Le droit de préemption du preneur en place

Le droit de préemption du preneur en place

Le statut du fermage confère un droit de préemption aux exploitants agricoles lors des mutations à titre onéreux des biens exploités (§ I). Cette priorité s'efface néanmoins lorsque l'acquéreur est un membre de la famille du propriétaire ou une collectivité publique (§ II).

La priorité du preneur lors des mutations à titre onéreux

Le preneur en place bénéficie d'un droit de préemption lors de la mutation des terres exploitées (A). Sa méconnaissance est lourdement sanctionnée (B). L'exercice de cette prérogative est subordonné à des conditions strictes (C).

L'existence du droit de préemption du preneur en place

– La prérogative d'ordre public du preneur. – Le propriétaire désirant vendre ses terres louées a le choix de l'acquéreur. Aucune disposition ne l'oblige à en aviser préalablement le preneur. La mutation ne mettant pas fin au bail rural, l'exploitation du bien par le fermier se poursuit malgré la vente. L'exploitant titulaire d'un bail rural bénéficie néanmoins d'un droit de préemption (C. rur. pêche marit., art. L. 412-5). Cette prérogative d'ordre public n'est susceptible d'être écartée par aucune convention. Un pacte de préférence antérieur au bail n'y fait pas échec. La prudence commande néanmoins de notifier la vente au titulaire du pacte de préférence, même si la préemption du preneur en place l'empêche de l'exercer 1509041073455, sous peine de dommages et intérêts à la charge du vendeur. La stipulation d'une condition suspensive de non-préemption dans la promesse de vente n'est pas entachée de nullité mais produit des effets particuliers 1508671623176. En effet, cette condition ne signifie pas que le vendeur peut retirer le bien de la vente en cas de préemption. Seulement, si ce dernier renonce expressément ou tacitement, l'effet rétroactif de la condition suspensive accomplie fixe dans le temps le transfert de propriété entre le propriétaire et son acquéreur au jour de l'avant-contrat. L'intérêt est de valider un congé délivré par l'acquéreur à un moment où il n'est pas encore propriétaire du bien.

L'information due au tiers acquéreur

Le vendeur d'un bien donné à bail rural est tenu d'informer l'acquéreur de l'existence du bail. À ce titre, il convient notamment d'aviser l'acquéreur de l'obligation de prise en charge des indemnités éventuellement dues à l'exploitant en fin de bail (C. rur. pêche marit., art. L. 411-69 et s.).

– Les mutations concernées par le droit de préemption. – Le droit de préemption du fermier existe uniquement en cas d'aliénation à titre onéreux volontaire ou forcée 1507402410815. Dans le cadre d'une adjudication, le preneur est convoqué vingt jours avant la date fixée par le notaire instrumentaire, à peine de nullité de la vente (C. rur. pêche marit., art. L. 412-11). Le cahier des charges fait obligatoirement mention de l'existence du droit de préemption du preneur. En présence d'un démembrement de propriété, cette priorité est également reconnue au preneur lors de l'aliénation de la nue-propriété ou de l'usufruit. En revanche, elle ne s'applique pas lorsque l'opération a pour effet de reconstituer la pleine propriété (C. rur. pêche marit., art. L. 412-2) 1508707398925. La dation en paiement, assimilée à une aliénation à titre onéreux, entre également dans le champ d'application du droit de préemption du preneur 1508612842456.

