CGV – CGU

Partie II – Protéger ses proches par la transmission
Titre 2 – Protéger ses proches selon sa volonté
Sous-titre 1 – Protéger ses proches de son vivant
Chapitre III – La donation-partage : une large protection des proches

2410 – Propos introductifs. – Les libéralités-partages sont un outil complexe de protection en ce qu’elles permettent de transmettre, comme toute libéralité, mais aussi de partager. La donation-partage est la forme « entre vifs » de la libéralité-partage, le testament-partage en est la forme mortis causae. Il s’agit d’aborder ici le régime de la donation-partage sous l’angle de la protection, et de distinguer ce qui en elle est protecteur de ce qui ne l’est pas, voire même de ce qui devient un véritable handicap dans son régime. Les libéralités-partages n’étaient autrefois que les partages d’ascendants. Elles ne s’offraient donc qu’au cercle réduit de la famille en ligne descendante. Le domaine de la donation-partage a été élargi de manière importante par des réformes successives, et plus spécialement la grande réforme de 2006. La conception de la donation-partage a donc évolué, ce qui a provoqué des conséquences importantes sur sa nature et sur son régime. Nous envisagerons dans une section introductive la notion même de donation-partage, qui lui donne ses atouts protecteurs (Section I). Nous aborderons ensuite la protection conférée par la donation-partage en ce qu’elle est une donation (Section II), puis en ce qu’elle est une opération de partage (Section III).

Section I – Introduction à l’étude de la donation-partage sous l’angle de la protection

2411 Envisageons rapidement la notion de donation-partage (Sous-section I), pour en déduire sa nature hybride (Sous-section II).

Sous-section I – La notion de donation-partage

2412 – Définition et passé de l’acte de donation-partage. – La donation-partage désigne le contrat par lequel une personne procède à la donation et au partage de ses biens entre ses présomptifs héritiers585. Elle est la forme entre vifs de la libéralité-partage, dont le modèle mortis causae est le testament-partage586. À la seule lecture de la définition de la donation-partage, son caractère hybride apparaît. Elle est à la fois une donation et un partage587. Ces deux concepts, ces deux mécanismes et ces deux actes influencent la donation-partage dans son régime juridique, qu’il s’agisse de ses règles de forme588 ou de fond589. Autrefois, la donation-partage n’était ouverte qu’à l’ascendant au profit de ses enfants. On parlait de « partage d’ascendant » et cet acte devait cumulativement respecter les règles propres à la donation et au partage. Ainsi pouvait-il faire l’objet de rescision pour lésion. Il devait également respecter la parité des lots, et l’omission d’un enfant pouvait le remettre complètement en cause. Ces règles successorales ont été écartées en 1938590. La donation-partage s’est ainsi vu « attribuer » une sécurité juridique complémentaire. Et la mise à l’écart de certaines des règles du partage a permis de fortifier cette opération en évitant de « refaire les comptes » au décès de l’ascendant. La loi du 3 juillet 1971591 est allée plus loin en permettant l’incorporation à une donation-partage de donations antérieures592 ou de fusionner dans une même donation-partage les biens des deux parents (donation-partage conjonctive). En permettant qu’un « non-descendant » soit attributaire d’une entreprise dans un acte de donation-partage, le législateur de 1988 a transfiguré cet acte, qui a muté de « partage d’ascendant » en véritable « libéralité-partage »593. La réforme des successions et des libéralités de 2006 a accentué cette tendance en prévoyant la possibilité de procéder à des donations-partages transgénérationnelles594 dans l’ordre des descendants, ou de réaliser des donations-partages entre présomptifs héritiers et non entre les seuls descendants595.

Sous-section II – La nature hybride de la donation-partage : source de richesse protectrice

2413 – Une donation. – La donation-partage596 est une donation à part entière. Elle procède d’une intention libérale et constitue un appauvrissement du donateur envers ses présomptifs héritiers. Le donateur perd ainsi la propriété de ses biens qu’il ne peut plus aliéner, qu’il ne peut plus consommer et dont il ne peut ni user ni retirer les revenus (sauf réserve d’usufruit ou de droit d’usage). La donation-partage, comme toute donation, permet donc de gratifier, de transmettre la propriété d’un bien susceptible d’apporter une utilité ou des revenus à celui que l’on veut protéger. Mais ce n’est pas le seul attrait protecteur de la donation-partage.

2414 – Un partage. – La donation-partage est, par essence, un acte répartiteur. Elle permet ainsi de procéder de son vivant à la distribution de ses biens entre ses héritiers. Ainsi une personne pourra d’elle-même composer les lots en considération des besoins, des aptitudes, de la localisation, de l’état de fortune, de la situation familiale de chacun de ses présomptifs héritiers. Bien évidemment, le lot doit être accepté par son attributaire. Néanmoins cette opération, si elle est faite de manière objective et réfléchie, permet de prévenir les risques de mésentente familiale.

De cette nature hybride, autonome pourrions-nous avancer, va découler le double attrait de la protection par la donation-partage. Celle-ci n’est plus réservée au cercle restreint des héritiers présomptifs. Elle n’est pas non plus limitée aux seuls biens du disposant. Son domaine est donc particulièrement large, ce qui accroît ses vertus protectrices (Section II). Sur le plan liquidatif, la donation-partage obéit à des règles particulières dans le but de sécuriser la transmission, même s’il existe un certain nombre de zones d’ombre (Section III).

Section II – La donation-partage : un acte protecteur par son domaine

2415 La donation-partage témoigne d’une volonté affirmée de protéger, car elle est une libéralité et concentre en elle une intention libérale. Cette protection va concerner certains proches (Sous-section I) et porter sur certains biens (Sous-section II).

Sous-section I – La donation-partage : une conception très large des proches à protéger

2416 – Annonce de plan. – « Toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits. » C’est le principe affirmé par l’article 1075 du Code civil (§ I). L’article 1076 ajoute que toute personne peut également faire la distribution et le partage de ses biens et de ses droits entre des descendants de degrés différents, qu’ils soient ou non ses héritiers présomptifs (§ II). Enfin, l’article 1075-2 autorise qu’un non-successible, voire un non-parent participe à la donation-partage si les biens à lui attribués sont constitués par une entreprise, que celle-ci soit détenue sous forme d’un fonds ou par le biais de droits sociaux (§ III).

§ I – Les héritiers présomptifs : le principe

2417 – Les héritiers présomptifs. – Avant 2007, la donation-partage n’était ouverte qu’en ligne directe, de l’ascendant envers ses descendants et présomptifs héritiers597. Le législateur de 2006 a ouvert la donation-partage à tous les héritiers présomptifs. Ainsi, on peut procéder à un tel acte au sein de chacun des ordres de la dévolution légale. C’est cette dévolution légale qui sert de référence pour définir le domaine de la donation-partage. Peu importe la nature de la parenté. Ainsi la parenté adoptive (que l’adoption soit plénière ou simple) produit les mêmes effets que les liens du sang. Ce principe implique également la possibilité de faire jouer la représentation.

2418 – Tout ou partie des héritiers présomptifs. – Avant l’entrée en vigueur de la grande réforme des liquidations successorales du 3 juillet 1971, le partage d’ascendant devait être consenti à tous les enfants. Cette règle est apparue inappropriée en cas de survenance d’enfant. Aussi le législateur de 1971 l’a-t-il abandonnée en admettant que la donation-partage pouvait être consentie à certains des présomptifs héritiers seulement, ou parce que le donateur ne veut pas de lui, ou bien parce que cet héritier exclu n’a pas accepté son lot. La loi a simplement donné la possibilité à cet héritier de composer son lot héréditaire au décès sur l’actif existant et de recourir à son action en réduction en cas d’insuffisance. Cela ne vaut que s’il est réservataire, car dans le cas contraire il ne pourra prétendre à rien, sauf s’il était héritier présomptif non encore conçu lors de la donation-partage (C. civ., art. 1077-2, al. 3). En présence de réservataire, il y aura malgré tout une incidence importante lors des opérations de liquidation et de partage de la succession. En effet, les conditions de la règle d’exception de l’article 1078 du Code civil n’étant pas remplies, les règles classiques de calcul de la réserve héréditaire et de l’imputation s’appliqueront. Pour ce calcul, les biens seront pris pour leur valeur au jour du décès dans leur état au jour de la donation. Par contre, en tant que donation-partage, les copartagés ne seront pas assujettis au rapport. Leur protection est donc moindre, mais elle demeure malgré tout.

2419 – Indifférence de la qualité de réservataire. – Lorsque la donation était partage d’ascendant, elle ne se concevait qu’en contemplation de la réserve héréditaire des descendants à laquelle elle s’accrochait. Désormais, libre à une personne de consentir une donation-partage à ses neveux, à ses frères et parents dès lors qu’au jour de la donation-partage ils sont ses présomptifs héritiers. Par contre, il n’est pas possible de sauter une génération en dehors de l’ordre des descendants. Ainsi un célibataire ne peut consentir une donation-partage directement à ses neveux. Il n’est pas pour autant dépourvu de moyens : il peut procéder par une série de donations simples, mais préciputaires (donc avec dispense de rapport).

2420 – Dans l’ordre des descendants. – Les applications sont bien connues. Contentons-nous de rappeler que l’ascendant donateur peut réaliser une donation-partage en faisant jouer les règles de la représentation successorale si un ou plusieurs de ses enfants sont prédécédés. C’est une donation-partage par souche, que l’on retrouve également dans les donations transgénérationnelle. Il n’est pas obligatoire que tous les présomptifs héritiers réservataires concourent à la donation-partage. Dans ce cas, elle sera privée de certains effets liquidatifs propres (C. civ., art. 1078). L’héritier absent à l’acte bénéficiera alors d’une action propre pour être rempli de ses droits réservataires.

2421 – Dans les autres ordres. – En l’absence de descendant, la donation-partage peut profiter aux ascendants privilégiés, aux collatéraux privilégiés, aux collatéraux ordinaires, aux ascendants ordinaires. Chez les collatéraux privilégiés, la représentation successorale pourra jouer, et chez les ascendants ce sera la fente qui œuvrera pour assurer l’égalité des lignes. On peut légitimement s’interroger sur l’utilité de consentir une telle donation-partage. En effet, une série de donations consenties hors part successorale à chacun d’eux peut permettre d’aboutir au même résultat. Ce mode opératoire est même plus protecteur des gratifiés, car ils ne sont pas exposés, par donation simple préciputaire, à l’obligation de fournir son lot au présomptif héritier non conçu au jour de la donation-partage (C. civ., art. 1077-2). Toutefois, il est avancé l’idée que le donateur peut préférer la solennité collective de la donation-partage598, argument peu décisif dans la mesure où le disposant attaché à cette solennité, peut, dans un même acte au sens de l’instrumentum, consentir autant de donations simples qu’il a de présomptifs héritiers en édictant des conditions et charges communes aux donations. Le meilleur argument pour faire usage de la donation-partage est l’incorporation d’une donation antérieure lorsqu’il est d’une volonté collective d’attribuer le bien primitivement donné à un autre. La fiscalité de l’incorporation se limite alors au droit de partage. La donation-partage peut, par contre, avoir un véritable intérêt en présence d’un conjoint.

2422 – Le conjoint. – Quel que soit l’ordre auquel appartiennent les héritiers présomptifs à la donation-partage, le conjoint peut y être également alloti. L’intérêt peut être réel, notamment en l’absence de descendants. En effet, dans cette hypothèse, le conjoint est réservataire. Aussi, s’il concourt à la donation-partage et si tous les héritiers présomptifs sont allotis, alors l’article 1078 du Code civil et le gel des valeurs qu’il édicte pourront recevoir application. Les lots seront sécurisés et le risque de réduction des copartagés sera amoindri. La difficulté née de la présence du conjoint à la donation-partage est que son lien avec le disposant n’est pas, à la différence de ceux du sang, immuable. En effet, le conjoint d’un jour n’est pas forcément le conjoint du dernier jour. Se poseront donc les questions liquidatives.

Le conjoint à la donation-partage, divorcé au décès de son époux

Au décès, le conjoint alloti n’est plus conjoint. Il en résulte plusieurs conséquences :599

il conserve les biens qui lui ont été attribués ;

le secteur d’imputation change, car il a perdu le bénéfice de la quotité disponible spéciale entre époux. Sa donation s’imputera donc, à la date de la donation-partage, sur la quotité disponible ordinaire ;

par contre, le conjoint divorcé semble pouvoir continuer à bénéficier de l’article 1078 du Code civil, ses conditions d’application devant être appréciées au jour de l’acte et non pas au décès600.

