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Propos introductifs de Éric Cevaër, Rapporteur général du 119e Congrès des notaires de France

L’ouvrage que vous tenez entre vos mains, ou que vous consultez en version numérique, est le résultat de deux années de travail d’une équipe de praticiens du Droit inspirés par le passé, conscients des enjeux présents et prêts à relever les défis juridiques du futur.
Le passé : un thème souvent évoqué par le Congrès, mais jamais à titre principal
Si actuel qu’il soit, le sujet du logement interagit avec les travaux de nombreux Congrès des notaires réunis par le passé et qui, pour notre équipe, furent une précieuse inspiration. Comment ne pas citer en tout premier lieu le Congrès de 2003, réuni lui aussi à Deauville, pour traiter de la vente d’immeuble ? Dès l’année suivante, la protection du logement familial et conjugal était à nouveau évoquée, lors du Congrès de Paris, dédié au Code civil. Elle le fut encore à Bordeaux en 2006, à Montpellier en 2012, puis à Paris en 2020, occupant alors une commission entière1. La production du logement ne fut pas laissée en reste, étant notamment abordée par le 97e Congrès en 2001, le 108e Congrès en 2012 et le 109e Congrès en 2013. Quant au financement de l’accession au logement, il occupa une bonne part des travaux de la première commission du Congrès de 2011.
Pour les notaires, le logement n’est donc pas une nouveauté. Et cela est d’autant plus vrai que tout notaire est, quasi-quotidiennement, confronté aux problématiques de logement rencontrées par ses clients, ce qui nous amène au temps présent.
Le présent : un 119e Congrès en pleine actualité
Il est rare que le thème du Congrès des notaires soit à ce point relié à l’actualité. L’équipe est à l’œuvre depuis deux ans. Dès l’origine, nous connaissions les points saillants de ce sujet, dont débattaient, avant nous, certains spécialistes. Mais nous n’avions pas imaginé de tomber aussi juste. De ce point de vue, le rapport joue pleinement son rôle : rendre compte du droit positif, sans s’interdire de porter sur lui un regard critique, tant il est vrai que nous avons le devoir de faire mieux.
Pour vous en convaincre, vous lirez dans le rapport de la première commission, que les documents d’urbanisme et en particulier les PLU peuvent contenir de multiples dispositions incitant à la production de logements… mais qu’elles sont trop souvent inutilisées. Vous découvrirez, dans les travaux de la deuxième commission, comment des contrats classiques (la société) ou des institutions bien connues (l’indivision) peuvent être revisités en faveur de l’accession au logement… si seulement ils retiennent l’attention des financeurs, généralement peu enclins à la nouveauté. Et la troisième commission rappellera combien le législateur contemporain entend garantir la pérennité du logement par différents dispositifs, en général efficaces… mais qui, dans certains cas particuliers, s’effacent avec une facilité déconcertante, ou, au contraire, génèrent des blocages excessivement dommageables que rien ne paraît justifier. Encore ne s’agit-il que de quelques exemples.
Je n’hésite pas à l’écrire : seuls les notaires embrassent, par leur pratique au côté des acteurs du logement, un champ d’expérience aussi complet. Il est d’ailleurs significatif qu’aucun ouvrage traitant, simultanément et sous un volume acceptable, de la production, de l’accession et de la pérennisation du logement ne soit disponible dans le commerce.
Forte de cette expérience, que viennent illuminer deux années de consultations et de réflexions, l’équipe du 119e Congrès est prête à formuler des propositions d’avenir.
L’avenir : les propositions du 119e Congrès
Vous découvrirez, au fil des travaux du Congrès, les propositions audacieuses des trois commissions, qui toutes convergent vers un même objectif : utiliser le Droit pour faire autrement.
• Alexandre Leroux, Raphaël Léonetti et Sophie Lambert, qui composent la première commission, ont réfléchi aux outils juridiques, disponibles ou à créer, pour développer l’offre de logements.
Pour lever certains blocages que nombre de nos confrères ont déjà rencontré, ils vous proposeront une extension du domaine de deux dispositifs existants : la concertation préalable à la délivrance du permis de construire des logements, et la procédure de mise en concordance du cahier des charges des anciens lotissements.
Parce que la production de logements est d’intérêt général, ils suggèreront les adaptations nécessaires à une meilleure cohabitation de la vente en état futur d’achèvement avec les règles, complexes, régissant la commande publique.
Enfin, faisant œuvre de pure prospective, ils sauront vous convaincre que le temps est venu de doter d’un régime sécurisant et simplificateur les constructions réversibles, autrement dit les immeubles qui, dès l’origine, ont été conçus et réalisés pour être affectés successivement à plusieurs destinations, dont bien sûr celle de logement.
