Au fil du temps, l'obligation de compensation écologique a été étendue et renforcée(Sous-section I). Il convient aujourd'hui d'en appréhender les modalités pratiques(Sous-section II).
La compensation écologique
La compensation écologique
L'évolution de la compensation écologique
Le principe général de la compensation a été repris dans des réglementations spécifiques (§ I). Il a également été renforcé afin d'obtenir des résultats(§ II).
La compensation écologique : un principe général repris dans des réglementations spécifiques
La compensation représente l'ultime recours aux dégâts causés par les aménagements et ouvrages importants à l'environnement (A). Le principe existe dans plusieurs législations, l'objectif étant de protéger des éléments naturels spécifiques (B).
Le principe général de la compensation
– Le champ d'application originel de la compensation. – La séquence « éviter, réduire, compenser » résulte de la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976, ayant créé l'étude d'impact préalable à la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages susceptibles de porter atteinte aux milieux naturels. Depuis, le dispositif a été complété (C. env., art. L. 122-1 à L. 122-3-4 et R. 122-1 à R. 122-14). Il comporte aujourd'hui une évaluation environnementale comprenant une étude d'impact des incidences sur l'environnement
1511006755710.
Le législateur énumère les projets relevant de l'évaluation environnementale, en distinguant ceux qui y sont systématiquement soumis et ceux qui y sont soumis après examen au cas par cas (C. env., art. R. 122-2).
L'étude d'impact comprend notamment les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l'environnement (C. env., art. L. 122-3, II, 2°, c).
Le maître de l'ouvrage joint une description des mesures envisagées pour la protection de l'environnement et pour leur suivi. En cas d'absence de mesure de compensation, le maître de l'ouvrage est tenu d'en justifier l'impossibilité (C. env., art. R. 122-5, II, 8°).
L'étude d'impact comportant un volet réducteur et compensatoire aux atteintes écologiques s'applique également à la réglementation propre aux ICPE (C. env., art. R. 512-8), aux continuités écologiques (C. env., art. L. 371-2) et aux schémas régionaux de cohérence écologique (C. env., art. L. 371-3)
1496567359488.
Son objectif est d'informer l'administration et le public des effets néfastes du projet sur l'environnement. Par ailleurs, pour autoriser le projet, l'autorité compétente prend en considération l'étude d'impact (C. env., art. L. 122-1-1). L'absence d'étude d'impact empêche la délivrance de l'autorisation administrative.
Les compensations spécifiques
– Les législations spécifiques. – La séquence « éviter, réduire, compenser » ne se limite pas à l'étude d'impact.
Le législateur l'a reprise dans plusieurs réglementations spécifiques :
- la protection des sites Natura 2000 (C. env., art. L. 414-4 et s. et R. 414-19 et s.) ;
- la protection des espèces de faune et de flore sauvage (C. env., art. L. 411-1 et s. et R. 411-1 et s.) ;
- la protection des milieux aquatiques et humides (C. env., art. L. 214-1 et s. et R. 214-1 et s.) ;
- les mesures de réparation des dommages environnementaux (C. env., art. L. 162-9) 1496580554733.
Il n'existe pas de cadre réglementaire commun. Par ailleurs, la finalité de la compensation varie d'un texte à l'autre
1496569545568. En effet, chaque législation s'intéresse à la protection d'un élément patrimonial spécifique et la compensation n'est pas ici envisagée comme une protection générale des milieux qualifiés d'ordinaires
1496579730773.
L'effectivité des mesures de compensation visées par toutes ces dispositions est relative, aucune mesure d'accompagnement, de méthode, de contrôle et de sanction n'étant prévue.
Le renforcement de l'obligation de compensation écologique pour la reconquête de la biodiversité
– La compensation écologique dans la loi pour la reconquête de la biodiversité.Face à l'efficacité très limitée des dispositifs protecteurs des milieux naturels, l'obligation de compensation a été récemment renforcée
1497168723418.
Le législateur rappelle d'abord le principe d'action préventive et de correction des atteintes à l'environnement déjà existant. Ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes n'ayant pu être évitées ni réduites. L'objectif visé est l'absence de perte nette de biodiversité, voire un gain de biodiversité (C. env., art. L. 110-1, II, 2°). Par ailleurs, l'objectif d'absence de perte nette concerne tant la biodiversité ordinaire que celle dite « patrimoniale », résultant des milieux naturels rares et des espèces protégées.
