L'accompagnement contractuel : le bail rural environnemental (BRE)

L'accompagnement contractuel : le bail rural environnemental (BRE)

– Genèse du BRE. – Les propriétaires bailleurs n'ont aucune prise sur les méthodes culturales choisies, les preneurs bénéficiant d'une liberté totale dans la conduite de l'exploitation 1508181934331. Ainsi, il est apparu nécessaire de permettre aux bailleurs d'accompagner l'écologisation de l'agriculture. À cette fin, le législateur a créé le bail rural environnemental (BRE) 1494163339666. Par la suite, la loi d'avenir a permis de renforcer son utilisation 1493755781231, en élargissant son champ d'application territorial et en l'ouvrant aux bailleurs privés. Afin de permettre son application effective, l'administration a diffusé différentes documentations d'informations pratiques 1494163606299.
– Objectifs du contrat. – Le bail rural environnemental contractualise la volonté des parties de mettre en place des pratiques agroenvironnementales par le preneur au cours de l'exploitation.
Il participe :
  • à la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité et des paysages ;
  • à la qualité des produits, des sols et de l'air ;
  • à la prévention des risques naturels ;
  • et à la lutte contre l'érosion.
Il s'agit en réalité d'un bail rural dont le champ d'application est restreint (Sous-section I). Il permet l'insertion de clauses environnementales (Sous-section II) et des dérogations au statut du fermage (Sous-section III).

Le champ d'application restreint du BRE

Malgré son intérêt environnemental, le champ d'application du BRE est limité. Il est en effet conditionné à un double critère : la situation géographique des parcelles louées (§ I) et la qualité du bailleur (§ II).

La situation géographique des parcelles

– Le principe historique : la protection de zones d'intérêt environnemental. – Les zones protégées susceptibles de faire l'objet d'un bail rural environnemental sont énumérées de manière exhaustive (C. rur. pêche marit., art. L. 411-27, al. 3). Elles sont réparties en trois catégories :
  • la protection de l'eau :
  • la protection des espaces naturels :
  • la protection de la biodiversité :
Pour donner lieu à un BRE, ces espaces doivent en outre faire l'objet d'un plan de gestion officiel et conforme à la réglementation spécifique de chacun d'entre eux.
– L'élargissement récent à l'ensemble du territoire. – La volonté d'accompagner « l'écologisation » de l'exploitation du territoire rural nécessite l'implication de tous les espaces. Un élargissement du champ d'application géographique du BRE est intervenu à travers la LAAF 1500448544978. Désormais, l'ensemble du territoire national est susceptible de faire l'objet d'un BRE (C. rur. pêche marit., art. L. 411-27, al. 4). Toutefois, cette possibilité est réservée à certains bailleurs.

La qualité du bailleur

– Un élargissement récent à tous les bailleurs. – Le BRE est ouvert à tous les propriétaires 1500448938633. Toutefois, les bailleurs privés sont limités dans la localisation de leurs baux (zones protégées) et le contenu de leurs clauses (aucune nouvelle pratique n'est possible hors zone protégée). À l'inverse, les personnes morales de droit public ou les bailleurs publics par assimilation de la loi 1500450144117, dénommés « bailleurs publics » dans les documentations administratives, bénéficient d'un accès élargi au BRE. Ils sont en effet les seuls à pouvoir inclure toutes les clauses environnementales possibles sur l'ensemble du territoire.

Les clauses environnementales

Le bail rural environnemental est également dénommé « bail rural à clauses environnementales ». En pratique, ces clauses constituent l'essence même du contrat. Leur mise en place est indispensable (§ I) et leur contenu encadré (§ II).

La mise en place des clauses environnementales

– Les baux concernés. – Les clauses environnementales sont susceptibles d'être insérées dans toutes les catégories de baux ruraux, totalement ou partiellement soumis au statut du fermage. Il s'agit principalement des baux ruraux classiques de neuf ans, des baux à long terme (dix-huit, vingt-cinq ans ou de carrière) et des baux cessibles. Elles s'insèrent également dans les baux de la SAFER, les baux du domaine de l'État, des collectivités territoriales, de leurs groupements ainsi que des établissements publics (C. rur. pêche marit., art. L. 415-11) 1500533223498.
– La date d'insertion des clauses. – En principe, les clauses environnementales sont introduites dès la signature du bail initial. Néanmoins, les parties ont la faculté de les mettre en place par voie d'avenant à tout moment au cours du bail ou lors de son renouvellement. Le refus du preneur ne constitue pas un motif de non-renouvellement.

