L'agriculture est en prise directe avec l'environnement. Il convient de protéger les territoires ruraux des pollutions extérieures, mais également des risques engendrés par les exploitations agricoles elles-mêmes. À ce titre, le régime général des installations classées pour la protection de l'environnement s'applique à l'agriculture (Sous-section I). Il existe néanmoins des spécificités méritant d'être soulignées (Sous-section II).
Les installations classées pour la protection de l'environnement : un double enjeu pour l'agriculture
Les installations classées pour la protection de l'environnement : un double enjeu pour l'agriculture
L'application générale de la réglementation ICPE aux activités agricoles
La réglementation ICPE traite de façon générale les activités portant atteinte à l'environnement. Il convient d'en définir le régime (§ I) et de déterminer les installations concernées (§ II).
Le régime des installations classées
Les installations classées en agriculture présentent des singularités liées aux interactions avec l'environnement. Néanmoins, il n'existe pas de régime spécifique les régissant. Elles entrent dans le champ d'application général des ICPE (A) et comprennent différentes catégories (B).
Le champ d'application général des ICPE
– Une définition large des installations classées. – La définition des installations classées est large. Elle inclut tout site de production nuisible à l'environnement (C. env., art. L. 511-1). Les activités polluantes sont différenciées uniquement pour adapter les règles de contrôle à leurs besoins spécifiques
1486214558710. Ainsi, les activités agricoles présentant des risques pour l'environnement entrent dans le champ d'application des ICPE
1491315731524.
– Le paradoxe agricole. – L'agriculture est souvent victime d'accidents environnementaux
1511712926651. Il convient de la protéger au moyen de mesures garantissant l'exploitation des ICPE dans de bonnes conditions environnementales. Mais, paradoxalement, certaines pratiques agricoles sont polluantes. Elles nuisent directement à la qualité des sols et des produits. Ainsi, le contrôle des sites d'exploitation protège également des risques liés aux activités agricoles elles-mêmes. Les démarches agroécologiques permettent de résoudre en partie ces difficultés
1489303970954.
Les catégories d'installations classées
Les ICPE sont répertoriées par catégories en fonction du type d'autorisation délivrée. Elles varient selon l'intensité du risque. Le principe général de l'autorisation (I) est atténué pour les installations présentant des risques moindres (II).
Les installations soumises à autorisation
– L'autorisation. – Le régime de l'autorisation est un contrôle préalable à l'exploitation d'un site polluant (C. env., art. L. 512-1). Il s'applique aux installations présentant de graves dangers ou inconvénients pour la sécurité paysagère et environnementale des territoires, mais également pour la santé et le confort des personnes vivant à proximité (C. env., art. L. 511-1). En pratique, le régime de l'autorisation s'applique essentiellement aux élevages les plus importants, aux manipulations d'engrais les plus dangereuses, et aux opérations de production de liquides en grandes quantités.
L'autorisation environnementale unique
- Création de l'autorisation environnementale unique L'autorisation environnementale unique est entrée en vigueur le 1er mars 2017 (C. env., art. L. 181-1 à L. 181-31) 1495291223610. Elle remplace la demande d'autorisation antérieure en mettant fin à l'obligation de déposer une demande spécifique pour chaque législation applicable 1490525063566. Il s'agit d'une simplification importante en pratique. Les autorisations d'urbanisme continuent néanmoins d'être soumises à une demande spécifique.
- Instruction de l'autorisation environnementale unique La demande d'autorisation environnementale unique est instruite dans un délai de neuf mois. Elle se déroule en trois étapes successives :Elle s'articule, le cas échéant, avec les autorisations d'urbanisme (permis et non-opposition à déclaration préalable).Il convient à ce titre d'apporter deux précisions :
Les installations soumises à autorisation simplifiée
– L'enregistrement
1496263286918. – La procédure de l'enregistrement est un régime de contrôle intermédiaire facilitant la réalisation de projets économiques ayant un impact environnemental potentiellement élevé (C. env., art. L. 512-7)
1486287107949.