Alors que rien n'est précisé concernant les opérations d'évitement et de réduction censées être primordiales, la compensation fait l'objet de règles nombreuses et détaillées (C. env., art. L. 163-1 à L. 163-5)
1497185526521.
Le champ d'application de la compensation existante n'est pas étendu puisque le législateur la limite à la compensation rendue obligatoire par un autre texte législatif ou réglementaire. Mais le législateur apporte à la compensation un cadre juridique plus contraignant favorisant sa mise en œuvre.
La compensation ne se substitue pas aux mesures d'évitement et de réduction. Elle constitue la solution de dernier recours en cas d'atteinte à la biodiversité. Il s'agit aujourd'hui d'une obligation de résultat effective pendant toute la durée des atteintes (C. env., art. L. 163-1).
– Le contrôle en amont des mesures de compensation proposées. – Tout n'est pas compensable. Si les atteintes à l'environnement ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, le projet n'est pas autorisé en l'état (C. env., art. L. 163-1, I).
– Une garantie financière éventuelle. – L'administration a la possibilité d'exiger la constitution de garanties financières destinées à assurer la réalisation des mesures de compensation. En cas de manquement à cette obligation, la procédure de consignation est appliquée (C. env., art. L. 171-8)
1509903090801, indépendamment des poursuites pénales pouvant être exercées (C. env., art. L. 163-4, al. 4, 5 et 6).
La pratique de la compensation écologique
Le maître d'ouvrage, débiteur de l'obligation de compensation, est tenu de réaliser des mesures compensatoires concrètes (§ I). Pour remplir ses obligations, il dispose de plusieurs alternatives, y compris la possibilité de déléguer l'exécution des mesures compensatoires à des acteurs professionnels (§ II).
Les mesures compensatoires
Les mesures compensatoires se matérialisent par des actions concrètes à la charge du maître d'ouvrage (A). Un contrôle dans la durée assure leur efficacité (B).
La nature des mesures compensatoires
– L'équivalence écologique. – Les mesures compensatoires sont soumises au principe de l'équivalence écologique (C. env., art. L. 163-1, I). À ce titre, elles tiennent compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectés.
L'équivalence ne se limite pas à l'application d'un simple ratio de surface. Elle requiert une approche fonctionnelle consistant à évaluer et à comparer la fonctionnalité de la zone atteinte par le projet avec celle du terrain proposé pour la compensation
1497194622374. Ainsi, une petite zone très fonctionnelle est de nature à compenser les atteintes portées à une grande zone l'étant peu, ou inversement.
Par ailleurs, il est possible de mutualiser les surfaces, une même aire étant susceptible d'accueillir plusieurs types de mesures compensatoires
1497706795756.
– La proximité des sites de compensation. – Les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou à proximité (C. env., art. L. 163-1, II, al. 4). Aucune précision n'est donnée sur la notion de proximité. Elle varie en fonction des milieux atteints
1497714154192. Le maître d'ouvrage a l'obligation de s'assurer de la maîtrise foncière des zones supportant les mesures compensatoires.
– Un cadre juridique imprécis. – À l'instar des principes d'équivalence et de proximité, la mise en œuvre technique de la compensation n'est pas précisément définie. S'il est certain que la compensation ne constitue pas un remplacement à l'identique
1497711313231, certains auteurs considèrent toutefois que si la destruction porte sur une espèce ou un milieu rare, la compensation est inacceptable et le projet doit être refusé
1497712199862.
S'agissant de la restauration de milieux vivants, les effets sont parfois différents du résultat escompté initialement, indépendamment de la volonté du maître d'ouvrage. Des mesures d'ajustement sont d'ailleurs prévues pendant la phase effective de compensation
1497713058378. Dans cette hypothèse, l'atteinte du résultat escompté implique une certaine souplesse. L'administration bénéficie à ce titre d'une véritable liberté d'appréciation.
– Une incertitude et des difficultés pratiques. – Le maître d'ouvrage est confronté à une incertitude concernant le caractère suffisant des mesures compensatoires proposées. Par ailleurs, il est souvent difficile de remplir à la fois les exigences d'équivalence écologique et de proximité géographique. Ainsi, il convient de trouver un équilibre entre l'intérêt général du projet et la gravité des atteintes portées à la biodiversité.
