- Définition. - L'article 894 du Code civil définit succinctement la donation entre vifs comme étant « un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte ». On peut ajouter que cet abandon au profit d'une personne a lieu sans contrepartie et dans une intention libérale
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Introduction : La notion de donation
Introduction : La notion de donation
- Protéger, c'est donner. - Nous avons déjà eu l'occasion de l'écrire, une des premières idées qui viennent à l'esprit lorsque l'on veut protéger quelqu'un est de le mettre à l'abri du besoin matériel, qu'il ait de quoi se nourrir, de quoi se loger, de quoi faire face à ses besoins. Cette préoccupation de protéger peut résulter d'un lien purement affectif, d'un devoir plus ou moins moral ou d'une solidarité familiale. On veut alors transmettre des biens sans aucune contrepartie, car le seul but est de protéger l'autre de son vivant. Parfois ce souci se double d'une volonté de surveiller, de contrôler ce proche que l'on souhaite protéger sans doute contre les autres, mais aussi contre lui-même. La donation entre vifs est l'acte qui, très certainement, constitue le meilleur support de cette volonté protectrice désintéressée. Ses formes et ses modalités sont aujourd'hui relativement larges pour permettre de correspondre au plus grand nombre de situations. Cette volonté protectrice d'autrui ne doit pas pour autant mettre en péril la situation du donateur qui s'appauvrit irrémédiablement et qui a pu être influencé par ses sentiments ou autres manœuvres.
- Gravité. - Ainsi définie, la donation se montre comme un acte d'une particulière gravité en ce sens qu'elle constitue à titre essentiel un appauvrissement de son auteur. Le donateur ne reçoit aucune contrepartie du donataire - sauf peut-être de la reconnaissance ou de la gratitude -, mais cette éventuelle contrepartie ne relève pas du patrimonial. C'est ainsi que la donation reste, depuis son origine, un acte particulièrement réglementé et marqué dans le corpus législatif. La donation, avec le contrat de mariage, l'hypothèque et la délégation par la volonté du débiteur, est un des quatre actes solennels du Code civil initial.
- Éléments matériels. - Pour qu'il y ait donation, il est nécessaire que le patrimoine du donateur subisse un appauvrissement et que corrélativement celui du donataire s'enrichisse. Il s'agit là d'apprécier des éléments purement objectifs, un transfert de biens ou de droits d'un patrimoine à un autre. Ajoutons que ce transfert, à la différence de l'enrichissement sans cause, doit être voulu par les parties. Dans les cas les plus simples, la caractérisation de ce transfert sera simple. Mais il est des situations plus difficiles à apprécier ; ce sera le cas si l'acte en question porte sur des biens de valeur modique, s'il correspond à la rémunération d'un service rendu ou si la donation n'est que l'exécution d'une obligation alimentaire. Si cet élément matériel n'est pas suffisamment caractérisé, alors l'acte litigieux ne sera pas qualifié de donation. Il échappera ainsi à tout le régime spécial qui lui est applicable, et notamment à sa prise en compte lors du règlement de la succession du disposant.
La pratique du présent d'usage
Si l'article 852 du Code civil prévoit que les présents d'usage, à l'image des frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, de noces ne doivent pas être rapportés, il n'en donne pas de définition. Il se borne à préciser que la caractérisation du présent d'usage s'apprécie à la date à laquelle il a été fait et en considération de la fortune du disposant ; on peut en déduire que pour qu'il y ait présent d'usage, deux conditions doivent être remplies
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- il doit y avoir un usage : un événement, une occasion pour lesquels, lorsqu'ils se produisent, il est d'usage, de tradition de faire un cadeau. C'est le critère temporel du présent d'usage. Cette occasion pourra être un anniversaire, le jour de l'an (étrennes), une fête religieuse, une cérémonie civile ou religieuse, un succès à un examen, etc. Si la preuve de cet usage n'est pas apportée, la qualification de présent d'usage doit être exclue et celle de donation est la seule possible . Il s'agit d'apprécier de manière assez objective l'existence de cet usage ;
- le second critère de qualification est la proportionnalité de la valeur du bien donné à la fortune du disposant. Cette appréciation est davantage subjective dans la mesure où la proportionnalité au patrimoine d'une personne est somme toute assez relative. Ce que l'on s'attachera à regarder, c'est si le disposant s'est réellement appauvri, s'il a puisé dans son capital.
L'intérêt du présent d'usage est d'être exclu du régime des donations tant sur le plan civil - car il n'est sujet ni au rapport ni à réduction - que fiscal - car il n'est pas assujetti aux droits de mutation à titre gratuit.
Par ailleurs, il n'est pas d'objet prédéfini pour faire un présent d'usage. Ce pourra être une somme d'argent, mais également un bien corporel (un tableau, un bijou, etc.).
Il est conseillé au disposant d'établir une carte de vœux ou d'écrire un petit mot et de les dater, afin qu'ils permettent de ménager un commencement de preuve de l'usage. La preuve de la proportionnalité aux ressources se fera par l'évaluation de son patrimoine et la présentation de ses revenus.
Le présent d'usage peut être pratiqué dans un cadre familial. Ainsi il peut être fait au bénéfice des enfants, des petits-enfants, du conjoint, des neveux ou nièces, etc. Il peut être également fait à des non-parents : concubins, beaux-enfants ou amis.
La pratique du présent d'usage est aussi quelque peu risquée, car elle est exclue du régime protecteur des donations. Sans doute ces dons, parce qu'ils sont modérés, ne mettent pas en péril la situation du disposant ni celle de ses autres proches (héritiers).