Le contenu des clauses environnementales

– Objectif des clauses. – Les clauses environnementales imposent des pratiques culturales ayant un impact positif sur l'environnement.
Elles concernent :
  • la stabilisation d'un paysage ou d'éléments naturels ;
  • la prévention de la pollution des eaux ;
  • la lutte contre l'appauvrissement des sols ;
  • la restauration de l'écosystème ;
  • la protection de certaines espèces.
En pratique, les vertus d'un mode cultural respectueux de l'environnement sont multiples. Ainsi, la limitation des phytosanitaires protège les sols et l'eau, mais a également un effet positif sur les écosystèmes environnants.
– Les pratiques environnementales. – Les clauses insérées dans le bail décrivent les pratiques environnementales à mettre en œuvre par le preneur. Elles constituent des obligations de faire ou de ne pas faire choisies parmi une liste prédéfinie (C. rur. pêche marit., art. R. 411-9-11-1).
Il s'agit :
  • du non-retournement des prairies ;
  • de la création, du maintien et des modalités de gestion des surfaces en herbe ;
  • des modalités de récolte ;
  • de l'ouverture d'un milieu embroussaillé et du maintien de l'ouverture d'un milieu menacé par l'embroussaillement ;
  • de la mise en défens de parcelles ou de parties de parcelles ;
  • de la limitation ou de l'interdiction des apports en fertilisants ;
  • de la limitation ou de l'interdiction des produits phytosanitaires ;
  • de la couverture végétale du sol périodique ou permanente pour les cultures annuelles ou les cultures pérennes ;
  • de l'implantation, du maintien et des modalités d'entretien de couverts spécifiques à vocation environnementale ;
  • de l'interdiction de l'irrigation, du drainage et de toutes formes d'assainissement ;
  • des modalités de submersion des parcelles et de gestion des niveaux d'eau ;
  • de la diversification de l'assolement ;
  • de la création, du maintien et des modalités d'entretien de haies, talus, bosquets, arbres isolés, arbres alignés, bandes tampons le long des cours d'eau ou le long des forêts, mares, fossés, terrasses, murets ;
  • des techniques de travail du sol ;
  • de la conduite de cultures ou d'élevage suivant le cahier des charges de l'agriculture biologique ;
  • des pratiques associant agriculture et forêt, notamment l'agroforesterie.

Proposition de clauses environnementales

Le praticien dispose d'une grande liberté dans la formulation des clauses. Les exemples suivants sont issus de baux consentis par l'association « Terre de Liens »
<sup class="note" data-contentnote=" Pour plus d&#039;exemples, V. document du CEREMA, Le bail rural à clauses environnementales (BRE) et le paysage « agroenvironnemental », 2015, p. 59 et s.">1500538404967</sup> :

– Le maintien des bonnes pratiques existantes. – Le maintien d'infrastructures ou de bonnes pratiques préexistantes sur la parcelle constitue une obligation permettant la conclusion d'un BRE (C. rur. pêche marit., art. L. 411-27). Ces clauses de maintien sont ouvertes à tous les bailleurs et sur tout le territoire. La nature des infrastructures écologiques devant être maintenues est définie de manière non exhaustive 1518615255009. Il s'agit des haies, bosquets, arbres isolés ou alignés, jachères, bordures de champs, fossés, murets, banquettes, mares et vergers de haute tige (C. rur. pêche marit., art. R. 411-9-11-2, al. 2). Les parties définissent librement les conditions du maintien à respecter.

Proposition de clause de maintien des pratiques existantes

Sauf accord préalable du Bailleur, le Preneur s'engage à conserver et entretenir les éléments suivants, existants sur la ferme :

– Les clauses en zone protégée. – Si la parcelle est située dans une zone protégée, les clauses sont nécessairement conformes au document de gestion officiel de l'espace considéré. En pratique, les imprécisions de certains documents constituent un frein à la rédaction des clauses environnementales 1500541905765.

