Les parcelles abandonnées, engendrant un véritable mitage du territoire forestier, constituent un obstacle à l'exploitation des peuplements et au regroupement de la propriété. L'appropriation des biens sans maître participe à la lutte contre le morcellement forestier.
La valorisation des biens sans maître
La valorisation des biens sans maître
Les biens sans maître, propriété des communes
– Un regain d'intérêt. – Les biens sans maître connaissent un regain d'intérêt après deux siècles d'endormissement. De 1804 à 2004, les biens sans maître appartenaient à l'État.
Depuis 2004
1503218281552, les biens sans maître appartiennent à leur commune de situation (C. civ., art. 713). Cette disposition, retouchée en 2014
1503218977552, a été remaniée en dernier lieu en 2016
1503219242854.
La définition des biens sans maître figure dans le Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP, art. L. 1123-1)
1503220949427.
– Trois catégories de biens sans maître. – Il en existe trois catégories, concernant les forêts à des degrés divers.
– Première catégorie : succession ouverte depuis plus de trente ans. – Il s'agit des biens faisant partie d'une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté (CGPPP, art. L. 1123-1, 1°).
– Deuxième catégorie : propriétés bâties. – Cette deuxième catégorie regroupe les immeubles n'ayant pas de propriétaire connu et pour lesquels la taxe foncière sur les propriétés bâties n'a pas été acquittée depuis plus de trois ans ou a été acquittée par un tiers, ces dispositions ne faisant pas obstacle à la prescription de droit commun (CGPPP, art. L. 1123-1, 2°). A priori, elle n'a pas vocation à s'appliquer aux bois et forêts
1503224990932.
– Troisième catégorie : propriétés non bâties. – Cette dernière catégorie se rencontre fréquemment en territoire forestier. Il s'agit des immeubles n'ayant pas de propriétaire connu, non assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties, et pour lesquels la taxe foncière sur les propriétés non bâties n'a pas été acquittée depuis plus de trois ans ou a été acquittée par un tiers. À l'instar des biens de la deuxième catégorie, ces dispositions ne font pas obstacle à l'application des règles de droit civil relatives à la prescription (CGPPP, art. L. 1123-1, 3°).
– Possibilité de renonciation volontaire en faveur d'un EPCI pour les biens des première et deuxième catégories. – La commune peut renoncer à exercer ses droits sur les biens des première et deuxième catégories lui revenant en tout ou en partie au profit de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dont elle est membre. Ces biens deviennent alors la propriété de cet EPCI (C. civ., art. 713, al. 1). Il s'agit d'une décision volontaire de la commune ne concernant pas les biens de la troisième catégorie (propriétés non bâties), le texte ne prévoyant pas cette possibilité (CGPPP, art. L. 2311-4).
– Appropriation par défaut par l'État. – Si la commune ou l'EPCI renonce à exercer ses droits, la propriété est transférée de plein droit à l'État (C. civ., art. 713, al. 2). Toutefois, ces biens sont dévolus au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres pour les zones relevant de sa compétence (C. env., art. L. 322-1) ou, à défaut, au conservatoire régional d'espaces naturels, si ces organismes en font la demande.
La mise en œuvre de l'appropriation
Chaque catégorie de biens sans maître dispose de sa propre procédure d'appropriation par la commune.
– Simplicité de la procédure pour la première catégorie. – L'incorporation dans le patrimoine communal des biens de la première catégorie est de droit et immédiate (CGPPP, art. L. 1123-2, renvoyant à C. civ., art. 713). Une circulaire de 2006 fixe les modalités de la procédure
1503227085962. Après s'être entouré des précautions d'usage
1503227153105, le conseil municipal constate la réunion des deux conditions suivantes :
- la succession est ouverte depuis plus de trente ans ;
- aucun successible ne s'est présenté.
Il autorise ensuite le maire à procéder à l'acquisition. La prise de possession est constatée par un procès-verbal affiché en mairie. Il est recommandé de publier ce procès-verbal au service de publicité foncière, même s'il n'est pas créateur de droit contrairement aux termes de la circulaire de 2006.