Le contrôle des mesures compensatoires dans la durée
– Le contrôle du respect et de l'efficacité des mesures de compensation adoptées. – En cas de non-respect des mesures de compensation prévues, le maître d'ouvrage défaillant est mis en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé. En cas de non-respect de cette mise en demeure dans le délai imparti, les mesures prescrites sont exécutées d'office, en lieu et place du maître d'ouvrage et à ses frais (C. env., art. L. 163-4, al. 1 et 2).
Par ailleurs, si les mesures de compensation sont insuffisantes au regard de l'équivalence écologique, des prescriptions complémentaires sont ordonnées (C. env., art. L. 163-4, al. 3).
Des amendes et astreintes sont également susceptibles d'être infligées (C. env., art. L. 171-8).
– L'incertitude sur la durée de l'obligation de compensation. – Les maîtres d'ouvrage sont redevables de la mesure de compensation pendant toute la durée des atteintes (C. env., art. L. 163-1, I, al. 2).
Cette obligation implique que la compensation soit effective avant toute destruction opérée par le maître d'ouvrage. Or, les délais d'exécution des mesures (maîtrise foncière, aménagements techniques, réhabilitation de l'écosystème, etc.) sont souvent incompatibles avec ceux des projets autorisés.
Par ailleurs, les atteintes à la biodiversité disparaissent rarement avec le temps. Or, il est difficilement concevable que le maître d'ouvrage reste débiteur de l'obligation de compensation sans limitation de durée. Dans l'intérêt de tous, il conviendrait de sanctuariser les terres servant de support à la compensation. À défaut, elles pourraient à terme être elles-mêmes artificialisées.
L'exécution des mesures compensatoires
Plusieurs systèmes permettent d'exécuter les mesures compensatoires, au choix du maître d'ouvrage (A). Les agriculteurs sont à ce titre des acteurs incontournables du dispositif (B).
Les différentes manières de compenser
L'obligation de la compensation est susceptible d'être réalisée par la demande (I)ou par l'offre (II).
La compensation par la demande
La compensation par la demande consiste à exécuter les actions demandées par l'administration.
Elle peut être réalisée directement par le maître d'ouvrage ou par un tiers spécifique (a). L'obligation réelle environnementale est utile à la réalisation des mesures compensatoires par la demande et son utilisation mérite d'être encouragée (b).
La compensation directe ou déléguée
– La compensation directe. – Le maître d'ouvrage débiteur de l'obligation de compensation est en mesure d'y satisfaire directement (C. env., art. L. 163-1, II). Cette solution simple présente néanmoins deux inconvénients pour le maître d'ouvrage :
- il est rare qu'il dispose des compétences techniques nécessaires ;
- il doit s'assurer de la maîtrise foncière des terrains supportant les mesures compensatoires.La maîtrise foncière résulte :
Outre la difficulté de trouver un terrain, les coûts engendrés par la maîtrise foncière risquent de grever l'économie financière du projet.
– La compensation déléguée. – Le maître d'ouvrage a également la faculté de confier la réalisation des mesures de compensation à un tiers, dénommé « opérateur de compensation » (C. env., art. L. 163-1, II). Il s'agit d'une personne publique ou privée chargée de mettre en œuvre une obligation de compensation pour le compte de son débiteur légal et de la coordonner à long terme (C. env., art. L. 163-1, III). Le maître d'ouvrage est ainsi libéré des tâches matérielles et techniques. Néanmoins, il reste seul responsable de la réalisation des mesures compensatoires (C. env., art. L. 163-1, II, al. 2). La maîtrise foncière est assurée soit par le maître d'ouvrage, soit par l'opérateur de compensation.
Un nouvel outil : l'obligation réelle environnementale
– L'obligation réelle environnementale (ORE). – L'obligation réelle environnementale est une création de la loi pour la reconquête de la biodiversité
1498399396110. Elle offre un cadre juridique aux propriétaires souhaitant participer à la protection de l'environnement de manière pérenne (C. env., art. L. 132-3). L'obligation réelle environnementale peut être utilisée à des fins de compensation. Sa pérennité est appropriée à celle exigée des mesures compensatoires.