Synthèse des conditions de mise en place d'un BRE

L'application cumulative des critères de localisation, de qualité du bailleur, ainsi que les règles relatives au contenu des clauses sont récapitulées dans le tableau suivant :

Ces clauses visent à accompagner la mise en place de pratiques environnementales vertueuses. L'agroforesterie ou l'agriculture biologique sont particulièrement concernées. Ainsi, le BRE est un outil permettant d'envisager leur développement.

Les dérogations au statut du fermage

Le statut du fermage est conçu pour offrir au preneur une véritable pérennité dans son exploitation. La protection dont il bénéficie se heurte désormais à un ensemble de droits visant à la protection de l'environnement. Ces « droits subjectifs au profit de la nature » 1500444314243justifient quelques dérogations au statut du fermage. Ainsi, les conditions de fixation du montant du loyer sont adaptées (§ I) et le bailleur exerce un contrôle régulier de l'exploitation (§ II).

Le montant du loyer

– La possibilité d'un loyer minoré. – Afin de tenir compte des contraintes spécifiques d'exploitation, les minima préfectoraux ne sont pas applicables au BRE. Ainsi, les parties ont la faculté de négocier librement un loyer minoré (C. rur. pêche marit., art. L. 411-11). Il convient alors de rechercher une corrélation entre la baisse du fermage et la complexité accrue des modes d'exploitation due aux obligations environnementales supportées par le preneur. À ce titre, il est possible de recourir à l'expertise des organisations professionnelles ou d'un cabinet spécialisé.
Les pratiques en la matière sont variées. Par exemple, le parc naturel régional de l'Ardèche considère que les contraintes environnementales justifient un abattement forfaitaire de 10 %. A contrario, Terre de Liens refuse de diminuer le fermage, justifiant sa position au moyen de trois arguments 1508182557822 :
  • le niveau déjà très bas des fermages en France ;
  • la signature de BRE à long terme sans augmentation de 1 % annuel ;
  • et surtout la difficulté économique et morale d'évaluer les services écologiques.
Finalement, la méthode la plus courante consiste à utiliser la fourchette basse de l'arrêté préfectoral.

Le contrôle du bailleur

– La justification du contrôle. – Les engagements environnementaux souscrits par le preneur constituent des obligations fondamentales du contrat. Aussi, il est indispensable de permettre au bailleur d'en vérifier le respect (A) et de disposer de sanctions appropriées (B).

Les modalités du contrôle par le bailleur

– Un état des lieux indispensable. – La pratique des baux ruraux délaisse largement l'établissement d'un état des lieux, pourtant obligatoire dans le mois précédant ou suivant l'entrée en jouissance du preneur (C. rur. pêche marit., art. L. 411-4). Lors de la mise en place d'un BRE, il est indispensable de le réaliser pour deux raisons au moins :
  • les sanctions encourues en cas de non-respect des engagements du preneur nécessitent de disposer d'éléments précis sur l'état initial des parcelles ;
  • parmi les obligations environnementales envisagées, l'obligation de maintien de pratiques antérieures fait expressément référence à un état des lieux (C. rur. pêche marit., art. R. 411-9-11-2).
En pratique, l'état des lieux est établi en faisant référence à des documents déjà disponibles 1500615984950ou, à défaut, en effectuant une visite sur site permettant un relevé de la faune, de la flore et des éléments paysagers.

Exemple d'état des lieux

Les parcelles louées sont bordées au sud par des arbres de haute tige. Des chênes bordent le nord. On observe en bordure de la sauge sclarée, de la prêle, et un tilleul à l'extrême est marquant probablement la limite de propriété. La bordure à l'est est nue. Une bande de vingt mètres carrés est cultivée en petits fruits (cassis, framboises) et comporte une infrastructure agroécologique
<sup class="note" data-contentnote=" Source : Terre de liens, Tour de Plaine, Ferme sur la Commune de Sainte Jalle (Drôme) (V. document du CEREMA, Le bail rural à clauses environnementales [BRE] et le paysage « agroenvironnemental », juin 2015).">1508182843020</sup>.