Elle s'applique aux installations relevant de prescriptions standardisées, garantissant en principe l'absence d'impact négatif pour l'environnement. Elle limite les formalités, l'étude d'impact et de danger n'étant pas systématique. La demande d'enregistrement est déposée à la préfecture, suivie d'affichages et de transmissions. La consultation publique s'effectue par une simple mise à disposition des documents se substituant à l'enquête publique. Dans les quinze jours suivant la fin de l'instruction, le préfet peut délivrer l'arrêté, éventuellement assorti de prescriptions ou le refuser. Il peut également demander le basculement vers la procédure d'autorisation.
La procédure de l'enregistrement s'applique par exemple à certains élevages de taille intermédiaire
1503407261163, ou à certains stockages en silos plats
1503407280614.
– La déclaration
1496262971852. – Le régime de la déclaration s'applique aux activités ne nécessitant pas de contrôle approfondi (C. env., art. L. 512-8). Il s'agit des activités les moins dangereuses sur le plan écologique. Elles sont soumises à une déclaration préalable adressée au préfet du département. Ce dernier a compétence liée et doit délivrer un récépissé de la déclaration après vérification de la complétude du dossier et du respect des prescriptions générales permettant de garantir la protection de l'environnement. La procédure s'applique par exemple à des élevages d'importance limitée
1503407306716, aux manipulations d'engrais les moins dangereuses
1503407338949et aux opérations sur certaines productions liquides
1503407359383.
La nomenclature des ICPE
Les activités agricoles sont soumises à la législation ICPE dès lors qu'elles entrent dans l'une des catégories fixées dans la nomenclature applicable. Cette nomenclature est définie par la loi et évolue dans le temps (A). La compréhension de son fonctionnement est essentielle en pratique (B).
La définition et les évolutions
– La nomenclature : une liste exhaustive et évolutive. – La nomenclature des installations classées est une liste exhaustive des activités soumises à la législation ICPE. Elle sert de référence pour déterminer les installations concernées et le type d'autorisation applicable.
Cette nomenclature évolue en permanence pour tenir compte des nouvelles activités, de l'évolution des activités existantes et des nouveaux risques de pollution
1486411272689. Les modifications récentes sont souvent liées au besoin d'harmonisation avec les directives communautaires.
Le fonctionnement de la nomenclature
La nomenclature est un document structuré autour des activités contrôlées (I). Les règles de classement applicables en assurent une lecture aisée (II).
Un classement structuré
– La structure de la nomenclature. – La nomenclature est divisée en trois parties :
- la première partie répertorie les rubriques relevant de l'ancienne numérotation : elle concerne les anciennes substances classées restant soumises à un contrôle. Ces activités n'ont aucun lien avec l'agriculture ;
- la deuxième partie classe les différents types de substances dangereuses pour l'environnement 1486417017104. Certaines peuvent être présentes sur un site agricole. Le cas échéant, l'exploitant est obligé de se soumettre aux règles concernées. Ainsi, la classe 1434 relative aux installations de remplissage ou de distribution de liquides inflammables concerne les exploitations agricoles disposant de stockage de carburant pour leurs machines ;
- la troisième partie effectue une répartition par secteur d'activité. Les activités agricoles, les animaux et l'agroalimentaire sont référencés à cet emplacement. La rubrique décrivant l'activité comprend des sous-rubriques plus précises. Par exemple, la rubrique 21 concerne les activités agricoles et les animaux ; la sous-rubrique 2110 concerne l'élevage, le transit et la vente de lapins.
Les règles générales de classement
– Les critères de classement. – Le classement s'appuie sur des critères précis permettant une évaluation objective de l'installation projetée : quantité, volume, superficie, capacité ou puissance. Ces critères varient en fonction du type d'activité ou de la substance envisagée. Par exemple, en matière d'élevage, le classement tient compte du nombre d'animaux.
– Les principes complémentaires. – Les principes complémentaires sont des règles permettant de préciser les modalités d'utilisation des critères de classement. Ils diffèrent selon la partie de la nomenclature concernée :
- pour les substances dangereuses : principe de spécificité et d'addition des quantités ;
- pour les activités : principe d'addition des critères de classement.
– La désignation du régime applicable. – Le régime applicable à chaque installation est mentionné dans la troisième colonne de la nomenclature. La lettre A désigne l'autorisation, la lettre E l'enregistrement et la lettre D la déclaration (un C est ajouté si l'installation est soumise à un contrôle périodique par un organisme agréé). Par ailleurs, le tableau précise si l'activité est soumise à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Les activités agricoles ne sont jamais soumises à cette taxe. Elle concerne en revanche les activités agroalimentaires.
