Le mandat de protection future pour autrui a1037

Le mandat de protection future constitue l'innovation juridique emblématique de la loi du 5 mars 2007 poursuivant la contractualisation du droit de la famille et plus particulièrement de la protection des personnes vulnérables.
Le mandat de protection future, défini à l'article 477 du Code civil, permet à toute personne majeure ou tout mineur émancipé de charger une ou plusieurs personnes de le représenter pour le cas où, pour l'une des causes prévues à l'article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts . Ce mandat de protection est conçu pour soi. Un mandat stipulé pour autrui serait en effet liberticide . Pourtant, à titre dérogatoire, le 3e alinéa de l'article 477 permet aux parents de désigner un ou plusieurs mandataires chargés de représenter leur enfant handicapé.
Le régime juridique du mandat de protection future révèle sa nature hybride. Mesure de protection, l'ordre public du droit des personnes s'impose et son fonctionnement caractérise une nature institutionnelle. Mesure de prévision, la liberté contractuelle ouvre le champ de l'innovation juridique et du sur-mesure. Ce mandat représente la technique contractuelle d'anticipation par excellence en matière de protection des vulnérables.
Pourtant, dix ans après son entrée en vigueur, son utilisation demeure faible. Il n'est pas entré dans les m?urs des citoyens et des praticiens. Au-delà d'une mesure technique, ce type de réforme peine à se déployer en raison du changement culturel qu'elle produit. La protection des personnes évolue d'un système dirigiste sous contrôle judiciaire étroit dont l'objet était de protéger une personne, traitée quasiment comme spectateur de sa protection, dans son intérêt supérieur présumé, vers un système plus respectueux des libertés individuelles dans lequel la personne à protéger et sa famille sont mises au centre du dispositif et pour lequel les techniques contractuelles et le pouvoir de la volonté sont mis en avant. Nous sommes dans cette période transitoire dans laquelle les techniques anciennes telles que la tutelle et la curatelle perdurent et forment le socle de la protection des personnes et dans laquelle les techniques nouvelles peinent à émerger. Les premières sont sécurisantes car elles sont connues et la validation judiciaire systématique renforce leur efficacité juridique. Les secondes paraissent moins rassurantes car moins connues ; elles sortent du cadre réglementaire et la liberté peut faire craindre des abus si un contrôle efficace n'est pas organisé. Il faudra peut-être qu'une génération se passe pour abandonner nos réflexes anciens et que la pratique du mandat de protection future se banalise.
En tout état de cause, les fondamentaux demeurent. La sécurité juridique se nourrit de confiance et une mesure de protection ne peut être efficace que si elle respecte un délicat équilibre entre la dignité de la personne en organisant une protection efficace, le respect de ses droits et libertés fondamentaux, et enfin la sécurité juridique et les droits des tiers. Rompre cet équilibre, privilégier un intérêt au détriment des autres nuirait à la cohérence et à l'efficacité de l'ensemble de la mesure.
Le mandat de protection future pour autrui constitue donc une mesure, un outil contractuel, à la disposition des parents soucieux du devenir de leur enfant handicapé pour le jour où ils ne seront plus là pour assumer eux-mêmes sa protection . Grâce à ce contrat, les parents d'un enfant handicapé peuvent désigner un mandataire, une personne de confiance qui sera chargée de s'occuper de cet enfant en cas de décès ou d'incapacité des parents. Le mandat, technique de représentation, se classe parmi les contrats conclus intuitu personae car il repose sur un lien de confiance entre le mandant et son mandataire. Le mandat de protection future est l'expression la plus aboutie de cette relation de confiance entre deux personnes qui va se formaliser aux termes d'un contrat créateur d'obligations juridiques et dont l'objet est la protection d'une tierce personne .
Dans ce contrat très particulier, lourd de conséquences juridiques, le notaire joue un rôle central à chaque étape décisive. Lors de la conclusion du mandat de protection future pour autrui, le conseil est primordial car l'établissement de ce mandat constitue un exercice d'anticipation délicat (Section I). Mais c'est lors de l'activation du mandat que la confiance placée dans le mandataire va se déployer (Section II) sous le contrôle notamment du notaire.