Peu plébiscités, les GFA investisseurs constituent pourtant une solution de portage efficace. Ils permettent en effet de maintenir les exploitants sur leurs terres ou d'installer des agriculteurs en leur enlevant la charge de l'achat du foncier (Sous-section I). D'autres solutions ont été empruntées au droit commercial : les holdings ont fait leur apparition dans le monde agricole, permettant d'optimiser le financement du foncier (Sous-section II).
Le recours aux sociétés d'investissement
Le recours aux sociétés d'investissement
Les GFA investisseurs
– Le schéma de portage par les GFA investisseurs. – Le but d'un GFA investisseur est de drainer des capitaux vers l'agriculture en faisant entrer des investisseurs dans le capital de la société afin d'acquérir des terres. Le GFA investisseur permet de décharger l'exploitant du poids de l'investissement du foncier en dissociant l'exploitation de la propriété. Il permet d'installer des agriculteurs ou de maintenir des fermiers en place lorsqu'ils ne sont pas en mesure d'acquérir eux-mêmes l'exploitation ou de permettre l'agrandissement d'une exploitation. Les investisseurs bénéficient d'avantages fiscaux en contrepartie de leur participation
1511932869040. Leur motivation est souvent fiscale, mais relève également du sentiment d'appartenance au monde agricole. Depuis 2014
1512828553525, certaines personnes morales ont été autorisées à investir dans ce type de GFA (C. rur. pêche marit., art. L. 322.3), comme par exemple les coopératives, les SICA
1512828110067ou, à titre transitoire, la SAFER (C. rur. pêche marit., art. L 322-2), sans toutefois prendre des fonctions de direction, d'administration ou de gestion. En revanche les SCEA sont exclues.
– Une structure d'investissement tournée vers la location. – Les GFA investisseurs louent les terres dont ils sont propriétaires par bail soumis au statut du fermage. L'obligation d'un bail à long terme est imposée lorsqu'une personne morale est associée du groupement. En général, les GFA investisseurs acquièrent uniquement les terres, l'exploitant demeurant propriétaire des bâtiments d'exploitation.
Un exemple : le couple GFA investisseur et bail cessible pour une rentabilité du capital investi
Le couple GFA investisseur/bail cessible est une solution intéressante, procurant une meilleure rentabilité aux porteurs de parts. Le bail cessible permet en effet une majoration de loyer, tout en bénéficiant des mêmes avantages fiscaux que le bail rural classique. Par ailleurs, le besoin de rentabilité et le montant de l'indemnité d'éviction limitent le risque de refus de nouvellement du bail pour l'exploitant.
– L'intérêt des GFA investisseurs. – L'intérêt des GFA investisseurs est l'apport de capitaux extérieurs, permettant d'asseoir des structures foncières pérennes. Par ailleurs, les fonds propres du GFA sont obligatoirement affectés à des investissements à destination agricole, par exemple l'achat de terres ou l'amélioration des biens détenus. Le GFA investisseur constitue souvent une solution judicieuse pour la transmission d'une exploitation, familiale ou non. L'entrée d'investisseurs dans un GFA permet également de désintéresser les associés sortants à moindre coût pour les associés restants.
– Les inconvénients des GFA investisseurs. – Les GFA investisseurs ont eu des succès inégaux, notamment en raison du manque de flexibilité des fermages. Par ailleurs, les conditions de sortie sont souvent mal négociées entre les propriétaires des parts et les exploitants. Ainsi, il est judicieux de mettre en place ces conditions de sortie et de fixer une méthode de détermination du prix de cession des parts dès la souscription.
Les GFA investisseurs : une alternative à la transmission de la propriété viticole
La valeur élevée de certains vignobles nécessite une réflexion en terme d'optimisation et justifie l'entrée d'investisseurs financiers au capital des sociétés viticoles.
L'exploitant trouve dans le GFA investisseur une organisation juridique et fiscale lui permettant de rentabiliser l'acquisition des vignes
1511527029878. Le recours au GFA investisseur lui permet de recueillir les capitaux nécessaires à la réalisation d'investissements indispensables au développement de l'exploitation. Il constitue ensuite un moyen de transmission de la propriété.
L'engouement des investisseurs pour le groupement foncier viticole (GFV) s'explique par l'indexation de la valeur de la part sur la valeur de la vigne, signe de rentabilité, l'absence de souci de gestion ou le paiement du fermage en bouteilles de vin
1512688215176.
