Les compensations sectorielles

Les compensations sectorielles

Le législateur s'attache également à protéger les secteurs d'activité dont le support nécessaire est directement réduit par l'artificialisation du sol. À cet effet, il établit à leur profit une compensation particulière. Il s'agit de la compensation collective agricole (Sous-section I)et de la compensation en matière de défrichement (Sous-section II).

La compensation collective agricole

– La création de la compensation collective agricole. – Jusqu'à la loi d'avenir agricole de 2014, la compensation concernait uniquement la protection des milieux naturels. Le monde agricole s'en est alarmé. Les exploitations sont en effet touchées à double titre :
  • par le prélèvement des sols agricoles dû à l'étalement urbain, principalement en zone périurbaine ;
  • et par la remise à l'état naturel de leurs terres, afin de compenser les atteintes aux milieux naturels.
Les superficies agricoles exploitées s'amenuisent inévitablement.
Une nouvelle obligation s'impose depuis le 1er décembre 2016 au maître d'ouvrage dont la nature, les dimensions ou la localisation du projet sont susceptibles de porter atteinte à l'économie agricole 1497170713737. Il produit une étude préalable comportant les mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs notables du projet, ainsi que les mesures de compensation collective visant à consolider l'économie agricole du territoire, l'évaluation de leur coût et les modalités de mise en œuvre (C. rur. pêche marit., art. L. 112-1-3 et D. 112-1-19).
Toutefois, le législateur n'a pas prévu de sanction à l'encontre d'un maître d'ouvrage se soustrayant à son obligation de production de l'étude préalable.
L'étude préalable est transmise au préfet qui rend son avis motivé dans les quatre mois de la réception du dossier.
La prise en compte de l'avis préfectoral dans la décision d'autorisation du projet n'est pas obligatoire, celui-ci ne conditionnant aucunement la délivrance de l'autorisation d'urbanisme.
La compensation est ici collective, c'est-à-dire en faveur de l'agriculture. Il ne s'agit pas d'indemniser l'agriculteur prélevé 1511111000845.
– L'étude d'impact préalable à la compensation agricole. – L'étude d'impact préalable à la compensation collective agricole ne s'impose pas à tout nouveau projet de construction ou d'aménagement.
Trois conditions cumulatives sont nécessaires (C. rur. pêche marit., art. D. 112-1-18, I) :
  • le projet de travaux, ouvrage ou aménagement public ou privé doit relever de l'évaluation environnementale systématique, ce qui limite l'obligation aux projets les plus importants 1497168992318. Les projets relevant de l'évaluation environnementale au cas par cas en sont exclus 1497101988105. Si elle satisfait à ses prescriptions, l'évaluation environnementale tient lieu d'étude d'impact de compensation agricole (C. rur. pêche marit., art. D. 112-1-20) ;
  • le projet doit être situé en tout ou partie sur des parcelles affectées ou ayant été affectées à une activité agricole 1497127042264 :
  • la surface prélevée de manière définitive sur les zones visées doit être supérieure ou égale à un seuil fixé par défaut à cinq hectares 1497128509237. Cette superficie correspond à l'addition de toutes les surfaces concernées par le projet.Cette dernière condition exclut ainsi du dispositif les projets importants dans leur densité, mais de moindre superficie.
En pratique, le cumul de ces conditions restreint l'obligation de compensation collective agricole aux grands projets consommateurs d'espaces.
– Une véritable obligation de compensation. – Les dispositions relatives à la compensation collective agricole sont obligatoires 1496654136510.
Il ne s'agit pas de faire ses meilleurs efforts, mais d'une obligation de résultat. Ainsi le maître d'ouvrage se trouve face à une double obligation : veiller à compenser l'impact environnemental de son projet, ce qui nécessite de prélever des terres agricoles pour les rendre à l'état naturel, mais également éviter, réduire, voire même compenser les effets de ce prélèvement sur l'économie agricole locale 1496653771160.
– La pratique de la compensation collective agricole. – Le dispositif de la compensation agricole est inachevé, principalement faute de précision sur les mesures d'accomplissement de la compensation.
En effet, la compensation est-elle en nature ? Il semble difficile d'imposer aux maîtres d'ouvrage de trouver ailleurs des terres agricoles pour compenser celles utilisées pour leur projet. Si elle est possible, la compensation en nature peut certainement s'inspirer de la compensation écologique 1507370196985.
La compensation peut certainement être financière, mais au profit de quelle entité gestionnaire puisque la compensation est nécessairement collective 1496669070342 ? Aucune précision n'est malheureusement donnée par le législateur sur son évaluation et ses modalités de versement et d'utilisation.
La compensation financière risque également d'entrer dans la catégorie des aides d'État nécessitant une notification à la Commission européenne 1497170069060.
Ces imprécisions laissent perplexe sur l'effectivité du mécanisme 1496668144174.
– Le non-respect des mesures compensatoires. – Le maître d'ouvrage informe le préfet de la mise en œuvre des mesures de compensation collective selon une périodicité adaptée à leur nature (C. rur. pêche marit., art. D. 112-1-22). Mais aucune sanction n'est prévue à ce titre. Plus généralement, aucune sanction n'est prévue à l'encontre du maître de l'ouvrage ne mettant pas en œuvre les mesures compensatoires prévues.
Le législateur exprime clairement sa volonté de faire de la compensation collective agricole un outil important pour la protection des terres nécessaires à l'activité agricole. Mais, faute de précision dans l'élaboration du dispositif, ses nombreuses lacunes, particulièrement l'absence de sanction, risquent de le rendre inefficace.

