CGV – CGU

Partie II – Les modes de détention immobilière à l’international
Titre 1 – Le choix du mode de détention immobilière à l’international
Sous-titre 3 – Le démembrement de propriété à l’international
Chapitre unique – L’accueil à l’étranger d’un démembrement de propriété français

4188 Il est inconcevable d’aborder le contrat de vente d’un immeuble situé en France sans envisager les modalités et conséquences d’une acquisition et d’une détention en démembrement de propriété dans un contexte international. Les notaires français maîtrisent les mécanismes juridiques du démembrement de propriété, mais ils doivent adapter leur pratique quotidienne en présence d’acquéreurs étrangers.

Si la transmission via le démembrement de propriété est effectivement très utilisée en France, elle n’est pas toujours appliquée à l’étranger. Peu de pays connaissent cette modalité de transmission patrimoniale. Elle sera donc soit ignorée, soit appliquée selon la théorie de l’équivalence.

Section I – L’intégration du démembrement de propriété français dans certains pays

4189 Selon l’article 578 du Code civil, l’usufruit (issu des mots latins usus et fructus), est le droit d’utiliser un bien ou d’en percevoir les revenus. L’usufruitier ne dispose pas d’un autre attribut du droit de propriété (l’abusus) qui est celui de disposer du bien.

Généralement, les pays de droit latin connaissent l’usufruit. En présence d’un démembrement de propriété organisé en France, les services ou autorités consultés sauront dès lors le reconnaître en appliquant la théorie de l’équivalence.

Le notaire peut, par exemple, conseiller à un couple d’Italiens d’acquérir un bien immobilier en France en instaurant un démembrement de propriété avec leurs enfants pour optimiser la transmission de cet immeuble. Le décès de l’usufruitier permettra au nu-propriétaire de devenir pleinement propriétaire du bien immobilier sans formalité à effectuer au service de la publicité foncière français et sans taxe successorale à acquitter en France. Néanmoins, le notaire doit se référer aux conventions fiscales signées par la France pour vérifier si une taxation doit avoir lieu dans le pays de résidence du défunt en cas de transmission de l’usufruit.

Quelques pays connaissent le démembrement de propriété : le Portugal, la Grèce, la Suisse, la Belgique, par exemple. En présence de ressortissants de ces pays, il sera donc envisageable de proposer une acquisition familiale en démembrement de propriété.

Dans d’autres pays en revanche, la transmission de l’usufruit ne sera pas reconnue et c’est la succession de la pleine propriété qui sera constatée et taxée.

Section II – L’absence de reconnaissance du démembrement de propriété français dans d’autres pays

4190 Le notaire doit se montrer vigilant lorsqu’il propose aux acquéreurs étrangers d’acquérir un bien immobilier situé en France en démembrant leur droit de propriété avec leurs enfants. Cette modalité de détention immobilière ne sera pas automatiquement appréciée de la même façon dans leur pays de résidence214.

C’est le cas notamment dans les pays de common law. Le Law of Property Act 1925 a supprimé toute référence aux droits réels démembrés sous le régime de common law, ne laissant subsister que le droit de pleine propriété, une forme d’hypothèque et les baux à terme.

L’institution qui se rapproche le plus de l’usufruit en droit anglais est le life interest. Cette notion de common law s’applique à des droits liés à la pleine propriété. C’est un settlement, c’est-à-dire un élément du trust dont l’objet est la pleine propriété d’un bien. Le life interest se distingue de l’usufruit, car celui-ci est un droit réel constitué sur un bien et non une servitude grevant ce bien. Le life interest est un droit établi sur un bien par un trust dont le bénéficiaire est le trustee tandis que l’usufruit français n’est pas établi par un trust. Le Law of Property Act 1925 a supprimé toute référence aux droits réels démembrés sous le régime de common law, ne laissant subsister que le droit de pleine propriété, une forme d’hypothèque et les baux à terme.

Si les acquéreurs sont de nationalité française et résident au Royaume-Uni, en Irlande, au Canada ou aux États-Unis, et généralement dans un pays qui ne connaît pas le démembrement de propriété, le notaire peut leur conseiller d’établir une professio juris en faveur de leur loi nationale. Ainsi, d’un point de vue civil, la transmission immobilière sera simple en France. D’un point de vue fiscal, il convient de se référer aux conventions fiscales établies entre la France et le pays de résidence fiscale des acquéreurs.

Selon MM. Harris et Petit, les agents du HMRC (Trésor public britannique) ne connaissant pas le démembrement de propriété, ils sont enclins à le taxer comme un trust ou un settlement. L’usufruit est requalifié et taxé intégralement au Royaume-Uni, même s’il a déjà été taxé en France. Néanmoins, une position différente peut être adoptée sur le fondement de l’égalité de traitement en cas de situations qui se ressemblent. Dans cette hypothèse, le HMRC peut considérer que l’usufruit n’a pas de valeur réelle imposable au décès de l’usufruitier, mais cette décision est rarement appliquée. Le notaire sera donc bien avisé d’éviter de proposer un investissement en démembrement de propriété aux ressortissants de ces pays.


214) Sur ce sujet, V. égal. supra, n° a3552.
Aller au contenu principal