CGV – CGU

Chapitre I – La force exécutoire : une force internationale ?

Partie IV – L’exécution des contrats dans un contexte international
Titre 1 – L’exécution du contrat
Sous-titre 1 – La nécessaire constatation de la force exécutoire
Chapitre I – La force exécutoire : une force internationale ?

4257 S’interroger sur la force exécutoire de l’acte notarié en droit international oblige à en rechercher les fondements en droit interne. Une fois fondée, il est plus aisé de comprendre l’importance de la délivrance d’un titre exécutoire hors des frontières.

La force exécutoire est un effet de l’acte notarié. En droit français, elle trouve son existence dans la loi du 25 ventôse an XI, en son article 19298. La force exécutoire attachée à l’acte notarié est également visée dans l’article premier de l’ordonnance du 2 novembre 1945 et dans l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution299.

La notion de force exécutoire a été présentée dans un précédent congrès300. Elle trouve son fondement dans le statut du notaire français. En sa qualité d’officier public, le notaire est délégataire d’une partie de la puissance publique. L’exécution forcée, objet central du droit des voies d’exécution301, met en jeu la force publique. La confiance accordée au notaire en raison de son statut justifie d’un tel concours302.

À l’international, le statut du notaire ne passe pas les frontières. L’État français ne peut imposer sa souveraineté à un autre État. La force exécutoire attachée au statut ne passe en principe pas les frontières bien que l’acte puisse circuler303. Il sera évoqué ci-après les procédures qui permettent à un acte notarié d’être exécutoire hors de France. Il a été proposé, lors du 111e Congrès des notaires de France, la création d’un sceau européen304. S’il y a là les prémices d’une unité et d’une identité des notariats d’Europe, elles ne présument pas d’une souveraineté commune.

La confiance accordée à l’acte authentique et à l’acte notarié en particulier justifie que le législateur européen ait dans de nombreux règlements écarté la procédure d’exequatur pour attribuer à l’acte la force exécutoire.

En droit interne, la délivrance au créancier d’un titre exécutoire lui attribue un avantage. Il appartient au débiteur de s’opposer à son créancier. Il devient demandeur à l’instance. L’acte notarié porte dans sa nature le caractère exécutoire. Le créancier n’a pas à saisir une juridiction afin d’obtenir un titre exécutoire. Le notaire délivre sur demande du créancier une copie exécutoire, ce qui a fait dire à certains auteurs qu’il s’agit d’une quasi-sûreté305.

Dans l’ordre international, permettre au créancier d’obtenir un titre exécutoire sans recours à une juridiction est particulièrement avantageux. Le premier avantage est d’éviter de saisir un juge qui pourrait se considérer non compétent. Le notaire n’est pas une juridiction, et de ce chef il n’est pas lié par les règles de compétence juridictionnelle. Le second avantage est encore plus profond. Faute de saisir un juge, le negotium n’a pas à être réétudié, réanalysé. L’accord du débiteur quant à l’exécution de son obligation est inscrit dans l’acte. Il est informé ab initio de la délivrance d’un titre exécutoire à son encontre.

Le notaire doit-il refuser d’instrumenter s’il pressent une impossibilité d’exécution forcée306 ? Deux raisons peuvent apporter une réponse négative. La première : l’exécution forcée est une « pathologie » de l’exécution d’une obligation. Il n’est pas du rôle du notaire de présumer d’une inexécution de l’acte ab initio. La seconde, pragmatique : comment connaître l’État dans lequel l’acte devra être produit ? Le refus de rendre exécutoire un acte dépend du pays d’exécution, lequel n’est pas connu lors de l’établissement de l’acte.

Si « l’acte authentique français apparaît comme un instrument relativement puissant à l’étranger »307, la confiance accordée au notaire et à l’acte qu’il délivre est cependant contrôlée, lorsqu’il passe les frontières, par le biais de la procédure d’exequatur. Mais dès lors que l’espace dans lequel doit être produit l’acte exécutoire est un espace de libre-échange, le contrôle est allégé, voire inexistant.


298) « Tous actes notariés feront foi en justice, et seront exécutoires dans toutes l’étendue de la République. »

299) Ord. n° 45-2590, 2 nov. 1945, art. 1er : « Les notaires sont les officiers publics, établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses [copies exécutoires] et expéditions ».

CPC, art. L. 111-3 : « Seuls constituent des titres exécutoires : (…) 4° Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ».

300) 111e Congrès des notaires de France, Strasbourg, 13-15 mai 2015, La sécurité juridique : un défi authentique, 1re commission, T. Gruel et C. Farenc, p. 205, n° 1459.
301) C. Brenner, Procédures civiles d’exécution, Dalloz, coll. « Cours », 8e éd. 2015, p. 99, n° 164.
302) M. Julienne, Le caractère exécutoire de l’acte authentique, la force publique au service des contractants : JCP N 2014, n° 29, 1250.
303) V. supra, commission 2, n° a2376.
304) 111e Congrès des notaires de France, op. cit., 1re commission, 2e proposition par T. Gruel et C. Farec.
305) J.-P. Sénéchal, L’acte notarié : une quasi-sûreté : Defrénois 1993, p. 1313. – M. Julienne, Le caractère exécutoire de l’acte authentique, la force publique au service des contractants : JCP N 2014, n° 29, 1250.
306) P. Callé, Le notaire, les actes notariés et le droit international, in Mél. à la mémoire de P. Courbe, Dalloz, 2012, p. 81 et 82.
307) M.-E. Ancel et D. Vincent, La circulation internationale des actes : JCP N 2016, n° 2, 1009.


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