Protéger en préservant l'avenir du donateur

Protéger en préservant l'avenir du donateur

Préserver l'avenir économique du donateur et de son conjoint

- La réserve d'usufruit. - Nous ne reviendrons pas sur le démembrement de propriété et la répartition de ses attributs qui en résulte entre plusieurs personnes. Dans beaucoup de donations, le donateur se réserve l'usufruit du bien donné ce qui lui permet, tout en ayant transmis la propriété du bien de manière irrévocable, d'en conserver l'utilité économique, le donateur, nu-propriétaire, ne recevant que les attributs correspondant à l'abusus. La réserve d'usufruit est fréquente dans les donations puisqu'elle permet de répondre au souci de transmettre son bien, c'est-à-dire protéger son donataire, en ménageant ses propres intérêts. L'acte de donation qui provoque ce démembrement de propriété doit organiser cette répartition des droits mais aussi celle des pouvoirs entre donateur et nu-propriétaire, car il peut arriver que les règles du Code civil ne donnent pas pleine et entière satisfaction. Ainsi le notaire sera particulièrement avisé de demander si les parties entendent déroger à la répartition légale des travaux, à l'obligation d'emploi et à l'obligation pour le nu-propriétaire donateur de fournir caution. En cas de donation sur des droits sociaux, les droits et les pouvoirs des uns et des autres pourront également être aménagés dans les statuts de la société. Le droit offre une liberté qui permet de s'adapter aux situations des personnes et de répondre à leurs préoccupations. Pour cette organisation du démembrement de propriété, nous renvoyons au chapitre qui lui est consacré. Dans l'autre sens, le donateur peut ne donner qu'un usufruit viager ou temporaire à un donataire, souhaitant lui transmettre ou l'usage d'un bien déterminé, ou les revenus qu'il peut procurer.
- La réversion d'usufruit. - Non seulement le donateur peut se réserver la vie durant l'usufruit du bien qu'il donne, mais il peut en outre stipuler que cet usufruit, à son décès, se reportera sur la tête de telle ou telle personne pour finalement durer jusqu'à son décès ou jusqu'à l'expiration d'un délai (usufruit temporaire). Cette possibilité a longtemps été qualifiée de donation de bien futur et donc frappée, sauf entre époux où elle est spécialement autorisée, de nullité au titre de la prohibition des pactes sur succession future . La jurisprudence a évolué et il est désormais admis que la réversion d'usufruit est une donation à terme de bien présent . Nous pouvons en tirer deux conséquences importantes :
  • la réversion d'usufruit peut être stipulée au bénéfice de toute personne ; elle n'est plus réservée à l'époux ou à l'épouse, pourvu que le bénéficiaire l'accepte dans l'acte ;
  • pour les époux, puisqu'il s'agit d'une donation de bien présent, elle n'est plus révocable.
La réversion d'usufruit est donc un outil de protection précieux soit au bénéfice d'un partenaire, d'un ascendant, soit même d'un enfant dont le besoin de protection est plus important que celui des autres. Elle gagne donc à être pratiquée, car elle peut répondre à de nombreux besoins.
- Les charges d'entretenir et de recueillir le donateur. - Le donateur peut également, dans l'acte de donation, imposer à son donataire de lui prodiguer des soins, de lui verser des aliments, de l'accueillir tant en santé qu'en maladie chez lui ou dans le bien donné, de participer aux frais d'hébergement en maison de retraite. Ces charges ne doivent, bien évidemment, pas être contraires à l'ordre public. Si elles deviennent trop lourdes pour le donataire, le juge peut l'en relever. Elles peuvent justifier à elles seules l'interdiction d'aliéner que nous avons déjà étudiée.

Préserver sa liberté de gratifier d'autres personnes

Ces clauses que l'on peut insérer dans un acte de donation prédéfinissent des règles liquidatives dérogatoires au droit commun. Elles ont toutes pour objectif que le donateur, tout en donnant, conserve sa faculté de disposer à titre gratuit en faveur de toute personne. Ces clauses vont aménager le rapport à succession et la réduction des libéralités. Nous envisagerons donc successivement la clause d'imputation sur la réserve globale (A), puis la clause imposant « le rapport » en cas de renonciation à la succession (B).

