Les règles internationales de capacité et de protection des adultes

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les règles internationales de capacité et de protection des adultes

Le statut personnel est une catégorie de rattachement du droit international privé français où la méthode savinienne a trouvé matière à s'appliquer. Pour Savigny, le droit est en effet le produit de l'histoire et d'un environnement économique 1532246107224. Il faut donc trouver la loi la mieux adaptée au problème, celle-ci étant souvent le pays avec lequel la relation juridique présente les liens les plus étroits.
En droit international privé français et en matière de capacité et de majorité, la règle de conflit est basée sur le rattachement à la nationalité, ainsi qu'il sera développé dans ce qui suit.
Cependant, les règles européennes de droit international privé contenues dans les différents instruments régissant le droit patrimonial de la famille se développent progressivement sur le principe de la primauté de la loi de l'État de la résidence habituelle 1532243988125.
D'autres systèmes juridiques peuvent établir leurs règles de conflit sur d'autres critères de rattachement que la nationalité, ainsi qu'il sera dit dans ce qui suit.

La capacité d'une personne physique étrangère

En droit international privé, comme en droit interne, la matière de la capacité peut se diviser en deux catégories : la capacité de jouissance et la capacité d'exercice. La pleine capacité est la situation normale d'une personne physique 1532252827819.
Seule la capacité d'exercice relève du statut personnel. Lorsque la capacité de jouissance est générale, son opposé, l'incapacité de jouissance, est spécial et ne relève pas de la règle de conflit du statut personnel, mais de la loi de l'institution visée 1532252368042.
En effet, depuis l'abolition de la mort civile, une incapacité générale de jouissance serait contraire à l'ordre public 1532253857445.

Les incapacités spéciales de jouissance

Les incapacités de jouissance ne relèvent pas du statut personnel, mais de la loi propre à l'institution :

Convergence entre capacité et majorité

Généralement, la capacité légale est déterminée par la majorité de la personne physique. C'est le cas en droit international privé français.
Mais d'autres systèmes déterminent la capacité d'une personne en fonction d'autres critères que la majorité, comme par exemple le sexe, ou le statut confessionnel. Il en est ainsi des systèmes de droit musulman (dont les sources islamiques sont en réalité diversifiées) 1532255555469. Les discriminations que les droits musulmans peuvent opérer en matière successorale, qu'elles soient d'ordre religieux (interdisant à un non-musulman de pouvoir hériter d'un musulman) ou sexuel (une fille héritant moins qu'un garçon) 1532256249399peuvent être considérées comme contraires à l'ordre public français. Il en est de même pour la répudiation, qui heurte l'ordre public international français. La jurisprudence, depuis 2004 1532324824424, considère en effet que la procédure de répudiation ne donne pas à l'épouse la possibilité de s'opposer à la décision de répudiation, ce qui est contraire au principe européen d'égalité des époux dans la dissolution du mariage 1532325058082.
La majorité en France est fixée à dix-huit ans depuis la loi n° 74-631 du 5 juillet 1974 qui a notamment réécrit l'article 414 du Code civil français 1532264247820.
Dans le reste du monde, même si dans la grande majorité des États l'âge de la majorité est fixé à dix-huit ans, il peut varier de quinze à vingt-et-un ans 1532264737034en fonction des pays.