Si la commune renonce à exercer son droit de propriété, elle en informe la préfecture.
– Procédure pour les propriétés bâties (deuxième catégorie). – Cette procédure est plus formelle que la précédente. Elle se décompose en deux temps (CGPPP, art. L. 1123-3) :
- après avis de la commission communale des impôts directs (CGPPP, art. R. 1123-1), un arrêté du maire constate que les biens immobiliers répondent aux conditions du texte (pas de propriétaire connu, taxe foncière sur les propriétés bâties non acquittée depuis plus de trois ans ou acquittée par un tiers). Cet arrêté est publié et affiché en mairie. Il est notifié, s'il y a lieu, aux derniers domicile et résidence du dernier propriétaire connu, à l'habitant ou à l'exploitant de l'immeuble, au tiers ayant acquitté les taxes foncières, ainsi qu'au préfet de département.Passé un délai de six mois à compter de la dernière formalité et en l'absence de propriétaire se faisant connaître, l'immeuble est présumé sans maître ;
- dans cette hypothèse, la commune l'incorpore dans son domaine par délibération du conseil municipal. Un arrêté constatant l'incorporation est ensuite pris par le maire.
Les formalités sont identiques si elles sont menées par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).
À défaut de délibération prise dans un délai de six mois à compter de la vacance présumée du bien, la propriété est attribuée à l'État, sauf transfert au Conservatoire du littoral ou au conservatoire régional d'espaces naturels (C. civ., art. 713, al. 2). Le transfert du bien est constaté par un acte administratif.
– Procédure pour les propriétés non bâties (troisième catégorie). – Cette procédure, créée en 2014
1503228193640, est plus longue et plus compliquée que les deux précédentes (CGPPP, art. L. 1123-4). Elle se décompose en sept phases :
- au 1er mars de chaque année, les centres des impôts fonciers signalent au préfet du département les immeubles satisfaisant aux conditions de la troisième catégorie ;
- au plus tard le 1er juin, le préfet arrête la liste de ces immeubles par commune et la transmet à chaque commune concernée ;
- le préfet et le maire de chaque commune concernée procèdent à une publication et à un affichage de cet arrêté en mairie. Cet arrêté est notifié, s'il y a lieu, aux derniers domicile et résidence du dernier propriétaire connu, à l'habitant ou à l'exploitant de l'immeuble, au tiers ayant acquitté les taxes foncières ;
- passé un délai de six mois à compter de la dernière formalité et en l'absence de propriétaire se faisant connaître, l'immeuble est présumé sans maître ;
- le préfet notifie cette présomption au maire de la commune de situation du bien ;
- dans ce cas, par délibération du conseil municipal, la commune l'incorpore dans son domaine. Un arrêté constatant l'incorporation est pris par le maire. À défaut de délibération prise dans un délai de six mois à compter de la notification de la vacance présumée du bien, la propriété est attribuée à l'État, sauf transfert au Conservatoire du littoral ou au conservatoire régional des espaces naturels (C. civ., art. 713, al. 2). Le transfert du bien est constaté par un acte administratif ;
- les bois et forêts acquis dans le cadre de cette procédure sont soumis au régime forestier (C. for., art. L. 211-1) à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'incorporation dans le domaine communal ou du transfert dans le domaine de l'État. Dans ce délai, les biens acquis peuvent être cédés.
– Analyse critique. – Le transfert de la propriété des biens sans maître à la commune est cohérent. Il s'agit en effet du seul échelon administratif en mesure de les suivre sur un territoire. Une fois propriétaire, la commune est autorisée à céder les bois et forêts acquis dans le délai de cinq ans, soit de gré à gré, soit dans le cadre d'un ECIF/ECIR. En revanche, il est regrettable que la mise en œuvre de la procédure relative aux biens non bâtis repose sur un trop grand nombre d'intervenants : les services fiscaux, la préfecture et la commune. Pour gagner en efficacité, il conviendrait de simplifier la procédure, la commune en devenant l'acteur principal.