L'attribution et l'exercice de l'autorité parentale

L'attribution et l'exercice de l'autorité parentale

- Une diversité de situations familiales. - Après une séparation, la famille présente un nouveau visage. La liberté individuelle constituant désormais le principe d'organisation familiale, la diversité des situations en est la conséquence. La famille peut demeurer fractionnée. Parfois, assez rarement, elle se reconstitue. Le plus souvent, elle se recompose en s'adjoignant un autre conjoint ou un groupe familial complet et là, toutes les combinaisons sont possibles. Ces combinaisons peuvent se compliquer en mélangeant les générations, voire les genres. En outre, ce mouvement de construction, dissolution et reconstitution de liens familiaux peut se produire plusieurs fois durant une vie.
Lorsque les parents se séparent, les enfants sont souvent malgré eux au C?ur des conflits familiaux. Ils sont l'enjeu et le prétexte de disputes entre les parents, parfois une prise de guerre. Dans ces situations familiales conflictuelles, il convient d'étudier comment la loi les protège et comment sont alors aménagées les conditions d'attribution et d'exercice de l'autorité parentale. Pour appréhender la diversité des situations familiales, la loi a posé deux principes directeurs : la coparentalité et l'intérêt de l'enfant.
- La coparentalité. - L'article 372 du Code civil pose le principe de l'exercice commun de l'autorité parentale par les père et mère. Les deux parents, qu'ils soient mariés ou non, exercent conjointement l'autorité parentale si la filiation de l'enfant est établie à leur égard avant qu'il n'ait l'âge d'un an.
Lorsque les parents sont séparés, le principe demeure. L'article 373-2 du Code civil est rédigé ainsi : « La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale. Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent ». La loi du 4 mars 2002 a posé le principe du maintien de l'autorité parentale conjointe même en cas de séparation, qu'il y ait divorce ou séparation de fait du couple. Bien que séparés, les parents doivent continuer à élever ensemble leurs enfants. Selon les v?ux du législateur, la séparation du couple conjugal ne doit pas conduire à la remise en cause du couple parental.
Cet article 373-2 pourrait être considéré comme une hypocrisie législative, un déni de la réalité des familles. Le législateur tire au contraire les conséquences du principe de liberté de la désunion en appliquant celui de la responsabilité. Les parents qui usent de leur liberté de séparation doivent assumer leurs responsabilités collectives et individuelles de parents en adaptant les modalités d'exercice de l'autorité parentale à leur nouvelle situation familiale. La loi encourage à cet égard la conclusion de conventions relatives à l'exercice de l'autorité parentale . En cas de conflit, le juge doit s'efforcer de concilier les parties. Il peut leur proposer une mesure de médiation, voire leur enjoindre de rencontrer un médiateur familial . Le juge régalien qui dit le droit et tranche des litiges s'efface désormais derrière le juge conciliateur qui peut enjoindre aux parties de trouver un accord.
Ces principes de liberté et de responsabilité étant rappelés, la réalité est cependant plus complexe. Dans des situations familiales conflictuelles, l'émotion et le ressentiment prennent souvent l'ascendant sur la raison et la négociation d'un accord sur l'exercice de l'autorité parentale s'en trouve compliquée. La culture du deal et de la transaction propre aux affaires se déploie difficilement dans les relations familiales. Lorsque aucune solution négociée n'a été trouvée, le juge doit finalement trancher en fonction de l'intérêt de l'enfant.
- L'intérêt de l'enfant. - « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. » Ainsi s'exprime la Convention internationale des droits de l'enfant en son article 3-1. Le législateur français a repris à son compte cette notion d'intérêt de l'enfant qui constitue le fil conducteur des dispositions relatives à l'autorité parentale. En cas de conflit entre les parents, le juge aux affaires familiales doit régler les questions qui lui sont soumises « en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs » .
Le juge doit donc se référer à l'intérêt de l'enfant pour fonder sa décision. La doctrine a toujours considéré que cette notion devait être utilisée avec prudence, tant elle est fuyante et propre à favoriser l'arbitraire judiciaire . Bien que malléable et subjective, cette notion constitue la clé des décisions judiciaires concernant les enfants rendues en matière familiale. Au doyen Carbonnier d'ajouter, non sans malice, que cette clé ouvre sur un terrain vague .
Que signifie en effet une notion aussi insaisissable que l'intérêt de l'enfant ? Doit-on considérer son intérêt financier et social ? Doit-on privilégier son intérêt éducatif ou encore faire primer le lien affectif ? Cette notion que l'on ne peut définir a pourtant pris une place prépondérante dans le droit de l'enfance. Elle présente de multiples facettes et fait appel à la fois à la raison et à la subjectivité. Elle offre au juge une grande marge d'appréciation, voire un arbitraire.
