- Plan. - Les événements qui entraînent de plein droit la cessation du mandat de protection future sont énumérés à l'article 483 du Code civil. Certains sont liés au mandant (§ I), d'autres au mandataire (§ II).
La fin du mandat imposée par la loi
La fin du mandat imposée par la loi
Les causes relatives au mandant
- Impossibilité d'une révocation
ad nutum
par le mandant. - Une fois conclu, le mandat de protection future reste en quelque sorte en sommeil tant qu'il n'est pas activé. Parce qu'il ne développe pas encore ses effets, le mandat peut être révoqué assez facilement, notamment par son bénéficiaire. En revanche, une fois qu'il a été activé, et contrairement au droit commun du mandat (C. civ., art. 2004), le mandat de protection future ne peut plus être révoqué ad nutum par le mandant. Cette solution paraît contradictoire avec l'idée que le mandant conserve sa capacité juridique et qu'il peut, à ce titre, faire des actes concurrents au mandataire qui pourraient s'analyser en révocation partielle. Au rebours, si l'on considérait que le mandant est dessaisi de ses droits, elle serait parée de tous les atours d'une saine logique juridique : le mandant n'étant plus en capacité de contracter, il ne peut plus révoquer son mandat établi alors qu'il bénéficiait de toutes ses facultés mentales. Quoi qu'il en soit, on peut constater, s'agissant du mandant, que la révocation du mandat mis à exécution ne peut donc être prononcée que judiciairement, et à la condition d'être en présence de l'une des trois causes de révocation prévues par la loi
.
- Le rétablissement des facultés personnelles du mandant. - La raison d'être du mandat de protection future réside dans la protection d'une personne qui n'est plus apte à pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération de ses facultés personnelles. Une telle situation, souvent hélas durable, peut parfois n'être que temporaire et la personne recouvrer la santé. Partant, si son état de santé s'est rétabli, le mandat perd sa justification et son bénéficiaire doit retrouver son autonomie (C. civ., art. 483, 1o). En la forme, ce rétablissement est constaté, à la demande du mandant ou du mandataire, au moyen d'un certificat médical dressé par un médecin inscrit sur la liste du parquet et daté de moins de deux mois, et selon des modalités très précises définies à l'article 1259 du Code de procédure civile.
Remarque
Lorsque c'est le mandant qui en prend l'initiative, il est nécessaire que le mandataire soit personnellement informé de la fin du mandat. La loi ne prévoyant rien à ce sujet, nous pensons que la démarche effectuée doit être notifiée au(x) mandataire(s), tiers de confiance et au notaire qui a tenu la plume, si le mandat a été rédigé en la forme authentique.
- Le décès du mandant ou son placement sous curatelle ou sous tutelle. - Le décès du mandant ôte tout intérêt au mandat de protection future puisque c'est pour elle qu'il avait été conclu. Ce décès emporte donc nécessairement son extinction (C. civ., art. 483, 2o).
- Le placement sous curatelle ou sous tutelle du mandant. - Le mandat prend fin par l'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle à l'égard du mandant « sauf décision contraire du juge qui ouvre la mesure » (C. civ., art. 483, 2o). Cette cessation s'applique, en principe, de plein droit, sans que le juge ait à statuer, en pareil cas, sur la fin de la mesure conventionnelle, à la condition toutefois que celle-ci ait été mise en ?uvre
.
On sait, et l'on comprend qu'une mesure judiciaire puisse être nécessaire, en dépit de l'existence d'un mandat de protection future, dont les termes trop restrictifs ne permettent pas de préserver les intérêts du mandant (C. civ., art. 485, al. 2), on perçoit plus difficilement pourquoi elle devrait entraîner de plein droit la disparition de ce dernier. Cet effet révocatoire est d'autant moins compréhensible que la loi permet à la personne en curatelle de conclure un mandat de protection future avec l'assistance du curateur (C. civ., art. 477, al. 2). Pourquoi la coexistence entre la curatelle et le mandat de protection future devrait-elle être permise dans un cas (lorsque la curatelle précède la signature du mandat) et pas dans l'autre (lorsque la mise en ?uvre du mandat précède la curatelle) ?