En conclusion, le conjoint divorcé encourt un risque de devoir une indemnité de réduction. Cela paraît bien normal puisqu’il a perdu cette qualité de proche privilégié qu’est celle d’époux ou d’épouse ! Il n’est pas non plus exclu que le de cujus se soit remarié et ait consenti une nouvelle donation-partage en y invitant son nouveau conjoint…

§ II – Le saut de génération : première exception

2423 – Une volonté de protéger ses petits-enfants. – La donation transgénérationnelle est sans doute, avec la renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR), une des plus grandes innovations de la réforme de 2006 des successions et des libéralités. Ces deux innovations sont de la même veine et procèdent de l’idée qu’une personne, une génération, va renoncer à une partie de ses droits héréditaires même s’ils relèvent de l’ordre public successoral. La donation-partage transgénérationnelle était souhaitée par le notariat601. Toutefois, le succès escompté n’est pas au rendez-vous. On note, d’après les quelques éléments statistiques en notre possession, que ce nouveau procédé d’anticipation successorale à plus long terme est utilisé principalement dans les très grosses agglomérations – plus spécialement à Paris -, au sein des offices notariaux importants, et est réservé à la frange la plus fortunée de la clientèle notariale602. Ce constat est très probablement dû à un défaut d’incitation fiscale supplémentaire. Pour autant la donation transgénérationnelle est un merveilleux outil symbolisant la solidarité entre plusieurs générations. Cette solidarité des grands-parents envers les petits-enfants est d’autant plus utile qu’aujourd’hui les enfants n’héritent de leurs parents le plus souvent qu’à l’âge de leur retraite, c’est-à-dire à l’âge où, en principe, leurs besoins financiers, que ce soit pour installer leur vie de famille (acquisition d’un logement) ou lancer leur activité professionnelle (reprise ou création d’entreprise) sont passés ; tel n’est pas le cas de leurs propres enfants.

La donation-partage transgénérationnelle est un acte par lequel un ascendant va transmettre et partager des biens qui auraient dû revenir à ses descendants immédiats à la génération suivante603.

2424 – Les conditions de ce « saut de protection ». – Elles ont trait aux personnes, aux biens attribués, et à un consentement spécial :

les personnes : la donation-partage transgénérationnelle n’est autorisée qu’en ligne directe et descendante, c’est-à-dire qu’elle n’est ouverte qu’à un ascendant. Elle peut également être consentie par deux époux sous la forme d’une donation conjonctive. La donation transgénérationnelle, à la différence de la donation-partage, n’est pas possible en faveur de neveux ou nièces. Il n’est pas de limitation dans le degré, et des arrière-petits-enfants pourraient être ainsi gratifiés. Mais les conséquences liquidatives, à l’égard de la renonciation du petit-enfant qui laisse sa place à ses propres enfants, sont mal maîtrisées. Le conjoint du donateur peut également être alloti dans une donation-partage transgénérationnelle. De la même manière, il est possible d’y allotir des descendants de degrés différents. Cette forme de libéralité est relativement souple ;

les biens : l’allotissement se fait par souche. C’est-à-dire que la donation-partage transgénérationnelle, à l’image de la donation-partage simple, doit contenir en elle-même constitution et attributions de lots divis à chacune des souches invitées à cet acte, l’attribution pouvant être indivise au regard des descendants de chaque souche. Il n’est pas obligatoire que toutes les souches soient représentées, tout comme une donation-partage peut avoir lieu au bénéfice de seulement une partie des présomptifs héritiers. S’il est souhaitable que la donation-partage transgénérationnelle soit dominée par le principe d’égalité entre les souches, elle n’est en rien obligatoire. La seule limite est le respect de la réserve héréditaire considérée ici par souche (ce sont les enfants qui comptent pour déterminer son quantum) ;

l’abandon par la génération intermédiaire : la condition de fond essentielle est le consentement de la génération « sautée ». L’idée est que les enfants renoncent à leur part au bénéfice de leurs propres enfants. Cette renonciation est capitale, car elle va avoir un impact sur la succession du successible qui s’efface au profit de la génération suivante. L’intensité libérale de la donation-partage transgénérationnelle est donc double puisqu’on l’observe à tous les étages !

L’enfant unique et la donation transgénérationnelle

La donation-partage transgénérationnelle est conçue comme une transmission par souche. En seraient donc exclues les familles avec enfant unique. Toutefois, l’article 1078-5, alinéa 1 du Code civil prévoit qu’il est possible à l’ascendant qui n’a qu’un seul enfant de procéder par voie de donation-partage transgénérationnelle. C’est la condition de pluralité de lots qui va ainsi compter ; si l’enfant n’a lui aussi qu’un seul enfant, alors il faudra que l’ascendant allotisse à la fois son enfant et son petit-enfant ; si l’enfant a plusieurs petits enfants, il peut alors allotir ses petits-enfants, son enfant donnera bien évidemment son accord à ce saut de génération.

Schéma :

2425 – Intérêts civil et économique évidents, intérêt fiscal réduit. – La donation-partage transgénérationnelle était attendue avec impatience eu égard à son utilité pratique. Toutefois, son utilisation semble limitée en raison d’une attractivité fiscale insuffisante :

sur le plan économique : la donation transgénérationnelle répond à des besoins sociaux économiques dus à l’allongement de la durée de la vie. Jadis on héritait de ses parents à la force de l’âge, entre quarante et cinquante ans, c’est-à-dire à l’âge où l’on était en pleine activité économique et où, familialement parlant, un afflux patrimonial permet de poursuivre des projets. Aujourd’hui c’est dix à quinze plus tard que l’on hérite, lorsque les besoins sont moindres, la vie professionnelle, les projets familiaux, l’éducation et l’installation des enfants sont des préoccupations passées. L’héritage devient une prime de retraite. Sur le plan économique, il n’est pas forcément bon que les patrimoines se concentrent entre les mains des plus âgés qui ont tendance à thésauriser, à ne pas consommer, à ne pas investir… Aussi la donation transgénérationnelle offre-t-elle un outil juridique licite pour accélérer cette transmission de patrimoine en permettant aux générations les plus jeunes de recevoir leur héritage par anticipation ;

sur le plan civil : s’il a toujours été permis à une personne de gratifier ses petits-enfants par le biais de donations simples, ces transmissions subissent plusieurs limites :

celle de la quotité disponible, car la donation faite à un non-successible est forcément consentie hors part successorale. Ces donations non seulement encourent un risque supérieur de réduction, mais elles obèrent également la faculté pour le disposant de disposer par la suite à titre gratuit. Il aliène définitivement une part de sa liberté testamentaire. Cela peut naturellement préjudicier à son conjoint,

pour le calcul de la quotité disponible et leur imputation, ces donations simples aux petits-enfants obéissent aux règles de l’article 922 du Code civil. Les biens donnés sont pris en compte pour leur valeur au jour du décès et, si subrogation il y a eu, c’est la valeur du bien subrogé qui est à considérer.

La donation-partage transgénérationnelle permet de contourner ces deux écueils. Par sa nature, elle constitue une donation en avancement de part successorale de la souche, et si ses conditions sont réunies elle bénéficie de la règle dérogatoire de l’article 1078 du Code civil. Si toutes les souches sont représentées à l’acte et s’il n’y pas de réserve d’usufruit sur une somme d’argent, alors les valeurs pour calculer la quotité disponible et les imputations sont définitivement fixées à celles de l’acte. À l’évidence, avec ce régime spécial, la donation-partage transgénérationnelle est un mode de transmission véritablement protecteur des plus jeunes générations des familles.

Ajoutons que la donation-partage transgénérationnelle peut également contenir une réincorporation d’une donation antérieure, ce qui, dans certaines hypothèses, peut s’avérer d’une particulière utilité car elle permet d’attribuer un bien qui avait été précédemment donné à une génération à celle suivante. La donation-partage transgénérationnelle bénéficie également de la prescription abrégée de cinq en cas d’atteinte à la réserve héréditaire (C. civ., art. 1077-2, al. 2) ;

sur le plan fiscal : le succès de la donation-partage transgénérationnelle n’est pas au rendez-vous pour la raison principale qu’elle ne présente que très peu d’intérêt sur le plan des droits de donation604. En effet les droits de mutation sont calculés en fonction des règles de droit commun, c’est-à-dire du lien de parenté. Les petits-enfants ne bénéficient pas de l’abattement de leur auteur. Les règles que l’on connaît en matière de représentation ne s’appliquent pas. Les petits-enfants ne peuvent donc bénéficier que des abattements qui leur sont propres. L’intérêt fiscal de la donation-partage transgénérationnelle demeure toutefois dans les cas suivants :

donations de sommes d’argent dans les conditions fixées par les articles 790 B et 790 G du Code général des impôts pour bénéficier des abattements spécifiques,

incorporation d’une donation antérieure de plus de quinze ans : le bien attribué à la première génération peut être attribué à celle suivante avec une simple taxation au droit de partage de 2,5 % ; lorsque la donation incorporée date de moins de quinze ans, il y a alors lieu d’imputer les droits initialement perçus sur ceux générés par la nouvelle transmission. Par ailleurs, sur le plan fiscal, le donataire incorporant récupère les tranches et abattements qu’il avait utilisés,

pour les patrimoines importants, la donation-partage transgénérationnelle permet de ne pas entrer dans les tranches supérieures du tarif. La fiscalité ignorant l’idée d’une transmission par souche, chacun des petits-enfants est taxé à son niveau par une application du barème applicable en ligne directe.

2426 – Le traitement liquidatif de la donation-partage transgénérationnelle. – La donation-partage transgénérationnelle doit être prise en compte dans la succession du disposant, mais aussi dans la succession de celui qui s’est effacé au bénéfice de la génération suivante605 :

dans la succession du donateur606 : on fait comme si les enfants immédiats du donateur avaient été allotis. Il en résulte que les lots recueillis par la souche s’imputent sur la réserve individuelle de leur auteur (C. civ., art. 1078-8, al. 1). L’article 1078 s’appliquera si toutes les souches sont alloties et si la génération intermédiaire a, évidemment, consenti à l’acte. C’est tout simplement la règle de l’unanimité que l’on constate sur deux générations (C. civ., art. 1078-8) ;

dans la succession du successible représenté607 : là encore, une autre fiction est à appliquer. On fait comme si les biens reçus par les donataires finaux provenaient de leurs parents immédiats, de la génération représentée. Cette dernière règle mérite quelques précisions.

Le principe est que les biens reçus par donation-partage transgénérationnelle sont traités sur le plan liquidatif dans la succession du représenté comme les donations simples. Ils sont donc soumis aux règles habituelles du rapport et de la réduction. La nature de donation-partage, en principe hermétique au rapport, s’efface puisque la donation est rapportable à la succession de l’auteur représenté. Mais il est une exception importante si toutes les souches sont représentées et qu’il n’y a pas de réserve d’usufruit sur une somme d’argent : alors la donation est exemptée du rapport. La seconde exception est que si ces mêmes conditions sont remplies, alors l’article 1078 du Code civil va recevoir application et les valeurs, pour le calcul de la quotité disponible et l’imputation, seront bloquées à la date de l’acte.

On notera plusieurs choses :

dans la succession du donateur (grand-parent), l’article 1078 du Code civil présente un intérêt évident : il donne une certaine visibilité sur la liquidation de sa succession, et par là même il protège les donataires ;

en revanche, dans la succession des enfants (la génération sautée), la règle de l’article 1078 peut présenter un certain handicap dans la mesure où elle va figer les valeurs à la date de la donation initiale qui, par définition, est relativement ancienne puisque deux générations se seront éteintes. L’érosion monétaire et l’évolution économique générales feront que les biens donnés seront réunis fictivement pour une maigre valeur, ce qui impliquera une forte minoration de la quotité disponible du représenté et donc de sa faculté de disposer à titre gratuit. Aussi est-il possible d’écarter l’application de l’article 1078 qui n’est pas d’ordre public dès lors qu’il est fait appel aux règles de droit commun (C. civ., art. 922) ;

enfin, que se passe-t-il si l’un des gratifiés renonce à la succession du représenté ? Une fois encore, les prévisions initiales seront perturbées par la volonté d’un seul. Le législateur n’a pas envisagé cette situation. Aussi pensons-nous qu’il faut distinguer la situation des autres copartagés et celle du renonçant :

pour les autres copartagés, on fait abstraction de cette renonciation. La donation, si elle était unanime, n’est pas rapportable (il est inconcevable de rendre débiteurs du rapport les copartagés par la volonté d’un seul). On applique l’article 1078 du Code civil si les conditions en sont réunies. Ainsi ils ne subissent pas outre mesure cette renonciation,

pour le renonçant : la libéralité devient « hors part successorale ». Elle s’impute donc sur la quotité disponible en prenant rang à la date de l’acte initial. Ce renonçant, comme le conjoint divorcé, doit pouvoir toujours bénéficier de l’article 1078 du Code civil. Il en résulte que, par cette renonciation, le représenté voit sa faculté de disposer à titre gratuit se réduire, car la donation reçue par le renonçant vient s’imputer sur son disponible en prenant rang en fonction de sa date. Puisque la donation-partage transgénérationnelle est rapportable à la succession de la génération sautée (C. civ., art. 1078-9), nous pensons qu’il est parfaitement possible de prévoir dans cette donation-partage transgénérationnelle la clause de rapport à la succession (C. civ., art. 845) de celui qui s’efface, en cas de renonciation à sa succession. Cette génération « sautée » ne doit pas être la victime de sa générosité et de son souci de protéger les plus jeunes. Il s’agit tout simplement du pendant de la règle qui permet à ce représenté d’incorporer une donation-partage transgénérationnelle de son parent à une donation-partage qu’il envisage de faire à ses propres enfants (C. civ., art. 1078-10).

