Les échanges et cessions amiables d'immeubles ruraux

Les échanges et cessions amiables d'immeubles ruraux

– L'assimilation à l'AFAF. – Les échanges et cessions amiables d'immeubles ruraux (ECIR) sont des procédures d'aménagement foncier agricole, aboutissant à un modèle paysager préservant la qualité et la diversité des milieux agricoles, en réhabilitant les corridors biologiques. La procédure d'échange est utilisée dans 99 % des cas. Les cessions amiables concernent de petites parcelles en annexe d'un projet d'échange (C. rur. pêche marit., art. L. 124-3). Seules les cessions d'immeubles forestiers sont réalisées de façon autonome (C. rur. pêche marit., art. L. 124-4-1).
L'objectif des ECIR est de pérenniser le parcellaire et de réaménager la trame bocagère, sans entraîner de travaux connexes. Historiquement, le bocage est lié à l'agriculture et à des types d'agriculture variables selon la typologie des différents territoires, devant bien sûr être prise en compte.
La dispersion du parcellaire augmente en effet les coûts de production. Les ECIR permettent ainsi de favoriser une meilleure gestion du territoire agricole, engendrant des gains de temps et une meilleure productivité. La suppression des triangles et des recoins évite les secteurs délaissés. La surveillance des cultures et les interventions sont optimisées. Les échanges permettent également de transférer des parcelles de cultures situées en zone sensible 1491756595179vers des secteurs plus adaptés.

L'impact économique de la dispersion des terres agricoles

Le regroupement parcellaire par voie d'ECIR réduit les émissions de gaz à effet de serre. En effet, les trajets des engins agricoles sont raccourcis. L'échange en propriété permet également de réduire considérablement les coûts d'exploitation, notamment par la diminution des coûts de mécanisation et de main-d'œuvre. Il permet de gagner jusqu'à 600 heures de travail par an.
La répartition spatiale des parcelles conditionne les distances à parcourir. Les charges annuelles supplémentaires dues à l'éloignement d'un îlot de cultures sont importantes.
Ainsi, l'exploitation d'un îlot de dix hectares situé à dix kilomètres du siège d'exploitation représente un surcoût de l'ordre de 1491757679727 :
  • 1 578 € pour une culture de maïs (épandage et ensilage) ;
  • 241 € pour une culture de blé ;
  • 20 € pour 1 000 litres de lait pour l'élevage de vaches laitières « nourries-logées ».
– La définition de l'échange rural. – La loi (V. n° ) 1491759408340a unifié les différentes formes d'échanges sous le vocable unique d'« échanges et cessions amiables d'immeubles ruraux » (ECIR). La définition de l'échange parcellaire est empruntée au droit commun 1491766577469 : il s'agit d'un contrat synallagmatique d'un genre unique 1492256782896. Il n'existe pas de définition spécifique de l'échange rural. La notion d'immeuble rural est évoquée de manière indirecte (C. rur. pêche marit., art. L. 124-1 et L. 124-3). L'échange peut être bilatéral ou multilatéral. Le notariat et les chambres d'agriculture avaient mis au point une procédure destinée à faciliter et accélérer la réalisation des échanges multilatéraux 1500107327124. Elle avait pour but de resserrer les liens entre les différents acteurs décisionnels et de permettre la mise en place des opérations de manière efficace. Toujours en vigueur, elle ne semble pourtant pas avoir eu beaucoup d'écho au niveau local. Sans doute faudrait-il la mettre à jour et prôner ses vertus.
– La zone d'échange. – Le périmètre des ECIR est strictement encadré par la loi. Il s'agit de parcelles nécessairement situées dans le même canton ou dans une commune limitrophe du canton concerné. En dehors de ces hypothèses, les échanges portent sur des parcelles contiguës aux propriétés rurales de l'échangiste les recevant. La contiguïté est prise au sens large et non au sens d'unité géographique stricto sensu. Ainsi, les parcelles non séparées par une autre propriété sont contiguës. Par exemple, un ruisseau ou un chemin n'est pas un obstacle à la notion de contiguïté, à condition qu'il n'empêche pas une exploitation commune globale.
Le canton, circonscription d'élection des conseillers départementaux, est la référence en la matière 1492266806609. Ainsi, les secteurs concernés changent en fonction du découpage électoral. Cette référence est surprenante pour un processus pérenne.

La notion de contiguïté et les régimes matrimoniaux

La contiguïté s'examine en considération du propriétaire du bien échangé.

