4258 La procédure judiciaire d’exequatur attribue la force exécutoire à un acte authentique. L’hypothèse ici visée est celle d’un acte étranger à produire en France. L’acte notarié à produire à l’étranger doit respecter le droit du pays d’exécution. En connaissant la raison d’être de l’exequatur (Section I), il est plus aisé d’en comprendre la procédure (Section II).
4259 En matière d’exécution des actes notariés à l’international, deux États sont en cause : l’État du pays d’origine de l’acte, c’est-à-dire celui qui a par sa volonté souveraine donné au notaire compétence de délivrer un titre exécutoire, et l’État d’exécution dans lequel est demandée la mise en exécution de l’obligation, État qui accorde sa force publique.
Un État ne peut tolérer qu’un acte établi dans un autre pays puisse produire des effets sur son territoire, sans y donner son propre aval. Si tel était le cas, il y aurait ingérence dans la souveraineté de l’autre État.
Dans le cadre du respect de la souveraineté des États, la procédure française d’exequatur s’est développée, afin de permettre à un acte étranger ayant force exécutoire d’être préalablement validé par l’autorité judiciaire avant de produire ses effets à caractère exécutoire sur les biens sur son propre territoire.
L’exécution de l’acte notarié est de même nature que l’exécution d’un jugement308 : elle relève par conséquent de la question de l’efficacité des jugements, que la doctrine classe dans une catégorie particulière : la catégorie du conflit d’autorités309.
Le conflit d’autorités regroupe en effet « les règles applicables à la compétence internationale des autorités non judiciaires françaises et celles relatives aux effets des actes non judiciaires étrangers, dans la mesure – puisqu’il s’agit de droit international privé – où les relations privées sont concernées »310.
Afin d’attribuer la force exécutoire à un acte notarié étranger, la procédure d’exequatur dite « de droit commun » est nécessaire. Cet acte authentique étranger doit émaner d’un État tiers à l’Union européenne, ou d’un État de l’Union européenne hors du champ d’application d’un règlement européen.
Il peut arriver que les parties, à titre préventif ou en cas de contestation, demandent l’exequatur à toutes fins utiles pour obtenir la vérification de la régularité de la décision étrangère311.
Cette pratique, qui consiste à demander l’exécution forcée à des fins relevant d’une action déclaratoire, a été sanctionnée par le passé312, car il a été considéré qu’elle détournait la procédure de sa finalité. Une doctrine y voit pourtant une « utilité pour vaincre à l’avance la résistance des tiers intéressés à l’acte »313. En ces temps de disette judiciaire, il ne semble pas utile de présumer le débiteur de mauvaise foi et de saisir le juge d’une éventuelle inexécution d’obligation.
4260 La règle fixée par le Code de procédure civile impose une requête en exequatur par application de son article 509. Cette procédure existe également pour les jugements étrangers.
La juridiction française compétente est le tribunal de grande instance314, statuant à juge unique315. Le tribunal de grande instance compétent est celui du lieu de résidence du débiteur ou du lieu de situation du bien qui fait l’objet d’une demande d’exécution forcée.
La vérification effectuée par le juge est moindre en matière d’acte notarié qu’en matière d’exequatur portant sur une décision étrangère. Le juge n’effectue pas de contrôle de la compétence internationale de l’autorité publique étrangère ayant reçu l’acte. Il y a une équivalence de compétence de l’autorité publique316.
Le juge français s’assure qu’il n’existe aucune compétence exclusive au profit des notaires français, telle la constitution d’une hypothèque sur un bien immobilier situé sur le territoire français, ainsi qu’il résulte de l’article 2417 du Code civil.
Une analyse préalable s’impose : il faut que l’acte soit authentique. Il est nécessaire de définir ce qui est qualifiable d’acte authentique. Le droit européen, dans son arrêt Unibank du 17 juin 1999317, a défini la notion d’acte authentique de façon plus restrictive que la Cour de cassation.
Les trois conditions posées par l’arrêt Unibank sont cumulatives.
Il doit s’agir :
d’un acte établi par une autorité publique ;
dont l’authenticité porte sur la signature et le contenu de l’acte ;
et qui est exécutoire dans son État d’origine.
Il faut penser qu’aujourd’hui la Cour de cassation définirait l’acte authentique à l’identique du droit européen. Lequel, dans les différents règlements, donne une définition de l’acte authentique.
L’acte doit-il être légalisé avant d’être exécutoire ? Une réponse positive doit être donnée depuis l’abrogation318de l’ordonnance royale de la marine d’août 1681. La Cour de cassation, dans un arrêt du 4 juin 2009319, impose cette légalisation à titre de coutume internationale sauf dispense bien entendu320.
L’acte présenté au juge est traduit et n’est pas frappé d’une irrégularité intrinsèque321.
Le magistrat contrôle que l’acte est conforme à l’ordre public international français, sans procéder à la recherche d’une éventuelle fraude à la loi322.
À ce principe d’exequatur, il existe bien entendu des tempéraments, voire des exceptions.
Celles-ci relèvent de la confiance mutuelle qui existe au sein des États membres de l’Union européenne.