§ III – Le tiers à la donation-partage : seconde exception

2427 – Une exception anecdotique. – Le législateur, estimant que le départ en retraite d’un patron peut constituer un péril pour son entreprise et qu’il est le mieux placé pour choisir son successeur a, par sa loi du 5 janvier 1988, ouvert la possibilité d’attribuer par voie de donation-partage l’entreprise à un tiers non-parent ou plutôt non présomptif héritier. Cette forme de donation est particulièrement rare en présence de descendants. Son intérêt est également réduit en l’absence de réservataire. Par ailleurs, la fiscalité n’est pas non plus très incitative608. La loi du 23 juin 2006 a élargi cette faculté à toutes les entreprises, y compris celles détenues sous forme de société. Le chef d’entreprise ne préfère-t-il pas céder son entreprise plutôt que la donner ?…

2428 – Sur le plan liquidatif. – Cette libéralité-partage faite à des présomptifs héritiers et à un tiers n’appelle pas d’observation particulière quant à la liquidation de la succession. Les règles des donations-partages classiques sont appliquées, avec les mêmes interrogations. La seule spécificité est que celui qui est alloti par l’entreprise, par définition, n’est pas réservataire. Et sa donation pourra être réductible si les héritiers ne sont pas remplis de leur réserve. L’article 1078 du Code civil pourra jouer pleinement.

Sous-section II – L’élargissement de la donation-partage quant aux biens

2429 Le large éventail et la souplesse offerts par la donation-partage se manifestent également par les biens qu’elle peut avoir en objet. Il s’agira bien évidemment des biens du disposant (§ I), mais peuvent lui être intégrés ceux de la succession de son époux prémourant (§ II) ou ceux de son conjoint (§ III).

§ I – Les biens du disposant

2430 – Biens présents. – À l’évidence, on ne peut donner que ce que l’on a, aussi la donation-partage ne peut-elle porter que sur des biens ou des droits qui sont la propriété du disposant. Même si la donation-partage est une forme autorisée de pacte sur succession future, elle n’en est pas moins une donation, et un appauvrissement est donc une condition essentielle. La donation-partage ne saurait donc permettre une donation de biens à venir. Cette prohibition est clairement énoncée à l’article 1076, alinéa 1 du Code civil.

2431 – Diversité des biens donnés et attribués. – Les biens objets de la donation-partage peuvent être de toute nature et de toute valeur pourvu qu’ils soient dans le commerce ou qu’ils ne soient pas frappés par une quelconque interdiction d’aliéner ou soumis à des autorisations ou agréments soit relevant de l’autorité publique (comme les cessions d’entreprises réglementées), soit de personnes privées (clauses statutaires pour les donations de parts ou actions, interdiction d’aliéner consentie au bénéfice d’un tiers). Ces biens peuvent être donnés en usufruit, en nue-propriété ou bien évidemment en pleine propriété. Il n’en demeure pas moins qu’une donation-partage qui attribuerait des droits en pleine propriété à l’un, des droits en usufruit à l’autre, et des droits en nue-propriété au dernier n’est pas sans susciter quelques interrogations quant à l’équilibre global du partage. Enfin, la donation-partage peut comprendre des droits indivis, mais à la condition que l’attributaire ne soit pas en indivision avec ses copartagés. En ce cas l’acte est disqualifié en donation simple et perd sa nature de libéralité-partage. En cas de donation de droit indivis, le lot de l’attributaire sera suspendu aux opérations de partage de l’indivision à laquelle désormais il appartient. Le cadeau peut ainsi être empoisonné !

§ II – Les biens du disposant et les biens de la succession de son conjoint prédécédé

2432 – Notion et validité de la donation-partage cumulative. – Il est également possible à l’ascendant survivant de consentir une donation portant sur ses biens pour les réunir aux biens dépendant de la succession de l’ascendant prédécédé. Il est ainsi procédé à un partage global dans un même acte. On parle de donation-partage cumulative609. L’intérêt d’un tel acte est d’augmenter le nombre de biens à partager et d’y intégrer des droits indivis (pouvant provenir d’une communauté conjugale) sur certains biens, ce qui permet de les porter pour l’intégralité. Plus la masse est importante, plus il est facile de composer des lots. Cet acte a une nature hybride. Il est à la fois partage de succession avec des rapports et donation-partage avec des réincorporations.

La donation-partage cumulative semble être possible pour des enfants de lits différents dans la mesure où les règles édictées pour les donations-partages conjonctives sont respectées. L’enfant non commun ne peut se voir attribuer que des biens ayant appartenu à son auteur (C. civ., art. 1076-1).

2433 – Régime spécial de la donation-partage cumulative. – La donation-partage cumulative doit respecter les conditions de fond et de forme des donations et des partages (capacité). Par contre, l’action en complément de part est écartée pour la totalité de l’opération, pas seulement pour sa partie donation-partage610. Son régime fiscal est donc double : le droit de partage est perçu sur les biens successoraux (dont les indemnités de rapport) et les droits de mutation à titre gratuit sont dus pour les biens donnés. Il faut ajouter le droit de partage sur les donations éventuellement réincorporées. L’action en réduction pourra être introduite dans les cinq ans qui suivent le second décès. L’éventuelle atteinte à la réserve sera appréciée en confondant les deux successions. L’article 1078 du Code civil pourra, si ses conditions d’application sont réunies, recevoir application611.

Sur le plan de la protection, la donation-partage cumulative permet au survivant de procéder aux arbitrages d’un règlement successoral qui peut s’avérer complexe ou conflictuel. Elle permet également d’user des règles fiscales favorables à l’anticipation successorale.

§ III – Les biens du couple

2434 Transmettre par donation-partage est dans bien des cas une opération au caractère familial important. Elle représente le projet des parents de transmettre et partager leurs biens entre leurs enfants. La donation-partage peut donc avoir un caractère collectif marqué. Envisageons le cas des époux (A), puis le cas des autres parents (B).

A/La donation-partage par les époux

2435 La donation-partage par deux parents mariés, dite « donation-partage conjonctive », est consacrée par les articles 1076-1 et 1077-2, alinéa 2 du Code civil, qui visent les donations-partages faites conjointement par des époux. La donation-partage va être influencée par le régime matrimonial des époux donateurs copartageants.

I/ Les distinctions selon le régime matrimonial

2436 – Les époux communs en biens. – Il pourra être fait masse des biens propres et des biens communs pour en ressortir autant de lots que de copartagés sans considération de l’origine des biens paternels ou maternels. Les copartagés sont même réputés tenir leurs droits de chacun de leurs parents dans des proportions identiques. Il se peut que dans la masse des biens donnés, il existe des droits à récompense soit au profit de la communauté, soit au profit de l’un des patrimoines propres. Il est admis que la donation-partage conjonctive éteint ces droits à récompense parce qu’ils figurent dans la donation elle-même. La validité d’une telle extinction des récompenses a été longuement controversée en ce qu’elle constituait une liquidation partielle anticipée d’un régime matrimonial et qu’elle procédait d’une convention matrimoniale modificative sans en respecter les formes. Aujourd’hui cet abandon ne fait plus aucun doute612. Il est néanmoins conseillé de préciser par une clause de la donation cette extinction des récompenses portant sur les biens donnés et partagés. Cette extinction des récompenses de la communauté, voire de créances entre patrimoines propres des époux n’est pas sans incidence sur le règlement de leurs propres successions. En effet, l’un des époux peut ainsi se trouver appauvri et les droits de ses héritiers amoindris.

2437 – Les époux séparés de biens. – Leur situation est encore plus simple que celle des époux communs en biens. La donation-partage peut porter sur des biens personnels à chacun des époux ou sur des biens indivis entre eux. De la même manière, chacun des copartagés est réputé tenir ses droits des deux donateurs même si son lot ne comprend qu’un bien personnel de l’un ou l’autre. Tous les biens donnés et partagés font masse. Il est également conseillé de prévoir que l’acte de donation-partage éteint toute créance entre époux au sujet des biens donnés et attribués, à l’image des récompenses sous la communauté.

2438 – Les époux en participation aux acquêts. – Si ce régime, comme la communauté d’acquêts, procède de l’idée d’un partage des richesses en fin de mariage613, au cours de régime les biens restent personnels à chacun. Aussi l’époux, seul propriétaire de ses biens, peut accomplir sur ceux-ci tout acte de disposition. Il peut notamment les aliéner par donation ; les deux époux, comme sous la séparation des biens, peuvent consentir une donation-partage. À l’image de ce que nous avons dit pour le régime de la séparation des biens (créances entre époux) ou pour le régime de la communauté (récompenses), il y aura lieu de prévoir un abandon entre les époux de toutes les créances entre époux afférentes aux biens donnés et partagés et de préciser que ces biens et les plus-values qui auraient pu leur être apportées au cours de régime et financées par des acquêts ne seront plus pris en compte dans la liquidation de leur régime.

II/ Les distinctions selon les configurations familiales

2439 – Attribution à des enfants de lits différents. – Les époux et les parents non mariés peuvent consentir une donation-partage à leurs enfants communs, mais aussi à leurs enfants issus d’autres lits. Le récent article 1076-1 du Code civil le permet désormais, mais cette faculté est soumise à plusieurs conditions :

il doit y avoir au moins deux enfants communs, car une donation-partage ne peut être faite qu’à plusieurs présomptifs héritiers. S’il n’y a pas au moins deux enfants communs, l’un d’entre eux se trouvera seul dans l’opération de partage par son parent614 ;

le ou les enfants non communs ne peuvent être attributaires que des biens propres de leur auteur, ou de biens communs. Cet allotissement devra être autorisé, bien évidemment, par le conjoint (C. civ., art. 922). Ce second époux n’est pas codonateur et cette donation-partage fera naître une récompense au bénéfice de la communauté (C. civ., art. 1437).

Sur le plan fiscal, les droits dus par l’enfant attributaire sont calculés sur la valeur totale du bien mis dans son lot au tarif qui le lie au donateur (CGI, art. 778 bis).

Il ne semble pas possible d’attribuer à l’enfant non commun des biens indivis au donateur, de sorte que sont exclus de ces donations-partages à enfants de plusieurs lits non seulement les époux séparés de biens ou en participation aux acquêts, mais aussi les concubins et les partenaires liés par un Pacs615.

III/ Les distinctions quant à l’action en réduction

2440 – L’exception peu protectrice : le report de l’exercice de l’action en réduction. – En matière de donation-partage conjonctive, il est une exception au principe de prescription de cinq années à compter de chacun des décès. Le délai est ici décompté à compter du deuxième décès616. Cette règle de l’article 1077-2, alinéa 2 du Code civil part de l’idée que les deux successions doivent être réglées de manière confondue et que les droits réservataires doivent être appréciés en considération des deux successions. La règle peut être lourde de conséquences au regard de la protection des différents ayants cause. Au décès du prémourant, une liquidation de sa succession sera effectuée pour éventuellement déterminer des indemnités de réduction des autres donations qui auraient pu être consenties par le de cujus. Cette première liquidation ne sera que provisoire, car pour calculer une éventuelle réduction de la donation-partage, il y aura lieu de procéder à une nouvelle liquidation au décès du second, et c’est à la date du second décès qu’il faudra se placer pour calculer les indemnités de réduction éventuelles. Il faudra alors reprendre la première liquidation et l’actualiser ; tous les biens seront donc réévalués au second décès617. Si une longue période sépare les deux décès, alors les fluctuations dans les valeurs peuvent être importantes et remettre en cause les résultats de la première liquidation ; elles peuvent rendre réductible ce qui ne l’était pas, ou inversement ! Ce système n’est sans doute pas très protecteur, non pas des copartagés qui sont logés à la même enseigne, mais des autres héritiers ou gratifiés (par ex., un légataire universel…). Ce report a été, à juste titre, critiqué618 et une analyse globale de la donation-partage sans considération de l’origine des biens pourrait permettre de l’éviter, en revenant à la règle classique619.

