Avant-propos de Emmanuel CLERGET, Président du 114e Congrès des notaires de France

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Emmanuel CLERGET
Emmanuel CLERGET
Président du 114e Congrès des notaires de France

« Plus généralement, la France, sur le plan économique, se portait bien. Devenue un pays surtout agricole et touristique, elle avait montré une robustesse remarquable lors des différentes crises qui s’étaient succédé, à peu près sans interruption, au cours des vingt dernières années. Ces crises avaient été d’une violence croissante, d’une imprévisibilité burlesque – burlesque tout du moins du point de vue d’un Dieu moqueur, qui se serait amusé sans retenue de convulsions financières plongeant subitement dans l’opulence, puis dans la famine, des entités de la taille de l’Indonésie, de la Russie ou du Brésil : des populations de centaines de millions d’hommes. N’ayant guère à vendre que des hôtels de charme, des parfums et des rillettes – ce qu’on appelle un art de vivre –, la France avait résisté sans difficultés à ces aléas. »

Puisque le thème « Demain, le territoire » est avant tout une invitation à penser la France de demain, la convocation d’un des plus visionnaires et iconoclastes de nos écrivains en exergue de cet avant-propos est légitime. Le rapport que vous tenez dans les mains n’est pas, bien évidemment, une œuvre d’anticipation. Mais l’exercice demandé à l’équipe des rapporteurs du 114e Congrès des notaires de France nécessitait de faire la part entre mythes et réalités d’un monde à venir.

La France de Michel Houellebecq est devenue en 2040 un paradis touristique. Celle que nous avons envisagée pour proposer le droit de demain a su conserver un espace agricole et promouvoir de nouveaux modèles d’exploitation. Elle a réussi le défi de la transition énergétique, longtemps freinée par les contempteurs des énergies fossiles et autres sceptiques envers le réchauffement climatique. Les métropoles et grandes villes se sont verticalisées, embrassant dans un même élan végétalisation et mixité sociale. Quant aux territoires ruraux et aux villes moyennes, cette « France périphérique », celle des populations invisibles et oubliées, ils ont endigué leur déclin mortifère et intégré l’économie mondialisée.

Cette vision de la France n’est pas utopiste. Les défis qu’elle doit relever ne sont pas les fruits d’hallucinations de quelque nouveau don Quichotte. Ils sont clairement identifiés et la raison doit vaincre les défenseurs d’un modèle exsangue qui n’ont pour dernière arme que leur négation.

Ces défis, quels sont-ils ?

– Accompagner les mutations du monde agricole

L’agriculture doit bien évidemment continuer d’assurer à la France son indépendance alimentaire par une production croissante. Mais cet objectif doit également prendre en compte de nouvelles exigences que sont la protection des sols et la mise sur le marché de produits sains.

Les agriculteurs doivent être justement rémunérés pour cette production. Il en va de leur survie, mais aussi de celle des territoires ruraux, tant leurs destins sont intimement liés.

– Accélérer la transition énergétique

L’épuisement des énergies fossiles, mais surtout leur contribution au réchauffement climatique, obligent l’humanité à s’engager dans une course contre la montre et à développer massivement des énergies renouvelables. La maîtrise de la consommation d’énergie doit être également recherchée par des incitations à la rénovation.

– Réduire les fractures territoriales, sociales et culturelles

Le thème du congrès « Demain, le territoire », ne laisse place à aucune ambiguïté ; il ne peut y avoir, comme le relevait Fernand Braudel, de nation sans unité, tant ces deux notions sont consubstantielles l’une de l’autre. Dès lors, aucun espace, centres de villes moyennes ou territoires ruraux, ne doit être abandonné.

S’interroger sur ce que sera demain le territoire, c’est convoquer tout à la fois la géographie, la sociologie, le politique et l’économie. Mais ces mutations, ces transitions qu’il connaîtra ne pourront se faire sans l’encadrement et la sécurisation qu’offre le droit.

Le présent rapport tente d’en donner les premiers fondements. Il est l’œuvre de huit notaires, venus comme chaque année de toute la France, la représentant dans toute sa diversité et toute sa richesse. Tout au long de cette rédaction ils ont su marier passion, humilité, curiosité, rigueur et travail acharné, pour mon plus grand bonheur. Qu’ils en soient ici justement et pleinement remerciés. Mes remerciements s’adressent également à leur famille et à leurs proches.

Quant à Antoine Bouquemont, rapporteur général, c’est à la puissance huit qu’il a conjugué toutes ces qualités, trouvant en plus le temps de me rendre compte quotidiennement de l’avancée des travaux. Son investissement n’a eu d’égal que son talent et sa gentillesse. Merci Antoine.

Que les membres du directoire et les permanents de l’Association du Congrès des notaires de France trouvent eux aussi dans ces lignes l’expression de ma profonde gratitude pour leur enthousiasme, leur engagement sans faille, témoignés au profit d’un objectif ultime : le rayonnement du notariat.

Mon souhait est maintenant que vous ayez autant de plaisir à lire ce rapport que d’envie de débattre à Cannes, pour dessiner ensemble le territoire de demain.