Envisageons rapidement la notion de donation-partage (Sous-section I), pour en déduire sa nature hybride (Sous-section II).
Introduction à l'étude de la donation-partage sous l'angle de la protection
Introduction à l'étude de la donation-partage sous l'angle de la protection
La notion de donation-partage
- Définition et passé de l'acte de donation-partage. - La donation-partage désigne le contrat par lequel une personne procède à la donation et au partage de ses biens entre ses présomptifs héritiers
. Elle est la forme entre vifs de la libéralité-partage, dont le modèle mortis causae est le testament-partage
. À la seule lecture de la définition de la donation-partage, son caractère hybride apparaît. Elle est à la fois une donation et un partage
. Ces deux concepts, ces deux mécanismes et ces deux actes influencent la donation-partage dans son régime juridique, qu'il s'agisse de ses règles de forme
ou de fond
. Autrefois, la donation-partage n'était ouverte qu'à l'ascendant au profit de ses enfants. On parlait de « partage d'ascendant » et cet acte devait cumulativement respecter les règles propres à la donation et au partage. Ainsi pouvait-il faire l'objet de rescision pour lésion. Il devait également respecter la parité des lots, et l'omission d'un enfant pouvait le remettre complètement en cause. Ces règles successorales ont été écartées en 1938
. La donation-partage s'est ainsi vu « attribuer » une sécurité juridique complémentaire. Et la mise à l'écart de certaines des règles du partage a permis de fortifier cette opération en évitant de « refaire les comptes » au décès de l'ascendant. La loi du 3 juillet 1971
est allée plus loin en permettant l'incorporation à une donation-partage de donations antérieures
ou de fusionner dans une même donation-partage les biens des deux parents (donation-partage conjonctive). En permettant qu'un « non-descendant » soit attributaire d'une entreprise dans un acte de donation-partage, le législateur de 1988 a transfiguré cet acte, qui a muté de « partage d'ascendant » en véritable « libéralité-partage »
. La réforme des successions et des libéralités de 2006 a accentué cette tendance en prévoyant la possibilité de procéder à des donations-partages transgénérationnelles
dans l'ordre des descendants, ou de réaliser des donations-partages entre présomptifs héritiers et non entre les seuls descendants
.
La nature hybride de la donation-partage : source de richesse protectrice
- Une donation. - La donation-partage
est une donation à part entière. Elle procède d'une intention libérale et constitue un appauvrissement du donateur envers ses présomptifs héritiers. Le donateur perd ainsi la propriété de ses biens qu'il ne peut plus aliéner, qu'il ne peut plus consommer et dont il ne peut ni user ni retirer les revenus (sauf réserve d'usufruit ou de droit d'usage). La donation-partage, comme toute donation, permet donc de gratifier, de transmettre la propriété d'un bien susceptible d'apporter une utilité ou des revenus à celui que l'on veut protéger. Mais ce n'est pas le seul attrait protecteur de la donation-partage.
- Un partage. - La donation-partage est, par essence, un acte répartiteur. Elle permet ainsi de procéder de son vivant à la distribution de ses biens entre ses héritiers. Ainsi une personne pourra d'elle-même composer les lots en considération des besoins, des aptitudes, de la localisation, de l'état de fortune, de la situation familiale de chacun de ses présomptifs héritiers. Bien évidemment, le lot doit être accepté par son attributaire. Néanmoins cette opération, si elle est faite de manière objective et réfléchie, permet de prévenir les risques de mésentente familiale.
De cette nature hybride, autonome pourrions-nous avancer, va découler le double attrait de la protection par la donation-partage. Celle-ci n'est plus réservée au cercle restreint des héritiers présomptifs. Elle n'est pas non plus limitée aux seuls biens du disposant. Son domaine est donc particulièrement large, ce qui accroît ses vertus protectrices (Section II). Sur le plan liquidatif, la donation-partage obéit à des règles particulières dans le but de sécuriser la transmission, même s'il existe un certain nombre de zones d'ombre (Section III).