Principales aliénations échappant au droit de préemption du fermier

Le droit de préemption du preneur en place ne s'applique pas aux opérations suivantes :
  • partage amiable ;
  • donation-partage ;
  • vente assortie d'un bail à nourriture ;
  • apport en société ;
  • échange, même réalisé avec soulte. En effet, le preneur n'est pas en mesure de donner au bailleur la contrepartie attendue de l'échange 1506768577923. Bien entendu, cette règle ne vaut qu'en l'absence de fraude caractérisée, par exemple une soulte trop importante dissimulant une vente.
– L'auteur de la purge du droit de préemption et la réponse du preneur. – Le droit de préemption du preneur en place est purgé par le notaire instrumentaire au titre d'un mandat légal (C. rur. pêche marit., art. L. 412-8) 1511640485442. La notification vaut offre de vente. À ce titre, une réquisition d'instrumenter signée du propriétaire est une précaution minimum 1508674337814. Le preneur bénéficie d'un délai de deux mois pour répondre. L'offre de vendre est susceptible de rétractation ou de modification tant que le preneur n'a pas fait connaître sa décision. En cas de modification des prétentions du vendeur, une nouvelle notification est adressée au preneur, ayant pour effet de prolonger son délai de réponse de quinze jours (C. rur. pêche marit., art. L. 412-9). La réception de la réponse du preneur marque la fin des possibilités de repentir du propriétaire 1508617988600. Lorsque toutes les mentions ne figurent pas dans la première notification, par exemple l'oubli d'une parcelle ou l'adresse des vendeurs 1509044806675, la seconde notification complétant la première ouvre un nouveau délai de deux mois 1509022016291.
La réponse du preneur est obligatoirement adressée au propriétaire bailleur 1508619632399, à peine de forclusion. Il existe cependant une exception lorsque le notaire instrumentaire est également chargé de la gestion du bien ou de sa vente. Pour que la réponse du fermier au notaire soit valablement prise en compte, il est indispensable que le notaire soit investi du pouvoir de la recevoir, et qu'il en ait fait part au preneur, notamment au moyen d'une élection de domicile 1508619890782.
– La notification envoyée à l'exploitant preneur en place. – La notification envoyée à l'exploitant preneur en place nécessite un soin particulier. L'omission de l'une des mentions obligatoires autorise en effet le preneur en place à exercer une action en nullité de la vente régularisée au profit d'un tiers acquéreur. En outre, la notification est obligatoirement adressée au titulaire actuel du bail, personne physique ou morale 1508677735923, indépendamment de la personne mentionnée dans le bail originaire 1509016342763. Lorsque la notification est adressée par erreur à une autre personne que le titulaire du bail rural, l'acceptation de l'offre par ce tiers est inopérante 1509017652987. Le droit de préemption étant un droit personnel, une notification est adressée individuellement à chaque copreneur.
En pratique, le notaire est tenu de notifier la vente au preneur :
  • soit par l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'absence de réclamation de cette lettre par le preneur n'empêche pas l'écoulement du délai légal de deux mois permettant au preneur de faire connaître sa position 1508676033141. Ce délai commence à courir à compter de la date du premier avis postal ;
  • soit par acte extrajudiciaire ;
  • soit par remise en main propre contre émargement 1508676706086.
Les mentions figurant dans la notification doivent être utiles et loyales, de manière à permettre au preneur d'exercer son droit de préemption en pleine connaissance de cause.
Ainsi, il convient de mentionner les informations suivantes (C. rur. pêche marit., art. L. 412-8) :
  • l'identité complète de tous les vendeurs ainsi que leur adresse. La mention de l'identité de l'acquéreur n'est pas obligatoire, mais présente parfois un intérêt, notamment lorsqu'il prend l'engagement de ne pas exercer son droit de reprise pendant une durée déterminée (C. rur. pêche marit., art. L. 412-8, al. 3) 1509021199216, peu important d'ailleurs qu'elle ne permette pas au preneur d'atteindre l'âge de la retraite. Le moment venu, le preneur sera en droit de s'opposer à la reprise de son nouveau bailleur, soit parce qu'il n'a pas atteint l'âge de la retraite, soit parce que le délai auquel l'acquéreur bailleur s'était engagé n'est pas encore écoulé 1509020547928 ;
  • le prix de vente et l'éventuelle commission due à un intermédiaire par l'acquéreur 1509044908336, même si le preneur n'en est pas redevable 1508679005593. Le notaire chargé de la notification n'étant pas juge, cette mention doit figurer dans la notification, sous peine de voir sa responsabilité engagée par l'intermédiaire 1509020759991 ;
  • les charges et conditions de la vente ;