La clause d'imputation sur la réserve globale

- Mécanisme. - L'article 919-1 du Code civil dispose que la donation faite en avancement de part successorale à un héritier réservataire acceptant s'impute principalement sur sa part de réserve et subsidiairement sur la quotité disponible. Cela signifie que sur le plan de l'imputation des donations, la réserve individuelle de chaque réservataire est prise en compte et c'est sur cette part de réserve individuelle que s'impute la donation. Si la part de réserve individuelle ne suffit pas (si la donation la dépasse), alors le surplus s'impute sur la quotité disponible. Si elle le dépasse, elle est alors réductible à hauteur de cet excès. Les parts de réserve des autres héritiers ne sont pas touchées. Pour autant, la donation étant rapportable, tous les héritiers en bénéficieront. La règle paraît logique. Elle peut néanmoins ne pas donner entière satisfaction si le de cujus a fait des libéralités ultérieures. En effet, ces libéralités ultérieures pourront ne pas recevoir pleine et entière exécution puisque le disponible aura été amputé des donations faites aux héritiers qui en réalité bénéficient du rapport et ne sont donc pas lésés. Aussi le texte lui-même prévoit que la donation peut déroger à cette règle d'imputation en stipulant que la donation s'imputera non pas sur la réserve du gratifié mais sur la réserve globale , celle de tous les réservataires, et subsidiairement sur la quotité disponible.
- Effets. - Au-delà des questions purement théoriques que pose cette clause, nous pouvons simplement insister sur ses effets : les donations rapportables seront imputées sur la totalité de la réserve héréditaire avant de venir entamer le disponible. Son atout est donc de retarder le plus tard possible la perte pour le disposant de sa faculté de disposer à titre gratuit hors part successorale. Cette clause est vivement conseillée dans la mesure où elle protège la faculté pour le disposant de gratifier ultérieurement en fonction de ce que la vie lui réservera.
Les effets de cette clause d'imputation sur la réserve globale, s'ils permettent au disposant de se ménager du disponible, peuvent être déjoués par la seule volonté de l'héritier-donataire simplement en renonçant à la succession. Cette clause, à elle seule, n'est pas suffisante pour garantir cette volonté du disposant de préserver son disponible.

Exemple

Le défunt laisse deux enfants A et B.
B a reçu une donation en avancement de part successorale de 300. Il a institué sa compagne C comme légataire universelle.
Calcul de la quotité disponible et de la réserve :
Tableau à venir
Imputation
1) En l'absence de clause d'imputation de la réserve globale
La donation faite à B s'impute sur sa part de réserve qu'elle absorbe en totalité :
200 - 300.
Le surplus s'impute sur la quotité disponible et il reste disponible :
200 - 100 = 100.
Le legs fait à C ne peut s'exécuter qu'à hauteur de 100.
2) Avec clause d'imputation sur la réserve globale
La donation faite à B s'impute sur la réserve globale (400 - 300 = 100) qu'elle ne dépasse pas, la quotité disponible reste intacte et C peut donc bénéficier d'un legs de 200.
Conclusion
Avec la clause d'imputation sur la réserve globale, le donateur préserve son disponible mais ne remet pas en cause l'égalité entre ses héritiers débiteurs du rapport.

Formule de clause d'imputation sur la réserve globale

Par dérogation à l'article 919-1, la présente donation en avancement de part successorale s'imputera prioritairement sur la réserve globale des héritiers et subsidiairement sur la quotité disponible.

