La protection du majeur déclaré vulnérable en droit a1469
- Les mesures de protection sociale. - Les mesures de protection sociale, qui font l'objet d'une réglementation spécifique dans le Code civil et dans le Code de la famille et de l'aide sociale, sont destinées à combler un vide, depuis que les oisifs, prodigues et autres intempérants ne peuvent plus relever d'un régime de protection juridique. Ces mesures, qui s'adressent presque exclusivement à ceux, déjà connus des services sociaux des départements, dont les fragilités multiples et diverses ont fait échouer les accompagnements classiques ou qui se sont isolés d'eux-mêmes de toute intervention sociale, sont au nombre de deux
et sont alternatives : dans un premier temps, la mesure d'accompagnement social personnalisé (Masp), non judiciaire, est mise en ?uvre par les services sociaux du département sur la base d'un contrat, et ce pour une durée limitée n'excédant pas quatre ans. Elle se décline en trois niveaux d'accompagnement, ce qui lui confère un caractère gradué, afin de s'adapter aux capacités et aux problématiques de chaque bénéficiaire, pour évoluer d'un « accompagnement social renforcé » à la gestion des prestations puis à une mesure contraignante
. Dans un second temps, en cas d'échec de cette phase sociale, la mesure d'accompagnement judiciaire (MAJ) peut être confiée par le juge à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, qui gère tout ou partie des prestations sociales perçues par la personne, dans l'intérêt de celle-ci, étant ici souligné que cette dernière garde pour le reste toute sa capacité civile.
La frontière entre les deux types de mesures, sociales et juridiques, est en principe infranchissable car une mesure d'accompagnement judiciaire ne peut être prononcée si la personne bénéficie d'une mesure de protection juridique et, à l'inverse, le prononcé d'une mesure de protection juridique met fin de plein droit à la mesure d'accompagnement judiciaire (C. civ., art. 495-1). Cette frontière n'est cependant pas totalement imperméable puisque l'article L. 271-6 du Code de l'action sociale et des familles prévoit qu'en cas d'échec de la Masp, le président du conseil départemental transmet au procureur de la République un rapport comportant une évaluation de la situation sociale et pécuniaire de la personne ainsi qu'un bilan des actions personnalisées menées auprès d'elle. Il joint à ce rapport, sous pli cacheté, les informations dont il dispose sur la situation médicale du bénéficiaire. Si, au vu de ces éléments, le procureur de la République saisit le juge des tutelles aux fins du prononcé d'une sauvegarde de justice ou de l'ouverture d'une curatelle, d'une tutelle ou d'une mesure d'accompagnement judiciaire, il en informe le président du conseil départemental.
À côté des personnes mentalement ou physiquement vulnérables, les textes entendent ainsi protéger une autre catégorie de majeurs, ceux qui sont socialement vulnérables. Ce sont les personnes désocialisées, les « accidentés de la vie », en situation de précarité et d'exclusion, ceux que l'on a pu nommer « les nouveaux prodigues »
. On peut cependant constater, et regretter que ces mesures soient peu utilisées
. Les raisons de cette confidentialité sont nombreuses et connues
. Outre le vice congénital dont souffrent ces mesures, leur champ d'application se limitant aux seules personnes qui perçoivent des prestations sociales et uniquement celles-ci, ce qui exclut par exemple un certain nombre de personnes âgées, il ressort notamment d'une enquête de la Cour des comptes
que les parquets et les juges ne réorientent pas les demandes d'ouverture de mesures de protection juridique vers les travailleurs sociaux du département lorsque le majeur concerné paraît relever davantage d'un dispositif social que d'une mesure judiciaire. On constate également que le champ des bénéficiaires potentiels de ces mesures alternatives est plus étroit que le législateur ne l'avait imaginé en raison d'un cumul de critères exigeants et d'une limite dans le temps. Enfin, les bonnes volontés sont ici éprouvées par les faits, en l'occurrence le manque de moyens. On constate, en effet, que les départements qui ont assuré la mise en ?uvre « opérationnelle » de la Masp ont dû le faire, pour la grande majorité d'entre eux, à moyens constants
. Or, ces moyens s'essoufflent inexorablement tant au regard de l'accroissement des vulnérabilités que de l'important investissement que la mesure impose pour aller au plus près des besoins de la personne.
Recommandation du Défenseur des droits
Plusieurs recommandations du Défenseur des droits concernant les mesures de protection sociale méritent d'être soulignées. On songe notamment à celle qui vise à élargir la mesure d'accompagnement judiciaire (MAJ) « aux personnes majeures faisant face à de grandes difficultés dans la gestion de leurs ressources lorsque ces difficultés sont susceptibles de les mettre en danger, et ce quand bien même elles ne seraient pas bénéficiaires de prestations sociales »
. Cette suggestion, qui devrait naturellement concerner la Masp qui précède la MAJ dans la hiérarchie des mesures, imposerait cependant, dans les faits, de fournir des moyens supplémentaires aux départements pour faire face aux surcoûts inévitables qu'engendrerait cet élargissement des critères d'éligibilité. Signalons par ailleurs que le Défenseur des droits propose également de permettre au juge des tutelles de prononcer une MAJ si elle apparaît plus appropriée qu'une autre mesure de protection au regard de la situation du majeur concerné.