme de donation au titre de l'impôt sur le revenu. Sur ce point, rappelons que si, par principe, la rente n'est pas déductible de son revenu pour le donataire, elle constitue, en revanche, un revenu imposable chez le donateur, mais seulement pour une fraction déterminée de son montant, qui est fonction de l'âge du crédirentier lors de l'entrée en jouissance (CGI, art. 158, 6o). La rente bénéficie ainsi d'une fiscalité adoucie par rapport à l'imposition des revenus fonciers perçus en qualité d'usufruitier, ce qui peut constituer un critère de choix qui peut décider le client à s'orienter vers l'une des solutions (donation avec charge en argent) plutôt que vers l'autre (donation avec réserve d'usufruit).
- La charge en nature. - À l'instar d'un bail à nourriture
, la donation peut également être consentie en faisant supporter au donataire la charge d'entretenir ou de prodiguer des soins au disposant. En pratique, les soins dont il est question doivent être détaillés avec précision, en évitant des stipulations trop générales et en tenant compte de ce qui peut être pris en charge directement par la sécurité sociale ou une quelconque mutuelle. Surtout il convient d'avoir à l'esprit que le poids de la charge est naturellement destiné à s'aggraver au fil du temps avec le vieillissement du donateur. Par ailleurs, il peut être judicieux, pour couvrir certaines évolutions et éviter ainsi tout blocage ultérieur, de prévoir, en amont, que la charge en nature pourra être remplacée par le service d'une rente viagère, dont le montant et les modalités de paiement et d'indexation doivent être strictement définis. Cette substitution peut être envisagée dans l'hypothèse où le donateur se retrouverait dans l'obligation de quitter son domicile pour partir vivre dans un établissement spécialisé, si le donataire se retrouve dans l'impossibilité matérielle d'exécuter son obligation ou encore s'il vient à décéder avant le disposant, pour ne pas contraindre les héritiers à devoir exécuter une obligation en nature.