Isoler les biens immobiliers du patrimoine professionnel : la déclaration d'insaisissabilité notariée

Isoler les biens immobiliers du patrimoine professionnel : la déclaration d'insaisissabilité notariée

L'alinéa 2 de l'article L. 526-1 du Code de commerce précise que la personne physique répondant à la notion d'entrepreneur individuel peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier qu'il n'a pas affecté à son usage professionnel (Sous-section I), à condition d'effectuer une déclaration soumise à publicité (Sous-section II).

Les biens concernés par la déclaration d'insaisissabilité notariée

Les biens concernés devront être des biens immobiliers (§ I) non affectés à l'usage professionnel (§ II).

Les biens immobiliers

- Le texte vise expressément « tout bien foncier, bâti ou non bâti ». - On songe à une résidence secondaire, une propriété forestière ou agricole, éventuellement le terrain sur lequel se trouve le mobil-home servant à la résidence principale (ce dernier ne bénéficiant pas de la protection de l'alinéa 1 de l'article L. 526-1 du Code de commerce). Ce texte s'appliquera également aux lots de copropriété ou aux lots de volume.
Il ne s'appliquera pas aux parts de société que l'entrepreneur individuel peut posséder, parts de la société civile propriétaire de la résidence principale, mais également aux parts de société qu'il peut posséder même en dehors de son activité professionnelle.
Dans l'hypothèse où le bien est détenu par l'intermédiaire d'une société d'attribution, il semble envisageable de requérir l'intervention du représentant de la société pour enregistrer la déclaration d'insaisissabilité. Il devrait en être de même lorsque le bien fait l'objet d'une location-accession ; le propriétaire n'a pas de raison de refuser son concours à un tel acte.
La déclaration d'insaisissabilité effectuée sur un bien indivis, régulièrement publiée avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de l'un des époux, empêche le liquidateur de demander le partage du bien indivis .

Les biens affectés à un usage non professionnel

- Seuls pourront faire l'objet de cette déclaration d'insaisissabilité les biens à usage non professionnel. - Les biens utilisés par l'entrepreneur pour son activité étant exclus de la protection, il pourra s'avérer délicat de déterminer l'étendue de ces locaux, spécialement lorsqu'il s'agit d'un auto-entrepreneur n'employant aucun salarié, n'entreposant pas de marchandises et ne recevant pas de public.
Contrairement au premier alinéa de l'article L. 526-1 du Code de commerce, le second alinéa prévoit que lorsque le bien n'est pas affecté en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à cet usage ne peut faire l'objet d'une déclaration qu'à la condition d'être désignée dans un état descriptif de division.
La délimitation résultera de ce seul état descriptif qui pourra uniquement comprendre deux lots : le premier délimitera la partie à usage professionnel, le second le surplus de l'immeuble. Il n'est pas prévu l'indication de la quote-part des parties communes, l'article 71-2 du décret no 55-1350 du 14 octobre 1955 ne l'exigeant que si elle est déterminée.
Reste que cette obligation minimale d'un état descriptif de division peut dissuader le créancier de saisir la partie professionnelle de l'immeuble. En effet, il paraît difficile de se porter adjudicataire d'une partie d'immeuble sur laquelle n'existe ni règlement de copropriété, ni quote-part de parties communes, et encore moins de charges déterminées.

Les conditions de forme de la déclaration d'insaisissabilité notariée

- Les conditions de fond. - Personne physique et activité professionnelle étant similaires à celles prévues au titre de l'insaisissabilité légale de la résidence principale, nous renvoyons aux développements ci-dessus. Quant aux conditions de forme, elles sont de deux ordres : un acte notarié (§ I) et la publicité de cette déclaration (§ II).