Les holdings agricoles
Les sociétés holdings sont des structures détenant des titres dans le capital d'une ou plusieurs autres sociétés. Elles se démocratisent dans le domaine agricole. Leur utilisation se conçoit pour accélérer les projets de développement ou dans le cadre d'une transmission familiale.
– La multiplicité des objectifs de portage par les sociétés holdings en agriculture. – Les objectifs de portage par des sociétés holdings sont multiples. Ils dépendent de la nature des exploitations (forte empreinte familiale ou nécessité de regroupement hors cadre familial), des régions et des spécificités de l'exploitation.
Les principaux objectifs consistent :
- à consolider les structures existantes et assurer ainsi leur pérennité. Le but est de réunir des investisseurs dans le cadre familial ou hors cadre familial ;
- à organiser progressivement la transmission des terres et de l'exploitation agricole. Les associés exploitants partagent la détention du capital de la holding avec les enfants non repreneurs par exemple. L'entrée ou la sortie des associés est facilitée par la transmission progressive des parts. Les droits sociaux sont rachetés par société holding, au besoin au moyen d'un emprunt, les intérêts du prêt étant imputables sur les revenus de la société cible ;
- à retenir un schéma de portage permettant une optimisation sociale et fiscale 1512932369097.
– Les sociétés cibles. – Dans le domaine agricole, les sociétés cibles sont le plus souvent des sociétés civiles immobilières ou des sociétés civiles d'exploitation agricole (SCEA). En effet, les EARL ou les GAEC n'ont pas la possibilité d'ouvrir leur capital à des personnes morales. La prise de participation dans les GFA est permise sous certaines conditions et sous réserve que la société holding ne soit pas une holding animatrice
1511544784005(C. rur. pêche marit., art. L. 322-3).
La détention du capital par d'autres personnes morales ne saurait atteindre 100 % du capital, l'article L. 322-5 du Code rural et de la pêche maritime imposant le faire-valoir indirect au profit d'une personne physique.
La détention du foncier en Europe
En 2015, l'Association européenne des institutions d'aménagement rural (AEIAR) a réalisé un état des lieux de l'accès au foncier impactant la régulation des exploitations agricoles au sein des pays de l'Union européenne
1509894355954.
Il en ressort qu'en France, la régulation du marché foncier agricole est nettement plus accentuée que dans les autres pays européens. Tout en qualifiant la détention du foncier agricole de « pierre angulaire de la souveraineté alimentaire de l'Europe et de ruralité vivante »
1509894591776, cette étude met en évidence la marginalisation du modèle familial et la progression corrélative des structures sociétaires. Le nombre d'exploitations agricoles a en effet diminué de 22 % au cours des quinze dernières années. Pour autant, parler de menace imminente pour l'agriculture familiale paraît excessif
1509895410907.
Rien ne s'oppose à la coexistence de plusieurs modèles compte tenu de la grande diversité des territoires. Il est impossible de voir se développer un modèle unique s'appliquant aussi bien en Haute-Saône qu'en région bordelaise, tant l'écart de prix des terres et l'intérêt des investisseurs diffèrent.
Le constat est identique au plan européen :
- en Italie, la superficie moyenne des exploitations agricoles est relativement faible (environ 7,5 hectares) ;
- en Allemagne, de grandes exploitations sociétaires ont vu le jour dans les Länder ;
- en Belgique, où le statut du fermage est très protecteur (la durée du bail peut aller jusqu'à quatre-vingt-dix-neuf ans), il n'existe pas de contrôle sur les cessions de parts sociales ;
- en Hongrie, où il existe un droit de préemption au profit des agriculteurs voisins, on observe que le territoire agricole est réparti entre les grandes exploitations et les coopératives, d'une part, et les très petites exploitations, d'autre part, alors que seuls les agriculteurs personnes physiques diplômés, résidant dans l'Union européenne et désirant exploiter eux-mêmes la terre sont autorisés à acheter la terre ;
- en Pologne, deux modèles coexistent : les terres publiques d'État et les terres privées. Sur les 15,5 millions d'hectares agricoles que compte le pays, les petites exploitations familiales de moins de cinq hectares sont majoritaires, mais rivalisent avec les grandes sociétés agricoles de plus de 300 hectares.