  • l'éventuelle élection de domicile en l'étude du notaire instrumentaire.
– L'exigence d'un bail rural en cours de validité. – La première condition exigée pour bénéficier du droit de préemption est l'existence d'une exploitation effective en vertu d'un bail rural en cours de validité au jour de la vente, liant le propriétaire vendeur à l'exploitant 1508688476912. En effet, seul le titulaire d'un bail soumis au statut du fermage est bénéficiaire d'un droit de préemption 1509049194500. Ainsi, la mise à disposition au profit d'une société d'exploitation est sans incidence sur le titulaire du droit de préemption (C. rur. pêche marit., art. L. 411-2, in fine, par renvoi). Par ailleurs, les baux de petites parcelles n'entrent pas dans le champ d'application du dispositif, sauf lorsque les biens vendus font partie d'un corps de ferme ou sont nécessaires à l'exploitation (C. rur. pêche marit., art. L. 412-3 et L. 411-3) 1509040765864. Les titulaires d'une occupation précaire, d'un contrat d'entreprise ou d'un prêt à usage en sont également exclus.
En revanche, la nature écrite ou verbale du bail est indifférente 1509024727744. En pratique, le point de départ d'un bail verbal est souvent incertain. L'exigence d'un écrit concerne l'approche probatoire et non la validité de l'acte. Or, il s'agit d'un élément essentiel, notamment en ce qui concerne la primauté du droit de préemption du preneur sur celui de la SAFER. L'existence d'une contrepartie financière est également indispensable pour déterminer la qualification du bail et sa soumission au statut du fermage (C. rur. pêche marit., art. L. 411-1).
Enfin, une sous-location, illicite par nature, ne confère aucun droit à son bénéficiaire. Elle prive au surplus le locataire contrevenant du bénéfice de son droit de préemption.
Lorsque le propriétaire et l'exploitant se soumettent conventionnellement au statut du fermage alors que les conditions légales ne sont pas remplies, le droit de préemption s'applique néanmoins 1508444219583. Toutefois, le bail ne doit pas avoir été conclu dans le seul but de faire obstacle au droit de préemption de la SAFER.
– L'exigence d'une exploitation effective. – Le bénéfice du droit de préemption est également soumis à l'exploitation effective des parcelles vendues. À ce titre, un fermier ayant cessé de mettre en valeur le fonds loué ne peut se prévaloir du droit de préemption. En revanche, une situation irrégulière au regard du contrôle des structures n'est pas de nature à remettre en cause le droit de préemption du preneur 1510998004347.
En cas d'échange en jouissance, le preneur initial reste titulaire du bail. Son droit de préemption est ainsi maintenu sur les parcelles originaires. À l'inverse, il ne bénéficie pas d'un droit de préemption sur les parcelles réellement exploitées.
Enfin, par mesure de tempérament, la condition d'exploitation est valablement remplie par les membres de la famille du preneur, y compris les collatéraux privilégiés.
– Le travail à façon. – Le droit de préemption du preneur s'applique-t-il lorsqu'il exploite à façon ? Cette question se pose avec acuité depuis quelques années, le travail à façon connaissant un développement accru 1511645790909. La délégation de l'exploitation au prestataire de services est susceptible de s'étendre à la conduite complète des cultures. Dans cette hypothèse, une substitution d'exploitant s'opère, faisant perdre le bénéfice du droit de préemption au titulaire initial du bail. En effet, l'article L. 412-5 du Code rural et de la pêche maritime exige que le bien mis en vente soit exploité par l'exploitant lui-même ou par sa famille. En revanche, lorsque le recours au travail à façon est partiel ou ponctuel, le preneur conserve son droit de préemption. En pratique, la frontière est ténue, imposant une vigilance particulière 1518285299006.
– La condition liée à l'exercice de la profession agricole. – Pour prétendre à la titularité du droit de préemption, le preneur doit avoir exercé la profession d'exploitant agricole pendant plus de trois ans (C. rur. pêche marit., art. L. 412-5). La condition d'exercice est remplie lorsque le preneur a exercé en qualité de chef d'exploitation, de salarié agricole, d'ouvrier agricole, d'aide familial, d'apprenti, de collaborateur ou de conjoint collaborateur 1508701190623. En revanche, la qualité de technicien agricole est exclue 1508691342499. Il n'est pas exigé que la durée d'exploitation porte sur le bien objet de la mutation 1511647199104. En outre, l'exercice d'une activité parallèle ne fait pas obstacle à l'exercice de la profession agricole 1508795571912. Enfin, une SAFER est en mesure d'exercer son droit de préemption pour permettre à un exploitant ne remplissant pas l'exigence liée à la durée d'exercice de la profession d'accéder à la propriété 1509048997618.