• Xavier Lièvre, Yann Judeau et Paul Bernard ont dédié la deuxième commission aux différents moyens de favoriser l’accès au logement. Traditionnellement, l’accession au logement emprunte deux voies qui, bien souvent, succèdent l’une à l’autre. C’est le « parcours résidentiel » qui conduit de la location à l’acquisition d’un logement.
S’agissant de la location, les propositions de cette commission vont donner corps à un concept qui, pour être sur toutes les lèvres (et notamment sur celles de bien des politiciens) ne s’est, pour l’instant, manifesté qu’en esprit : doter le « bailleur privé », c’est-à-dire autre qu’institutionnel ou personne morale de droit public, d’un authentique statut civil et fiscal, global, équilibré et empreint de solidarité. Leur propos ne consistera pas en une déclaration d’intention supplémentaire, chaque point étant, au contraire, explicité dans tous ses détails.
La voie de la location étant ainsi balisée, la commission explorera celle de l’accession à la propriété, et particulièrement de l’accession aidée. Le logement est un bien marchand, et, comme tel, soumis à la loi du marché. Mais il est parfois nécessaire que les pouvoirs et les deniers publics interviennent pour réguler ce marché. Ce principe ne saurait être remis en question : le logement des moins aisés en dépend, et il faut rappeler sans cesse qu’il s’agit, pour eux, d’un droit. Mais il est à nos yeux anormal que celui qui, à juste titre, a profité d’une aide publique puisse, après quelques années, profiter de surcroît de la loi du marché en réalisant une importante plus-value de cession du logement pour l’acquisition duquel il avait été aidé. Aussi la commission a-t-elle conçu un dispositif propre à assurer la permanence dans le temps de toute décote consentie à titre d’aide lors de l’acquisition d’un logement.
• La troisième commission, quant à elle, montre comment pérenniser son logement, c’est-à-dire comment lui permettre de résister au temps et aux épreuves qu’il peut recéler.
La loi protège le logement contre différents « accidents » d’ordre familial ou professionnel. Pour Agnès Maurin, Emmanuelle Courchelle et Vincent Morati, cette protection devrait être la même pour tous, et ne saurait être détournée de son but. à ce titre, la commission proposera une mise à jour des termes de l’article 215 alinéa 3 du Code civil permettant une application effective de la protection du logement familial dans tous les cas où celle-ci est nécessaire, mais limitant son utilisation abusive, trop souvent constatée au cours d’une procédure de divorce. De même, la commission estime que la protection du logement d’un chef d’entreprise contre ses dettes professionnelles ne devrait pas dépendre du mode d’exercice (individuel ou sociétaire) de son activité ; elle formulera une proposition en ce sens.
Quant à la protection du logement contre l’écoulement du temps, elle repose sur un constat : la plupart d’entre-nous souhaite finir ses jours dans son logement, mais ce maintien à domicile génère d’importantes dépenses. Dès lors, la commission a recherché en quoi l’environnement juridique des solutions viagères (vente en viager et prêt viager hypothécaire) pourrait être amélioré pour contribuer à la pérennité du logement ; une double proposition en est issue.
Enfin, au cours de nos travaux, un thème s’est peu à peu imposé à l’équipe comme relevant des trois commissions. Ici encore l’actualité nous rattrape, car ce thème transversal est celui de la rénovation énergétique. Les trois commissions vous présenteront donc une proposition commune, au sujet de laquelle un avertissement s’impose : nous ne prétendons pas à l’exhaustivité. Ce sujet, en effet, ressortit autant à la compétence des juristes qu’à celles des techniciens et des financeurs. Dès lors, il s’agira seulement d’apporter notre pierre à la construction d’un édifice que d’autres viendront achever à l’aide des modestes outils auxquels nous avons songé.
Au terme de ce rapide « balayage » des thèmes abordés par ce 119e Congrès, le lecteur aura mesuré toute l’amplitude des travaux de l’équipe. Il faut ajouter que cet ouvrage doit « parler » au juriste généraliste, qui le consultera le plus souvent pour traiter un dossier ou rédiger une consultation, autant qu’au spécialiste, qui pourra se reporter directement aux « Focus » et autres « Pour aller plus loin » qui jalonnent nos développements, et voudra bien être indulgent si tel ou tel aspect de la question n’a pu, par contrainte éditoriale, être complètement traité.
Souhaitant ardemment avoir fait œuvre utile, je veux dire à mon équipe combien je lui suis reconnaissant d’avoir mené à bien cette difficile entreprise et, puisque nous nous réunirons en terres proustiennes, que même si depuis longtemps son rapporteur général ne s’est plus couché de bonne heure, il n’a pas l’impression d’avoir perdu son temps !

Eric Cevaër

Rapporteur général du 119e Congrès des notaires de France


1) Le président Jean-Pierre Prohaszka souligna, d’ailleurs, avec une rare émotion le caractère essentiel du logement dans un discours introductif resté dans toutes les mémoires.
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