Les particularités du régime des ICPE pour l'agriculture
Les ICPE sont soumises, quelle que soit l'activité envisagée, à un corpus de règles unique
1496435392520. Certaines particularités liées à l'agriculture méritent néanmoins une attention particulière. L'agriculture bénéficie en effet d'une nomenclature d'activités propres permettant de déterminer le champ d'application des ICPE agricoles (§ I). L'instruction du dossier implique également des consultations spécifiques (§ II).
La nomenclature spécifique pour l'agriculture et l'agroalimentaire
La nomenclature des ICPE contient une partie spécifique aux activités agricoles et agroalimentaire.
– Un document exhaustif. – La nomenclature détermine le statut de l'exploitation au regard de la réglementation ICPE. Elle permet de connaître les activités agricoles présentant un risque environnemental. Il s'agit principalement des activités liées à l'élevage intensif ou hors-sol (y compris la pisciculture), compte tenu notamment de la gestion des déchets produits par ces exploitations. Les stockages de produits agricoles, d'engrais, de fumiers et de supports de culture sont également visés. En toute hypothèse, les contraintes pour le voisinage sont prises en compte. En agriculture, la nomenclature ICPE est principalement fondée sur des seuils : nombre de bêtes ou quantité de stockages. Ils déterminent le régime applicable tant pour le contrôle préalable qu'au cours de l'exploitation.
Extrait de la nomenclature des ICPE en agriculture
– Un document évolutif : l'exemple de l'allègement des règles en matière d'élevage. – Le décret du 5 décembre 2016
1486681029670a relevé significativement
1486681332976les seuils en matière d'élevages intensifs. Désormais, seuls les élevages de plus de 800 bovins ou de 400 vaches laitières présentes simultanément sur site sont soumis à autorisation. Cela permet de soumettre au régime de l'enregistrement un plus grand nombre d'exploitations. L'évolution est similaire en matière d'élevage de volailles. La notion de l'animal-équivalent a été conservée, entretenant des incertitudes sur le nombre réel d'animaux détenus
1490566687914.
Cette évolution facilite les démarches administratives des éleveurs. Il est regrettable que cet assouplissement n'ait pas été accompagné de contreparties environnementales.
Les consultations spécifiques
L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases : examen, enquête publique et décision. Au cours de la procédure, certaines situations imposent la consultation d'organismes spécialisés. Ces interventions sont toutefois trop limitées à ce jour pour tenir suffisamment compte des particularismes agricoles.
– L'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO). – L'Institut national de l'origine et de la qualité est consulté lors de la procédure d'autorisation, lorsqu'une installation est envisagée à proximité d'une aire de production de vins d'appellation d'origine (C. env., art. L. 512-6). L'exploitation de carrières, dans certains vignobles
1486830324752, est soumise à l'avis de l'INAO (C. env., art. L. 515-3 et C. rur. pêche marit., art. L. 112-3). L'INAO dispose d'un délai de trois mois à compter de sa saisine pour donner son avis. Il est réputé favorable au-delà.
Il s'agit là d'un exemple de l'aspect protecteur de la législation ICPE vis-à-vis du monde agricole. La nécessité de garantir la qualité des produits justifie pleinement ce type de disposition.
– La commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA). – La CDOA rend un avis concernant la mise en place des prescriptions générales pour des ateliers hors-sol soumis à déclaration (C. env., art. L. 512-9).
Cette intervention améliore la gestion des ICPE agricoles en y apportant une compétence adaptée.
– La recherche d'une meilleure prise en compte du monde agricole. – Les interventions directes du monde agricole dans les procédures ICPE sont actuellement limitées aux deux hypothèses énoncées ci-dessus. L'agriculture est pourtant au cœur du problème, étant à la fois une source de pollution et un élément à protéger. Afin d'améliorer la prise en compte des spécificités agricoles, il semble judicieux d'étendre la consultation du monde rural dans les procédures d'ICPE. Une solution serait d'élargir le champ de compétence de la commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA) à toutes les créations d'ICPE en relation avec l'agriculture.