Pour assurer cette pérennité, le contrat est établi en la forme authentique et publié au service de la publicité foncière. Il n'est passible d'aucun droit d'enregistrement ou de taxe de publicité foncière.
Le dispositif est ouvert aux propriétaires de biens immobiliers. Il s'agit d'un acte de disposition. À ce titre, l'accord de l'usufruitier et du nu-propriétaire s'impose en cas de démembrement de propriété.
Tous les biens immobiliers sont éligibles, peu important leur ampleur ou leur situation géographique. Le contrat peut ainsi se limiter à un morceau de jardin ou une haie, situé en zone A, N ou U d'un PLU. Si l'obligation ne porte pas sur l'intégralité de la parcelle cadastrale, il convient d'être précis sur la partie concernée ou de l'identifier préalablement dans un document d'arpentage
1498401553913.
Le cocontractant est une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement. Hormis cette dernière précision, aucune condition supplémentaire n'est exigée de la personne morale de droit privé contractante. Aucune garantie ou contrôle de compétence n'est mis en place, ni aucun agrément préalable. Le texte semble exclure les aménageurs, débiteurs de la compensation
1498402447188. À suivre cette analyse, les opérateurs de compensation délégués ne profiteraient du mécanisme que s'ils relèvent des catégories de personnes énumérées. Certains auteurs estiment toutefois qu'une telle interprétation n'est pas conforme à la volonté du texte et que les opérateurs de compensation et les aménageurs relèvent des contractants éligibles à l'ORE
1498403025673.
L'obligation réelle environnementale a pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de biodiversité ou de fonctions écologiques. Elle bénéficie d'une liberté contractuelle forte.
Certaines mentions sont néanmoins obligatoires :
- sa durée.L'essence de l'ORE est sa pérennité. Pourtant, aucune durée minimale n'est exigée. Le contrat n'étant pas non plus limité dans sa durée, il varie d'un jour à quatre-vingt-dix-neuf ans 1498403573924 ;
- les engagements réciproques des parties.La philanthropie du propriétaire, résultant pourtant de la nature même de l'obligation, est refusée. Il s'agit d'un contrat à titre onéreux. Toutefois, rien n'exige l'équilibre des engagements réciproques. L'engagement du propriétaire est une prestation de faire ou de ne pas faire 1498408375014 ;
- les possibilités de révision et de résiliation.
L'engagement du propriétaire vaut pour la durée du contrat, y compris pour les propriétaires ultérieurs du bien.
Les droits des tiers sont préservés :
- le preneur à bail rural donne son accord préalable au contrat, sous peine de nullité. Le défaut de réponse du preneur dans le délai de deux mois vaut acceptation. Tout refus de sa part doit être motivé, ce qui laisse présager de nombreux contentieux portant sur la validité du motif ;
- la mise en œuvre d'une obligation réelle environnementale ne doit pas remettre en cause les droits de chasse et leurs réserves.
Les communes ont la faculté d'exonérer de taxe foncière les terrains supportant une ORE. À défaut d'incitations financières plus conséquentes, le développement de ce nouvel outil est malheureusement incertain.
Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi « Biodiversité », soit au plus tard le 8 août 2018, un rapport sur la mise en œuvre de ce mécanisme et sur les moyens de renforcer son attractivité, notamment au moyen de dispositifs fiscaux incitatifs, sera déposé par le gouvernement
1511109672271.
La compensation par l'offre
La compensation par l'offre est également une innovation de la loi pour la reconquête de la biodiversité. Elle permet au maître d'ouvrage d'acquérir des unités de compensation dans un site naturel de compensation (C. env., art. L. 163-1, II, al. 1).
– Les intérêts du système. – Les sites naturels de compensation sont mis en place par des personnes publiques ou privées mettant en œuvre les mesures de compensation de manière anticipée et mutualisée (C. env., art. L. 163-3, al. 1).
Conformément aux exigences légales, le site naturel support de la compensation est obligatoirement réhabilité avant le début des travaux du maître d'ouvrage
1497791361893. La compensation par l'offre permet d'optimiser un site naturel réhabilité grâce à la mutualisation. Un même site est en effet susceptible de compenser plusieurs projets portant atteinte à la biodiversité de façon différente.