Un acte notarié

L'article L. 526-2 du Code de commerce énonce que la déclaration est reçue par notaire et contient la description détaillée des biens.
La forme notariée est exigée ad validitatem . Il s'agit d'une nullité absolue et non d'une simple inopposabilité à l'égard des créanciers.
La déclaration peut faire l'objet d'un acte principal dont le seul objet sera de soumettre un bien immobilier à l'insaisissabilité, mais rien n'interdit de prévoir cette déclaration dans un acte d'acquisition, dans un acte de donation (ce qui peut être une condition de celle-ci), voire dans une attestation immobilière après décès prévue par l'article 29 du décret du 4 janvier 1955 .
L'acte devra contenir des précisions sur le caractère propre du bien, commun ou indivis. Cette indication n'a pas d'incidence sur la validité de la déclaration, celle-ci constituant un acte conservatoire et non un acte de disposition soumis au double consentement de l'article 1422 du Code civil. On ajoutera que si le bien est commun, l'entrepreneur possède les pouvoirs d'administration prévus à l'article 1421 du même code, et si le bien est indivis la déclaration portera uniquement sur la partie appartenant au déclarant.
- La description détaillée de l'immeuble. - Elle est exigée par le législateur sans que l'on comprenne cette notion de « détaillée » qui semble renvoyer à l'ancienne déclaration qui était exigée pour rendre l'habitation principale insaisissable avant l'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015. Une description conforme aux règles de la publicité foncière sera donc suffisante .
Deux hypothèses peuvent également se présenter, qui appellent les précisions suivantes :
  • la première sera celle d'une propriété dont une partie répond à la notion d'habitation principale et dont le surplus n'est pas utilisé pour l'activité professionnelle. Il suffira de déterminer le bien conformément aux règles de la publicité foncière, d'indiquer que la partie non affectée à l'habitation principale sera placée sous la protection de l'insaisissabilité déclarée et le surplus sous le régime de l'insaisissabilité légale, le tout sans avoir à établir un état descriptif pour détailler la partie concernée par la déclaration notariée ;
  • la seconde hypothèse sera celle où le bien ne répond pas à la notion de résidence principale et dont une partie est affectée à un usage professionnel. Dans cette hypothèse, le notaire devra établir un état descriptif tel qu'il était prévu à l'ancien article L. 526-1, alinéa 2 du Code de commerce . Cet état descriptif comportera au minimum deux lots numérotés : celui affecté à l'activité professionnelle, et le surplus qui fera l'objet de la déclaration d'insaisissabilité. Il n'est pas nécessaire de prévoir une quote-part de parties communes ni même d'établir un règlement de copropriété, les règles de la publicité foncière ne les rendant pas obligatoires .
Enfin, on rappellera que dans cette dernière hypothèse, le créancier qui voudra saisir la partie professionnelle aura des difficultés à trouver un adjudicataire compte tenu du caractère inorganisé de la copropriété dans laquelle sera comprise la partie saisissable de l'immeuble.

La publicité de la déclaration

La publicité comprend celle du fichier immobilier (service de publicité foncière ou livre foncier) et la mention au registre de publicité légale à caractère professionnel auquel l'entrepreneur est immatriculé. À défaut d'immatriculation dans un tel registre, la publication a lieu dans un journal d'annonces légales du département dans lequel est exercée l'activité professionnelle du déclarant . On retrouve ici les règles prévues pour la renonciation à l'insaisissabilité légale étudiées ci-dessus, auxquelles nous renvoyons.

L'importance de la publicité

L'attention des notaires sera particulièrement attirée sur cette publicité qui doit être complète et non limitée au seul fichier immobilier. La Cour de cassation a en effet modifié sa jurisprudence sur l'étendue des pouvoirs du liquidateur. Dans un premier temps, elle avait décidé que le débiteur pouvait opposer la déclaration d'insaisissabilité qu'il avait effectuée avant qu'il ne soit mis en liquidation judiciaire
, et avait même affirmé que le liquidateur ne peut légalement agir que dans l'intérêt de tous les créanciers et que par conséquent, il n'a pas qualité pour agir dans l'intérêt des seuls créanciers à qui la déclaration d'insaisissabilité est opposable
. Depuis 2016, la cour réaffirme que la déclaration d'insaisissabilité n'est opposable à la liquidation judiciaire que si elle a fait l'objet d'une publicité régulière
, ce qui signifie que le liquidateur n'hésitera pas à contester l'efficacité d'une déclaration d'insaisissabilité si la publication a été incomplète.