Il ne s'agit pas ici de l'administrateur provisoire prévu aux articles 47 et 49 du décret du 17 mars 1967
qui peut être nommé par le président du tribunal de grande instance en l'absence de syndic ou en cas d'empêchement de celui-ci, mais de l'administrateur provisoire prévu à l'article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 dans l'hypothèse où l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis.
L'administration provisoire
L'administration provisoire
La désignation de l'administrateur provisoire
La désignation de l'administrateur provisoire est un dispositif lourd. Elle est prévue dans trois cas où les difficultés du syndicat sont avérées :
- problème financier du syndicat. L'équilibre financier du syndicat doit être gravement compromis par suite d'une insuffisance de sa trésorerie, les sommes disponibles ne permettant pas de faire face aux charges ;
- impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble. Le syndicat des copropriétaires n'est pas en mesure de faire exécuter les travaux d'entretien et de réparation des parties communes et éléments d'équipement commun. Cette impossibilité peut être financière ou juridique, notamment dans le cas où certains copropriétaires refusent d'effectuer les travaux absolument nécessaires (réfection d'une toiture endommagée ou mise hors d'eau de l'immeuble par suite d'infiltrations). « Les copropriétaires soucieux de la conservation de l'immeuble peuvent ainsi obtenir raison contre une majorité abusive, en faisant désigner un administrateur provisoire » .Cette éventualité peut également se trouver réalisée, dans le cas où certains copropriétaires se refusent à procéder à la vente de l'immeuble, qui est la seule solution possible, compte tenu de la dégradation du bâtiment dont la réhabilitation n'est pas envisageable et qui ne peut qu'être démoli et reconstruit ;
- liquidation du syndicat des copropriétaires. Cette innovation introduite par la loi Alur permet qu'un administrateur provisoire puisse « être nommé pour liquider les dettes d'un syndicat en cas d'expropriation ou de dissolution », elle met fin aux interrogations et aux difficultés auxquelles avait donné lieu l'absence de procédure spécifique dans la loi du 10 juillet 1965.
Les personnes habilitées à former une demande de désignation sont limitativement énumérées par l'article 29-1 de la loi, savoir :
- des copropriétaires représentant ensemble 15 % au moins des voix du syndicat ;
- le syndic ;
- le procureur de la République.
Et depuis la loi Alur :
- le maire de la commune du lieu de situation de l'immeuble ;
- le président de l'EPCI compétent en matière d'habitat ;
- le représentant de l'État dans le département ;
- l'administrateur ad hoc si le syndicat fait l'objet de la procédure prévue aux articles 29-1 A et 29-1 B ci-dessus décrits.
La procédure est ouverte devant le président du tribunal de grande instance du lieu de situation de l'immeuble saisi par assignation ou par voie de requête. S'il s'agit d'une ordonnance sur requête, celle-ci peut être remise en cause par tout intéressé. S'il s'agit d'une ordonnance rendue comme en matière de référé, il faudra utiliser la procédure d'appel ou de la tierce opposition.
La décision du juge fixe les pouvoirs de l'administrateur provisoire. L'article 29-1, alinéa 2 précise que le syndic en place ne peut être désigné au titre d'administrateur provisoire de la copropriété. Sous cette réserve, le juge peut désigner :
- un administrateur judiciaire inscrit sur la liste des administrateurs judiciaires prévue à l'article L. 811-2 du Code de commerce ;
- une personne physique ou morale justifiant d'une expérience ou d'une qualification particulière au regard de la nature de l'affaire et remplissant des conditions définies par décret ;
- l'administrateur ad hoc si le syndicat fait l'objet de la procédure prévue aux articles 29-1 A et 29-1 B.
La mission de l'administrateur vise à « prendre les dispositions nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété », et à cet effet le juge peut transférer tous les pouvoirs du syndic et même aller jusqu'à lui conférer tous les pouvoirs décisionnels du conseil syndical et de l'assemblée des copropriétaires. Ces pouvoirs peuvent être modifiés par le président du tribunal à tout moment.
La mission est personnelle, même si l'administrateur provisoire peut se faire assister par un tiers désigné par le président du tribunal de grande instance sur sa proposition et rétribué sur sa rémunération.
La durée de cette mission ne peut être inférieure à douze mois. Le juge peut à tout moment prolonger celle-ci ou y mettre fin à la demande de l'une des personnes habilitées à en demander la désignation.
Les effets de la désignation de l'administrateur provisoire
Les effets de l'ordonnance de désignation de l'administrateur provisoire sont prévus aux articles 29-3 et 29-4 de la loi du 10 juillet 1965 et peuvent être qualifiés de majeurs.
La suspension de l'exigibilité de certaines créances est prévue pendant une période de douze mois, qui peut être portée à trente mois par décision du juge. Il s'agit de toutes les créances, à l'exception des créances publiques et sociales, à condition d'avoir une origine antérieure à l'ordonnance de désignation de l'administrateur provisoire.