– Le contrôle annuel. – Le contrôle du respect des pratiques culturales est réalisé annuellement (C. rur. pêche marit., art. R. 411-9-11-4). Il peut être effectué directement par le bailleur, notamment lorsqu'il dispose des compétences nécessaires (par ex. : les employés des conservatoires des espaces naturels, des parcs naturels, des syndicats des eaux, etc.). Le bailleur a également la possibilité de déléguer cette mission à un tiers indépendant au contrat, tel qu'un expert agricole ou un technicien de la chambre agriculture. La réalisation de ce suivi se heurte à son coût, le BRE n'engendrant bien souvent pas de rendement économique. La question du financement des outils écologiquement vertueux se pose à nouveau…

L'autocontrôle participatif

L'association « Terre de Liens » organise régulièrement des visites de fermes par ses groupes locaux. Ces manifestations sont au départ pédagogiques pour les participants, mais permettent également aux membres de l'association de constater les évolutions des parcelles. Un échange intervient avec le preneur sur les travaux en cours et à venir. Terre de Liens qualifie ces opérations « d'autocontrôle participatif » permettant de réaliser à moindre coût le contrôle annuel.

Les sanctions en cas de non-respect des engagements du preneur

Le non-respect des obligations environnementales contractées par le preneur entraîne des sanctions mises en œuvre par le bailleur en cours de bail ou à son terme :
  • la résiliation du bail : le non-respect d'une ou plusieurs clauses du BRE est une cause spécifique de résiliation du bail à l'initiative du bailleur (C. rur. pêche marit., art. L. 411-31, I, 3°). Il s'agit d'une résiliation de plein droit, sauf cas de force majeure ou raison sérieuse et légitime ;
  • le non-renouvellement du bail : conformément aux règles de droit commun du statut du fermage, le non-respect des clauses environnementales permet au bailleur de s'opposer au renouvellement du bail (C. rur. pêche marit., art. L. 411-53) ;
  • l'indemnisation du bailleur : l'indemnité de droit commun pour dégradation du fonds loué est un moyen pour le bailleur d'obtenir réparation du préjudice subi du fait de la négligence du preneur (C. rur. pêche marit., art. L. 411-72).
Les sanctions relevant du statut du fermage (non-renouvellement et indemnisation) sont utilement complétées par la résiliation du bail. En effet, l'enjeu écologique du BRE ne permet pas d'attendre la fin du bail, souvent lointaine, sous peine de dégâts écologiques potentiellement irréversibles.

Un cadre juridique pour l'engagement environnemental : le groupement d'intérêt économique et environnemental (GIEE)

– Définition. – Les GIEE sont des collectifs d'agriculteurs reconnus par l'État s'engageant dans un projet pluriannuel de modification ou de consolidation de leurs pratiques en visant à la fois des objectifs économiques, environnementaux et sociaux (C. rur. pêche marit., art. L. 315-1) 1510829154669. Il s'agit de personnes morales constituées entre des personnes physiques ou morales, dont les exploitants agricoles détiennent la majorité des voix. Leurs activités se rattachent nécessairement à celles de leurs membres, dont elles facilitent ou développent la performance économique. La reconnaissance des GIEE est accordée pour la durée du projet par le représentant de l'État dans la région, à l'issue d'une sélection après avis du président du conseil régional 1510832430967.
– Un projet agroécologique. – Le GIEE crée des synergies territoriales entre plusieurs exploitations pour réaliser des actions relevant de l'agroécologie et améliorer la compétitivité des exploitations agricoles 1510831101143. La dimension sociale du GIEE résulte de mesures améliorant les conditions de travail de ses membres et salariés, l'emploi, ou luttant contre l'isolement en milieu rural.
– Un projet territorial. – Les exploitants agricoles s'appuient sur des partenariats avec les acteurs des filières (coopératives, industries de transformation, distributeurs, etc.) et des territoires (collectivités locales), afin de garantir la pérennisation, la reconnaissance et la valorisation des évolutions apportées à la conduite de leur exploitation.