La clause de rapport en cas de renonciation

- Rappel sur les effets de la renonciation à succession. - Le droit à renoncer à une succession est un droit fondamental et une liberté individuelle. Cette branche de l'option successorale ne peut s'exercer qu'au décès du de cujus et il ne peut y avoir renonciation par anticipation. On voit bien la difficulté ou le paradoxe qui peut exister entre la volonté d'anticiper le règlement d'une succession selon une dévolution légale par le biais de donation en avancement de part successorale et la liberté totale, discrétionnaire, que le présomptif aura de renoncer à la succession de celui qui, en lui donnant certains de ses biens, avait voulu anticiper.
Rappelons que l'héritier renonçant est censé n'avoir jamais hérité (C. civ., art. 805, al. 1) et que s'il a reçu des donations en avancement de part successorale, n'étant plus rapportables, elles viennent s'imputer à leur date sur la quotité disponible (C. civ., art. 845) : « La libéralité conserve sa date mais change d'assiette » .
- Les conséquences malheureuses. - La renonciation par l'héritier donataire à la succession aura pour effet de déjouer complètement les prévisions du de cujus quant aux libéralités qu'il avait pu faire sur son disponible. En effet, dans son esprit, les donations rapportables devaient s'imputer à titre principal sur la réserve individuelle du donataire, voire sur la réserve globale, et ce n'est qu'à titre secondaire qu'elles pouvaient venir grignoter le disponible. Par la renonciation, la règle d'imputation va s'inverser et c'est le disponible qui va être mangé par la donation devenue préciputaire par la seule renonciation, acte unilatéral s'il en est. Les donations ultérieures, notamment celles consenties hors part successorale et les legs risquent d'être réduits, voire impossibles à exécuter faute de disponible. Cette règle permet ainsi aux héritiers de mettre en place une stratégie de la renonciation pour barrer la route de la succession à des tiers bénéficiaires de libéralités.
Cette situation est également à rapprocher de la nouvelle règle qui veut que le renonçant n'est plus pris en compte pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible. La renonciation peut également avoir pour effet d'augmenter le disponible. En renonçant, le donataire non seulement s'extrait du rapport qui l'obligeait à partager ce qu'il avait déjà reçu, mais cela lui permet aussi de minimiser le risque de réduction…
Le législateur de 2006, dans son élan de libéralisme, a proposé une parade à cette situation, en permettant de prévoir dans la donation « une clause de rapport en cas de renonciation ». Nous verrons que si cette nouveauté va dans une bonne direction, elle n'est pas suffisante.

Les effets de la renonciation sur le rapport : en l'absence de la clause imposant le rapport

Premier exemple : la rupture de l'égalité provoquée par la renonciation
Le de cujus a six enfants : Aubin, Pierre, Domitille, Hugues, Quitterie et Foucauld. Il a consenti à Aubin une donation en avancement de part successorale de 800 (valeur au décès). Ses biens existants au décès sont de 400. En l'absence de renonciation, le rapport est de 800 et l'actif à partager de 1 200. Chacun reçoit 200. Aubin doit simplement verser aux autres 600. Si Aubin renonce, sa donation s'impute sur le disponible qui est d'un quart, soit 300. Elle est réductible pour 500, qu'il doit verser à ses frères et sœurs. On voit bien que sa renonciation lui fait gagner 100 et rompt l'égalité dans la fratrie, car il n'est pas astreint au rapport.
Second exemple : la méconnaissance des dernières volontés du de cujus
Le de cujus a quatre enfants : Paul, Marc, Étienne et Philomène. Il est veuf et a une compagne, Élisabeth. Il a consenti une donation à chacun de Marc, Étienne et Philomène de biens qui valent 400 et à Paul 600. Les biens existants, à son décès, sont de 300. Le de cujus a fait un legs au bénéfice d'Élisabeth, sa compagne, portant sur les biens existants :
La masse de calcul de la quotité disponible est de :
400 × 3 + 600 + 300 = 2 100
et la QD est de ¼, soit : 575.
En l'absence de renonciation, le legs des biens existants fait au profit d'Élisabeth peut s'exécuter intégralement puisqu'il est inférieur à la quotité disponible.
Les enfants, par le rapport auquel ils sont tenus, reçoivent chacun 450.
Si Paul, l'un des enfants, renonce, alors la QD est non seulement totalement utilisée mais dépassée par l'imputation de sa donation de 600 (elle est réductible de 25).
Le legs fait à Élisabeth ne peut s'exécuter.
Paul reçoit 575 et les autres enfants se partagent le reste, soit 508,33.
Cette renonciation est profitable à tous les enfants.
- Le remède : la clause de rapport en cas de renonciation. - La seconde partie de l'article 845 du Code civil autorise la stipulation dans l'acte de donation d'une clause imposant le rapport en cas de renonciation . La présence de cette clause va avoir deux effets sur les règles liquidatives :
  • l'héritier renonçant va être pris en compte pour le calcul de la réserve héréditaire et la quotité disponible (C. civ., art. 913 in fine) ;
  • l'héritier renonçant pourra être amené à dédommager les autres héritiers lorsque la « valeur rapportée » au titre de la donation qu'il a reçue va dépasser les droits qu'il aurait eus s'il avait participé au partage. Ce dédommagement sera égal à cet excédent.