Les incertitudes de la donation de fruits et de revenus
Il arrive que des parents laissent à un de leurs enfants, pendant une durée plus ou moins longue, la jouissance gratuite d'un logement. Si cette volonté de fournir un toit à un proche est parfaitement louable et légitime, elle n'est pas sans susciter des difficultés lorsqu'il s'agit de rendre des comptes à la succession. En effet, deux qualifications sont possibles pour cet avantage qui, si l'on additionne les loyers qui auraient dû être versés par le bénéficiaire, peut aboutir à une somme conséquente.
Soit il s'agit de la simple exécution d'une obligation alimentaire ou d'entraide familiale, soit il s'agit d'une donation, voire d'une donation indirecte. L'enjeu de la qualification est de taille, car si cet avantage est une donation alors il est rapportable à la succession et bénéficie donc à l'ensemble des héritiers
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L'introduction d'un nouvel alinéa à l'article 851 du Code civil disposant que le rapport « est également dû en cas de donation de fruits ou de revenus, à moins que la libéralité n'ait été faite expressément hors part successorale » avait suscité des débats.
D'une manière un peu rapide, on peut affirmer que la Cour de cassation a tendance à refuser le caractère de donation à cette mise à disposition gratuite, sauf si les éléments caractéristiques de la donation sont présents (appauvrissement et enrichissement corrélatifs et intention libérale). La Cour suprême, après quelques hésitations
, a préféré qualifier une telle convention de « prêt à usage » sauf si les éléments caractéristiques de la libéralité sont présents
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Cette solution a été approuvée par une grande majorité de la doctrine estimant, qu'elle allait éviter des « comptes d'apothicaire » ; néanmoins, dans certains cas cette entraide familiale peut aboutir à des déséquilibres importants. Quand un héritier n'a pas payé de loyer pendant une vingtaine d'années, il y a forcément un enrichissement par l'économie réalisée. Parallèlement, le de cujus ne s'est pas enrichi des loyers qu'il aurait pu percevoir. Cet avantage pourra légitimement irriter le cohéritier qui, lui, aura payé son loyer ou remboursé l'emprunt contracté pour acquérir sa maison.
Il n'est pas exclu qu'une telle mise à disposition gratuite puisse être qualifiée de donation, mais la preuve des éléments caractérisant la donation sera difficile à rapporter. La sécurité, et donc la protection qu'il est possible d'apporter à ces conventions, est leur régularisation par un acte qui donnera une qualification à l'opération et en déterminera le traitement à la succession. La difficulté pratique est qu'en général ce prêt à usage est initialement conçu comme provisoire. Un acte n'est donc pas jugé nécessaire, mais il arrive qu'il s'éternise et la qualification de donation engendrerait une taxation au titre des droits de mutation à titre gratuit.
Ici apparaît le tiraillement dans lequel se trouve le droit positif : si l'on veut protéger tel ou tel successeur qui a occupé un bien du de cujus et éviter tout calcul lié au rapport, alors la jurisprudence de la Cour de cassation est juste. Par contre, si la protection vise l'égalité entre les successeurs, alors cette solution est injuste. La réponse ne serait-elle pas dans le respect d'une certaine proportionnalité, une certaine mesure ? Sans doute les parties peuvent, avec l'aide de leur notaire, préciser la nature libérale ou non de cette mise à disposition
La donation rémunératoire : une fausse donation
La donation rémunératoire est consentie en rémunération d'un service rendu. Les conditions que doit remplir l'acte pour être qualifié de libéralité rémunératoire sont les suivantes :
- l'absence de rémunération préalable du service rendu par le gratifié ;
- l'appréciation en argent du service rendu ;
- la proportionnalité de la gratification aux services rendus.
De la qualification de donation rémunératoire il va résulter que l'acte va échapper à une grande partie du régime des libéralités. Ainsi les incapacités spéciales de donner et de recevoir, les règles de formes et celles du rapport et de la réduction ne vont pas s'appliquer. En revanche, en application de l'article 960 du Code civil, même rémunératoire une donation reste révocable pour cause de survenance d'enfant.
La donation rémunératoire n'est en réalité pas un acte à titre gratuit, elle est simplement l'exécution d'une obligation morale du disposant envers le gratifié. Dans ces donations rémunératoires, ni l'élément matériel (le prétendu donateur ne s'est pas appauvri puisqu'il a bénéficié d'une prestation accomplie par le faux donataire), ni l'élément intentionnel (il n'y a pas volonté de gratifier, mais de rémunérer) ne sont présents.
L'existence dans le droit positif de la libéralité rémunératoire est très importante sur le plan de la protection. En effet, nombreuses sont les personnes âgées qui, éloignées de leurs proches, reçoivent des aides et soutiens matériels et psychologiques en fin de vie. La possibilité qui leur est donnée de remercier ces services par des donations rémunératoires est un signe de reconnaissance important.
- Élément intentionnel. - Le simple appauvrissement d'un patrimoine corrélé par l'enrichissement d'un autre patrimoine ne suffit pas à lui seul à caractériser une donation. En effet, il n'y a véritablement donation que lorsque l'on constate une intention libérale
dans les motivations du donateur pour accomplir cet acte. C'est donc la véritable intention qui compte. Cet appauvrissement doit être causé par un sentiment qui est l'émanation d'une affection justifiant cette volonté de transmettre soit pour protéger, soit tout simplement pour matérialiser cet amour entre plusieurs personnes. L'intention libérale, élément fondamental de la donation, doit être prouvée par celui qui invoque la donation.
Le droit impératif encadrant les donations dans le but de protéger les parties à cet acte se manifeste par :
- un principe général qui imprègne toute la matière : c'est le principe d'irrévocabilité spéciale des donations (Section I) ;
- des règles de fond renforcées (Section II) ;
- et des règles de forme plus ou moins strictes (Section III).