Le maître d'ouvrage est déchargé de la gestion matérielle et technique des mesures de compensation, ainsi que de la maîtrise foncière.
– L'agrément préalable du site naturel de compensation. – Préalablement à l'émission des unités de compensation, le site est agréé (C. env., art. L. 163-3, al. 2). En pratique, l'agrément porte tant sur la qualité de l'opérateur que sur le site lui-même.
Les personnes publiques ou privées souhaitant être agréées doivent disposer des capacités techniques et financières nécessaires à la réalisation des mesures compensatoires et justifier des droits sur les terrains d'assiette du site naturel de compensation (C. env., art. D. 163-1).
Le dossier d'agrément comporte un rapport décrivant :
- l'état écologique initial du site ;
- l'état écologique final visé ;
- l'identification des habitats et espèces susceptibles de faire l'objet d'une compensation ;
- la composition, le nombre et le prix des unités de compensation ;
- les mesures écologiques envisagées permettant de justifier un gain écologique et les modalités d'évaluation de ce gain 1497794029255.
Le dossier d'agrément comprend également la durée de l'engagement de l'opérateur et les raisons justifiant cette durée. La durée de validité de l'agrément est d'au minimum trente ans (C. env., art. D. 163-5).
Les mesures compensatoires sont nécessairement mises en œuvre avant la vente des unités de compensation correspondantes (C. env., art. D. 163-8, al. 1). Elles font l'objet d'un suivi et d'une évaluation. À cet effet, l'opérateur transmet chaque année un rapport à l'administration (C. env., art. D. 163-8, al. 2). L'agrément est modifié ou retiré si le site naturel de compensation ne remplit plus ses obligations (C. env., art. D. 163-7, al. 1). Un comité de suivi local du site est instauré sous la présidence du préfet de région (C. env., art. D. 163-9).
Les sites naturels de compensation existants
Le premier site naturel de compensation à avoir vu le jour est la réserve d'actifs naturels de Cossure située en plaine de Crau. Ce projet a été initié par la CDC Biodiversité en 2008 pour une durée initiale de trente ans. Il porte sur 357 hectares, chaque hectare équivalant à une unité de compensation valorisée à 44 000 €. En février 2018, 175 unités étaient vendues, soit un peu moins de la moitié.
Depuis 2014, le conseil départemental des Yvelines porte une réserve d'actifs naturels de cinq sites variant de un à quarante-cinq hectares, pour une action d'une durée de trente ans. Il s'agit du premier opérateur public de compensation par l'offre.
Deux autres sites ont été référencés :
- l'un en région Rhône-Alpes à l'initiative d'EDF, conduit par l'association « Initiative Biodiversité Combe Madame », à l'effet de compenser les impacts des installations hydroélectriques et des stations de ski ;
- l'autre dénommé « Sous-bassin versant de l'Aff », à l'initiative du bureau d'études Dervenn, portant sur l'accompagnement des agriculteurs vers un changement de pratiques en vue de compenser les impacts sur les zones humides et la biodiversité ordinaire.
– Le respect des principes généraux de la compensation écologique. – La compensation par l'offre ne déroge pas aux principes généraux de la compensation écologique, notamment à ceux d'équivalence écologique et de proximité
1497797281939. L'opérateur est assujetti aux mêmes obligations, notamment en ce qui concerne le caractère suffisant des mesures compensatoires envisagées et au résultat à atteindre. Il ne s'agit pas pour le maître d'ouvrage de solder ses obligations de compensation par un chèque, mais de contractualiser avec un opérateur ayant réalisé en amont la mesure compensatoire équivalente
1497797449079.
– Le maintien de la responsabilité du maître d'ouvrage. – La compensation par l'offre n'est qu'une modalité d'exécution de la compensation par le maître d'ouvrage. Il ne remplit pas son obligation en achetant des unités de compensation. Le maître d'ouvrage reste seul responsable à l'égard de l'administration (C. env., art. L. 163-1, II, al. 2).