Règles de conflit de loi

La règle de conflit française

La règle de conflit française résulte des dispositions de l'article 3, alinéa 3 du Code civil qui prévoit que : «Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger».
Cette règle de conflit de loi française résultant de l'article 3 du Code civil a été bilatéralisée par la jurisprudence dès lexix e siècle 1532266426640.
Un arrêt de principe, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 18 janvier 2007 énonce, au visa de l'article 3 du Code civil, que : «Attendu que la loi applicable à l'état et la capacité des personnes est la loi nationale» 1532268006068. Un commentateur de cet arrêt a pu écrire qu'il s'agit d'«un attendu de principe ciselé comme à la belle époque du droit international privé» 1532267309827.
Du fait de cette règle de conflit, bilatérale, le principe du renvoi est admis en matière de capacité 1533547736244.
Il a ainsi été jugé que pour une personne de nationalité canadienne, domiciliée en France, l'application de la règle de conflit de loi française étant rattachée à la nationalité, c'est la loi canadienne qui doit connaître de l'état et de la capacité de sa ressortissante.
Mais, comme il sera dit plus loin (V.supra, n°), la règle de conflit canadienne rattache au domicile la loi compétente. La Cour de cassation, par renvoi selon la règle de conflit canadienne à la loi française, a donc reconnu la loi française matérielle compétente 1533548017599.

Capacité d'un étranger dans un acte authentique : à retenir

Le notaire qui instrumente un acte dans lequel comparaît une personne physique de nationalité étrangère doit rechercher si la loi nationale du client le reconnaît capable – donc majeur – pour contracter.

Cas pratique d'un contrat de mariage

Un jeune couple, monsieur de nationalité française, âgé de vingt ans, et madame, de nationalité singapourienne, âgée de dix-neuf ans, ne pourra faire établir en France son contrat de mariage qu'avec le consentement des parents de madame, l'âge de la majorité à Singapour étant de vingt-et-un ans.

Le cas serait identique avec un des futurs époux de nationalité japonaise âgé de moins de vingt ans (qui est l'âge de la majorité au Japon).

La règle de conflit encommon law

Dans les pays decommon law, le critère de rattachement dans la catégorie du statut personnel n'est pas la loi nationale, mais la loi du domicile.
Une attention particulière est portée sur les règles de conflit britannique, américaine et canadienne.
La règle de conflit britannique
Le critère de rattachement, la loi du domicile, appelle quelques observations importantes pour bien appréhender la règle de conflit britannique.
En droit anglais, la notion de domicile est pensée en y intégrant le lieu de naissance, ainsi qu'une dimension psychologique fondamentale : l'esprit de retour au Royaume-Uni, composante subjective constituant l'animus manendi vel revertenditypique de lacommon law 1533459439270.
Par exemple, même si une personne peut vivre physiquement dans un pays, pour le droit anglais elle reste toujours domiciliée au Royaume-Uni, dans la mesure où elle peut être animée d'une volonté un jour d'y retourner. Inversement, une personne peut être résidente au Royaume-Uni sans y être domiciliée, comme cela pourrait être le cas d'un certain nombre de ressortissants français expatriés pour raison personnelle et professionnelle.
En droit anglais, la notion de résidence est essentiellement attachée à la notion de résidence «fiscale», lieu des intérêts économiques et de vie, tandis que le domicile (les Anglais le prononcent «Domissaïyle») est un concept né de la création de l'Empire britannique et connu de tous les pays decommon law 1532274576117.
Quant à l'Écosse, bien que traditionnellement le système ait été attaché à la catégorie de pays decivil law, il est aujourd'hui devenu mixte en raison de la forte influence de l'Angleterre, et de l'unification des droits anglais et écossais résultant de lastaturification(dès lors que le Parlement et le Gouvernement sont devenus uniques) 1532275255635.
De ce fait, les lois adoptées par le Parlement de Westminster sont formulées selon les nomenclatures et catégories de lacommon law, et se trouvent par conséquent intégrées en Écosse 1532325499874.
C'est ainsi que le critère de rattachement en matière de statut personnel (état et capacité) réside dans la loi du domicile également en Écosse.

