CGV – CGU

Chapitre I – Le rôle du notaire français : entre opportunité et prudence

Partie I – La vente dans un contexte international
Titre 2 – L’investissement immobilier à l’étranger par les résidents français
Sous-titre 1 – Le notaire et l’investissement immobilier des Français à l’étranger
Chapitre I – Le rôle du notaire français : entre opportunité et prudence

4128 Lorsqu’un Français résidant en France souhaite acquérir un bien immobilier dans un autre pays membre de l’Union européenne ou en dehors de l’Union européenne, il est possible d’envisager que le notaire français puisse l’accompagner, même si cette pratique n’est pas la plus fréquente. Il faut toutefois mesurer la portée de ce que pourra être l’intervention du notaire en dehors de ses frontières : sa compétence est en effet limitée au territoire national, conformément au décret n° 86-728 du 26 avril 1986. Le notaire français n’est donc pas autorisé à recevoir l’acte d’achat de son client et à le publier dans l’État de situation du bien immobilier (si tant est que les règles locales de publicité foncière le permettent, de droit ou de fait). La coopération avec le notaire ou le juriste local qui, lui, est compétent et connaît le droit matériel applicable est incontournable. Néanmoins, le notaire français peut prendre, par ses conseils, une part active à la préparation de l’acquisition dans le but de sécuriser l’opération immobilière (Section I). Il peut aussi accompagner son client en lui expliquer quels seront les impacts civils et fiscaux de son investissement en France et à l’étranger (Section II).

Section I – La plus-value apportée par le notaire français

4129 Peu de notaires français ont développé une activité axée sur l’accompagnement des acquéreurs français à l’étranger. Pourtant, s’il respecte certaines règles de prudence, l’intervention d’un notaire français peut certainement s’avérer avantageuse pour les investisseurs français.

Sous-section I – L’apport de sa capacité d’analyse juridique

4130 Le notaire français est parfois sollicité par des clients qui projettent d’acquérir un bien immobilier dans un pays étranger afin d’y établir leur résidence principale ou pour une résidence secondaire. Parfois, ils envisagent de s’installer ou d’investir dans des pays, au sein de l’Union européenne ou au-dehors, dans lesquels ils seront confrontés à des systèmes juridiques totalement éloignés de celui qu’ils connaissent en France. Les acquéreurs sont alors souvent conseillés par des agents immobiliers ou des professionnels du droit locaux, auxquels ils sont contraints d’accorder leur confiance. Parfois, ces « aventuriers de l’investissement immobilier » s’en satisfont, mais certains auraient sans doute apprécié d’être accompagnés par leur notaire.

Expert de l’investissement immobilier en France, le notaire français dispose d’une formation juridique complète en la matière, mais aussi d’une expérience qui lui permettent d’appréhender des situations juridiques parfois complexes. Il peut par exemple soulever des problèmes juridiques relatifs à la situation foncière ou cadastrale du bien immobilier acquis, identifier d’éventuelles difficultés à venir, envisager certaines anomalies… Sans prétendre résoudre les sujets soulevés dans un système juridique qu’il ne maîtrise pas, il peut attirer l’attention de l’acquéreur sur d’éventuels problèmes de servitudes, de bornage ou de division foncière.

Certes, il n’a pas accès aux registres de publicité foncière étrangers, mais si un document lui est présenté, il peut aider son client à interroger son interlocuteur local sur la propriété de l’immeuble acquis : deviendra-t-il pleinement propriétaire ou devra-t-il se contenter d’un simple droit d’occupation ?

Le notaire peut aider son client à vérifier auprès du juriste local ou du service de publicité foncière si le vendeur est véritablement propriétaire du bien. Là encore, il ne s’agit pas de garantir l’origine de propriété de l’immeuble objet de la vente, mais de guider son client sur les vérifications à opérer et les interrogations à formuler auprès de son interlocuteur local : le notaire sait poser les bonnes questions.

Ces interrogations peuvent également porter sur les modalités de paiement du prix de vente et des frais d’enregistrement au registre foncier étranger. À qui le prix doit-il être payé et à quel moment ? Le notaire peut soumettre une question relative à la preuve de la propriété immobilière : quel type de document recevra-t-il pour prouver son droit de propriété ou d’occupation ?