La compensation forestière

– Les obligations résultant de l'autorisation de défrichement. – Les autorisations de défrichement sont subordonnées à l'exécution de mesures ou de travaux expressément définis, classés en quatre catégories (C. for., art. L. 341-6) 1512319778037. Parmi ces mesures, les trois dernières répondent à des situations spéciales 1512319999752. La première correspond à des travaux de boisement et de reboisement. Cette mesure s'applique dans la plupart des cas.
– Une compensation forestière en nature. – La compensation forestière consiste à exécuter, sur d'autres terrains, des travaux de boisement ou de reboisement réalisés pour une surface au minimum égale à la surface défrichée, mais pouvant être multipliée jusqu'à cinq, ou à exécuter d'autres travaux d'amélioration sylvicoles d'un montant équivalent.
Le coefficient multiplicateur est fonction du rôle économique (qualité des bois), écologique (zone Natura 2000, site inscrit, etc.) et social (caractère paysager, situation périurbaine, etc.) des bois et forêts objet du défrichement.
Le préfet est en mesure d'imposer que le boisement compensateur soit réalisé dans le même massif forestier ou dans un secteur écologiquement ou socialement comparable.
Le demandeur transmet à la DDT un acte d'engagement des travaux à accomplir avec leur détail dans l'année suivant la notification de l'autorisation.
– Une possible compensation financière. – Le demandeur a la faculté de s'acquitter de son obligation en versant une indemnité équivalente au Fonds stratégique de la forêt et du bois. Le montant de l'indemnité est déterminé par l'autorité administrative en même temps que la nature de l'obligation subordonnant l'autorisation de défricher. Elle est d'au minimum 1 000 € et versée dans le délai d'un an à compter de la notification de l'autorisation. Les difficultés pratiques de réalisation de la compensation en nature font qu'elle se règle souvent financièrement.
Le demandeur est également en mesure de s'acquitter de ses obligations en « panachage », c'est-à-dire en réalisant des travaux de boisement, reboisement ou amélioration sylvicole, et en les complétant de l'indemnité réduite des travaux exécutés.
Si le demandeur n'indique pas son choix concernant les modalités de réalisation de son obligation dans l'année de la notification de l'autorisation, l'indemnité est mise en recouvrement, sauf s'il renonce au défrichement projeté.
– Le contrôle de l'exécution des travaux. – En cas de non-exécution des travaux imposés dans un délai de cinq ans, les lieux défrichés sont rétablis en nature de bois et forêts dans un délai fixé par le préfet, de trois ans maximum (C. for., art. L. 341-9 et D. 341-7-2).
– Une dualité de compensation en forêt. – La forêt est concernée à la fois par la compensation écologique, au titre de la biodiversité, et par la compensation en matière de défrichement, au titre de sa fonction économique.
– Un cumul de dispositifs, source de complexité. – Ce cumul d'obligations complique mécaniquement la tâche des maîtres d'ouvrage et accroît le coût financier des opérations.
Il est douteux que la compensation en numéraire soit satisfaisante à long terme, n'empêchant pas la perte surfacique des milieux concernés. Une mutualisation des fonctions de ces milieux est-elle envisageable ? Un champ ou une forêt exploité selon des techniques vertueuses écologiquement peut-il être le support d'une biodiversité préservée ? L'avenir sera peut-être dans le multiusage des milieux naturels…