Focus sur la majorité au Royaume-Uni

Lorsqu'en Écosse l'âge de la majorité est à seize ans, dans le reste du Royaume-Uni (Angleterre, Pays de Galles et Irlande du Nord), la majorité est à dix-huit ans.
La règle de conflit américaine
Les États-Unis, État fédéral plurilégislatif, sont composés de cinquante États, chacun doté de ses propres pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires et organisé par sa propre Constitution 1532279045378.
C'est ainsi qu'en matière d'état des personnes, et de majorité, il n'y a pas une règle de conflit, mais une par État 1532279224500.
Cependant, d'une manière générale, les règles de conflit américaines rattachent la loi applicable au statut personnel à la loi du domicile.
La règle de conflit canadienne
Selon l'article 3083 du Code civil du Québec, le facteur de rattachement du statut personnel est régi par la loi du domicile 1532271706935.
Cette règle de rattachement s'applique pour l'ensemble des territoires du Canada. Pour l'application de ce critère de rattachement, le domicile est défini par l'existence d'un établissement principal accompagné de l'intention d'y demeurer de façon permanente. Même si cette notion est identique dans toutes les provinces, il convient toutefois de retenir que le domicile d'origine revit quand le domicile de choix n'est plus déterminé pour les provinces decommon law, tandis qu'au Québec le domicile de choix persiste jusqu'à l'acquisition d'un nouveau domicile 1532271828963.

L'essentiel à retenir

Lorsque comparaît une personne physique de nationalité étrangère à un acte authentique, le notaire doit :
  • avoir vérifié les pièces d'état civil ;
  • vérifier que la personne a bien atteint la majorité requise par sa loi nationale (ou la loi de son domicile) pour contracter ;
  • demander une pièce d'identité dont une copie doit être conservée au dossier.
Ces vérifications et contrôles effectués, le notaire instrumentant peut alors considérer que la personne comparaissant à l'acte peut valablement le signer.

La protection internationale d'une personne adulte vulnérable

Les règles de droit commun

La mobilité internationale des personnes peut entraîner des difficultés liées à l'administration de leur patrimoine lorsqu'elles deviennent vulnérables.
Comment résoudre une difficulté liée à la fragilité d'une personne âgée étrangère, installée en France, qui doit faire l'objet d'une mesure de protection ? Quelle autorité est compétente ? Quelle loi doit s'appliquer à cette situation ?
Peut-être plus qu'ailleurs, le notaire doit se montrer vigilant dans l'appréciation de la capacité des parties à son acte.
Le principe en la matière, rappelons-le, est défini à l'article 3, alinéa 3 du Code civil : la loi nationale de la personne régit sa capacité.
Dans ces conditions, il a été jugé qu'une personne de nationalité portugaise, demeurant en France et faisant l'objet d'une mesure de protection, doit faire l'objet d'une mesure d'interdiction du droit portugais, prononcée par le juge français 1532330182759. Les juridictions du fond ont été sanctionnées pour avoir prononcé à l'encontre de la personne portugaise des mesures de protection de droit français, en violation de la règle de conflit de l'article 3 du Code civil.
Il est vrai que la mise en œuvre de la loi nationale de l'intéressé est source de difficultés pour le juge français, car même si des outils sont à sa disposition comme le site JaFBase, ou le Réseau judiciaire européen, instauré par la Convention de Londres du 7 juin 1968 1532332308093, les difficultés subsistent compte tenu de la grande diversité des mesures pouvant être prononcées dans les différents États, d'une part, et des très nombreuses exceptions demeurant disparates en fonction des nationalités des personnes, d'autre part.
Dans une affaire plus récente 1532333520503, où la responsabilité du notaire a tenté d'être recherchée, la Cour de cassation énonce le principe suivant : «Le notaire a l'obligation de vérifier la capacité juridique des contractants dont dépend la validité de l'acte qu'il reçoit et authentifie, spécialement lorsqu'une partie est représentée par un mandataire, et qu'en cas de doute, il doit prendre toutes les précautions nécessaires afin de conférer pleine efficacité audit acte».
La cour rappelle les devoirs du notaire en présence d'une personne vulnérable en énonçant un principe de vigilance ; elle en déduit les conséquences quant au comportement du notaire. Depuis plusieurs années, la jurisprudence intensifie le rôle du notaire et exige de lui qu'il procède à une étude approfondie de la capacité des parties 1532333795829.
Cet arrêt est également intéressant, car un mandat de représentation était en œuvre, la mandante, devenue vulnérable depuis, ayant été représentée lors de la signature de l'avant-contrat : la cour a eu l'occasion de confirmer que le notaire doit exercer une vigilance accrue. Il doit vérifier que le mandat avait bien été donné dans des conditions ne devant laisser aucun doute sur la volonté et la capacité du mandant à disposer, et ce d'autant plus si le notaire est en relation d'affaires suivie avec son client 1532335564778.
Dans un contexte international, en matière de capacité des adultes, il est aisé de réaliser à quel point la tâche pour le notaire d'honorer son devoir d'officier public peut relever d'une gageure, au regard de toutes ces difficultés énoncées, à la fois techniques et matérielles.
Même si, depuis le 1er janvier 2009, est entrée en application en France la Convention internationale de La Haye n° 35 du 13 janvier 2000 relative à la protection internationale des adultes.