La pénétration de l'intérêt de l'enfant dans le droit de la famille a modifié sa nature. Le juge n'applique plus des règles de droit objectif qui organisent les rapports familiaux selon un modèle familial privilégié par le législateur. Le droit est à géométrie variable en fonction de chaque situation familiale. Le juge doit faire la balance des intérêts en cause et privilégier celui de l'enfant. Le juge aux affaires familiales est ainsi amené à juger en équité. On peut se féliciter de la primauté accordée à la protection des personnes vulnérables. Cependant, la prévisibilité et la compréhension de la règle de droit souffrent de ces notions qui font appel à la subjectivité, voire l'empathie.
- Le droit des enfants lors de la séparation des parents non mariés. - Lorsque les parents sont concubins, l'union se défait comme elle s'est faite, sans formalisme ni procédure. Les parents doivent s'accorder sur le sort de leur enfant. À défaut, le juge sera saisi par le plus diligent.
Lorsque les parents sont soumis à un Pacs, la désunion, qu'elle soit une décision commune ou unilatérale, doit respecter un certain formalisme . Ce dernier est très sommaire et la loi ne contient aucune disposition quant au sort des enfants en cas de dissolution du Pacs. Là encore, les parents doivent convenir des modalités d'exercice de l'autorité parentale et de contribution à l'entretien des enfants. En cas de conflit, le juge aux affaires familiales tranchera.
- Les droits de l'enfant dans la procédure de divorce de ses parents. - Il n'y a que dans la procédure de divorce s'appliquant aux parents mariés que la loi contient quelques dispositions relatives aux enfants. Il convient de distinguer selon la procédure de divorce mise en ?uvre.
- Divorce par consentement mutuel sous signature privée. - Le divorce par consentement mutuel par acte sous seing privé contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d'un notaire est ouvert aux époux qui sont d'accord tant sur le principe de la rupture du mariage que sur ses conséquences . La convention de divorce doit contenir certaines mentions obligatoires. Elle doit définir les conditions d'exercice de l'autorité parentale sur les enfants et notamment leur résidence, le montant des pensions alimentaires qui leurs sont dues ou la justification de l'absence de versement, la prise en charge, financière et matérielle, des trajets entre les domiciles des parents et, en cas de résidence alternée des enfants, il est utile de désigner le parent qui sera attributaire des prestations familiales.
Deux précisions s'imposent concernant les droits des enfants dans cette procédure de divorce totalement libéralisée.
Le divorce par consentement mutuel sans juge est exclu lorsque l'un des enfants mineurs du couple exerce son droit de demander à être entendu par le juge. Le divorce par consentement mutuel demeure possible, mais selon la procédure judiciaire.
La convention de divorce doit mentionner, à peine de nullité, que le mineur a été informé de son droit à être entendu par le juge et qu'il ne souhaite pas faire usage de cette faculté . Cette obligation d'information est mise à la charge des parents qui doivent attester, dans la convention, l'avoir remplie. Les mineurs concernés sont les enfants communs aux deux époux. Ceux issus d'une précédente union ne semblent pas devoir être informés, même s'ils vivent avec le couple . En outre, les enfants communs doivent être capables de discernement.
- Divorce par consentement mutuel judiciaire. - Lorsque le mineur demande à être entendu par le juge, le divorce peut être demandé conjointement par les époux s'ils s'entendent sur la rupture du mariage et ses effets. Dans ce cas, ils doivent soumettre au contrôle du juge en vue de son homologation une convention réglant les effets du divorce. Celle-ci doit préciser les conditions d'exercice de l'autorité parentale sur les enfants et notamment leur résidence et le montant des pensions alimentaires.
Lors de l'audience, le juge doit s'assurer que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé. Il attire l'attention des conjoints sur l'importance des engagements pris par eux, notamment quant à l'exercice de l'autorité parentale . Le juge doit également veiller à ce que les intérêts des enfants et de chacun des époux soient suffisamment préservés. Dans le cas contraire, le juge refuse d'homologuer la convention et de prononcer le divorce.
- Autres cas de divorce relevant d'une procédure judiciaire. - Dans les autres cas de divorce prévus par la loi (divorce accepté, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute), la procédure est judiciaire et l'intérêt de l'enfant est soumis au contrôle du juge.
Aux termes de l'audience de conciliation, le juge rend une ordonnance de non-conciliation dans laquelle il prescrit les mesures provisoires et nécessaires pour organiser la séparation des époux et le sort des enfants le temps de la procédure. Concernant ces derniers, le juge décide notamment des conditions d'exercice de l'autorité parentale, de leur lieu de résidence et du montant de la pension alimentaire.
Les époux peuvent, à tout moment durant la procédure, conclure une convention réglant les conséquences du divorce. Les époux étant invités par le juge conciliateur à régler à l'amiable leurs différends, ils sont autorisés à soumettre à l'homologation du juge des conventions réglant tout ou partie des conséquences du divorce , concernant notamment le sort des enfants. Si aucune voie amiable n'a pu aboutir, le jugement prononçant le divorce précisera également la situation des enfants et notamment les conditions d'exercice de l'autorité parentale.