Les objectifs de la réglementation propre aux meublés touristiques

Les objectifs de la réglementation propre aux meublés touristiques

Avant l'arrivée des plateformes de réservation (Abritel, Airbnb, etc.), les touristes avaient le choix pour se loger entre l'hôtellerie traditionnelle, des structures spécialement dédiées à cette activité du type village de vacances ou chambre d'hôtes, et quelques maisons et appartements loués quelques semaines par an.

Les raisons de cette réglementation

Depuis l'apparition d'internet et de l'économie du partage, il est devenu très aisé de trouver une chambre, un appartement ou une maison à louer pour quelques jours ou quelques semaines dans les villes les plus touristiques du monde. Mais cette explosion des sites de réservation (plus de 20 % de progression chaque année et même 35 % entre 2018 et 2019) fait dire à certain que « l'économie du partage est devenue une économie de la prédation » et que cette activité doit être réglementée pour en réduire les nuisances. Au titre des nuisances entraînées par le « surtourisme », il a pu être avancé les raisons suivantes :
La disparition des logements consacrés à l'habitation pérenne est la principale raison invoquée par les autorités pour réglementer la location de meublés touristiques. La ville de Paris estime qu'environ 20 000 logements ont disparu de la location traditionnelle au profit de cette activité . Cette tendance serait particulièrement importante dans les quartiers les plus touristiques .
Hausse des prix et des loyers. La hausse des prix et des loyers dans ces secteurs écartant les habitants traditionnels est également une raison majeure de l'inquiétude des maires des villes concernées par ces réservations. La hausse des prix de l'immobilier dans le centre historique de certaines villes comme Bordeaux (10 à 15 % par an) entraîne une évolution du prix des locations. Une location saisonnière multipliant par 2,7 la rentabilité financière d'un appartement par rapport à une location classique, certains investisseurs ont vite compris où était leur intérêt.
Perte d'identité de quartiers. La perte d'identité de quartiers entiers est liée à un afflux important de visiteurs qu'autorise la multiplication de locations de courte durée. Ainsi Barcelone aurait ainsi vu son célèbre quartier des « Ramblas » devenir un lieu de rendez-vous pour les noceurs tout au long de l'année, au point que ses habitants déclarent aujourd'hui que le tourisme est devenu le problème principal de leur ville et manifestent en brandissant des pancartes « ce n'est pas du tourisme, c'est une invasion » .
Les commerces situés dans les quartiers fréquentés par ce tourisme de masse tendent à évoluer. Les petits commerces et les artisans sont remplacés par des boutiques de luxe ou des magasins de souvenirs.
Les problèmes de voisinage semblent également un point de friction important entre le locataire de courte durée et les résidents habituels au motif que les premiers souhaitent profiter de leur séjour alors que les seconds recherchent la tranquillité. Des copropriétaires se plaignent d'être régulièrement dérangés par un locataire de courte durée qui cherche à entrer dans l'immeuble dont il n'a pas le code ou qui se montre particulièrement incivique au motif qu'il est là pour une courte période .
Ainsi les copropriétaires peuvent trouver dans le règlement de copropriété la justification à une interdiction à la location de courte durée. La Cour de cassation a précisé que les locations de meublés touristiques ne correspondent pas à la destination d'un immeuble à usage mixte professionnel et d'habitation excluant toute activité commerciale .

Les limites fixées par la décision de la Cour de justice de l'Union européenne

À la suite d'une question préjudicielle posée par la Cour de cassation, la législation relative à la location meublée touristique va être étudiée par la Cour de justice de l'Union européenne .
Avant de lister les six questions posées par la Cour de cassation, il faut préciser que cette question préjudicielle emporte des conséquences importantes, tant pour les procédures en cours devant les tribunaux que pour l'avenir juridique de l'activité de location meublée touristique en France. En effet, la décision de la Cour de justice n'est pas un simple avis mais, par sa réponse, elle lie la Cour de cassation par la position qu'elle adopte sur les questions posées .
La première question porte sur le champ d'application de la directive Services no 2006/123/CE du 12 décembre 2006. Celle-ci s'applique-t-elle à la location à titre onéreux, même à titre non professionnel, de manière répétée et pour une courte durée, d'un local meublé à usage d'habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, notamment au regard des notions de prestataire de services ?
La deuxième est relative au régime applicable en cas de réponse positive à la question précédente : régime des autorisations de l'activité au sens des articles 9 à 13 de la directive ou exigences interdites soumises aux dispositions des articles 14 et 15.
La troisième concerne la justification de cette réglementation compte tenu de l'objectif de lutte contre la pénurie de logements (l'article 9, 1.b de la directive précise qu'un régime d'autorisation peut être justifié par une raison impérieuse d'intérêt général).
La quatrième porte sur la proportionnalité de ces mesures par rapport à l'objectif poursuivi,
La cinquième concerne le caractère clair, non ambigu et objectif des critères utilisés par la réglementation (l'article 10, § 2, d et e de la directive précise que les conditions d'autorisation doivent répondre à ces critères).
La sixième et dernière question est relative au caractère transparent, accessible et rendu public à l'avance des critères utilisés par la réglementation (l'article 10, § 2, f et g de la directive précise que les conditions d'autorisation doivent répondre à ces critères).
La Cour a donc sursis à statuer et a renvoyé à son audience du 10 décembre 2019. À ce jour, la date de cette audience n'est pas fixée et les conclusions de l'avocat général ne sont pas encore connues.
Une fois que la Cour de justice se sera prononcée sur ces questions, « il n'est pas à exclure que la Cour européenne des droits de l'homme soit saisie - après épuisement des voies de recours internes - sur le fondement du protocole additionnel no 1 pour la protection du droit de propriété mis à mal par les contraintes imposées en France pour la gestion du patrimoine immobilier privé » .

Pratique

Ainsi, dans l'hypothèse où la location meublée saisonnière est admise comme relevant de la directive Services, les tribunaux ne seront plus en mesure d'appliquer les sanctions prévues par la réglementation que nous allons exposer.