La protection des abords des monuments historiques

La protection des abords des monuments historiques

- Un peu d'histoire. - « Un chef-d'œuvre isolé est un chef-d'œuvre mort. » Ces mots accompagnaient la présentation par André Malraux au Parlement, en 1962, de son projet de loi sur les « secteurs sauvegardés ». La protection des abords des monuments historiques résulte initialement de la loi du 25 avril 1943 et vise à préserver leur environnement immédiat, pour mieux les mettre en valeur.
- Abords et urbanisme. - Le Code de l'urbanisme pose le principe selon lequel le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales.
Les réformes successives ont souhaité renforcer les liens entre protection patrimoniale et réglementation de l'urbanisme .
Le plan local d'urbanisme doit intégrer les objectifs patrimoniaux. Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration .
- Périmètre(s). - Le « rond bête et méchant » de cinq cents mètres a vécu. En dernier lieu, la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (dite « loi LCAP ») lui préfère le périmètre « spécifique » et unifie les régimes de périmètre de protection « adapté » et périmètre de protection « modifié » issus de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite « loi SRU ») et de l'ordonnance de 2005 : « Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords » .
La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par le préfet dans les conditions fixées à l'article L. 621-31 du Code du patrimoine . Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.
En pratique, le périmètre des abords peut être modifié sur proposition de l'architecte des Bâtiments de France (ABF). Le préfet de région saisit l'ABF afin qu'il propose un tel périmètre :
  • à chaque nouvelle inscription d'un immeuble au titre des monuments historiques ;
  • à chaque adaptation du document local d'urbanisme .
En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti :
  • situé à moins de cinq cents mètres du monument historique ;
  • visible ou visible en même temps que lui (covisibilité).
La protection au titre des abords :
  • s'applique à toute partie non protégée au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement protégé ;
  • n'est pas applicable aux immeubles ou parties d'immeubles protégés au titre des monuments historiques ou situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable classé .
- Servitude d'utilité publique. - La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel . Ce périmètre de servitude d'utilité publique sera créé à l'issue d'une étude historique, urbaine et paysagère, après enquête publique et accord de l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme .
- Rationalisation des régimes de protection. - La loi LCAP a encore souhaité rationaliser les régimes de protection en précisant que la protection au titre des abords n'est pas applicable :
  • aux immeubles ou parties d'immeubles inscrits ou classés au titre des monuments historiques ;
  • aux immeubles ou parties d'immeubles situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable (SPR).
Lorsqu'un immeuble est protégé au titre des abords, la protection au titre du site inscrit de l'article L. 341-1 du Code de l'environnement n'est plus opposable . En pratique, en cas de cumul, le régime le plus protecteur s'applique.
- Autorisations de travaux. - Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords .
L'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du Code du patrimoine pour les travaux situés aux abords de monuments historiques non soumis à autorisation au titre du Code de l'environnement ou du Code de l'urbanisme est régie par les articles R. 621-96 et suivants du Code du patrimoine. Lorsque le dossier est complet, le silence gardé par le préfet pendant deux mois à compter du dépôt de la demande vaut autorisation en application de l'article L. 231-1 du Code des relations entre le public et l'administration. Lorsque le dossier est incomplet, le préfet avise le demandeur, dans un délai d'un mois à compter de l'enregistrement de la demande, des pièces manquant à son dossier. Dans ce cas, le délai mentionné à l'alinéa précédent court à compter du dépôt de ces pièces. À défaut pour le demandeur de déposer ces pièces auprès du maire dans un délai de trois mois à compter de la réception de cet avis, la demande est réputée rejetée .
L'ABF dispose d'un délai d'un mois à compter de sa saisine pour se prononcer. À défaut, il est réputé avoir donné son accord. S'il estime que le dossier est incomplet, il en avise le préfet, dans le délai de quinze jours à compter de sa saisine. Le préfet fait alors application du deuxième alinéa de l'article R. 621-96-9 ci-avant visé .
Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du Code de l'urbanisme ou au titre du Code de l'environnement, cette autorisation est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1 du Code du patrimoine .
- Extension du champ d'application des travaux effectués dans un périmètre de protection au titre des abords soumis à autorisation d'urbanisme. - Le champ d'application des travaux soumis à autorisation dans les secteurs sauvegardés a été étendu aux travaux effectués dans un périmètre de protection au titre des abords, ou dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable (SPR), par la loi LCAP confirmée par le décret du 29 mars 2017 .
En pratique, sont désormais soumis à autorisation d'urbanisme des travaux et aménagements au seul motif qu'ils sont réalisés sur des immeubles situés dans le périmètre de protection d'un monument historique (au titre des abords ou dans le périmètre d'un SPR). À titre d'exemple, on peut citer les constructions nouvelles répondant aux critères cumulatifs suivants :
  • une hauteur au-dessus du sol inférieure ou égale à 12 mètres ;
  • une emprise au sol inférieure ou égale à 20 m2 ;
  • une surface de plancher inférieure ou égale à 20 m2.
Les permis de construire, de démolir et d'aménager, la décision de non-opposition à déclaration préalable, l'autorité environnementale de l'article L. 181-1 du Code de l'environnement ou encore l'autorisation au titre de sites classés de l'article L. 341-10 du même code tiennent lieu de l'autorisation de travaux au titre des abords ou du SPR, après accord de l'ABF , le cas échéant assorti de prescriptions motivées, reprises dans l'autorisation. Son silence vaut acceptation.
- Désaccord de l'ABF. - En cas de désaccord avec l'ABF, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation transmet le dossier accompagné de son projet de décision à l'autorité administrative, qui statue après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA), et ce pour toutes les autorisations de travaux en SPR et pour les autorisations au titre des abords soumises à formalité au titre du Code de l'urbanisme ou au titre du Code de l'environnement .
En cas de silence, l'autorité administrative est réputée avoir rejeté ce projet de décision, et par conséquent validé la décision de l'architecte des Bâtiments de France.

Démolitions

Le permis de démolir n'est requis que dans certaines parties du territoire en vue de la sauvegarde du patrimoine, énumérées par l'article R. 421-28 du Code de l'urbanisme :
« a) Située dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable classé en application de l'article L. 631-1 du Code du patrimoine ;
b) Située dans les abords des monuments historiques définis à l'article L. 621-30 du Code du patrimoine ou inscrits au titre des monuments historiques ;
c) Située dans le périmètre d'une opération de restauration immobilière définie à l'article L. 313-4 ;
d) Située dans un site inscrit ou un site classé ou en instance de classement en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du Code de l'environnement ;
e) Identifiée comme devant être protégée en étant située à l'intérieur d'un périmètre délimité par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu en application de l'article L. 151-19 ou de l'article L. 151-23, ou, lorsqu'elle est située sur un territoire non couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, identifiée comme présentant un intérêt patrimonial, paysager ou écologique, en application de l'article L. 111-22, par une délibération du conseil municipal prise après l'accomplissement de l'enquête publique prévue à ce même article ».
En revanche , sont dispensées de permis de démolir, et ce même si l'immeuble est compris dans le périmètre d'un SPR ou aux abords d'un monument historique, mais travaux à autorisation du préfet , les démolitions effectuées :
  • sur un bâtiment menaçant ruine ;
  • ou sur un immeuble insalubre.
En pratique, les maires ne peuvent autoriser la démolition .