À vrai dire, et même si une soupape de sécurité est prévue, cette disposition paraît clairement en discordance avec le principe de subsidiarité des mesures judiciaires par rapport au mandat de protection future (C. civ., art. 428), récemment renforcé par la loi du 23 mars 2019. En réalité, dans cette logique, le maintien du mandat devrait être la règle, et sa mise à l'écart l'exception. Concrètement, il serait donc incontestablement plus cohérent de subordonner la révocation du mandat de protection future à la décision expresse du juge qui prononce la mesure judiciaire, et non l'inverse
. Il s'agit là d'une préconisation de bon sens si l'on souhaite respecter la volonté du majeur protégé qui avait été bien formalisé, et de manière anticipée, au temps où il était lucide.
De manière plus énergique encore, le juge ne devrait pas pouvoir ouvrir une mesure de protection sans avoir révoqué préalablement le mandat par une décision spécialement motivée, sur le fondement de l'article 483, 4o du Code civil. Dans cette perspective, la cause de cessation de plein droit du mandat de l'article 483, 2o du Code civil devrait être supprimée.
Les causes relatives au mandataire
- Le décès du mandataire. - Parce que c'est le mandataire qui était chargé, intuitu personae, de mettre en ?uvre le mandat de protection future, son décès rend l'exécution dudit mandat impossible. Il entraîne donc son extinction, sauf si le mandant avait pris soin de désigner, dans son mandat, un mandataire appelé à se substituer au premier nommé en cas de décès
. Il s'agit là d'une sage précaution dans la mesure où le champ d'intervention du juge des tutelles, circonscrit selon les termes choisis de l'article 484 du Code civil, ne lui permet certainement pas de modifier cet élément central du contrat et donc de remplacer le mandataire défaillant par un autre
. De la même manière, si le mandat fonctionne dès l'origine avec plusieurs mandataires, il est judicieux de prévoir dans le contrat ce qu'il advient si l'un d'entre eux vient à décéder.
- Le placement sous protection ou la déconfiture du mandataire. - Lorsque le mandataire personne physique voit lui-même ses facultés décliner au point de faire l'objet d'une mesure de protection juridique, quelle qu'elle soit, il n'est pas opportun de continuer à lui confier les intérêts du bénéficiaire du mandat de protection future. Aussi la loi prévoit-elle l'extinction systématique du mandat dans ce cas (C. civ., art. 483, 3o). Il en va de même lorsque le mandataire personne morale se trouve en état de déconfiture. De nouveau, il convient de rappeler que la désignation d'un mandataire prioritaire et d'un mandataire subsidiaire constitue une précaution rédactionnelle élémentaire, car elle présente l'intérêt de permettre au mandat de continuer à vivre malgré la survenance de l'une des causes de cessation de plein droit visées par le texte
.
- La renonciation du mandataire est par principe inopérante. - Si, avant que le mandat ait pris effet, le mandataire peut assez facilement renoncer à la mission qu'il a acceptée
, il en va autrement lorsque le mandat a été mis en ?uvre. La renonciation du mandataire revêt alors une plus grande gravité. Celui-ci abandonne le vaisseau, alors que l'on comptait sur lui. Il bouleverse ainsi les prévisions du mandant alors que ce dernier n'est plus en état de choisir un autre mandataire. La renonciation ne peut donc être libre. Par sagesse, la loi ne l'interdit pas, car le mandataire est susceptible de connaître des empêchements sérieux, qui nuisent à l'accomplissement de sa mission. Le mandataire, pour renoncer, doit être autorisé par le juge des tutelles (C. civ., art. 480, sur la saisine duquel, V. CPC, art. 1259-3). Dans ce cas, le mandat est appelé à disparaître, sauf si un mandataire subsidiaire a été prévu au contrat.