2441 – L’exception à l’exception : retour au principe général. – Si la donation-partage a été faite a des enfants communs et à des enfants nés d’autres lits, alors, pour ces derniers, l’action en réduction contre la donation-partage faite par son auteur doit être introduite dans les cinq ans du décès de son auteur (C. civ., art. 1077-2, al. 2 in fine)620.

B/La donation par d’autres que les époux

2442 – Des textes discriminatoires ? – La donation-partage conjonctive serait-elle réservée aux seuls époux et les parents seulement pacsés ou concubins621 en seraient-ils exclus ? Les textes qui traitent de la donation-partage conjonctive ne mentionnent que les époux codonateurs, mais il est de l’avis unanime de la doctrine que ces libéralités-partages sont ouvertes aux parents non mariés622. Une solution contraire reviendrait à sortir du champ de la donation-partage une grande partie des familles, le mariage étant en forte diminution et probablement voué à devenir minoritaire dans quelques décennies. Le Droit doit être fait pour le plus grand nombre et non réservé à une minorité. Aussi faut-il admettre que même non mariés, des parents peuvent valablement consentir une donation-partage à leurs enfants tant au moyen de biens qui leur sont personnels qu’au moyen de biens qui leur sont indivis.

Section III – La protection liquidative de la donation-partage

2443 La donation-partage est un acte libéral, de générosité, et c’est par cette première nature qu’elle constitue un support important de protection. Mais, à cet attrait, s’ajoute celui de sa fonction répartitrice. La donation-partage est réellement une opération de partage. Elle permet donc d’anticiper la répartition de ses biens entre ses présomptifs héritiers et d’éviter ainsi les effets pervers d’une mésentente entre les héritiers, les méfaits d’un tirage au sort et les conséquences malheureuses d’une procédure de partage judiciaire. Cet allotissement est une condition essentielle de la donation-partage (Sous-section I) et ce sont ces attributions qui, à la succession du donateur, vont être prises en compte sur le plan liquidatif (Sous-section II).

Sous-section I – Un allotissement libre, mais nécessaire

2444 La donation-partage est la fille du partage lui-même. À ce titre, elle implique que le disposant procède à cette répartition en confectionnant autant de lots que de donataires copartagés623. Cette répartition est primordiale dans la donation-partage. Le disposant jouit d’une grande latitude pour établir ces lots (§ I), mais cette liberté se heurte à une exigence conceptuelle de la donation-partage (§ II).

§ I – Une grande liberté pour mieux protéger

2445 Cette liberté est bien évidemment présente dans la répartition des biens (A) jusqu’à permettre de déroger au principe d’égalité (B).

A/La liberté dans la composition des lots
I/ Une liberté tous azimuts

2446 – Liberté dans la diversité. – Le disposant jouit d’une grande liberté pour confectionner les lots qu’il entend attribuer à ses présomptifs héritiers. Tous les biens dépendant de son patrimoine et dont il peut disposer librement peuvent faire l’objet d’une donation-partage. Celle-ci peut donc porter sur des immeubles, sur des parts ou actions de société, sur un fonds de commerce, artisanal ou libéral (sous réserve que l’attributaire respecte les conditions d’exploitation de ces fonds lorsqu’elles sont réglementées), un portefeuille de titres, des objets mobiliers (meubles corporels) ou des biens incorporels (brevets), ou enfin une somme d’argent.

Les seules limites sont l’ordre public et les clauses d’inaliénabilité ou d’aliénation contrôlée qui peuvent s’appliquer à certains de ces biens et, évidemment, le patrimoine du donateur lui-même car on ne peut donner ce que l’on n’a pas. Ainsi la donation-partage ne peut comprendre des biens à venir du disposant. Pour autant le donateur pourrait également disposer par donation-partage sinon de tous ses biens, au moins des principaux biens constituant son patrimoine. Il répartira ainsi tous ses immeubles, tous ses meubles de valeur (objets d’art), éventuellement ses titres de sociétés qu’elles soient cotées ou non, etc., et conservera le strict minimum pour « finir sa vie ».

Les lots de chacun des copartagés peuvent comprendre plusieurs biens.

2447 – Liberté dans la nature des droits. – Les lots attribués dans la donation-partage peuvent comprendre des droits de nature différente. Ainsi il peut être fait usage du démembrement de propriété et il peut être attribué des biens en nue-propriété, le donateur s’en réservant l’usufruit, ou bien l’usufruit de ce même bien figurera dans le lot d’un autre copartagé. Il peut être également donné et attribué un droit d’usage et d’habitation.

2448 – L’ajustement des lots par des soultes. – Enfin, lorsqu’il apparaît une différence de valeur entre les lots, alors il peut être convenu le versement d’une soulte entre les copartagés624. Une donation-partage pourrait même prévoir l’attribution du seul bien donné à l’un des présomptifs héritiers, et aux autres une soulte due par le premier copartagé625. Si la soulte est payable à terme son bénéficiaire, devenant créancier d’une somme d’argent, pourra non seulement bénéficier du privilège de copartageant, mais aussi de la réévaluation de la soulte à la date de son paiement626, si le bien attribué à son débiteur a augmenté ou diminué de plus du quart de sa valeur initiale apprécié bien évidemment dans son état au jour de la donation627. Ce seuil du quart rappelle celui de la lésion ou du complément de part en matière de partage qui, nous le verrons, n’existent plus en matière de donation-partage. On voit ici que le créancier de la soulte, si le bien de son copartagé a perdu de sa valeur, subira une perte dans la même proportion. Ce qui peut lui paraître injuste, car non seulement par le paiement à terme de la soulte il n’entrera véritablement en possession de son attribution qu’à son paiement alors que son copartagé reçoit le bien immédiatement, mais de plus il subira une baisse de plus du quart de la somme à recevoir. Si l’un des copartagés est attributaire d’un bien en plein propriété à charge pour lui de verser une soulte à terme, alors l’acte devient déséquilibré. Par contre, si le bien est grevé d’un usufruit, il peut paraître logique de stipuler le paiement de la soulte au jour où l’usufruit sera éteint. La soulte devra être valorisée en fonction de la valeur du bien en pleine propriété car l’usufruit s’est éteint. En ce cas, la solution ne choque pas. Dans la donation-partage, ce système de revalorisation des soultes est d’ordre public.

Les soultes payables à terme et la protection des parties

À la fois le débiteur de la soulte payable à terme et le créancier de la soulte bénéficient d’une protection :

lorsque l’acte de donation-partage porte sur un immeuble à usage d’habitation, la protection du consommateur, dite « Scrivener », s’applique au bénéfice du débiteur de la soulte. L’acte est donc présumé avoir lieu sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt, à moins que l’attributaire ait renoncé à cette protection en des termes exprès (la mention manuscrite n’est plus exigée dans les actes notariés. Sur cette question, V. infra, les travaux de la 4e commission) ;

nous avons vu que le créancier de la soulte bénéficie d’un système de revalorisation de son dû. La question qui se pose est de savoir si ce système de revalorisation s’impose ou si les parties peuvent lui en substituer un autre. S’agissant d’un ordre public de protection du créancier de la soulte, il serait sans doute possible de prévoir un autre système de revalorisation, tant quant à son seuil de déclenchement (variation du quart de la valeur) que sur le plan dumode de revalorisation, par le recours à un indice par exemple628, la seule conditionétant que cela soit pour une « meilleure sauvegarde »629 des droits du créancier de la soulte que le système légal actuel. Ce système de revalorisation serait le minimum légal. Pour conforter le système dérogatoire, il faut donc comparer celui de l’article 1075-4 du Code civil avec celui conventionnellement prévu, et adopter celui qui accorde la plus forte réévaluation630.

II/ L’incorporation de donations antérieures

2449 – Notion d’incorporation. – Au regard des grands principes qui gouvernent le droit des successions et des libéralités, la possibilité d’incorporer une donation antérieure à la donation-partage est remarquable, voire surprenante. En effet, l’incorporation permet d’intégrer aux opérations de partage initiées par le disposant une donation antérieure et de porter à la masse des biens donnés et partagés la valeur des biens antérieurement donnés. Cette faculté est prévue à l’article 1078-1 du Code civil. Cette faculté est remarquable en ce qu’elle permet de revenir sur une donation portant ainsi atteinte au principe d’irrévocabilité des donations. Remarquable encore en ce qu’elle permet de changer la nature rapportable ou hors part d’une donation antérieure, car cette faculté d’incorporation se conçoit parfaitement pour une donation en avance d’hoirie ; la donation-partage ne fait alors qu’anticiper le partage de succession avec le rapport de la donation qu’il implique, mais plus difficilement pour une donation préciputaire. Remarquable encore plus encore en ce qu’elle constitue une atteinte supplémentaire à la prohibition des pactes sur succession future. La faculté d’incorporation631 est surprenante en ce qu’elle permet, dans la donation-partage, d’attribuer un bien antérieurement donné à un autre copartagé que le donataire initial. Le bien, après avoir été la propriété d’un successible pendant un temps certain, change de mains pour être la propriété d’un autre. On peut même aller plus loin en incorporant une ancienne donation-partage et refaire complètement les attributions. On redistribue les cartes !

2450 – Les conditions de l’incorporation des donations antérieures. – Toutes les donations antérieures sont concernées, quelle que soit leur forme (ostensible, manuelle, indirecte, déguisée) ou leur nature (hors part successorale ou en avancement de part successorale). L’objet de la donation incorporée est également indifférent. L’incorporation peut aussi comprendre les biens subrogés au bien initialement donné (C. civ., art. 1078-1). La seule exigence est le consentement, bien évidemment du copartagé qui incorpore sa donation, mais aussi des autres copartagés. On voit bien ici que le consentement unanime à ce pacte de famille prévaut et permet ainsi de revenir sur le passé, de tout « remettre à plat » dans le but de stabiliser les lots de chacun.

2451 – La valeur de la donation incorporée. – Elle se fait, comme pour le rapport à un partage successoral, pour la valeur à la date de la donation-partage du bien antérieurement donné, et bien évidemment dans l’état où le bien était au jour de cette donation antérieure. N’a pas à être considérée la valeur du bien au jour de la donation initiale. Ainsi les plus-values mais aussi les moins-values sont prises en compte dans la donation-partage. Les plus-values ne sont pas considérées comme un surplus de donation (C. civ., art. 1078-3) et ne donnent pas lieu à une taxation au titre des droits de mutation à titre gratuit, tout comme les moins-values ne peuvent engendrer de restitution. S’il y a eu emploi ou remploi des biens donnés, alors la valeur des biens subrogés sera prise en compte pour cette incorporation. Si le bien a été aliéné, alors c’est son prix de vente qui doit être porté dans la donation-partage.

2452 – Les atouts protecteurs de l’incorporation. – Cette incorporation d’une donation antérieure, qui s’analyse en une forme de mutuus dissensus, revêt bien des avantages permettant une meilleure protection de tous les intervenants. Car si elle permet de redistribuer tout ou partie des cartes, ce sont surtout ses atouts qui profitent aux parties :

pour le donataire « incorporant » : la donation intégrée à la donation-partage n’est plus, par la nature de cette dernière, rapportable. Il est donc, comme tous les autres copartagés, exonéré du rapport. Il y aura donc unicité de traitement des héritiers, ce qui n’aurait pas été le cas si la donation antérieure n’avait pas été incorporée. Ainsi il ne sera plus comptable envers ses cohéritiers des plus-values (et des moins-values) afférentes au bien. L’avantage est donc considérable pour lui, car il n’est plus sous cette épée de Damoclès de l’évaluation fluctuante de son indemnité de rapport ;

pour tous les copartagés dont le donataire « incorporant » : si tous les présomptifs héritiers participent à la donation-partage récapitulative (avec incorporation) et si les conditions de l’article 1078 du Code civil sont réunies (absence de réserve d’usufruit sur une somme d’argent), alors le gel des valeurs pour le calcul de la quotité disponible et l’imputation profitera à tous. Les seules valeurs à prendre en compte seront celles de la donation-partage ;

pour le disposant et pour tous les copartagés : la faculté d’incorporation permet de rectifier les erreurs passées ou d’adapter la répartition des biens à une situation nouvelle. Il est possible de redistribuer les biens antérieurement donnés, que ces donations antérieures aient été faites sous forme de donations individuelles ou de donations-partages. Il n’est même pas nécessaire que la donation-partage procédant à ces incorporations comprenne d’autres biens. Aucune limite ne plafonne cette faculté d’incorporation. On pourrait donc envisager d’empiler ainsi plusieurs donations-partages en faisant changer les biens d’attributaires. Cela n’est pas sans difficulté, notamment si les attributaires ont apporté des améliorations sur les biens incorporés, car ils doivent en être dédommagés.