La méconnaissance du droit de préemption du preneur en place

– La sanction. – En cas de méconnaissance de son droit de préemption, le preneur a la possibilité d'intenter une action :
  • en nullité de la vente (C. rur. pêche marit., art. L. 412-12, al. 3) ;
  • en nullité avec substitution : vente avant l'expiration du délai de deux mois, ou à des conditions différentes (prix ou paiement), ou tendant à empêcher l'acquisition à son profit (C. rur. pêche marit., art. L. 412-10).
Dans les deux cas, la nullité de la vente est assortie de dommages et intérêts. Le preneur dispose d'un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion (C. rur. pêche marit., art. L. 412-12, al. 3). La publication de l'acte de vente au service de la publicité foncière ne fait pas à elle seule courir le délai de six mois 1508598555683. Alors même qu'il n'a reçu aucune notification valant purge, le véritable preneur en place est en droit d'exercer valablement son droit de préemption. La notification de sa décision dans le délai de deux mois a pour effet de rendre la vente parfaite 1508599309659. Cette hypothèse vise l'absence de notification, mais également la notification adressée à un mauvais destinataire.
Lorsque des modifications sont apportées aux conditions de la vente entre la notification et sa réalisation, il est nécessaire de procéder à une nouvelle notification au preneur renonçant ou taisant, même si les modifications ne portent pas sur des conditions substantielles de la vente 1508600769047.

L'indispensable notification post-vente

Il est indispensable d'informer le preneur de la réalisation de la vente. À défaut, le délai imparti au fermier pour agir en nullité ne commence pas à courir. Le notaire instrumentaire dispose d'un délai de dix jours pour envoyer cette notification (C. rur. pêche marit., art. L. 412-9, al. 3).

L'exercice du droit de préemption du preneur en place

– Les bénéficiaires de la préemption (C. rur. pêche marit., art. L. 412-5). – Le droit de préemption est généralement exercé par le preneur, continuant à exploiter lui-même le fonds. Il a néanmoins la faculté de l'exercer afin d'en confier l'exploitation :
  • à son conjoint ou son partenaire pacsé participant à l'exploitation ;
  • ou à ses descendants.
Par ailleurs, l'exploitant a la possibilité de subroger ses proches dans l'exercice du droit de préemption.
Cette faculté concerne :
  • son conjoint, son partenaire pacsé ou ses descendants participant à l'exploitation ;
  • et ses héritiers descendants de plus de seize ans bénéficiant de la continuité du bail (C. rur. pêche marit., art. L. 411-34).
Le bénéficiaire effectif du droit de préemption est tenu d'exploiter personnellement le fonds pendant neuf ans, en participant effectivement aux travaux. En cas de méconnaissance de cette obligation, il s'expose à des dommages-intérêts au profit de l'acquéreur évincé, sous réserve d'apporter la preuve du préjudice subi 1511651648021(C. rur. pêche marit., art. L. 412-12, al. 1). Cette solution s'applique en cas de vente du bien avant l'expiration du délai. Par ailleurs, le preneur ayant préempté est tenu d'être en conformité avec le contrôle des structures 1507454146906.

La vente de biens excédant les biens loués

Il convient de permettre au preneur d'exercer son droit de préemption sur le bien qu'il exploite. Ainsi, la notification globale d'un ensemble composé de biens loués à plusieurs preneurs est irrégulière (C. rur. pêche marit., art. L. 412-6)
<sup class="note" data-contentnote=" S. Crevel, Régularité de la vente forcée en un seul lot d&#039;un ensemble immobilier loué seulement en partie en raison de l&#039;indivisibilité des biens vendus : RD rur. 2008, n° 368, comm. 232.">1509134024816</sup>.

Par exception, en cas d'indivisibilité caractérisée de l'ensemble, le preneur est tenu de préempter le tout
<sup class="note" data-contentnote=" L&#039;indivisibilité se caractérise par exemple par l&#039;implantation et l&#039;imbrication matérielle des parcelles, leurs liens économiques interdépendants, ou encore par la configuration complexe des lieux : Mémento Lefebvre Agriculture 2017, n° 36650.">1508794235910</sup>.

L'obligation de mise en vente séparée ne s'impose au propriétaire bailleur que lorsque le fonds vendu comprend plusieurs exploitations distinctes, et que plusieurs baux ont été conclus au profit de différents preneurs à bail rural
<sup class="note" data-contentnote=" Cass. 3&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; civ., 30 nov. 1983 : JurisData n° 1983-702440. – Cass. 3&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; civ., 7 févr. 1996, n° 94-13.837 : Bull. civ. 1996, III, n° 39.">1509133652136</sup>. Afin d'éviter toute fraude liée au morcellement des parcelles par le propriétaire, le droit de préemption est applicable lorsque la vente porte sur une partie seulement des biens loués, même inférieure au seuil défini pour les petites parcelles (C. rur. pêche marit., art. L. 411-3).

