Avant-propos de Jean-Pierre PROHASZKA, Président du 116e Congrès des notaires de France
Président du 116 e Congrès des notaires de France
« Quand le ciel veut sauver un homme, il lui donne l’affection pour le protéger ».
Le désir de protéger est inscrit dans chaque être humain et le sentiment d’affection en est indissociable.
Notre immersion, en tant que notaires, dans les réalités de nos concitoyens, nous permet d’être les témoins privilégiés de ce désir et de la dimension affective qu’il englobe.
Elle nous permet également de dresser un état des lieux de cette protection que chacun veut pour ses proches ainsi que pour soi-même, et d’apprécier l’efficacité des lois à l’aune des attentes de notre société.
Depuis de nombreuses années, l’État s’est positionné en tant que garant de la sécurité et de la protection. Les textes qui encadrent notre quotidien et qui sont sensés nous protéger se sont multipliés.
Mais aujourd’hui un constat s’impose : face à la complexité des règles, à la surabondance des lois, à la pression des lobbies ainsi qu’à l’évolution des mentalités et des modes de vies, la protection tant recherchée est parfois bien loin d’être assurée.
De nombreuses décisions judiciaires et les attentes exprimées par nos clients sont le reflet de l’inadaptation de certains textes aux réalités de la vie de nos concitoyens.
Le présent rapport et les propositions qui seront débattues ont pour ambition de mettre en lumière les améliorations nécessaires pour répondre aux besoins d’une société en constante évolution.
« Protéger » est un thème si vaste qu’il nous fallait délimiter les contours de nos travaux.
La volonté de prendre en compte la dimension humaine de la démarche de protection nous a guidé pour définir les sujets que nous allions traiter. Les notions de dignité et d’équité nous ont accompagnées tout au long de ces deux années de préparation.
Nous avons choisi d’aborder en premier la question des personnes vulnérables car, avant toute chose, notre société doit protéger ceux qui sont faibles en raison de leur jeunesse et ceux qui ont perdu tout ou partie de leurs facultés en raison de l’âge ou des épreuves de la vie.
Mais la question de la vulnérabilité ne se résume pas aux mineurs et aux majeurs protégés. Avec l’allongement de l’espérance de vie, les cas de faiblesse se multiplient. Ces situations se caractérisent par une diminution des facultés sans que la personne concernée ait basculé dans l’incapacité. Cette « zone grise » a retenu toute notre attention car les dispositions légales sont rares, alors que le risque d’insécurité est non négligeable, tant pour ces personnes en état de faiblesse que pour les tiers.
Nous avons également voulu évoquer le sujet de la protection des proches. Un sujet d’une immense complexité car au-delà des aspects juridiques et techniques, nous sommes confrontés à des idées et des sentiments opposés qui s’expriment dans notre société.
L’objectif poursuivi par les uns est bien souvent tout aussi légitime que celui recherché par les autres. Certains veulent plus de liberté alors que d’autres voient, dans l’encadrement législatif, une meilleure façon de protéger.
Ainsi par exemple, faut-il, au nom de la liberté, permettre à chacun de disposer, à sa guise, du patrimoine qu’il a constitué, ou doit-on, dans une quête d’apaisement et d’équité au sein des familles, maintenir le principe d’une réserve héréditaire ?
Notre objectif ne sera pas de nous prononcer sur la légitimité de telle ou telle position mais d’en analyser les tenants et les aboutissants afin d’améliorer l’efficacité et l’adaptation des outils juridiques aux besoins et attentes de notre société.
La protection du logement fut le troisième sujet traité dans le cadre de nos travaux.
Nous avons souhaité mettre en lumière les contradictions qui existent en matière de logement. D’un côté le nombre croissant des mal-logés et des sans-abris, puis de l’autre le nombre important de logements vacants, inutilisés, laissés à l’abandon.
Il nous fallait analyser les raisons de ce paradoxe. Elles sont multiples :
- la situation financière du propriétaire qui ne lui permet pas de remettre le bien qu’il possède dans un état de décence suffisant pour pouvoir être loué ;
- ou encore l’insuffisante prise en considération des problèmes que peuvent rencontrer les propriétaires bailleurs face à un occupant indélicat ou un locataire qui a abandonné son logement en laissant un arriéré de loyer et/ou un bien détérioré ;
- ...
Nos travaux sur le logement furent également l’occasion de rappeler, contrairement à une idée reçue, que la plupart des propriétaires ne possède qu’un seul bien et que celui-ci constitue le plus souvent soit une garantie d’avoir un toit pour se protéger, soit un complément de revenus permettant de vivre dignement et, le cas échéant, financer une maison de retraite.
La situation du petit propriétaire devait donc également être évoquée.
La quatrième commission a eu pour objectif de démontrer que le notaire apporte, lui aussi, une protection par son statut particulier et la nature des actes qu’il reçoit.
Notre souhait est rappeler que les notaires, en leur qualité d’officier public et par la forme authentique des actes qu’ils rédigent, répondent à ce besoin de protection. Face à l’inflation exponentielle des règles et procédures qui noient nos concitoyens dans un formalisme excessif, parfois inefficace et souvent entravant, les notaires apportent une
sécurité et une protection plus efficiente.
De nombreuses difficultés et lourdeurs pourraient être évitées ou atténuées en reconnaissant que la présence du notaire justifie l’assouplissement d’un certain nombre de règles.
N’est-ce pas d’ailleurs le mouvement qu’a commencé à opérer notre législateur dans l’élan de déjudiciarisation qu’il a entamé depuis plusieurs années ?
Nos propositions démontreront qu’en poursuivant cette évolution, des solutions peuvent être apportées aux difficultés mises en évidence dans notre rapport.
Avant de terminer ces quelques lignes, je tiens à m’adresser à l’équipe de notre 116e Congrès.
Leur investissement fut considérable et leur détermination sans faille. Je leur suis infiniment reconnaissant.
J’ai également une pensée pour les lecteurs de cet ouvrage, car je forme le vœu qu’ils puissent trouver des réponses à leurs questions, au gré des développements. Ils pourront également constater que nous avons été guidés, durant nos deux années de travaux, par la certitude que la protection de tous existe uniquement dans l’équilibre entre les droits de
chacun.
Au moment où j’achève la rédaction de cet avant-propos, quelques jours avant la publication de notre ouvrage, nous venons d’entrer dans une crise sanitaire sans précédent. Je n’imaginais pas, il y a deux ans, lorsque j’ai choisi le thème de notre Congrès, que le mot « PROTÉGER » allait avoir une telle acuité.