La fiscalité de l’incorporation

En la matière, le droit fiscal suit l’analyse civile de l’incorporation en ce qu’elle ne constitue pas une libéralité supplémentaire du disposant envers les copartagés ou entre les copartagés eux-mêmes. C’est donc le droit de partage (actuellement de 2,5 %) qui est dû sur les donations incorporées (les donations nouvelles sont exonérées du droit de partage). Si la donation incorporée est un don manuel non révélé, alors la révélation a lieu par la donation-partage, ce qui engendre sa taxation aux droits de donation et corrélativement sa non-soumission au droit de partage.

Le changement d’attributaire n’engendre pas de taxation particulière autre que celle du droit de partage, à l’exception de la contribution de sécurité immobilière si le bien est un immeuble632. Cette mutation entre attributaires a donc lieu à moindres frais633.

B/La liberté quant à l’appréciation de l’égalité des lots

2453 – La donation-partage : un partage qui peut être inégalitaire. – On sait que le principe d’égalité a toujours dominé les opérations de partage. D’abord égalité en nature, puis égalité en valeur. Ce principe d’égalité était sanctionné par la rescision pour lésion puis par l’action en complément de part. La donation-partage n’est plus, depuis la loi du 3 juillet 1971, soumise à ce principe d’égalité et peut donc être inégalitaire. La donation-partage s’est ainsidétachée de la dévolution légale, laissant ainsi une place importante à la volonté du disposant et des copartagés. Le souci d’une bonne répartition est devenu la priorité plus qu’une égalité arithmétique. La donation-partage « a vocation à gratifier autant qu’à partager »634. La nature de pacte de famille permet d’entériner que certains soient davantage gratifiés que d’autres. La seule limite à cette rupture de l’égalité est le respect de la réserve individuelle de chacun des héritiers. Mais il faut être conscient que ce désavantage de certains peut certes être acquis au jour de la donation-partage parce que la différence des valeurs des lots en témoigne, mais peut aussi être démultiplié au décès par le jeu de l’article 1078 du Code civil qui énonce que si tous ont concouru à la donation-partage et si l’acte de donation ne porte pas sur une somme d’argent avec une réserve d’usufruit, les valeurs figurant à l’acte seront prises en compte pour le calcul de cette réserve individuelle. Cet article 1078 n’est pas d’ordre public et il est loisible, voire conseillé en cas de donation-partage inégalitaire d’en exclure l’application.

La donation-partage inégalitaire étant licite, la clause apparue en pratique, dite de « donation d’excédent de lot », est devenue totalement inutile (clause qui conférait un avantage préciputaire si le lot d’un des copartagés s’avérait supérieur à celui auquel il aurait pu prétendre)635.

Si la donation-partage inégalitaire est valide, il est naturel et conseillé de respecter autant que possible l’égalité dans la valeur des lots. Pour autant, il ne faudrait pas que les valeurs de ces lots soient « arrangées » pour rendre égalitaire une donation qui ne l’est pas. Ces évaluations fictives (sous-évaluation d’un lot ou surévaluation d’un autre) pourraient être remises en cause par la suite, et l’héritier réservataire défavorisé pourrait invoquer la valeur réelle des biens au jour de l’acte pour leur voir appliquer l’article 1078 du Code civil636. Il est de bonne précaution de faire procéder par des professionnels à une juste et précise évaluation des biens objet des donations-partages afin de les rendre encore plus puissantes et incontestables. On ne peut également que conseiller de décrire avec précision les biens dans l’acte de donation-partage. Il pourrait même être annexé un dossier de diagnostics techniques comparable à celui obligatoirement annexé aux ventes d’immeubles.

Chercher davantage l’équilibre que l’égalité

Nous venons de le voir, une donation-partage peut être inégalitaire, mais cette rupture d’égalité, ostensible dans l’acte, ne posera pas véritablement de difficultés dans la mesure où elle est connue et acceptée par tous. Il peut en aller différemment si une donation-partage est d’apparence parfaitement égalitaire, mais profondément inéquitable. Ce sera le cas lorsque certains biens seront donnés en nue-propriété et d’autres en pleine propriété, car certes le contrat devient aléatoire en raison du droit viager qu’est l’usufruit, mais si l’extinction de ce droit se fait attendre ou si elle a lieu de manière précoce, la donation peut devenir un partage profondément injuste. Sans parler de revenir à un principe d’égalité en nature, il est malgré tout nécessaire, afin d’éviter des querelles futures, que les lots soient constitués par des biens et droits de même nature. En cas de démembrement, si certes le barème fiscal s’impose pour le calcul des droits d’enregistrement, rien n’empêche de faire appel à un barème plus précis ou à une évaluation économique de l’usufruit pour composer et évaluer les lots.

§ II – L’impossibilité d’attributions indivises

2454 – L’indivision chasse la donation-partage. – Par deux arrêts importants637, la Cour de cassation638 a rappelé qu’une donation-partage devait réaliser à titre de condition essentielle un partage entre les gratifiés. La Cour suprême a ainsi disqualifié (ou déqualifié)639 des actes conçus comme « donations-partages » en donations simples les actes dans lesquels tout ou partie des copartagés se sont vu attribuer des biens en indivision. La première espèce ne faisait aucun doute et la sanction s’imposait dans la mesure où tous les copartagés étaient attributaires de quotes-parts indivises. Il n’y avait là aucun allotissement et, bien évidemment, l’acte n’avait rien d’une libéralité-partage. La seconde espèce était plus nuancée, car l’un des trois présomptifs héritiers avait reçu un bien divis et les deux autres demeuraient en indivision. La sanction fut identique alors que l’acte en lui-même comprenait une attribution divise partielle, laquelle constitue véritablement une opération de partage640. Cette décision a pu surprendre une partie de la doctrine et émouvoir les praticiens. En effet, pour beaucoup d’entre eux la libéralité-partage pouvait, sans risquer la moindre remise en cause, ne procéder qu’à un partage partiel641. Les hypothèses exposées à cette remise en cause sont nombreuses642. Ce sera le cas lorsque nos « faux attributaires » auront :

chacun dans son lot des droits indivis sur des mêmes biens (quotités identiques ou non) ;

les uns des droits indivis sur des biens, les autres des biens divis ;

certains des droits indivis et une soulte (somme d’argent) et les autres des biens divis ;

chacun des biens divis, et tous ou seulement certains d’entre eux en plus des droits indivis sur d’autres biens643 ;

tous des droits divis et des droits indivis644.

Autant le premier modèle ne réalise aucun partage et mérite sans objection possible cette déqualification645, autant les suivants intègrent des opérations de partage et gagneraient à être confortés en tant que donation-partage.

2455 – Les conséquences de cette conception restrictive646. – La relégation de la donation-partage en donation simple a pour conséquences non négligeables que :

la donation devient sujette au rapport et chacun des héritiers devra rapporter son lot alors qu’en principe la donation-partage n’est pas rapportable. Ce n’est a priori pas le plus gênant si l’on s’arrête là, car si les lots ne sont pas équivalents en valeur au jour du partage de la succession, alors il y aura des indemnités de rapport à verser par certains ;

l’article 1078 du Code civil ne pourra s’appliquer et les biens donnés seront réunis fictivement pour le calcul de la quotité disponible pour leur valeur au jour du décès (C. civ., art. 922). Cela devient un peu plus ennuyeux, car celui qui pensait pouvoir estimer le montant de son attribution est menacé de réduction si son bien a bénéficié de fortes plus-values ;

la prescription abrégée de cinq ans à compter du décès spécifique aux libéralités-partages (C. civ., art. 1077-2) ne s’appliquera pas et le délai de droit commun porté à dix années maximum aura vocation à jouer ;

le partage successoral qui sera fait suite à cette disqualification sera lui-même sujet à lésion, alors que la donation-partage ne l’est pas ;

les éventuelles réincorporations figurant dans la donation-partage pourraient être remises en cause647 ;

l’article 1077-1 du Code civil et ses règles liquidatives particulières ne s’appliquent pas et c’est le droit commun qui le remplace.

On peut également se demander si le consentement à l’aliénation donné en application de l’article 924-4, alinéa 2 du Code civil n’est pas entaché. En effet, ce consentement n’avait-il pas été donné parce qu’au plan du calcul de la quotité disponible et de la réserve, la valeur des lots de chacun était considérée figée et donc, en principe, égalitaire ?

La pratique de ces « fausses donations-partages » a été fortement incitée par le législateur fiscal lequel, brandissant la fameuse autonomie de sa matière, admet sans rechigner la donation-partage de biens indivis648. Sur le plan de la sécurité juridique, cette solution jurisprudentielle, théoriquement fondée, nous place dans une certaine inquiétude dans la mesure où elle menace des situations que l’on croyait définitivement acquises par le jeu de l’article 1078 du Code civil. Ces pactes de familles pourraient être remis en cause, même s’ils remontent à plusieurs décennies avant la survenance du décès du donateur.

Cette jurisprudence, que nous estimons un peu sévère, exclut du domaine de la donation-partage toutes les familles dont le patrimoine ne comprend pas suffisamment de biens distincts de valeur équivalente. Si les parents ont trois enfants, il leur faut être propriétaires de trois biens de valeur approximativement égale. Consentir une donation-partage en attribuant à l’un le bien de moindre valeur et aux deux autres enfants l’autre bien en indivision ne semble plus possible.

D’éminents auteurs et des praticiens aguerris649 ont proposé des remèdes650 pour corriger les effets d’une déqualification, comme la donation d’excédents de lots, l’impossibilité d’attaquer l’acte ou autres clauses pénales, la clause de rapport forfaitaire, voire de dispense de rapport651

Aucun de ces « remèdes » ne donne pleinement satisfaction652 et ne procure toute l’efficacité de la donation-partage, et plus spécialement celle de l’article 1078 du Code civil, à l’exception peut-être de la constitution d’une société civile immobilière et d’une répartition des parts653 entre les copartagés. Si, sur le plan théorique, la solution est imparable, sur le plan pratique elle est à consommer avec modération. Si l’on refuse cette qualification de donation-partage aux donations de biens avec attributions indivises, c’est justement parce qu’elle ne procure pas cette partition et que l’on n’évite pas les difficultés et les contentieux liés à l’indivision. La société civile immobilière, si conflit il y a, n’arrangera rien. Bien au contraire, elle aura tendance à pérenniser les situations conflictuelles.

En conclusion, ces fausses donations-partages sont dangereuses et peu protectrices. Elles sont donc à bannir !

Sous-section II – La donation-partage, une protection liquidative ?

2456 Il est admis que la donation-partage est un acte qui confère une bonne protection aux héritiers en leur garantissant une certaine pérennité dans leurs droits. Elle procède de l’idée qu’une partie au moins de la succession est d’ores et déjà réglée et partagée (§ I). Mais cette protection doit être tempérée par les incertitudes qui demeurent quant à l’impact liquidatif de la donation-partage sur la succession (§ II).

§ I – Une protection de principe

2457 Rapport et réduction sont les maîtres mots des liquidations successorales. Confrontée à chacune de ces institutions, la donation-partage va se démarquer des règles habituelles dans le but de mieux protéger les copartagés.

A/La donation-partage « par rapport au rapport »

2458 – Exclusion du rapport. – Le rapport est une opération préalable consistant à reconstituer en nature ou en valeur une masse, un ensemble de biens en vue de sa liquidation, de son partage ou de sa réalisation654. Appliqué aux successions, le rapport est « l’institution en vertu de laquelle un héritier doit rendre compte à la succession des libéralités qu’il a reçues du de cujus »655. De cette définition, il résulte que le rapport ne se conçoit pas lorsque le partage est déjà réalisé. On ne rapporte pas ce qui est déjà partagé. Comme la donation-partage, par nature et en elle-même réalise un partage, les biens objets de cette donation-partage ne sont jamais assujettis au rapport à la succession du disposant656. Rapport et donation-partage, tout comme indivision et donation-partage – et les deux sont liés -, sont antinomiques. On a parfois du mal à comprendre ce principe, probablement en raison d’une lecture trop rapide de l’article 1077 du Code civil qui précise que : « Les biens reçus à titre de partage anticipé par un héritier réservataire présomptif s’imputent sur sa part de réserve, à moins qu’ils n’aient été donnés expressément hors part ». Ce texte n’est qu’une règle d’imputation. Il ne faut pas confondre les donations rapportables et les donations en avancement de part successorale. Car si toutes les donations rapportables sont forcément consenties en avancement de part successorale, toutes les donations consenties en avancement de part successorale ne sont pas rapportables : la donation-partage en est l’illustration et marque la différence entre ces deux notions, dont l’une relève d’une opération de partage (le rapport) et l’autre d’une opération purement liquidative visant à préserver la réserve héréditaire (l’imputation sur la réserve)657. Précisons que cette exclusion du domaine du rapport de la donation-partage, à la différence du gel des valeurs que nous verrons plus loin (C. civ., art. 1078), n’est soumise à aucune condition particulière si ce n’est d’avoir véritablement la nature de donation-partage. Pas besoin donc que tous les présomptifs héritiers soient invités à l’acte ; pas de condition non plus quant à la nature des biens et droits donnés.