Les effets de la renonciation sur le rapport : en présence de la clause imposant le rapport

Reprenons les précédents exemples en leur appliquant les règles liquidatives imposées par la clause de rapport :
Premier exemple
Aubin, s'il n'avait pas renoncé, aurait reçu 200. Il a reçu en réalité 800. Il verse donc 600, mais à ses frères et sœurs qui reçoivent chacun 200 : l'égalité initialement voulue est obtenue !
Second exemple
Paul, s'il n'avait pas renoncé aurait reçu :
2 100 (total des biens) - 300 (legs) = 1 800 / 4, soit 450.
Il a reçu 600 et il doit indemniser ses frères et sœur pour 150.
Au final :
Paul reçoit 450,
Marc, Étienne et Philomène reçoivent 450.
Élisabeth reçoit 300.
L'égalité entre les enfants est ainsi préservée et le legs fait à la compagne s'exécute.

Formule : la clause de rapport en cas de renonciation

À titre de condition essentielle et déterminante, le DONATEUR impose au DONATAIRE qui s'y soumet, dans le cas où il viendrait à renoncer à la succession du DONATEUR, de rapporter la présente donation conformément à l'article 845 du Code civil.

DONATEUR et DONATAIRE reconnaissent avoir été informés par le notaire soussigné des conséquences de cette stipulation quant au règlement de la succession du DONATEUR.

- Un remède moyennement satisfaisant. - Il est vivement conseillé d'insérer dans les donations la clause imposant le rapport en cas de renonciation , car si l'impact liquidatif est relativement complexe, elle est dotée d'une force dissuasive certaine. En effet, l'existence de la clause qui, au final, fait que l'héritier renonçant ne peut tirer aucun bénéfice de sa renonciation, va l'inciter à ne pas procéder à de telles renonciations calculées. Néanmoins, la clause peut provoquer de réelles injustices si le défunt a consenti plusieurs donations et que certaines contiennent cette clause alors que les autres non. Il s'ensuivra une injustice totale de traitement entre les héritiers. La solution serait de rendre homogènes les donations établissant un acte complémentaire prévoyant le rapport en cas de renonciation pour chacune .
- De lege ferenda . - On ne peut que louer le législateur d'avoir voulu remédier aux effets pervers d'une renonciation calculée. Néanmoins, il est permis de penser qu'en voulant entrer dans une distinction purement liquidative, il n'a pas été en mesure d'envisager tous les cas qui peuvent se présenter et ainsi l'objectif initial n'est que partiellement atteint. Aussi nous pouvons, avec M. Charles Bahurel, estimer qu'il y aurait une solution plus simple et sans doute plus juste. Il s'agirait non plus de jouer sur l'assiette de l'imputation, mais sur sa date en édictant la règle selon laquelle la donation rapportable faite à un renonçant s'imputera non pas à sa date, mais en dernier lieu après les legs .

Protéger le dessein successoral du donateur

La charge imposant l'incorporation à une donation-partage future

- Rappel sur l'incorporation à une donation-partage. - On sait que la donation-partage, jadis le partage d'ascendant, permet d'attribuer à un des copartagés le bien qu'il avait reçu auparavant dans une donation . Il est alloti d'un bien qu'il a déjà reçu. Ce mécanisme d'incorporation sera étudié avec davantage de précision avec les donations-partages. La question que nous nous posons ici est celle de savoir si, en toute légalité, un donateur peut, dans la donation qu'il consent, imposer au titre des charges l'obligation pour le donataire d'incorporer une donation-partage ultérieure qu'il ferait à ses présomptifs héritiers. Après quelques discussions doctrinales, l'incorporation s'analyse aujourd'hui comme un mutuus dissensus, la donation est ainsi conventionnellement révoquée pour aboutir à cet allotissement .
- Intérêt de la clause. - On voit bien au travers de cette clause la préoccupation du donateur. Il a plusieurs enfants, il donne à l'un mais pas aux autres. Les raisons de cette situation peuvent être multiples :
  • la consistance actuelle de son patrimoine ne le permet pas (il veut donner une somme d'argent à chacun de ses enfants, mais pour l'instant il n'a pas les liquidités suffisantes pour tous les allotir et celui à qui il donne a un besoin immédiat d'argent car il achète son logement) ;
  • la situation juridique de certains biens ne lui permet pas d'en disposer librement (il a deux appartements de valeur identique qu'il pourrait donner à chacun de ses deux enfants, mais pour l'un il reste lié par des engagements fiscaux lui ayant procuré des avantages qui seraient remis en cause par la donation) ;
  • la situation purement personnelle ou familiale (le dernier de ses enfants est trop jeune pour recevoir un tel bien, l'un d'eux est en instance de divorce et une donation risquerait d'alourdir la prestation compensatoire qu'il pourrait devoir, etc.).
Ce donateur pourrait-il, par une charge de la donation, signifier au donataire que non seulement il s'agit d'une donation en avancement de part successorale, mais également d'une « avance sur donation-partage » à laquelle il s'engage de participer ? Cette préoccupation peut même revêtir un caractère essentiel et déterminant dans cette donation simple qui ne serait qu'une première étape vers une libéralité-partage. Le refus par ce donataire d'y participer mettrait en péril son projet successoral .