À ce titre, il est informé par l'administration de la mise en œuvre de la procédure de modification ou de retrait de l'agrément (C. env., art. D. 163-7, al. 3). Les conséquences d'un retrait d'agrément pour le maître d'ouvrage ne sont pas précisées. Or, la souscription d'une assurance par l'opérateur en cas de défaillance n'est pas obligatoire. Dans cette hypothèse, le maître d'ouvrage est contraint de trouver de nouvelles mesures compensatoires pour remplir l'obligation dont il n'est pas déchargé. À défaut, il encourt les sanctions prévues par le législateur
1497801036280.
– Les critiques du dispositif. – Le dispositif de la compensation écologique, et plus particulièrement celui de la compensation par l'offre, fait débat. Il est considéré par certains comme un droit à détruire
1497799207993. À l'inverse, certains maîtres d'ouvrage préférant abandonner leur projet plutôt que de procéder aux mesures compensatoires l'accusent d'être un frein à la croissance
1497800304130. D'autres encore arguent d'un risque de marchandisation de la nature.
La difficulté est de trouver un juste équilibre entre le prix de vente des unités de compensation et leur coût de revient. Il existe également un risque d'accaparement du foncier disponible par des banques de compensation, au détriment des maîtres d'ouvrage.
Lesou banques de compensation
La compensation par l'offre s'inspire desmitigation banksou banques de compensation, mises en place aux États-Unis depuis les années 1990, particulièrement pour la protection des zones humides. Contrairement au dispositif français, le maître d'ouvrage américain n'est plus responsable des mesures compensatoires après paiement.
Certains États très peuplés disposant de peu de foncier disponible, tels que le New Jersey, réhabilitent leurs nombreuses friches industrielles à titre de compensation. Le coût est élevé. Depuis ces expériences, les demandes d'autorisation de construire n'ont pas augmenté. Certains propriétaires abandonnent même leur projet de construction pour s'orienter vers la constitution d'une réserve d'actifs naturels. Cette situation est probablement due au coût important de la compensation des zones humides aux États-Unis
1497777819364.
Le bilan du dispositif américain est mitigé. La restructuration des fonctions des zones humides est un échec et la gestion à long terme fait défaut
1497793201709.
– Le cumul des systèmes. – La compensation par la demande ou par l'offre est mise en œuvre par le maître d'ouvrage de manière alternative ou cumulative (C. env., art. L. 163-1, II, al. 3). La dualité du système offre ainsi au maître d'ouvrage une souplesse bienvenue, favorisant l'accomplissement de ses obligations.
– Les actions concrètes. – La compensation écologique ne se limite pas à sanctuariser un milieu naturel. Elle résulte d'actions concrètes, permettanta minimade conserver la qualité environnementale des milieux, voire de les améliorer. Ces actions consistent à restaurer des milieux et des espèces ou à les conserver. L'agriculteur est à ce titre un acteur incontournable de la compensation écologique.
L'agriculteur, un acteur incontournable de la compensation écologique
L'agriculteur dispose du foncier permettant d'accueillir des opérations de compensation écologique. Il possède également les compétences techniques et le matériel à cet effet. Il convient de contractualiser ces nouveaux services (I)lui permettant de se procurer un revenu complémentaire en diversifiant son activité (II).
Les différents contrats utilisables
– Le contrat de prestation de services. – L'agriculteur a la possibilité de proposer ses services au maître d'ouvrage en réalisant directement les mesures compensatoires
1506867663156.
Les opérateurs de compensation et les propriétaires de sites naturels de compensation ont également l'obligation de réaliser des mesures de réhabilitation et de conservation pour remplir leur mission à l'égard du maître d'ouvrage. À cet effet, ils sont susceptibles de solliciter l'agriculteur. Dans ces hypothèses, l'agriculteur conclut librement un contrat de prestation de services
1506874425216.
L'agriculteur intervient ainsi mission par mission, son cocontractant restant seul responsable de la réalisation des mesures compensatoires.
– Le bail rural environnemental. – Le maître de l'ouvrage, l'opérateur de compensation ou le propriétaire d'un site naturel de compensation a la possibilité de proposer à un agriculteur de cultiver les terrains dont il dispose.
Le bail rural à clauses environnementales est un bail soumis au statut du fermage comportant des clauses garantissant le maintien de pratiques culturales spécifiques visant à préserver l'environnement (C. rur. pêche marit., art. L. 411-27)
1506870811806.
