La protection du majeur déclaré vulnérable en droit a1473
- Subsidiarité des mesures de protection judiciaire. - Les mesures de protection judiciaire sont toujours subsidiaires, ce qui signifie qu'elles ne constituent qu'un ultimum remedium à l'impossibilité pour la personne de pourvoir seule à ses intérêts et qu'il convient toujours de favoriser, en pareil cas, une réponse issue d'autres dispositifs juridiques moins contraignants. Ce principe de subsidiarité, qui est un pilier du droit de la protection des majeurs, est exprimé à l'article 428, alinéa 1er du Code civil, lequel dispose que : « La mesure de protection judiciaire ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par la mise en ?uvre du mandat de protection future conclu par l'intéressé, par l'application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217, 219, 1426 et 1429 ou, par une autre mesure de protection moins contraignante ».
Ainsi, depuis la loi du 23 mars 2019, lorsqu'une personne ne peut plus subvenir seule à ses besoins en raison d'une altération de ses facultés personnelles, les juges doivent en priorité examiner si un mandat de protection future n'a pas été signé. Une telle promotion du mandat de protection future, nous l'avons souligné, n'est pas simplement symbolique et formelle mais témoigne d'une volonté législative de faire primer, dans la mesure du possible, une organisation volontaire et anticipée de la protection sur l'ouverture d'une mesure de protection, considérée comme plus attentatoire aux droits et libertés du majeur vulnérable.
En second lieu, avant de prononcer à l'égard de celui-ci un système plus lourd et restrictif de droits, les juges doivent examiner si les règles du droit commun de la représentation ou si les règles des régimes matrimoniaux applicables entre conjoints suffisent ou non à résoudre les difficultés rencontrées par la personne vulnérable.
Au sein du couple marié, il doit donc être fait usage prioritairement des règles issues du régime primaire impératif, lequel recèle deux dispositions permettant de protéger un époux « hors d'état de manifester sa volonté » : l'autorisation judiciaire de l'article 217 du Code civil et la représentation judiciaire de l'article 219 du même code. Sans s'étendre à leur sujet
, rappelons brièvement que le premier de ces textes permet à l'époux demandeur, muni d'une autorisation spéciale, d'accomplir un acte nécessitant en principe l'accord de son conjoint empêché (acte soumis à la cogestion en régime de communauté, acte relatif au logement de la famille, etc.) et pour lequel il sera seul engagé. Le second, en revanche, permet à l'époux requérant non pas de pallier ponctuellement l'empêchement de son conjoint, mais de le représenter de façon générale ou pour plusieurs actes déterminés relatifs à ses biens propres ou personnels. Le juge des tutelles confie alors un véritable mandat judiciaire à l'époux requérant qui agit au nom et pour le compte de l'époux empêché. En complément de ce dispositif, par essence temporaire, des règles propres au régime de communauté sont appelées, le cas échéant, à prendre le relais
. Lorsqu'un époux se trouve « d'une manière durable » hors d'état de manifester sa volonté, son conjoint peut ainsi demander au juge aux affaires familiales le retrait de ses pouvoirs sur les biens communs (C. civ., art. 1426) et sur ses propres (C. civ., art. 1429). Le premier de ces textes organise ainsi une substitution de pouvoirs, l'époux empêché se voyant privé de ses prérogatives sur les biens communs au profit de son conjoint, alors que le second consacre un véritable dessaisissement de pouvoirs, l'époux empêché se voyant privé de ses prérogatives sur ses biens propres au profit de son conjoint, ainsi doté d'un pouvoir de représentation
.
Par ailleurs, le texte prévoyant la prévalence des règles du droit commun de la représentation, l'ouverture d'un régime de protection des majeurs doit être écartée en présence d'un mandat exprès entre époux
, à condition que cet acte ait été souscrit avant l'altération des facultés mentales et qu'il suffise à préserver les intérêts du conjoint
. Le principe de subsidiarité a vocation à jouer non seulement dans les rapports entre époux, mais également dans les relations entre la personne vulnérable et les autres membres de la famille ou avec tout tiers, d'une manière générale. Ainsi, dans des conditions similaires, l'existence d'un mandat général couvrant les actes d'administration ou d'une procuration bancaire conférée par la personne à protéger à un proche peut permettre d'éviter la mise en place d'une mesure de protection judiciaire. À défaut de textes spécifiques les concernant, contrairement au couple marié, c'est la seule solution dont peuvent se prévaloir le partenaire et le concubin du majeur vulnérable, sauf à être propriétaires de biens indivis avec ce dernier. En pareille occurrence, à l'instar de tout indivisaire, ils peuvent en effet se prévaloir des dispositions de l'article 815-4 du Code civil, lequel prévoit, sur le modèle de l'article 219
, une représentation judiciaire de l'indivisaire « hors d'état de manifester sa volonté »
.
Enfin, avant de se résoudre à ouvrir une mesure de protection judiciaire, les juges doivent aussi vérifier qu'une mesure d'accompagnement judiciaire ou d'accompagnement social personnalisé n'est pas en cours ou ne serait pas plus efficace.
Le rôle de conseil et d'orientation du notaire
La loi offre un large panel de solutions pour assurer la protection de la personne vulnérable. Afin de pouvoir faire les choix les plus appropriés, tant la personne concernée que ses proches expriment un besoin d'information et de compréhension sur ces différents dispositifs et sur leurs conséquences. Confrontés à cette attente, en leur qualité de témoins privilégiés de la vie de leurs clients, les notaires ont un rôle capital de conseil et d'orientation à jouer. Alors, certes, le notaire n'a pas à choisir un régime de protection. Cette fonction appartient au juge qui doit opter, en respectant un certain nombre de principes fondamentaux et directeurs, pour la mesure la mieux adaptée à la situation et à l'état de la personne dont la vulnérabilité est avérée. Tout au plus à ce stade, le notaire a un rôle de signalement, en saisissant le procureur de la République ou en incitant les proches à demander l'ouverture d'une mesure de protection. Mais, plus en amont, le notaire, consulté par ses clients qui l'interrogent sur la façon de procéder lorsque l'un de leurs proches est atteint d'incapacité, a également un rôle d'orientation du régime de protection et de prévention de l'incapacité qu'il doit intégrer dans l'exercice de ses fonctions. À cette fin, il doit avoir en tête la hiérarchie des mesures de protection, parmi lesquelles l'une d'entre elles sera retenue.