Les règles de droit conventionnel

La Convention internationale de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes est entrée en vigueur en France le 1er janvier 2009, en même temps que la réforme de la protection juridique des majeurs issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007.
En vertu de l'article 1-1 : «La Convention s'applique, dans les situations à caractère international, à la protection des adultes qui, en raison d'une altération ou d'une insuffisance de leurs facultés personnelles, ne sont pas en état de pourvoir à leurs intérêts».

Les apports de la Convention internationale de La Haye n° 35 du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes

Convergence des règles de conflit et de compétence
L'apport principal de la convention concerne l'harmonisation des règles de conflit et de compétence.
Pour ce qui concerne la règle de compétence, l'article 5 de la convention prévoit que : «1. Les autorités, tant judiciaires qu'administratives, de l'État contractant de la résidence habituelle de l'adulte sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens. 2. En cas de changement de la résidence habituelle de l'adulte dans un autre État contractant, sont compétentes les autorités de l'État de la nouvelle résidence habituelle.»
Pour ce qui concerne la règle de conflit, l'article 13 de la convention prévoit que : «1. Dans l'exercice de la compétence qui leur est attribuée par les dispositions du chapitre II, les autorités des États contractants appliquent leur loi. 2. Toutefois, dans la mesure où la protection de la personne ou des biens de l'adulte le requiert, elles peuvent exceptionnellement appliquer ou prendre en considération la loi d'un autre État avec lequel la situation présente un lien étroit».
L'harmonisation des compétences juridictionnelle et législative rend ainsi bien plus commode la mission du juge qui applique la loi qu'il connaît le mieux, étant la sienne, plutôt que celle d'un autre État.
La convention prévoit également d'autres dispositions visant à faciliter la circulation d'une décision prise dans un État contractant : elle organise la reconnaissance et l'exécution transfrontières.
Reconnaissance et exécution des mesures de protection internationale
En vertu de l'article 22-1 de la convention : «Les mesures prises par les autorités d'un État contractant sont reconnues de plein droit dans les autres États contractants». Tel est le principe qui a pour conséquence que le représentant de l'adulte protégé peut passer dans un autre État contractant les actes qui requièrent la protection de la personne ou des biens du majeur vulnérable.
Comme à tout principe, la reconnaissance de plein droit connaît des exceptions énoncées à l'article 22-2. Il peut s'agir de décisions prises, savoir :
  • selon un chef de compétence non fondé en vertu des règles de compétence des articles 5 à 12 de la convention ;
  • sans avoir respecté des règles procédurales comme celle relative à l'audition préalable de l'adulte devant être protégé ;
  • mais qui demeurent contraires à l'ordre public de l'État requis ;
  • ou sont contraires à une disposition de la loi d'application immédiate de cet État ;
  • alors qu'elles sont incompatibles avec une mesure de protection prise postérieurement dans un État non contractant, qui aurait été compétent en vertu des articles 5 à 9 de la convention ;
  • sans avoir respecté la procédure de l'article 33 qui prévoit, dans le cas d'un placement de l'adulte dans un autre État contractant, une consultation préalable de l'autorité centrale ou une autre autorité compétente de l'État d'accueil.
Quant à l'exécution de la décision, si la mesure suppose un acte d'exécution, une déclaration d'exequaturdemeure nécessaire en vertu de l'article 25-1 de la convention : «Si les mesures prises dans un État contractant et qui y sont exécutoires comportent des actes d'exécution dans un autre État contractant, elles sont dans cet autre État déclarées exécutoires ou enregistrées aux fins d'exécution, sur requête de toute partie intéressée, selon la procédure prévue par la loi de cet État».
Même si la procédure doit être simple et rapide 1533465796550, elle doit être respectée, et ne peut être refusée que pour l'un des motifs prévus à l'article 22-2 énoncé ci-dessus 1533465822798.