L’acquéreur français d’un immeuble situé dans un autre pays peut donc bénéficier des qualités d’analyse développées par le notaire français. Il sera également satisfait de poursuivre le rapport de confiance parfois établi depuis de nombreuses années avec son juriste familial.

Sous-section II – La poursuite du rapport de confiance entre le notaire et son client français

4131 Le notaire est un juriste de proximité qui accompagne les familles pendant plusieurs décennies. Il est donc naturel pour ses clients de lui confier leurs interrogations en matière d’investissement immobilier réalisé à l’étranger.

Bien évidemment, lorsqu’un client français s’adresse à son notaire, ils s’expriment dans la même langue et ils envisagent le projet immobilier selon un point de vue et sur les fondements d’un environnement économique et juridique communs. Le notaire intègre aisément les attentes de son client puisqu’il le connaît ou connaît son entourage. C’est par exemple le cas du fils d’un client qui souhaite s’établir durablement dans le pays où il a terminé ses études. L’investissement immobilier est partiellement financé par les parents, clients habituels du notaire, qui les aide à organiser les flux financiers et la transmission du patrimoine. La plupart du temps, le notaire ne va pas au-delà du conseil patrimonial en France. Il pourrait pourtant aiguiller le fils de ses clients en lui facilitant la prise de contact avec des juristes du pays où il envisage d’acquérir un bien immobilier. Fin connaisseur du contexte familial, il pourrait ainsi conserver un lien avec cette génération de clients qui reviendra peut-être s’établir en France ou qu’il croisera à nouveau dans le cadre d’une succession.

Il arrive que le notaire soit contacté pour prodiguer des informations sur les modalités de financement possibles : banque étrangère ou banque française. Le notaire peut alors se rapprocher de banquiers français et de courtiers internationaux qui peuvent l’aider à obtenir les coordonnées de partenaires financiers dans le pays ciblé par l’acquéreur français. Une recommandation venant du notaire sera toujours un point positif pour la présentation de son projet.

À l’heure où nombre de Français choisissent d’investir dans l’immobilier à l’étranger, qu’ils soient actifs ou à la retraite, il est important pour les notaires français de ne pas perdre le lien avec cette catégorie de clients qui sera amenée à revenir investir ou simplement vivre en France, soit pour la poursuite de leur carrière, soit dans le grand âge. Ils doivent néanmoins agir avec prudence pour ne pas risquer d’engager leur responsabilité.

Section II – La prudence, alliée du notaire

4132 Souvent défini comme le magistrat de l’amiable, le notaire ne doit pas s’improviser juriste internationalement compétent alors qu’il ne peut avoir les connaissances suffisantes. Il doit se montrer prudent face aux sollicitations de ses clients dans un contexte international (Sous-section I) et éviter les écueils qu’il pourrait rencontrer (Sous-section II).

Sous-section I – La sécurisation de l’investissement immobilier à l’étranger

4133 La sécurité juridique assurée par les notaires français est exceptionnelle tant dans sa qualité que dans sa régularité. Lorsqu’ils accompagnent leurs clients à l’étranger, ils doivent par conséquent se montrer prudents pour ne pas commettre d’impair juridique ou fiscal. En acceptant de conseiller ses clients acquéreurs à l’étranger, le notaire ne doit pas omettre de protéger sa responsabilité (§ I). Ensuite, l’une des missions du notaire est d’assurer la sécurité des actes qu’il dresse. Lorsqu’il accompagne ses clients acquéreurs pour des opérations immobilières à l’étranger, ces derniers attendent le même niveau de sécurité (§ II).

§ I – La sécurisation juridique pour le notaire

4134 Lorsqu’un client lui demande des conseils dans le cadre de son acquisition immobilière à l’étranger, le notaire doit délimiter son action et sa responsabilité. Il est ici rappelé que selon l’article 3 du Code civil, le notaire n’a pas le droit de dresser des actes en dehors du territoire français. Il ne pourra qu’assister l’acquéreur pour trouver la personne habilitée localement à établir un acte de vente et attirer l’attention de son client sur un certain nombre de points de vigilance. Il est à noter qu’en cas d’intervention dans un acte signé à l’étranger, le notaire cumule sa responsabilité avec celle du notaire local donc il peut suivre le dossier tout en le laissant officier selon sa réglementation.