La licéité de la clause

- Les obstacles à la licéité de la clause. - Il est permis de douter de cette charge à plusieurs titres. En effet, ne s'opposerait-elle pas au principe d'irrévocabilité spéciale des donations, le donateur donnant provisoirement puisque le donataire devra remettre le bien sur la table de la donation-partage ? Les conditions de la donation seraient, elles aussi, modifiées (valeur). De plus, cette clause ne porterait-elle pas atteinte à cette liberté dont dispose le présomptif héritier de renoncer à une donation et à une donation-partage ? Cette restriction ne serait-elle pas trop attentatoire à la liberté individuelle contractuelle, et spécialement en matière de donation ? Si l'on s'arrête à cette analyse, une telle charge prévue dans la donation serait frappée de nullité.
- Les éléments en faveur de la validité de la clause. - L'incorporation peut apparaître comme une atteinte au principe d'irrévocabilité spéciale des donations. À cela on peut répondre qu'en dehors du cas où le bien incorporé est attribué à un autre que le donataire, c'est-à-dire dans le cas le plus fréquent où le donataire initial est attributaire de ce qu'il a déjà reçu, il n'y a pas véritablement remise en cause de sa propriété, puisqu'il conserve le bien. La seule exigence de l'incorporation à une donation-partage étant le consentement du donataire, pourquoi ne pourrait-il pas donner son consentement par anticipation ? Il s'agit là du consentement à l'incorporation et non pas de l'acceptation à la donation-partage, qui sera l'étape suivante. Si cette incorporation est possible dans le testament-partage pour les donations en avancement de part successorale, pourquoi ne serait-il pas possible de le prévoir dans la donation ? Car, en cas de refus de ce donataire, le de cujus pourrait valablement opérer par un testament-partage qui, finalement, lui serait peut-être plus défavorable (absence de gel des valeurs). Cette dernière observation ne vaut à l'évidence pas pour l'incorporation d'une donation hors part successorale qui, dans la donation-partage, change véritablement de nature.
- La sanction en cas d'illicéité de la charge d'incorporation. - Il faut distinguer si la charge revêt un caractère essentiel et déterminant ou pas :
  • dans le premier cas, qui risque d'être fréquent, la nullité de la charge d'incorporation entraînerait également la nullité de la donation dans sa globalité et le retour au statu quo ante. Au donataire qui l'invoque de restituer le bien qu'il a reçu… ;
  • si cette clause n'a pas un caractère aussi important, alors elle sera simplement réputée non écrite et le reste de l'acte produira tous ses effets.
- En conclusion. - La question de la licéité de cette charge d'incorporer la donation à une donation-partage future ne peut-être que nuancée :
  • dans une donation consentie hors part successorale, elle est à proscrire car contradictoire avec l'idée même d'un avantage préciputaire ;
  • la clause ne doit pas conduire à obliger le donataire à remettre le bien qu'il a reçu dans la donation-partage pour qu'il soit attribué à un autre copartagé. Ce procédé parfaitement licite ne peut avoir lieu que du consentement du donataire initial qui se voit attribuer un autre bien en remplacement ;
  • la clause doit sans doute être assez précise quant à l'évaluation du bien incorporé. Le bien doit bien évidemment être estimé à la date de l'incorporation mais dans l'état au jour il a été reçu. Cette estimation peut être faite à dire d'expert ou par la moyenne de plusieurs avis de valeur établis par des professionnels. La clause doit être assez précise à ce sujet ;
  • enfin, il est sans doute prudent de prévoir un certain délai dans lequel la donation-partage doit intervenir.