La convention internationale a instauré une convergence entre compétence de l'autorité duforet application de la loi dufor, ainsi que les règles facilitant la reconnaissance des décisions prises entre les États contractants. Elle envisage en outre un nouvel outil d'anticipation pour le droit interne français, le mandat d'inaptitude, entré en vigueur en France le 1er janvier 2009, en même temps précisément que le mandat de protection future issu de la loi de 2007.
Le mandat d'inaptitude et sa portée universelle
Le mandat d'inaptitude est l'une des principales innovations de la Convention n° 35 du 13 janvier 2000 1532339322178.
Les principes directeurs basés sur la résidence habituelle ou le choix de loi
Établi par l'adulte au moment où il est pleinement capable, en prévision de son incapacité future, ce mandat permet de consacrer plusieurs principes fondateurs du droit européen : l'autonomie de la volonté, la prévisibilité, la proximité.
En vertu de l'article 15-1 de la convention : «L'existence, l'étendue, la modification et l'extinction des pouvoirs de représentation conférés par un adulte, soit par un accord écrit, soit par un acte unilatéral, pour être exercés lorsque cet adulte sera hors d'état de pourvoir à ses intérêts, sont régies par la loi de l'État de la résidence habituelle de l'adulte au moment de l'accord ou de l'acte unilatéral, à moins qu'une des lois mentionnées au paragraphe 2 ait été désignée expressément par écrit».
Une mesure de simplification supplémentaire est consacrée : le mandat d'inaptitude est régi par la loi de la résidence habituelle de l'adulte au moment de sa conclusion, avec la possibilité pour le constituant, conformément à l'article 15-2, de choisir une autre loi que celle de sa résidence.
En vertu de l'article 15-2 : «Les États dont la loi peut être désignée sont les suivants :
a)un État dont l'adulte possède la nationalité ;
b)l'État de la résidence habituelle précédente de l'adulte ;
c)un État dans lequel sont situés des biens de l'adulte, pour ce qui concerne ces biens».
La portée universelle du mandat d'inaptitude
L'article 18 de la Convention n° 35 du 13 janvier 2000 reconnaît à tout le chapitre 3 «Loi applicable», dans lequel figure le mandat d'inaptitude, une portée universelle puisque les dispositions de ce chapitre s'appliquent même si la loi désignée est une loi d'un État non contractant à la convention.
Ainsi, la généralisation du mandat d'inaptitude devrait permettre au notaire de recevoir cet instrument, dans le respect strict des contraintes évoquées ci-dessus (V. supra, n°), et d'instrumenter son acte auquel intervient un adulte vulnérable représenté par son mandataire désigné par un mandat d'inaptitude activé au moment de la signature de l'acte.
Pour ce qui concerne le mandat de protection future, instauré depuis 2009, outil d'autodétermination français, le notaire ne devrait rencontrer aucun problème particulier, tant les conditions de sa mise en œuvre et de sa publicité sont prévues par la loi (registre des mandats, activation sous conditions…).
Mais, lorsque le mandat d'inaptitude a été conclu, conformément à la convention de La Haye, à l'étranger 1532341022313, dans quelles conditions peut-il circuler, être accepté et respecté sur tous les territoires, à commencer par celui de l'Union européenne ?
Si, en France, la loi du 28 décembre 2015 1532341239909a prévu que doit être créé un registre spécial des mandats, permettant alors aux autorités et aux tiers de connaître leur existence, au niveau européen, les difficultés relatives à l'absence de publicité restent entières.
Le mandat d'inaptitude, connu en France sous le terme de mandat de protection future, paraît être l'instrument adéquat pouvant concilier à la fois le respect de l'autonomie de la volonté, d'une part, et le «désengorgement» des juridictions à la protection, d'autre part, tout en continuant à exercer un contrôle dans le suivi, et le faire cesser s'il y a lieu 1545288375983.
Dans un contexte international, le notaire confronté à la comparution d'un mandataire agissant en vertu d'un mandat d'inaptitude va rencontrer diverses difficultés : comment le notaire peut-il exercer un contrôle tant sur la loi applicable au mandat que sur sa validité formelle, puisque la convention reste muette sur les conditions de validité quant à la forme du mandat ?
Si les avancées permises par la Convention internationale de La Haye du 13 janvier 2000 sont indéniables, tant par la promotion de nouvelles règles de conflit convergeant avec les règles de compétence, que par la création de nouveaux outils d'autodétermination, cet instrument connaît cependant certaines limites, qui le rendent immanquablement insuffisant.