La première formalité à accomplir est de faire signer une lettre de mission au client acquéreur. Plus amplement développée ci-dessous, la lettre de mission doit comporter une clause d’electio juris afin d’établir quelle est la loi applicable à la lettre de mission. Il semble évident que la loi applicable doit être la loi française puisqu’en cas de litige avec le client, cela permettra de retenir la procédure en France et d’éviter tous frais judiciaires et d’avocat à l’étranger.

La lettre de mission doit clairement délimiter le rôle que le notaire est appelé à jouer dans le processus d’acquisition immobilière à l’étranger. Elle doit refléter la prudence du notaire dans son action auprès de son client, tant du point de vue de la sécurisation du contrat que son client s’apprête à signer, que de ses conséquences. Il est conseillé d’indiquer que le client va être accompagné dans le choix d’un notaire ou d’un juriste compétent pour recueillir la signature de l’acte de vente. Le notaire doit indiquer qu’il ne peut pas sécuriser l’achat puisqu’il ne maîtrise pas les subtilités du régime juridique local de la vente immobilière.

Le coin du praticien

La lettre de mission peut par exemple comporter les termes suivants :

« Cher Monsieur,

Vous avez sollicité mon assistance dans le cadre de votre acquisition d’un bien immobilier situé à [adresse du bien objet de la vente] et je vous remercie pour cette marque de confiance.

La présente lettre a pour objet de confirmer le contenu de ma mission et de définir les conditions de notre collaboration. N’officiant pas en dehors du territoire français, je ne peux pas sécuriser votre acquisition immobilière. Je vous accompagne dans le choix d’un notaire ou un juriste compétent localement pour recueillir l’acte de vente.

Nos relations seront régies par la loi française.

Je vous remercie de bien vouloir me retourner un exemplaire de la présente, revêtu de votre signature.

Je me tiens à votre disposition si vous souhaitez obtenir des informations complémentaires.

Dans l’attente de vous lire,

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments dévoués.

Signatures : Maître (notaire) Monsieur (client) »

Il est bien entendu que le notaire et l’acquéreur doivent définir les modalités financières de l’intervention du notaire. Cela fait l’objet d’une convention d’honoraires qui doit être approuvée et signée en amont par le client. Un tarif forfaitaire ou selon un taux horaire peut être envisagé.

Dès lors qu’il a limité sa responsabilité dans le cadre de son intervention, le notaire peut débuter son travail de conseil auprès de son client et organiser les conditions d’une sécurité juridique du contrat qu’il s’apprête à signer.

§ II – La sécurisation juridique pour l’acquéreur français à l’étranger

4135 En matière d’acquisition immobilière à l’étranger, le notaire est confronté à un système juridique qui lui est inconnu. Généralement, il n’a reçu aucune formation qui lui permette de sécuriser l’acte que son client va signer. Il doit donc en premier lieu contacter une personne ou un service compétent pour établir l’acte de vente. Dans certains pays, comme au Maroc ou en Turquie, il existe des notaires compétents pour recevoir les actes de vente. Dans d’autres pays, comme en Espagne ou au Canada, les agents immobiliers jouent un rôle important dans la préparation de la vente et les notario ou lawyers enregistrent seulement la transaction. La publicité foncière n’est pas assurée partout avec la même qualité. Le notaire va devoir se renseigner pour identifier le service qualifié pour assurer la publicité foncière de l’acte de mutation.

Le notaire qui souhaite accompagner ses clients doit donc rechercher un interlocuteur sérieux et reconnu dans son pays pour sécuriser ses clients. Le site de l’Union internationale du notariat (UINL) lui permet de recueillir des informations sur le processus des ventes dans le pays concerné si une fiche relative à ce pays a été réalisée.

Habitués à leur environnement juridique très normé, les notaires français doivent s’appuyer sur des juristes locaux pour accompagner leurs clients. Le site des notaires de France comporte des informations sur les notariats étrangers qui peuvent être utiles pour contacter un notaire local.