Lorsque la vente porte sur un ensemble divisible, l'exploitant bénéficie de la priorité pour la partie louée. Le droit de préemption de la SAFER ne peut primer si par ailleurs toutes les conditions légales sont remplies par le preneur
<sup class="note" data-contentnote=" Cass. 3&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; civ., 7 déc. 2011, n° 10-24.000 : JurisData n° 2011-027667. – S. Crevel, Diviser pour mieux régler (les conflits de droit de préemption) : RD rur. 2012, n° 400, comm. 13.">1509047991184</sup>.

– La réponse du preneur. – Le preneur dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification pour faire connaître ses intentions. En cas de notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le délai court à compter du lendemain de la première présentation au domicile du preneur 1508702420641. Sa réponse est envoyée directement au bailleur même par lettre simple.
Trois options sont ouvertes au preneur :
  • il préempte aux conditions proposées. Le droit de préemption étant classiquement analysé comme un droit de substitution, la vente se poursuit à son profit. Une difficulté est susceptible de naître en cas de copreneurs 1508791360900. Le bail rural est par nature indivisible 1508791902455, toutefois chaque copreneur a la possibilité d'exercer individuellement son droit de préemption sur la totalité du bien vendu 1508687446391. Si l'un d'eux seulement l'exerce, le bail se poursuit au profit des autres. Si plusieurs l'exercent conjointement, l'acquisition est réalisée sous le régime de l'indivision. Lorsque les deux copreneurs entendent l'exercer individuellement, sous réserve que la difficulté soit tranchée sous l'angle de la règle de la superficie maximale 1508793204875, l'acquisition ne peut se réaliser qu'en indivision forcée ;
  • il renonce ou garde le silence pendant le délai de deux mois imparti pour répondre, le silence valant renonciation tacite. La vente intervient alors au profit du tiers acquéreur, sous réserve du droit de préemption de la SAFER. En toute hypothèse, le fermier est maintenu dans son exploitation. À défaut de notification préalable, la pratique consistant à faire reconnaître au preneur dans l'acte de vente qu'il était au courant de l'opération depuis un certain temps et qu'il renonce à exercer son droit de préemption est à proscrire. Le délai de deux mois est en effet à la fois un délai de réflexion et un délai d'exercice du droit de préemption. En revanche, l'intervention à l'acte du preneur ayant reçu une notification est valable 1508681693265 ;
  • il notifie au propriétaire sa volonté de préempter à d'autres conditions. Dans cette hypothèse, il est tenu de saisir le tribunal paritaire des baux ruraux (C. rur. pêche marit., art. L. 412-7). Le juge détermine ensuite les conditions de la vente, chaque partie ayant la possibilité d'accepter ou de refuser. Dans le cadre d'un bail rural cessible hors cadre familial (C. rur. pêche marit., art. L. 418-1), le fermier est privé de la faculté de saisir le tribunal pour contester le prix et les conditions de la vente.
L'exercice effectif de la préemption nécessite en toute hypothèse l'existence d'un bail valable, conformément aux dispositions de l'article L. 411-37 du Code rural et de la pêche maritime 1508681210694.
– La limitation des surfaces appartenant au preneur. – L'exercice du droit de préemption est refusé au fermier propriétaire d'une superficie trois fois supérieure à la surface visée à l'article L. 312-1 du Code rural et de la pêche maritime, peu important que les biens soient exploités ou non (C. rur. pêche marit., art. L. 412-5, al. 6). Ce seuil est compris entre le tiers et une fois la surface agricole utile régionale moyenne (SAURM) fixée par chaque schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) 1508708342270. Cette limite s'apprécie au regard de la surface du schéma directeur régional où se situe le bien vendu 1509041976069et à la date à laquelle le preneur fait connaître sa décision 1511696459018. Les mêmes limites sont imposées aux membres de la famille subrogés.
Toutes les parcelles dont le preneur est propriétaire sont comptabilisées, y compris la quote-part de biens indivis, à l'exception toutefois de celles acquises du bailleur en cours de bail (C. rur. pêche marit., art. L. 412-5). La superficie à prendre en compte lorsque le preneur est marié sous un régime de communauté est de la moitié des biens communs, à laquelle s'ajoute la totalité des biens propres 1508705789093. Si une acquisition faite par le preneur ou sa famille n'est pas encore publiée au service de la publicité foncière, la superficie du bien acquis n'est pas prise en compte 1508705389143. Le dépassement de cette limite ne dispense pas d'effectuer la purge du droit de préemption 1508705512022.
– L'engagement d'exploiter pendant neuf ans. – Le preneur est tenu de poursuivre l'exploitation pendant un délai de neuf ans après la préemption. Cet engagement est essentiel afin de maintenir l'usage agricole des biens vendus. Les personnes subrogées par le preneur sont également tenues à cette obligation 1508700414487, sous peine de dommages et intérêts.
L'engagement est rappelé dans l'acte authentique de vente. L'obligation est respectée si le fonds est exploité par le preneur lui-même, son conjoint ou partenaire pacsé, ou ses descendants. L'engagement est également respecté si le preneur met le bien préempté à disposition d'une société dont il est associé exploitant.
L'obligation d'exploiter s'apprécie dans les mêmes conditions que le droit de reprise de l'article L. 411-59 du Code rural et de la pêche maritime. La participation effective et permanente à l'exploitation est l'un des critères de respect de l'engagement. Les règles du contrôle des structures s'imposent également (C. rur. pêche marit., art. L. 331-1 et s.).
Le bien acquis par préemption ne peut faire l'objet d'une mutation pendant le délai de neuf ans, à l'exception :
  • de l'apport à un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) si le preneur poursuit personnellement l'exploitation (C. rur. pêche marit., art. L. 331-15) ;
  • de l'apport à un groupement foncier agricole (GFA) à la condition de se consacrer personnellement à l'exploitation des biens du groupement (C. rur. pêche marit., art. L. 412-12).
La sanction du non-respect de l'engagement d'exploiter se résout en dommages et intérêts (C. rur. pêche marit., art. L. 411-66).
Lorsque le fermier devient propriétaire par confusion de qualité suite à une vente consentie amiablement par son bailleur, l'engagement d'exploiter n'a alors qu'une portée fiscale 1514712348200.