Les personnes vulnérables en Europe : ce qu'il faut retenir

Pour contrôler la loi applicable au mandat d'inaptitude, le notaire qui instrumente un acte dans lequel une personne devenue vulnérable est représentée par son mandataire doit accepter de nouveaux réflexes, et respecter en premier lieu les dispositions à portée universelle de l'article 15-1 de la convention : le mandat est soumis à la loi de la résidence habituelle de l'adulte au jour de la signature, sauf choix de loi arrêté par le mandant suivant la liste de l'article 15-2 (loi de sa nationalité, de sa résidence habituelle précédente, du lieu de situation des biens pour ces derniers exclusivement).
Par ailleurs, la convention ne prévoit aucune règle quant aux conditions de forme du mandat d'inaptitude : il peut être authentique ou sous seing privé. Il peut encore faire l'objet d'une déclaration judiciaire d'incapacité (Allemagne) ou décision judiciaire (Belgique).
Enfin, le site du Conseil des notariats de l'Union européenne (CNUE) propose un portail sur les personnes vulnérables en Europe, permettant d'avoir accès au contenu du droit matériel des vingt-deux États membres connaissant le notariat de type latin, et celui du l'Union internationale du notariat latin (UINL) complète l'accès au contenu du droit matériel des autres États membres du Conseil de l'Europe 1533479820599.