Le site du Conseil des notariats de l’Union européenne (CNUE) permet de trouver des notaires ou juristes dans les autres pays de l’Union européenne. Il est indiqué s’ils parlent le français. Ces juristes sont des référents qu’il est possible de contacter afin d’obtenir les coordonnées d’un notaire ou d’un juriste local compétent.

Le notaire peut prendre un premier contact afin de vérifier si le notaire accepte de suivre son client et quelles seront les conditions de son intervention. Les notaires ou juristes étrangers sont souvent ravis de collaborer avec un notaire qui sera à même de rassurer leur client commun dans le cadre de la vente.

Sous-section II – Les écueils à éviter

4136 Lorsqu’il accepte d’accompagner des clients pour la réalisation d’investissements immobiliers réalisés à l’étranger, le notaire doit se montrer extrêmement prudent. Il est parfois sollicité par un vendeur et un acquéreur qui projettent de signer un acte de vente portant sur un immeuble situé à l’étranger. Le notaire peut alors être tenté de préparer l’acte de vente ou des procurations sur la base des documents transmis par le vendeur : copie du titre foncier, plan, éléments d’état civil, prix payé en euros en France.

Sa compétence territoriale est limitée au territoire français, comme indiqué supra. En conséquence, il lui est conseillé de se rapprocher d’un notaire ou d’un juriste local, qui établira des procurations pour les deux parties et procédera aux diverses formalités de préparation de l’acte de vente. Le notaire peut établir une convention d’honoraires pour le conseil apporté aux deux parties. Elles doivent la signer au début du processus de la vente. Il a aussi le droit de recueillir et de certifier leurs signatures sur les procurations. Si le prix de vente est payé directement entre les parties, par virement bancaire, le notaire peut-il recueillir les fonds de l’acquéreur et les verser au vendeur ? Il ne semble pas que cela lui soit interdit. L’expéditeur des fonds qui transitent par le compte de l’étude doit alors être clairement identifiable. Il est bien entendu conseillé au notaire de demander aux deux parties de justifier par écrit les raisons du mouvement de fonds et de se faire expressément mandater par les deux parties pour la réception du prix de vente et l’envoi au vendeur.

S’il reçoit un projet d’acte envoyé par internet par le notaire ou juriste local, le notaire peut le remettre au vendeur et à l’acquéreur, en prenant soin de préciser qu’il n’est pas expert et qu’il ne peut pas le lire et l’expliquer de la même manière qu’il le ferait pour une vente immobilière française. Il peut leur remettre le projet en leur faisant déclarer qu’ils ont seulement reçu le document de sa main.

Décharge lors de la remise du projet d’acte et des procurations

« Je soussigné(e), Madame/Monsieur… reconnaît avoir reçu la procuration / le projet d’acte de vente établi(e) par Maître/Monsieur/Madame [nom du notaire ou juriste ou agent étranger] de Maître…, qui ne m’a pas expliqué son contenu et ne l’a pas validé. Je décharge donc Maître… de toute responsabilité sur le contenu du document qu’il m’a remis. »

Signature : Madame/Monsieur (client)

4137 De même, s’il certifie les signatures du vendeur ou de l’acquéreur dans le cadre de la vente d’un bien immobilier situé à l’étranger, le vendeur doit prendre soin de préciser qu’il ne certifie que la réalité de la signature réalisée devant lui. Il doit être clairement spécifié qu’il ne certifie pas l’exactitude des termes du contrat.

Mention de certification de signature exclusivement

« Je soussigné, Maître… certifie que la signature apposée devant moi est bien celle de Madame/Monsieur…, ce jour (+ date et lieu de signature). Je ne certifie aucunement le contenu et les termes de la présente procuration. »

4138 Il est également conseillé au notaire de ne pas prêter son concours au transfert des fonds à l’étranger par l’intermédiaire du compte bancaire de son office. En effet, certains acquéreurs proposent à leur vendeur de faire virer les fonds par cet intermédiaire fiable et sérieux pour le rassurer. Cela n’est nullement nécessaire dans le cadre des paiements internationaux, il est donc préférable de refuser.



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