Sous un régime communautaire, la condition de contiguïté est remplie lorsque :

À l'inverse, la condition n'est pas remplie lorsque le bien appartenant en propre à l'un des époux est contigu à un immeuble propre de son conjoint
<sup class="note" data-contentnote=" Rép. min. Finances, 4 janv. 1948 : JCP N 1948, IV, 616.">1492446721532</sup>.

Sous un régime séparatiste, la condition de contiguïté est remplie lorsque :

Les ECIR se déroulent soit dans le cadre d'un périmètre d'aménagement foncier, soit en dehors d'un tel périmètre 1492071477134. L'initiative de la procédure d'échange dépend de cette circonstance (§ I). En revanche, les deux méthodes aboutissent aux mêmes effets (§ II). Le législateur encourage les échanges par la mise en place d'avantages financiers (§ III).

L'initiative de la procédure d'ECIR

L'initiative de la procédure d'ECIR est confiée à l'autorité administrative dans le cadre d'un périmètre d'aménagement foncier (A). En dehors de cette hypothèse (ECIR sans périmètre), l'initiative appartient aux propriétaires (B).

L'initiative de la procédure d'ECIR dans le cadre d'un périmètre d'aménagement foncier

– La vérification de l'intérêt des ECIR. – La procédure des ECIR avec périmètre d'aménagement foncier (C. rur. pêche marit., art. L. 124-3 à L. 124-4) est engagée par une ou plusieurs communes. Une CCAF est nommée à cet effet. Elle vérifie l'intérêt de la procédure au regard d'une étude d'aménagement du territoire agricole 1492075628117, comprenant un volet foncier et un volet environnemental. Elle propose ensuite l'opération au département. Le conseil départemental décide du bien-fondé de la mise en place d'un périmètre d'aménagement foncier pour réaliser les échanges. Lorsque les opérations d'échange et de cession d'immeubles ont été ordonnées, une enquête publique est prescrite (C. rur. pêche marit., art. L. 124-5). Elle est destinée à recueillir les observations des propriétaires ou des titulaires de droits réels et personnels sur les terrains inclus dans ce périmètre.
– L'évaluation des terres échangées. – À la différence de l'AFAF, les terres ne sont pas classées selon leur qualité. Les échanges s'appuient sur la valeur vénale des propriétés. En cas de différence de valeur entre les surfaces échangées, une soulte compensatoire est prévue.
– Actes accessoires aux projets d'échanges. – À l'occasion des échanges, des ventes de petites parcelles sont réalisées (C. rur. pêche marit., art. L. 121-24). Le dispositif ne s'applique qu'aux parcelles d'une valeur maximum de 1 500 € et d'une surface inférieure au seuil fixé par la CDAF, dans la limite d'un hectare et demi. Ainsi, le seuil pour ces cessions isolées de petites parcelles est beaucoup plus réduit. Le jeu de la prescription acquisitive est parfois constaté par acte administratif de notoriété (C. rur. pêche marit., art. L. 121-25).
– Le transfert des hypothèques et privilèges. – Lorsque les parcelles échangées sont grevées d'hypothèques ou de privilèges, le notaire est tenu de procéder à leur renouvellement sur les parcelles reçues en contre-échange (C. rur. pêche marit., art. D. 124-11). Le rang des inscriptions est ainsi conservé. Le service de la publicité foncière procède ensuite à la radiation des inscriptions grevant les anciennes parcelles 1492422209926.

L'initiative de la procédure d'ECIR hors périmètre d'aménagement foncier

– Les projets d'ECIR. – Les ECIR hors périmètre d'aménagement foncier sont réalisés librement de façon bilatérale ou multilatérale par les propriétaires, en dehors de toute intervention de la commission d'aménagement foncier. Les propriétaires établissent le projet d'échange avec le concours de géomètres experts désignés par le conseil départemental. Ils le transmettent ensuite à la CCAF (C. rur. pêche marit., art. R. 124-18). Après examen, le conseil départemental approuve le projet et le rend exécutoire. Les propriétaires concernés sont tenus aux mêmes obligations qu'en matière d'aménagement foncier rural.

Les effets des échanges et cessions amiables

Les deux procédures d'ECIR entraînent les mêmes effets sur le report du bail (A), les droits à produire et les aides PAC (B), ainsi que le respect des règles environnementales (C). Les mutations réalisées dans ce cadre échappent en principe aux droits de préemption (D).