2459 – Les dangers de stipuler une clause de rapport dans une donation-partage. – La présence dans la donation-partage d’une clause de rapport à la succession du disposant confère à cet acte une ambiguïté existentielle658. En effet, l’antinomie entre les notions de donation-partage et de rapport est si forte qu’il va falloir choisir entre les deux celle que l’on va faire prévaloir. Ou bien c’est la nature de partage qui supplante celle du rapport et cette stipulation de rapport sera simplement réputée non écrite659, ou bien c’est le rapport qui est déterminant : dans ce cas, l’acte est disqualifié en donation simple et tous les lots seront assujettis au rapport, mais selon les règles de droit commun660. De la même manière, l’application de l’article 1078 du Code civil sera écartée. L’acte initial perd donc la plupart de ses atouts. La solution est dictée par l’interprétation de la volonté des parties que donnera le juge du fond.

2460 – Les conséquences de la non-soumission de la donation-partage au rapport. – Cette exclusion du domaine du rapport, attrait majeur de la donation-partage en ce qu’elle est protectrice des droits des copartagés, a une portée principale qui est que toutes les plus-values afférentes aux biens allotis restent définitivement acquises à son attributaire. À la différence du rapport qui fait bénéficier toute la succession des plus-values (C. civ., art. 860), le revers de la médaille est que le donataire subit seul les moins-values. De la même manière, le sort qui a été réservé au bien donné n’a aucune incidence sur le règlement et le partage de la succession. Le bien attribué a pu être consommé, vendu ou bien un autre a pu lui être subrogé. À la différence du rapport qui fait jouer la subrogation en valeur, en matière de donation-partage tout cela importe peu. Le donataire peut donc investir le produit de son bien sans être inquiété par l’obligation qu’il aurait de partager ses éventuels bons placements avec ses cohéritiers. C’est un atout protecteur majeur de la donation-partage. Il doit néanmoins être tempéré ou précisé en deux points :

la masse de calcul des droits du conjoint survivant : la question est simple661, les biens objets d’une donation-partage doivent-ils être intégrés à la masse de calcul des droits légaux du conjoint survivant ? La doctrine est divisée et la jurisprudence insuffisante pour avoir dégagé une solution. La première thèse consiste à faire une lecture littérale de l’article 758-5 du Code civil qui semble ne soumettre à cette masse que les libéralités rapportables, la donation-partage n’étant pas rapportable la logique veut qu’elle ne soit pas prise en compte dans cette masse de calcul662. La seconde thèse tend à faire prévaloir l’esprit sur la lettre en considérant que ce n’est pas le caractère rapportable de la donation qui doit être pris en compte, mais celui d’avance sur part successorale, et c’est ainsi qu’une partie de la doctrine663 est favorable à porter en cette masse les biens figurant dans les donations-partages réalisées par le de cujus. Seul un jugement du tribunal de grande instance de Paris a tranché la question dans un sens favorable à l’exclusion de ces biens de cette masse de calcul ce qui tend à réduire les droits du conjoint survivant. La question n’étant pas réglée, il semble possible de fixer conventionnellement la règle dans la donation-partage664 ;

la limite de la réserve héréditaire de chacun : si la donation-partage n’est pas rapportable et peut être inégalitaire, cela ne peut être que dans une certaine mesure, celle de l’ordre public successoral et plus particulièrement des droits réservataires de chacun des héritiers. En d’autres termes, la donation-partage est une exception à l’égalité et à la dévolution légale (ce que garantit le rapport), mais dans la limite de la quotité disponible. Nous verrons plus loin les modalités et les incertitudes quant à la liquidation des droits en présence d’une donation-partage.

B/Quant à la réduction : le gel des valeurs et la prescription abrégée

2461 La donation-partage va conférer une certaine protection aux parties, aux héritiers en considération de l’écoulement du temps. Dans un cas, il s’agira de protéger contre les fluctuations de la valeur des biens donnés dans le laps de temps qui sépare la donation-partage du décès ; dans l’autre cas, il s’agira de protéger les héritiers d’un procès en réduction après le décès par un délai de prescription abrégé.

I/ L’article 1078 du Code civil : une protection liquidative

2462 – Rappel de la règle de calcul de la quotité disponible (C. civ., art. 922). – On sait qu’en application de l’article 922 du Code civil, pour calculer la valeur de la quotité disponible, il est fait une masse dite de « calcul » comprenant l’actif net existant au décès de la succession (biens existants sous déduction du passif et des charges) auquel on réunit fictivement la valeur des biens donnés de son vivant par le de cujus. La valeur prise en considération est celle des biens donnés au jour du décès, dans leur état au jour de la donation. Si des biens ont été subrogés à ces biens donnés, alors c’est la valeur de ces nouveaux biens au jour du décès qui va être prise en compte. Ces règles visent à reconstituer comptablement le patrimoine du défunt. Il en résulte :

que les plus-values fortuites sont prises en compte, mais pas les plus-values dues aux améliorations faites par le donataire ;

que, par le jeu de la subrogation, les investissements faits par le donataire au moyen des biens donnés profiteront aux cohéritiers. Ces règles peuvent sembler empreintes d’un certain aléa, voire d’une profonde injustice.

Ce sont ces mêmes règles de valorisation qui sont à considérer pour procéder à l’imputation des libéralités.

– La règle dérogatoire de l’article 1078 du Code civil. – L’article 1078 dispose que sous certaines conditions, pour le calcul de la quotité disponible et l’imputation des libéralités, les valeurs à prendre en compte sont celles des biens au jour de la donation-partage. Ces effets sont très larges, car ce gel des valeurs au jour de l’acte vaut :

pour les héritiers allotis, mais aussi pour les tiers également allotis à cet acte (donation d’entreprise) ;

pour les donations incorporées à la donation-partage (valeur à l’acte de donation-partage).

Cette règle n’empêche pas pour autant l’héritier de contester la valeur qui a été indiquée dans la donation-partage si elle ne correspond pas à la réalité665.

Par contre, si réduction de la donation-partage il y a, l’indemnité de réduction doit être calculée conformément au droit commun au jour du partage de la succession (C. civ., art. 924-2)666.

2463 – Les conditions de la règle dérogatoire. – Il y en a trois :

la présence ou la représentation de toutes les souches : pour jouer, l’article 1078 du Code civil exige que tous les héritiers réservataires vivants ou représentés aient non seulement accepté la donation-partage, mais aient également reçu un lot dans cette opération de partage. Il s’agira bien évidemment des descendants ; si un nouvel enfant apparaît postérieurement à l’acte de donation-partage, le jeu de l’article 1078 sera exclu. Si, à défaut de descendant, l’héritier réservataire est le conjoint, alors celui-ci devra avoir été impérativement alloti dans l’acte. Son simple consentement à l’acte ne suffit pas. N’oublions pas que le conjoint d’un jour n’est pas forcément celui du décès… ;

l’absence de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent : l’hypothèse est simple. Un des copartagés se trouve attributaire d’une somme d’argent grevée d’un quasi-usufruit au profit du donateur. Il en résulte que son lot est une créance portant sur une somme d’argent qu’il pourra recouvrer sur la succession au décès du donateur. Le montant de cette créance est fixé dans l’acte de donation. Par le jeu de l’érosion monétaire son lot, inéluctablement, subira une baisse de valeur. Le gel des valeurs, s’il était applicable, ne tournerait qu’à sa défaveur et doublement : en ne bénéficiant pas des plus-values sur les autres biens et en subissant l’érosion de son lot… aussi la loi a-t-elle voulu corriger cette situation injuste. Cette protection consiste à faire profiter cet attributaire des plus-values faites par les autres ;

enfin, le jeu de l’article 1078 du Code civil est soumis à l’absence de clause contraire dans l’acte de donation. C’est-à-dire que ce gel des valeurs est supplétif de volonté et que les parties peuvent bien naturellement renvoyer au droit commun pour le calcul de réserve héréditaire, de la quotité disponible et des imputations. Ce rejet de l’article 1078 peut être justifié dans certaines hypothèses (par ex., dans la donation-partage transgénérationnelle).

2464 – Raisons et opportunité de la règle : l’effet recherché de la donation-partage. – Cette règle de l’article 1078 du Code civil fixant de manière définitive les valeurs des biens donnés à la date de la donation, ajoutée à la non-soumission au rapport de la donation-partage, est sans doute l’attrait majeur de l’acte de donation-partage. En effet ce pacte de famille, en associant tous les héritiers, permet de rendre presque définitifs tous les calculs relatifs aux droits des uns et des autres, et ce quelle que soit la destinée économique des biens attribués. Cela renforce cette opération de partage, sur laquelle on ne pourra pas revenir. La protection est donc majeure : protection des héritiers présomptifs qui sont assurés de ne pas avoir à reverser une quelconque indemnité à leurs copartagés (sauf inégalité manifeste), et protection du donateur dont le dessein successoral se trouve renforcé667.

2465 – Effets négatifs de la règle. – Ce gel des valeurs peut avoir un impact important. Envisageons les différents cas :

si le de cujus n’a pas consenti d’autres libéralités non incorporées à la date de la donation-partage. La règle produit tous ses bénéfices et le partage ne peut être remis en cause, sauf non-respect de la réserve individuelle de l’un ou l’autre des héritiers. Les comptes n’auront pas à être faits ;

si le de cujus a consenti des donations autres que la donation-partage (non incorporée), alors il y aura deux règles d’évaluation : celle de la donation-partage avec des valeurs qui, en principe, devraient être minorées par rapport aux résultats qu’auraient donnés les règles normales, et celle de l’article 922. Pour les autres donations, il peut en résulter que les copartagés, par cette dualité de règle et la minoration dont ils bénéficient, ne soient pas remplis de leur réserve individuelle, et que par là même les autres donations subissent une réduction ;

enfin, cette règle a pour effet mathématique de minorer la masse de calcul de la quotité disponible, ce qui hypothèque de facto la liberté testamentaire du disposant.

2466 – Un aménagement de la règle ? – Il a été émis l’idée de pouvoir aménager la règle dans l’acte de donation. De sorte que l’article 1078 du Code civil ne produirait ses effets que si le disposant n’a pas consenti d’autres libéralités que la donation-partage668. Nous pensons qu’une telle clause n’est pas possible pour plusieurs raisons :

sur le plan textuel, ce texte dérogatoire ne prévoit pas cette application alternative ;

sur le plan purement contractuel, cela confère au disposant un pouvoir important qui lui permet de manière unilatérale, potestative, de changer profondément les règles du jeu auxquelles les héritiers avaient adhéré (imaginons : un père a donné tous ses biens par donation-partage, puis pour des raisons personnelles il se « brouille » avec l’un de ses enfants qui avait été alloti d’un bien dont la valeur a augmenté. Même s’il ne lui reste plus rien à donner, il lui suffirait d’instituer un autre de ses enfants légataire universel pour que celui avec qui il est fâché ait à rendre une portion de son lot qu’il se croyait définitivement acquis…). Cela conférerait un certain arbitraire dans cette protection que l’article 1078 du Code civil donne à tous les copartagés.

II/ La prescription abrégée offerte par la donation-partage

2467 – Un délai raccourci. – L’action en réduction à l’encontre d’une donation-partage est prescrite par cinq années à compter du décès du donateur. Pour les donations-partages conjonctives et cumulatives faites à des enfants communs, le délai court à compter du décès du survivant (C. civ., art. 1077-2).

§ II – Les incertitudes liquidatives : une protection à préciser…

2468 Il nous faut envisager, dans un premier cas, l’hypothèse où l’un des héritiers n’est pas rempli de sa réserve héréditaire (A), puis les hypothèses ou un événement imprévu, voire imprévisible viendra modifier le projet de défunt qui s’était attaché à faire, de son vivant, son partage (B).

A/La donation-partage et la protection de la réserve héréditaire

2469 – La situation. – Lorsqu’il s’agit de liquider une succession en présence de donation-partage par le de cujus, il faut considérer deux choses :

la donation-partage est une libéralité en avancement de part successorale ;

le liquidateur doit se borner à vérifier que chacun des réservataires est rempli de sa réserve héréditaire. Si ce n’est pas le cas pour l’un d’entre eux, alors il doit être rempli de ses droits soit au moyen de l’actif existant non légué, soit par le biais d’une indemnité de réduction. Ce dernier cas est le plus simple. L’indemnité de réduction est calculée conformément aux règles classiques : les legs sont réduits concurremment sauf stipulation de rang et les donations – dont la donation-partage – sont aussi réduites en commençant par les plus récentes. L’hypothèse où l’actif existant non légué est suffisant pour compléter la part de réserve de l’héritier insuffisamment alloti est curieusement plus complexe, car pas véritablement tranchée. Deux méthodes liquidatives s’opposent. Elles ont été retenues la première par le tribunal de grande instance de Carpentras669, et la seconde par le tribunal de grande instance de Paris670.