Les limites de la Convention n° 35 du 13 janvier 2000

La portée relative de la convention
La première limite dont il convient d'évoquer l'importance est la portée relative du champ d'application spatial de la Convention n° 35.
En effet, la convention n'est applicable qu'entre les États contractants, dont neuf seulement sont États membres de l'Union. Il s'agit de : l'Allemagne, l'Autriche, Chypre depuis le 1er novembre 2018, l'Estonie, la Finlande, la France, la Lettonie depuis le 1er mars 2018, le Portugal depuis le 1er juillet 2018, la République tchèque.
Neuf États membres seulement sur vingt-sept, qui peuvent entre eux appliquer les règles communes de droit international privé définies par la convention de La Haye. C'est dire que dans les rapports de droit entre les États contractants et les États non contractants, ce sont les règles de droit international privé de droit commun qui s'appliquent, avec toutes les difficultés tant techniques que matérielles déjà évoquées (V. supra, n°).
Des solutions modernes, adaptées à l'internationalisation des phénomènes de mobilité des personnes et des familles, devraient se substituer à des principes plusieurs fois centenaires (la règle de rattachement à la loi nationale de l'article 3 du Code civil date de la création du Code civil des Français de 1804), qui s'avèrent, de façon pragmatique, bien détachés des réalités sociologiques actuelles, comme le montre le phénomène massif de l'accueil en établissements spécialisés situés en Belgique des adultes handicapés français 1533482565585.
Rechercher correctement les règles de conflit, éparpillées dans les différents ordres juridiques, les considérer et les appliquer, cela rentre-t-il vraiment dans les attributions du notaire qui instrumente un acte ? La réponse semble être affirmative, sans tempérament possible, selon la doctrine 1533559182971. Dans cette matière, comme en matière d'état civil déjà analysée plus haut (notion de force probante des actes d'état civil, V. supra, n°), les difficultés dans les investigations pour connaître le droit étranger peuvent s'avérer insurmontables, longues et coûteuses de surcroît.
L'office du juge, comme celui du notaire, se trouverait bien mieux assuré si les règles européennes en matière de protection internationale pouvaient tendre vers une harmonisation, au même titre que le droit patrimonial européen, comme cela est déjà le cas avec les règlements «Divorce», «Successions», «Régimes matrimoniaux» ou encore «Partenariats enregistrés».
Outre la portée limitée de la ¨convention, une autre insuffisance doit être soulignée : l'absence de publicité du mandat d'inaptitude.
L'absence de publicité du mandat d'inaptitude
Si la convention prévoit à l'article 38 la délivrance d'un certificat international à toute personne à qui est confiée la protection de la personne de l'adulte ou de ses biens, ce certificat reste non seulement facultatif, mais surtout ne peut remplacer l'absence de registres permettant aux personnes qui y ont intérêt d'avoir accès à l'information relative à la mise en œuvre et à l'exécution effective d'un mandat d'inaptitude.
Si cet outil d'anticipation patrimoniale, comme extra-patrimoniale, permet d'adapter les règles de protection des personnes vulnérables, son absence de publicité peut freiner considérablement son succès pourtant espéré par beaucoup de professionnels.
Le mandat d'inaptitude présente des solutions respectueuses du principe d'autodétermination ; il est à la disposition des personnes adultes, capables et prévoyantes, qui souhaitent organiser la gestion tant de leurs biens que de leur personne, pour le jour où elles pourront devenir vulnérables, arrivées au seuil des troisième, voire quatrième âges.
Le vieillissement de la population est en effet un phénomène de plus en plus majeur en Europe, que les politiques migratoires, qu'elles soient européennes ou nationales, ne permettront pas de réduire.
Mais en Europe (comme en France à l'heure présente), aucun registre transnational n'a été prévu, afin de faire circuler pour les personnes y ayant intérêt les informations relatives à l'existence d'un mandat d'inaptitude établi dans un État membre.
De là à penser que la reconnaissance des instruments de protection internationale pour les personnes vulnérables et mobiles en Europe ne figure pas parmi les priorités…
Comment, dans ces conditions, envisager un espace de liberté, de justice et de sécurité, fondements de l'Espace européen 1533487733167, si la volonté d'autodétermination des personnes devenues vulnérables risque d'être ignorée au moment où il sera précisément le plus utile de le savoir ? N'est-ce pas là une entrave à leur liberté que d'ignorer leur volonté exprimée au moment où elles en avaient l'aptitude, alors que ces personnes, aujourd'hui fragiles, mènent elles aussi, comme tout adulte capable, une vie juridique, possédant un patrimoine qui ne peut être laissé sans direction ?
Le plus grand danger dans cette matière serait de constater que le vieillissement de la population et sa conséquence directe, la vulnérabilité des adultes, pourraient constituer réellement une entrave à la libre circulation des citoyens européens.