Le report du bail rural

Après l'échange, les droits personnels tels que les baux ruraux sont reportés sur les nouvelles parcelles appartenant au bailleur. Ainsi, le fermier en place n'exploite plus la parcelle initialement comprise dans son bail. Le contrat est reporté sur la parcelle reçue en échange par son bailleur. On dit que le preneur ne suit pas la parcelle mais suit le bailleur, bien qu'il soit admis que preneurs et bailleurs s'entendent pour maintenir les baux sur les parcelles d'origine.
La solution découle de l'article L. 123-15 du Code rural et de la pêche maritime par assimilation aux échanges réalisés par voie d'AFAF.
– L'information du preneur, son droit d'opposition. – Aucune condition de forme ni de délai n'est exigée pour porter l'échange à la connaissance du preneur 1499625937591. La procédure mise en place sous l'article D. 124-5 du Code rural et de la pêche maritime pour les titulaires d'hypothèques, privilèges ou droits réels autres que les servitudes ne lui est pas applicable 1499619826960. Ainsi, l'opposition formée par le titulaire du bail n'est pas enfermée dans le délai d'un mois de la notification visée par ce texte. En revanche, la loi lui accorde un droit d'opposition.

Le consentement du preneur

En pratique, il est possible de recueillir le consentement du preneur dans l'acte d'échange (C. rur. pêche marit., art. D. 124-4)
<sup class="note" data-contentnote=" Cass. 3&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; civ., 8 nov. 1983 : Bull. civ. 1983, III, n° 217.">1499619539412</sup>.

Si le preneur n'a pas donné son consentement dans l'acte, le projet lui est notifié. Il dispose en effet d'un droit d'opposition à ce transfert. Un délai de deux mois laissé au preneur pour faire opposition semble raisonnable. En cas d'opposition, l'échange est soumis à homologation.

– L'homologation judiciaire et le choix du preneur. – L'homologation judiciaire est obtenue lorsque l'échange ne fait pas obstacle aux droits que le preneur tient de son bail et qu'ils peuvent être reportés sur les parcelles contre-échangées.
Il arrive que le juge refuse l'homologation, par exemple si les biens reçus en contre-échange sont des terrains à bâtir 1499626260089. Si l'échange est homologué, le preneur a le choix entre le report du bail ou sa résiliation totale ou partielle (C. rur. pêche marit., art. L. 123-15 par renvoi).
– Le sort de l'indemnité pour amélioration. – Lors du report du bail sur de nouvelles parcelles, l'indemnité éventuellement due au preneur pour les améliorations apportées au fonds est à la charge du propriétaire (C. rur. pêche marit., art. L. 411-69). Celui qui reçoit une parcelle louée est subrogé dans les droits et obligations que son co-échangiste tenait de sa qualité de bailleur. Le preneur sortant est tenu de demander l'indemnisation des améliorations apportées au fonds dans les douze mois suivant la fin du bail, à peine de forclusion 1493195007822.

Absence de report du bail et obligation d'information

Si le report du bail sur les parcelles contre-échangées n'a pas eu lieu, il appartient au notaire d'avertir le co-échangiste recevant les parcelles louées de son obligation d'indemniser le preneur.

Les conséquences des ECIR sur les aides de la PAC

– Conditionnalité des aides de la PAC en cas d'échange. – Les aides de la politique agricole commune (PAC) sont conditionnées au respect d'un certain nombre d'exigences. Depuis 2015, le versement de 30 % des aides directes découplées est conditionné au respect de normes environnementales 1493196353964, parmi lesquelles figurent : le maintien de la surface de référence en prairie permanente, l'assolement 1493196669076diversifié, le respect d'une quantité d'éléments de biodiversité sur le parcellaire. Il est nécessaire de disposer de surfaces d'intérêt écologique (SIE) 1493199086873sur l'exploitation, avec des éléments tels que des arbres, haies, bandes tampons, certains types de cultures, etc. L'échange doit permettre le respect des normes agroenvironnementales pour bénéficier des aides vertes.
Les droits à paiement de base (DPB) sont liés aux parcelles exploitées. Pour la perception de ces primes, la réglementation communautaire impose une déclaration sur le site internet officiel de l'administration 1493200428392. Le ministère de l'Agriculture n'exige pas la rédaction de clauses de transfert spécifiques pour les échanges réalisés à surfaces égales. Les aides de la PAC de chaque exploitation sont activées sur les surfaces déclarées chaque année entre le 1er avril et le 15 mai suivant l'acte d'échange. À l'inverse, lorsque les surfaces échangées sont différentes, la direction départementale des territoires (DDT) examine la situation réglementaire de chaque exploitation au regard du transfert des aides.