2470 – La première méthode, dite « de Carpentras ». – Cette première méthode consiste à d’abord remplir sur l’actif existant l’héritier lésé du montant de sa réserve individuelle, puis à répartir le solde de cet actif existant entre lui-même (non rempli de sa réserve) et tous les autres héritiers.

2471 – La seconde méthode, dite « de Paris ». – Cette seconde méthode consiste à diviser l’actif existant entre les héritiers selon leur vocation légale. Si cette répartition comble tous les héritiers de leur part de réserve, alors on en reste là et la donation-partage n’est pas remise en cause par des indemnités de réduction. Ce partage égalitaire de l’actif existant vient simplement s’empiler avec la donation-partage et suffit à « refaire les niveaux ». Par contre, si cette répartition ne suffit pas à remplir un héritier de ses droits réservataires, alors le complément sera prélevé de manière égalitaire sur la part des autres héritiers.

2472

Tableau comparatif : « Paris-Province »

Jean-Edern a deux enfants : Rika et Bernard-Henri.

Il leur a consenti une donation-partage inégalitaire : Rika reçoit 60 et Bernard-Henri reçoit 260 (l’article 1078 du Code civil est applicable).

Jean-Edern décède et a fait un legs à titre particulier de 50 à Pierre.

L’actif net existant au décès est de 400.

Masse de calcul de la quotité disponible :

Actif net existant : 400.

Réunion fictive des donations : + 320.

Total formant la masse de calcul = 720.

Quotité disponible d’1/3 : 240.

Réserve globale des 2/3 : 480.

Réserve individuelle d’1/3 : 240.

2473 – Appréciations des deux méthodes. – La première méthode revient à rétablir une meilleure égalité entre les cohéritiers : l’héritier qui n’avait pas reçu sa réserve reçoit davantage dans la mesure où non seulement il reçoit sa part de réserve individuelle, mais il prend également une part de l’actif existant. La seconde méthode, moins généreuse avec cet héritier aux droits minorés, revient à limiter ses droits à sa réserve héréditaire. Aucune doctrine dominante ne semble se dégager sur cette bien embarrassante question671. Nous rejoignons Bernard Vareille dans l’idée qu’il ne faut peut-être pas avoir une position absolue et indifférenciée672. La réponse sur la technique liquidative à adopter résulte sans doute de la volonté du disposant. La donation-partage inégalitaire était peut-être égalitaire au départ, mais parce que l’article 1078 du Code civil ne trouve pas à s’appliquer, elle ne l’est plus au décès ; dans ce cas, la méthode provinciale devrait être préférée. Par contre, si la volonté du de cujus était de véritablement limiter un des héritiers à sa réserve, alors la méthode parisienne devrait prévaloir. Une indication dans l’acte de donation-partage serait la bienvenue !

B/La protection du projet successoral du disposant
I/ L’apparition d’un nouveau successeur : la protection de l’héritier non conçu lors de la donation-partage

2474 – Hypothèse. – Le de cujus a procédé à une donation-partage entre tous ses enfants existants au jour où l’acte a été signé. Puis, entre cet acte et son décès, un nouvel héritier apparaît. Il ne s’agit pas du cas où un héritier a été volontairement évincé de ce partage ou de celui dans lequel un des héritiers n’a pas voulu concourir à l’acte. Il s’agit du cas de l’héritier non conçu au jour de la donation673. La situation est différente dans la mesure où l’inégalité provoquée par la donation-partage ne peut pas être volontaire, puisque cet héritier présomptif était inconnu du disposant. Dans ce cas, la loi protège cet « héritier surprise ».

2475 – Traitement liquidatif protecteur de l’héritier présomptif. – L’article 1077-2, alinéa 3 du Code civil permet donc à cet enfant non conçu de reconstituer sa part dans la succession674, laquelle part n’est pas limitée à sa réserve. Cet héritier a donc vocation à recevoir une part successorale complète. Cette part sera calculée en ajoutant fictivement à l’actif net existant (bien existant sous déduction du passif et des charges) les donations en avancement de part successorale et les donations-partages (valeur au jour du partage), ainsi que les éventuelles indemnités de réduction s’il y en a. Doivent être également déduits les legs et ne font pas partie de cette masse les donations préciputaires. Le total est divisé par le nombre d’héritiers et le résultat constitue les droits de chacun. L’héritier non conçu au jour de la donation-partage perçoit sa part sur l’actif net existant non légué et, s’il est insuffisant, au moyen d’une indemnité dite « de réduction » contre les autres héritiers déjà allotis. Cette action, malgré la lettre du texte, s’apparente davantage à une action en rapport qu’à une action en réduction675 (« action en réduction aux fins d’égalité »)676. Cette action est ouverte à tous les héritiers et pas seulement aux descendants titulaires d’une réserve héréditaire677.

II/ La renonciation par un copartagé à la succession du donateur

2476 – Cas de figure. – La situation est simple : un des copartagés renonce à la succession. Il est donc écarté de la succession, mais cette renonciation risque de remettre en cause le partage qui avait été effectué, de son vivant, par le de cujus. Par sa renonciation, il disparaît de la scène successorale et perd complètement sa qualité d’héritier. Le lot qu’il a reçu lui devient préciputaire. Cette renonciation modifie la nature de l’acte initial en lui conférant une part préciputaire. Quelle valeur doit-on retenir de ce lot du renonçant pour le calcul de la quotité disponible et des réserves individuelles pour déterminer si chacun en est rempli (C. civ., art. 1077-1) ? Si les conditions de l’article 1078 du Code civil n’étaient pas remplies à la signature de la donation, on appliquera les règles de droit commun, c’est-à-dire que les valeurs des biens attribués à tous les copartagés seront prises en compte au décès. Par contre, en cas d’application de l’article 1078, doit-on retenir la valeur au jour de la donation-partage tant pour les biens des acceptants que pour ceux des renonçants ? En d’autres termes, l’article 1078 du Code civil peut-il s’appliquer à une personne qui n’est pas héritière ?

La question est complexe et sans véritable solution. Les enjeux liquidatifs sont présents. Si le bien donné au renonçant a augmenté de valeur, et si l’on considère les valeurs au jour de la donation pour les acceptants et au jour du décès pour le renonçant, alors mathématiquement on va réduire le disponible après l’imputation de cette donation. La solution est injuste. Elle le serait d’autant plus si toute la donation-partage était réductible puisque celle du renonçant, plus importante, serait réduite proportionnellement et donc d’un moindre montant (ce pourrait être le cas d’un second conjoint réservataire non rempli de sa réserve). Aussi préférera-t-on appliquer dans sa globalité l’article 1078 du Code civil, dont le dessein est bien de protéger chaque attributaire. Il semble par ailleurs difficile de revenir sur cet acte, les conditions de l’article 1078 devant être appréciées au jour de l’acte lui-même et non pas au décès.

L’article 1078 du Code civil et la renonciation d’un copartagé

W consent une donation-partage à ses trois enfants A, B et C de 50 chacun (valeur DP).

W décède et C renonce à la succession. Le bien reçu par lui, qui valait 50, vaut au décès 75 (C n’est pas représenté),

Le défunt a institué un légataire universel D.

Les biens existants sont de 50.

 Si l’on applique l’article 1078 à tous

Masse de calcul : 150 + 50 = 200.

La quotité disponible est donc de 1/3 = 66,66.

La réserve héréditaire individuelle est de : 66,66.

Les deux réservataires doivent donc recevoir au minimum : 66,66.

Ils ont reçu par la donation-partage : 50,00.

Reste donc à recevoir par chacun : 16,66.

Reste sur les biens existant pour le légataire D : 16,68.

 Si l’on prend la valeur au décès du bien du renonçant

Masse de calcul : 225.

La quotité disponible est donc de 1/3 = 75,00.

La réserve héréditaire individuelle est de : 75,00.

Les deux réservataires doivent donc recevoir au minimum : 75,00.

Ils ont reçu par la donation-partage : 50,00.

Reste donc à recevoir par chacun : 25,00 × 2 = 50.

Ce qui épuise les biens existants et le légataire ne reçoit rien.

Conclusion :

La revalorisation n’est pas favorable au de cujus qui perd du disponible.

La revalorisation peut être favorable aux autres présomptifs héritiers réservataires, car elle peut rendre cette libéralité réductible.

L’esprit de l’article 1078 du Code civil est de sécuriser et de protéger les copartagés ainsi que le disposant. Aussi nous pensons que seule la première méthode vaut.

III/ La perte de qualité de présomptif héritier

2477 – Le cas du conjoint à la donation-partage. – Nous avons vu que la donation-partage avait été, en 2006, ouverte au conjoint. Autant le lien de filiation et la qualité d’héritier du sang sont relativement pérennes et ne risquent pas d’être perdus, autant la qualité de conjoint est de moins en moins acquise. Le conjoint d’un jour n’est plus forcément le conjoint de demain ou celui des derniers jours. Pour autant il a pu être alloti dans une donation-partage mais n’est plus héritier. Quelle est l’incidence du divorce entre la donation-partage et le décès ?

Tout d’abord, le bien attribué restera acquis à l’ex-conjoint, mais son lot ne pourra s’imputer que sur la quotité disponible ordinaire (il a perdu sa quotité disponible spéciale) à la date de la donation. Reste la question de l’évaluation : bénéficie-t-il de la règle de l’article 1078 du Code civil qui, c’est une certitude, reste acquise aux autres copartagés ? Une réponse négative a pu être donnée à cette question très rarement étudiée678. Toutefois, nous reprenons l’idée développée dans le précédent paragraphe, à savoir que ne pas appliquer à l’ex-conjoint ce gel des valeurs serait trop défavorable à tous les successeurs. Considérons donc que cette protection de l’article 1078 s’applique également dans cette hypothèse.