L'interdiction ou l'interruption de certaines actions en justice lorsque les conditions suivantes sont réunies :
- la créance a une origine antérieure à l'ordonnance ;
- la créance doit avoir pour objet soit la condamnation du syndicat débiteur au paiement d'une somme d'argent, soit la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
On pense notamment aux fournisseurs de la copropriété.
Les procédures d'exécution ou de distribution n'ayant pas produit d'effet attributif avant la date de l'ordonnance sont également interrompues.
La déclaration des créances est un des effets principaux de cette ordonnance. Dans les trois mois de la publication de l'ordonnance au Bulletin des annonces civiles et commerciales (BODACC) et dans un journal d'annonces légales
, les créanciers doivent déclarer leurs créances auprès de l'administrateur provisoire.
L'administrateur provisoire établit la liste des créances et la dépose au greffe du tribunal de grande instance. Le greffier fait publier au BODACC une insertion pour indiquer ce dépôt.
Les créanciers ont deux mois à partir de la publication de la liste pour en contester le contenu auprès du tribunal de grande instance.
Un projet d'échéancier est notifié aux créanciers qui ont deux mois pour faire part de leurs observations.
Les créances non déclarées régulièrement dans ce délai de deux mois sont inopposables à la procédure (L. 10 juill. 1965, art. 29-4, al. 3).
Un échéancier définitif du règlement des dettes est déposé par l'administrateur provisoire au greffe du tribunal pour qu'il soit homologué. Les créanciers disposent d'un délai de deux mois pour saisir le juge d'une contestation.
L'ordonnance d'homologation est notifiée aux créanciers et au conseil syndical avec le plan d'apurement définitif. Tant que ce plan d'une durée maximale de cinq ans est respecté, la suspension des créances est maintenue.
Un effacement des créances irrécouvrables est également prévu à l'article 29-7 de la loi du 10 juillet 1965 sous la condition préalable que le syndicat des copropriétaires ne possède aucun actif à céder ou que les cessions autorisées par le juge n'aient pas trouvé preneur.
Le montant effacé est réparti entre les créanciers du syndicat proportionnellement au montant de leurs créances.
Cet effacement porte sur tout ou partie des créances. Il est décidé par le juge à partir de l'état des dettes (déclarées et non recouvrables) contenu dans le plan d'apurement définitif déposé par l'administrateur provisoire au greffe du tribunal.
Issue de la procédure. Celle-ci peut aboutir à l'exécution de travaux décidés par l'administrateur et homologués par le juge, par exemple des travaux d'individualisation des frais de chauffage
.
L'issue de la procédure peut également aboutir à des mesures intéressant particulièrement les notaires, comme la cession de biens et la réorganisation du syndicat.
La cession de biens et la restructuration du syndicat
Ces mesures de cession et de restructuration sont autorisées par le juge du tribunal de grande instance au vu d'un rapport de l'administrateur provisoire faisant état de l'avis du conseil syndical.
La cession des biens peut intervenir à titre onéreux ou à titre gratuit :
- la cession à titre onéreux est prévue à l'article 26-9 de la loi du 10 juillet 1965 qui énonce que si le syndicat des copropriétaires dispose d'actifs cessibles, notamment des locaux ou des parcelles de terrain non bâti de nature à apurer les dettes du syndicat, l'administrateur peut demander au juge l'autorisation de réaliser la cession et de modifier en conséquence le règlement de copropriété et l'état descriptif de division. L'autorisation fixée par le juge ne peut excéder cinq ans ;
- la cession à titre gratuit est prévue à l'article 29-9 du même texte et peut porter sur des parcelles de terrain non bâti d'intérêt public ou des locaux d'équipement communs pouvant relever d'une gestion publique si leur coût d'entretien, de gestion ou de remise à niveau compromettent de façon irrémédiable l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires. Cette cession est également autorisée par le juge, mais uniquement au profit de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat.
La restructuration du syndicat est prévue à l'article 29-8 de la loi du 10 juillet 1965. Il peut s'agir de la constitution d'un ou plusieurs syndicats secondaires sous réserve que la gestion et le fonctionnement normal de la copropriété ne puissent pas être établis autrement. L'administrateur provisoire réalise un plan d'apurement des dettes, qui est transmis à chacun des syndicats créés par la division. Le jugement autorisant la division ou la constitution d'un syndicat secondaire homologue également les nouveaux règlements de copropriété et état descriptif de division. Ce jugement prononce la dissolution du syndicat initial et désigne la personne chargée de convoquer l'assemblée générale en vue de la désignation d'un syndic.
Le même article prévoit également la possibilité d'une division en volume en ajoutant deux conditions :
- le juge statue au vu des conclusions du rapport d'un expert établissant que l'immeuble ou l'ensemble immobilier peuvent être scindés en volumes sans parties communes indivises fonctionnant de façon autonome ;
- le maire de la commune et le président de l'établissement public de coopération intercommunale sont consultés sur cette division.