Les conséquences des ECIR sur le respect de la réglementation environnementale

– La destruction des haies et talus des parcelles reçues en contre-échange. – Au-delà de la réglementation de la PAC, le labour des prairies est limité ou interdit dans le cadre de situations particulières comme les périmètres de captages d'eau, bordures de cours d'eau, etc. L'arasement des haies et talus répertoriés en espaces boisés classés (EBC) au plan local d'urbanisme est soumis à autorisation.
Si les parcelles reçues nécessitent des aménagements tels que des modifications ou arasement des haies identifiées pour la préservation du paysage, une déclaration de travaux sera faite en mairie (C. urb., art. L. 123-1). L'autorisation préfectorale est accordée après avis de la CDAF. En outre, des aides sont octroyées à la plantation de haies (C. rur. pêche marit., art. L. 126-3).
– Les mesures agroenvironnementales. – Depuis 2015 1493205059637, les agriculteurs ont la possibilité d'engager tout ou partie de leur parcellaire sur un contrat agroenvironnemental appelé contrat MAEC 1492439087049, donnant vocation à percevoir une prime annuelle à l'hectare. Un cahier des charges est imposé. Il concerne la préservation de la qualité de l'eau, de la biodiversité, des sols, des bandes enherbées le long des cours d'eau, l'interdiction d'apports d'engrais, la restauration et le maintien des haies, la limitation des traitements phytosanitaires, la conversion en agriculture biologique. Les engagements sont attachés à la parcelle pour une durée de cinq ans.
Les contrats MAEC sont incompatibles avec les échanges parcellaires. L'échange entraîne la rupture du contrat et le remboursement des aides perçues par le dernier déclarant PAC sur les mesures engagées 1493203833981.

La cession ou reprise du contrat MAEC

Il existe des possibilités de cession ou de reprise du contrat MAEC entre deux exploitants. Cependant, certains contrats ne peuvent pas s'échanger sans accord préalable de la chambre d'agriculture ou de la direction départementale des territoires.

Les ECIR et les droits de préemption

– L'échange et le droit de préemption du fermier. – L'échange échappe au droit de préemption du preneur en place (C. rur. pêche marit., art. L. 412-3, al. 1), peu important le versement d'une soulte 1498894808824. En effet, le preneur n'est pas en mesure d'offrir au bailleur la contrepartie attendue de l'opération 1492243998486.
– L'échange et le droit de préemption de la SAFER. – Les échanges d'immeubles ruraux réalisés en application de l'article L. 124-1 du Code rural et de la pêche maritime échappent au droit de préemption de la SAFER (C. rur. pêche marit., art. L. 143-4). Il s'agit des échanges portant sur des immeubles ruraux situés dans le même canton ou dans un canton ou une commune limitrophe. Les échanges réalisés dans le cadre d'un périmètre d'aménagement foncier sont également hors du champ d'application du droit de préemption. En cas d'échange avec soulte, il ne doit pas s'agir d'une vente déguisée.

Les avantages financiers

– La subvention d'investissement. – Le conseil départemental favorise le développement des ECIR en remboursant tout ou partie des frais d'actes notariés et de géomètre. L'aide financière est allouée sur délibération du conseil départemental. La demande de subvention comprenant le dossier d'échange parcellaire est soumise à l'approbation de la CDAF. L'aide est versée à chaque propriétaire sur présentation des factures.

La prise en charge des frais d'investissement

Le département subventionne les frais engendrés par l'opération d'ECIR.
Lorsqu'elle est votée, la subvention porte sur les frais éligibles, directement imputables à l'opération.
La prise en charge est en général comprise entre 80 % et 100 %.
Elle porte sur 1494689938497 :
  • les émoluments du notaire ;
  • les frais de géomètre ;
  • et la soulte ou la plus-value soumise aux droits d'enregistrement au taux prévu pour les ventes d'immeubles.
– Les bénéficiaires de la subvention. – Les particuliers, les groupements fonciers agricoles (GFA), les groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC), les sociétés civiles d'exploitation agricole (SCEA), les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL), les sociétés civiles immobilières et les associations syndicales de propriétaires sont tous éligibles au dispositif. L'octroi de l'aide est subordonné à l'engagement de ne pas démembrer les unités foncières constituées pendant une durée minimum de quinze ans.
– Le soutien financier des ECIR hors périmètre d'AFAF. – Lorsque la CCAF reconnaît l'utilité de l'échange au regard des objectifs poursuivis par l'aménagement foncier, le conseil départemental délibère sur l'octroi d'un soutien financier à l'opération.