585) F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, Dalloz, 4e éd. 2013, no 1246.
586) Si, par le passé, les deux types de partages d’ascendant que sont la donation-partage et le testament-partage étaient traités ensemble et analysés sous un même angle de vue, aujourd’hui il paraît nécessaire de les dissocier et de leur refuser cette gémellité tant ces deux modes de transmission se sont écartés l’un de l’autre dans leur véritable nature. La facette libérale du testament-partage est restée à son faible niveau d’origine alors que pour la donation-partage, elle n’a cessé de croître. Le testament-partage est l’émanation la plus visible de l’autorité du de cujus sur la répartition de ses biens. Sur le testament-partage : M. Nicod, Les perspectives du testament-partage : JCP N 2014, no 1186 ; sur la nature du testament-partage.
587) Sur la nature hybride de la donation-partage : M. Nicod, La fonction de partage de la donation-partage, Defrénois, 2014, p. 348.
588) F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., no 1256.
589) Ibid., no 1257.
590) L. 7 févr. 1938.
591) L. no 71-523.
592) C. civ., art. 1078-1.
593) L. no 88-15, 15 janv. 1988.
594) C. civ., art. 1075-1 et 1078-4 et s.
595) C. civ., art. 1075, al. 1.
596) La donation-partage, pacte sur succession future licite, n’est pas reconnue dans tous les pays. Aussi l’existence d’un élément d’extranéité implique la vérification de la validité de l’acte dans le pays étranger concerné. Sur cette question, V. 115e Congrès des notaires de France, Bruxelles, 2019, L’international, et C. Crône et L. Perreau-Saussine, Donations-partages et DIP : JCP N 2019, 1311.
597) F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., nos 1249 et s. – M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, Dalloz Action, 2018-2019, nos 411-30 et s. – Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, ss dir. B. Vareille, nos 10315 et s. – P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, LGDJ, 8e éd. 2018, nos 1060 et s.
598) M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., no 411-35.
599) Sur cette question, B. Vareille, L’ouverture de la donation-partage à des bénéficiaires autres que les descendants. Études offertes à J. Combret, Defrénois, 2017, p. 167, no 13.
600) V. toutefois la position de B. Vareille (L’ouverture de la donation-partage à des bénéficiaires autres que les descendants, op. cit.) qui semble exclure l’application de l’article 1078 du Code civil à celui qui n’est plus conjoint. La réponse à cette question n’est pas neutre. La donation encourt davantage de risques de réduction. Par exemple, Armand a deux enfants, Adrien et Alexandre. Il donne à chacun d’eux ainsi qu’à sa conjointe Alberte un bien en pleine propriété qui vaut 50. Supposons qu’il ait tout donné. Au décès la masse de calcul de la QD est de 150 et la QD de 50. La part reçue par Alberte si l’article 1078 du Code civil s’applique n’est pas réductible, et chacun a sa part : tout va bien ! Si Alberte est divorcée et si son bien vaut au décès 80, la masse de calcul est donc de 180 et la QD de 60, sa donation est réductible de 20.
601) 96e Congrès des notaires de France, Lille, 2000, Le patrimoine au xxie siècle.
602) C. Pérès (ss dir.), Renonciations et successions : quelles pratiques ?, Defrénois, 2017, nos 122 et s. – J. Combret et S. Gaudemet, ibid., nos 235 et s.
603) M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., no 411-41. – F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., nos 1279 et s. – P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, op. cit., no 1061. – J.-F. Sagaut : JCP N 2006, 1231.
604) Sur la fiscalité de la donation-partage transgénérationnelle : G. Bonnet, Droit patrimonial de la famille, Dalloz Action, 2018-2019, nos 613-61 et s.
605) M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., nos 413-11 et s. – Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., nos 11685 et s.
606) F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., no 1280.
607) F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., no 1281.
608) Sauf engagement de conservation des titres (Pacte Dutreil).
609) Sur la donation-partage cumulative, Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., nos 12020 et s. – M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., nos 411.111 et s. – P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, op. cit., no 1064.
610) En ce sens, sous l’empire des anciens textes, Cass. 1re civ., 22 nov. 2005, no 02-17.708 : RTD civ. 2006, p. 802, obs. M. Grimaldi.
611) Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., no 12045.
612) Cass. 1re civ., 6 févr. 2007, no 04-13.282 : Defrénois 2008, 2191, obs. G. Champenois ; RTD civ. 2007, 608, obs. M. Grimaldi et 623, obs. B. Vareille.
613) J.-F. Pillebout, La participation aux acquêts, LexisNexis, 2004. – C. Farge, Droit patrimonial de la famille, op. cit., nos 171.00 et s.
614) Rép. min. no 12920 : Defrénois 2008, p. 1248 ; JCP N 21 mars 2008, no 12, act. 313.
615) En ce sens : G. Champenois et M. Klaa : Defrénois 2014, p. 377 et s.
616) M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., no 413-72. – Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., no 11845.
617) En ce sens, et sous le droit antérieur à la réforme de 2006 : Cass. 1re civ., 16 juin 2011, no 10-17.499 : Defrénois 2012, art. 40365, note B. Vareille ; AJF 2011, 443, obs. C. Vernières ; RTD civ. 2011, 789, obs. M. Grimaldi.
618) B. Vareille, Volonté, rapport et réduction, thèse, Limoges, préf. P. Spitéri, PUF, 1988, no 380. – 111e Congrès des notaires de France, Strasbourg, 2015, La sécurité juridique, un défi authentique, nos 3398 et s., par G. Bonnet et D. Vincent.
619) M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., no 413-75 ; RTD civ. 2011, 789.
620) M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., no 413-73.
621) B. Pavy, Les donations-partages cumulatives et conjonctives sont-elles possibles en dehors des liens du mariage ? Defrénois 1994, p. 695. – G. Champenois et M. Klaa : Defrénois 2014, p. 376.
622) M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., no 411-102. – Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., no 11825. – F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., no 1250 in fine. – G. Champenois et M. Klaa, Les donations-partages conjonctives et cumulatives : Defrénois 2014, p. 374.
623) Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, PUF, 2018, Vo Lot et spéc. Formation et composition des lots.
624) A. Karm et X. Grosjean, Donation-partage avec soulte : JCP N 2019, 1315 et 1316.
625) Pour un exemple : Cass. 1re civ., 30 janv. 2001, no 98-14.930 : JCP N 2002, no 1194, obs. R. Le Guidec.
626) C. civ., art. 1075-4 qui renvoie à l’article 828 du même code.
627) Sur la revalorisation des soultes dans la donation-partage : Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., no 10775. – F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., no 1261. – P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, op. cit., no 1071.
628) En ce sens : P. Catala, La réforme des liquidations successorales, Defrénois, 3e éd. 1982, nos 115 b et 145 in fine. – F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., no 1261.
629) P. Catala, La réforme des liquidations successorales, op. cit..
630) Interprétation de Cass. 1re civ., 6 juill. 2011, no 10-21.134 : JCP N 2011, 1278, note F. Sauvage ; Dr. famille 2011, comm. 152, obs. B. Beignier.
631) Sur l’incorporation : F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., no 1262 ; Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., nos 10555 et s. ; Droit patrimonial de la famille, op. cit., nos 411-133 et s. – P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, op. cit., no 1066. – P. Catala, La réforme des liquidations successorales, op. cit., nos 124 et s.
632) Cette règle ne s’applique pas en cas d’incorporation à une donation transgénérationnelle (sur cette question, Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., no 11615).
633) Elle évite également un échange qui, sur le plan de l’imposition des plus-values, peut-être très lourd.
634) M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., no 411.171.
635) M. Grimaldi et C. Vernières, De quelques clauses des donations-partages : Defrénois 2014, p. 386.
636) En ce sens Cass. 1re civ., 4 nov. 2015, no 14-23.662.
637) Ces décisions, publiées au bulletin et énoncées en des termes généraux, ne peuvent être considérées comme de simples arrêts d’espèce. Elles montrent à l’évidence la volonté de la Haute juridiction d’affirmer sa position sur la qualification de l’acte de donation-partage.
638) Cass. 1re civ., 6 mars 2013, no 11-21.892 : Defrénois 15 mai 2013, p. 463, note F. Sauvage ; RTD civ. 2013, p. 424, obs. M. Grimaldi ; JCP N 2013, 1162, obs. J.-P. Garcon ; AJF 2013, 301, obs. C. Vernières. – Cass. 1re civ., 20 nov. 2013, no 12-25.681. – M. Grimaldi, Pas de donation-partage sans partage : Defrénois 30 déc. 2013, p. 1259. – P. Potentier, La donation-partage, à propos de deux arrêts de la Cour de cassation : consonances et dissonances : JCP N 2014, p. 1168. – P. Brenner, Turbulences sur la donation-partage avec attribution de quotités indivises : le sens de la jurisprudence : JCP N 2014, 1183. – C. Brenner et A. Bouquemont, Disposer en indivision par voie de donation-partage : JCP N 2015, 1140.
639) M. Grimaldi, Libéralités, partages d’ascendants, Litec, 2000.
640) C. civ., art. 838.
641) P. Murat, Turbulences sur la donation-partage avec attribution de quotités indivises : le sens de la jurisprudence, op. cit., nos 41 et s.
642) Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., nos 10710 et s.
643) Quel serait le sort de l’acte qui attribuerait à un des donataires des droits indivis avec d’autres personnes que ses codonataires ?.
644) Exemple cité par P. Murat (Turbulences sur la donation-partage avec attribution de quotités indivises : le sens de la jurisprudence, op. cit., no 16) qui parle de « zone grise » pour le juriste et plus spécialement le notaire, le « gris » se lit comme dangereux parce qu’exclusif de toute sécurité juridique et par là même de protection.
645) Laquelle, sur le plan de ses conséquences, n’est pas bien grave parce que chacun a eu la même chose !
646) M. Chetaille, La pratique notariale et la nouvelle position de la Cour de cassation en matière de donation-partage : JCP N 1182, spéc. nos 24 et s.
647) M. Grimaldi La nature et les enjeux de l’incorporation, Defrénois, 2016, p. 991 et s.
648) Avant le 1er avr. 1996, seules les donations-partages bénéficiaient d’une réduction de droits d’enregistrement qui était fonction de l’âge du donateur, et la doctrine fiscale admettait cette qualification de donation-partage même lorsque les attributions étaient faites en indivision. V. Doc. fisc. Lefebvre, ENR. X, no 46860. – Rép. min. no 14614, Valleix : JOAN Q 15 août 1994, p. 4150 ; BOI-ENR-DMT-20-20-10, no 80. L’article 750, III du Code général des impôts vise expressément les donations-partages en indivision.
649) M. Grimaldi, Que faire au lendemain des arrêts de mars et novembre 2013 ? : Defrénois 2014, p. 355, no 5. – M. Grimaldi et C. Vernières, De quelques clauses des donations-partages, op. cit. – 111e Congrès des notaires de France, Strasbourg, 2015, La sécurité juridique, un défi authentique, no 3427, par G. Bonnet et D. Vincent.
650) La qualification des actes étant de la compétence exclusive du juge, celle donnée par les parties est totalement inopérante.
651) Le disposant risque d’obérer sa faculté de consentir des libéralités ultérieures, ces donations venant s’imputer sur la quotité disponible.
652) M. Chetaille, La pratique notariale et la nouvelle position de la Cour de cassation en matière de donation-partage, op. cit., spéc. nos 40 et s.
653) 111e Congrès des notaires de France, Strasbourg, 2015, La sécurité juridique, un défi authentique, no 3428, par G. Bonnet et D. Vincent. – C. Brenner et A. Bouquemont, Disposer en indivision par voie de donation-partage, op. cit., no 17.
654) G. Cornu (ss dir.), Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, op. cit., V. ce mot.
655) M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., no 724.
656) M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., no 741. – Cass. 1re civ., 16 juill. 1997, no 95-13.316. – Cass. 1re civ., 20 mars 2013, no 11-21.368.
657) M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., no 413.14.
658) M. Grimaldi et C. Vernière, De quelques clauses des donations-partages, op. cit. : « L’erreur est profonde ».
659) Pour un exemple : Cass. 1re civ., 16 juill. 1997, no 95-13.316, préc.
660) Pour une illustration ancienne : Cass. civ., 7 mars 1876 : DP 1876, 1, 310.
661) Sur cette question, V. not. C. Pérès et C. Vernières, Droit des successions, PUF, 2018, no 289. – F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., no 175, 3).
662) P. Catala : JCl. Civil Code, Art. 756 à 767, Fasc. 10, no 77. – M. Grimaldi : JCl. Civil Code, Art. 1075 à 1080. – M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., no 413.13 ; Droit des successions, op. cit., no 186.
663) M.-C. Forgeard, B. Gelot et R. Crône, La réforme des successions, Defrénois, 2002, no 17. – I. Copart, Successions et libéralités, Vuibert, 2003, no 89. – N. Levillain, M.-C. Forgeard et A. Boiché, Liquidation de successions, Dalloz, coll. « Référence », 2016-2017, no 132-46. – S. Ferré-André et S. Berre, Successions et libéralités, Dalloz, coll. « Hypercours », 2012, no 157. – B. Vareille, La loi du 23 juin 2006, dix ans après : propos cursifs sur quelques questions liquidatives choisies : Gaz. Pal. 31 mai 2016 et Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., no 23485. – P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, op. cit., no 99, note 20.
664) En ce sens M. Grimaldi et C. Vernières, Droit des successions, op. cit., IV, la validité d’une telle clause n’est pas acquise avec certitude.
665) Cass. 1re civ., 4 nov. 2015, no 14-23.662 : Dr. famille 2016, comm. 184, M. Nicod et Cass. 1re civ., 25 mai 2016, no 15-16.160 : JCP N 2016, no 1277, note M. Nicod.
666) Cass. 1re civ., 17 déc. 1996, no 94-17.911 : D. 1996, somm. 367, obs. B. Vareille.
667) B. Vareille et P. Sautjeau, Mérites et maléfices de l’article 1078 du Code civil : Defrénois 2014, p. 356.
668) M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., no 413.61.
669) TGI Carpentras, 4 mai 1999, no 97-2525 : RTD civ. 2001, p. 182, obs. J. Patarin ; JCP G 1999, II, 10380, note F. Sauvage.
670) TGI Paris, 13 févr. 2008, no 05-00598.
671) Lire M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., nos 413.25 et s. qui semble préférer la méthode parisienne en se fondant sur l’absence de base légale de la première méthode, sur ses résultats aléatoires ainsi que sur le non-respect de la volonté inégalitaire du disposant.
672) Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., no 1115.
673) Ou dont la conception était inconnue du disposant au jour de l’acte ; s’il la connaissait, alors ce mécanisme protecteur n’existe pas car la volonté de ne pas l’allotir dans la donation est présumée.
674) F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., nos 1277 et s. – Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., no 1135. – P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, op. cit., 1082. – M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, op. cit., no 413.90.
675) M. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, op. cit., no 1082 : « Tout se passe comme si l’on faisait rapport des dispositions qui sont contenues dans la donation-partage en vue d’un nouveau partage ».
676) Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., nos 11050 et 1135.
677) F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., no 1278.
678) B. Vareille, L’ouverture de la donation-partage. Études offertes à J. Combret, Defrénois, 2017, no 13.
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