Ces obligations environnementales sont susceptibles de constituer des actions de compensation. Au surplus, la conclusion d'un bail à long terme permet d'assurer leur pérennité. En contrepartie, le fermage n'est pas concerné par le plancher du barème arrêté par le préfet. Le preneur a la possibilité de négocier un fermage réduit, en considération des charges environnementales dont il est redevable. Il est probable que les pratiques culturales prescrites tendent vers une agriculture moins intensive, réduisant ainsi le revenu de l'agriculteur. Pour compenser cette perte et rendre le bail rural environnemental attractif, il serait judicieux de rémunérer l'agriculteur pour services environnementaux, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui
1509807773483.
– Les paiements pour services environnementaux. – Les paiements pour services environnementaux consistent à rémunérer les usagers du sol pour les bienfaits environnementaux produits
1506978021285.
Les maîtres d'ouvrage, débiteurs de mesures compensatoires, rémunèrent un agriculteur s'engageant à modifier ses pratiques culturales en faveur de l'environnement, à s'intéresser aux paysages tels que les haies, les talus, les fossés et les zones humides. Il ne s'agit pas de rémunérer un agriculteur respectant la réglementation en vigueur, mais de valoriser la démarche volontaire de l'agriculteur allant au-delà des exigences obligatoires.
Ainsi, il est probable que l'agriculteur devienne un opérateur de la compensation, aucun agrément préalable n'étant requis.
– L'obligation réelle environnementale. – L'obligation réelle environnementale (ORE) est utilisable à des fins de compensation
1506869713132. Ainsi, l'agriculteur propriétaire de ses terres a la faculté de conclure librement un tel contrat avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé, agissant lui-même en qualité d'opérateur de compensation ou de détenteur de site naturel de compensation. Le propriétaire bailleur a également la faculté de conclure une ORE, sous réserve de l'accord préalable du preneur. L'exploitant en place bénéficie ainsi de l'opportunité de se faire rémunérer des services environnementaux réalisés sur le terrain soumis à l'ORE.
– La transmission des dettes environnementales de l'agriculteur. – Les obligations réelles environnementales obligent le praticien à adopter de nouveaux réflexes dans le cadre d'une transmission d'exploitation agricole
1507479083243.
En effet, l'obligation réelle environnementale, ayant un caractère réel, se transmet de plein droit à l'acquéreur de l'immeuble. À ce titre, la publication de l'ORE au service de la publicité foncière est un gage de sécurité juridique. En revanche, cette publicité n'est pas opérante si l'agriculteur cédant est locataire de terres grevées d'une ORE.
À l'inverse de l'ORE, les dettes environnementales résultant d'un bail rural environnemental ou de paiements pour services environnementaux sont personnelles à l'exploitant. La cession de ces contrats nécessite l'accord du repreneur et le consentement exprès du créancier environnemental. Le cessionnaire devient garant des manquements du cédant à ses obligations. Il est de bonne pratique de prévoir des garanties à cet effet. En l'absence de reprise des contrats par le cessionnaire, le vendeur reste débiteur des obligations. Ayant cédé le support, il prend le risque d'être incapable d'exécuter son contrat et d'en supporter les sanctions.
Un revenu imposable
– Une activité commerciale. – Les bénéfices de l'exploitation agricole relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles (BA). Toutefois, les prestations environnementales à des fins de compensation ne relèvent pas de l'exploitation de biens ruraux. Cette activité extra-agricole est imposable dans la catégorie des BIC. L'agriculteur reste néanmoins soumis aux BA si les revenus retirés de l'exercice d'une activité commerciale sont accessoires
1506895907784.
L'agriculture traditionnelle souffre d'une insuffisance de rentabilité. La protection des milieux naturels et de la biodiversité permet une diversification bienvenue des activités de l'agriculteur.
À ce jour, il est cependant impossible de prédire :
- les besoins réels des maîtres d'ouvrage et autres opérateurs de compensation ;
- le niveau de reconnaissance des services environnementaux rendus par les agriculteurs ;
- et la rentabilité de ces services.
L'imposition de cette activité aux titres des BIC risque au surplus de détourner les agriculteurs de ce secteur. L'instauration d'une fiscalité spécifique sera probablement nécessaire au développement de cette filière.
Parallèlement à la compensation écologique, d'autres réglementations prévoient également des mesures de compensation. Ces compensations disposent d'un régime propre.