Les principes gouvernant la réitération de la vente après préemption

La réitération de la vente par acte authentique intervient dans le délai de deux mois à compter de la préemption, notamment pour permettre au preneur d'obtenir un financement. Ce délai court à compter de la date d'envoi de la réponse du preneur, ou lorsque la réponse a été effectuée par acte d'huissier, à compter de la signification faite au propriétaire ou au domicile élu du notaire.

À défaut de réitération dans le délai de quinze jours après une mise en demeure de réitérer la vente faite par acte d'huissier de justice restée sans effet, la déclaration de préemption est nulle de plein droit
<sup class="note" data-contentnote=" Cass. 3&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; civ., 21 mai 2014, n° 12-35.083 : Bull. civ. 2014, III, n° 67.">1507455076569</sup>. La vente intervient alors au profit du tiers acquéreur. L'initiative de la mise en demeure appartient au bailleur et au tiers acquéreur (C. rur. pêche marit., art. L. 412-8).

Les exceptions au droit de préemption du fermier

– Les cessions consenties au profit du cercle familial. – Les mutations au profit de parents ou alliés du propriétaire jusqu'au troisième degré échappent au droit de préemption du preneur en place. Il suffit que le lien de parenté existe entre l'un des vendeurs et l'un des acquéreurs 1518286616803. Néanmoins, le fermier reste prioritaire s'il est lui même parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus, peu important que le parent candidat à l'acquisition soit à un degré plus proche (C. rur. pêche marit., art. L. 412-1, al. 2). La priorité est également accordée au preneur lorsque le conjoint ayant créé l'alliance est décédé.
– Le droit de préemption du coïndivisaire prime celui du preneur en place. – Le droit de préemption bénéficiant aux coïndivisaires prime celui de l'exploitant preneur en place (C. civ., art. 815-14) 1509047111334. Le preneur bénéficie en revanche de son droit de préemption lors de la cession de droits indivis à un tiers à l'indivision 1509046830872.
– La primauté de l'État, des collectivités locales et des établissements publics. – Le droit de préemption de l'État, des collectivités publiques et des établissements publics prime celui du preneur en place (C. rur. pêche marit., art. L. 412-4, al. 2).