Le contrôle du défrichement recouvre des situations variées. Ainsi, il convient de préciser son champ d'application (Sous-section I), avant d'envisager ses modalités de mise en œuvre (Sous-section II).
Le contrôle du défrichement
Le contrôle du défrichement
Le champ d'application du contrôle du défrichement
– État boisé. – Pour qu'il y ait défrichement, il est nécessaire que le terrain soit préalablement en état boisé. En l'absence de définition légale, la caractérisation de l'état boisé ou de la vocation forestière résulte d'une constatation de fait et non de droit, soumise au contrôle du juge
1509306863045.
La définition du défrichement
– Destruction volontaire de l'état boisé et suppression de la destination forestière. –Le défrichement consiste cumulativement à détruire volontairement l'état boisé d'un terrain (coupe rase des arbres, généralement avec enlèvement ou enfouissement des souches) et à supprimer sa destination forestière (C. for., art. L. 341-1). La seule destruction du boisement, volontaire (coupe) ou involontaire (chablis), ne caractérise pas le défrichement. En effet, la parcelle nue pouvant être reboisée de la main de l'homme ou par régénération naturelle ne perd pas sa destination forestière. Ainsi, l'intention de supprimer la destination forestière est la caractéristique première du défrichement.
– Défrichement indirect. – Le défrichement est qualifié d'indirect si l'opération volontaire entraîne à terme les mêmes conséquences que le défrichement direct, bien que l'état boisé soit maintenu temporairement
1509297833472.
Les opérations exclues ou dispensées d'autorisation
– Les opérations exclues de la qualification de défrichement. – Les opérations suivantes ne constituent pas un défrichement (C. for., art. L. 341-2) :
- les opérations ayant pour but de remettre en valeur d'anciens terrains de culture, de pacage ou d'alpage envahis par une végétation spontanée, ou les terres occupées par les formations telles que garrigues, landes et maquis 1509298437965 ;
- les opérations portant sur les noyeraies, oliveraies, plantations de chênes truffiers et vergers à châtaignes 1509299085903 ;
- les opérations portant sur les taillis à courte rotation normalement entretenus et exploités, implantés sur d'anciens sols agricoles depuis moins de trente ans ;
- un déboisement ayant pour but de créer à l'intérieur des bois et forêts les équipements indispensables à leur mise en valeur et à leur protection ou de préserver ou restaurer des milieux naturels, sous réserve que ces équipements ou actions ne modifient pas fondamentalement la destination forestière et ne constituent que des annexes indispensables 1509299741813, y compris les opérations portant sur les terrains situés dans les zones délimitées et spécifiquement définies comme devant être défrichées pour la réalisation d'aménagements (C. env., art. L. 562-1 à L. 562-7).
– Servitude d'utilité publique. – Le déboisement suivi du changement de destination du sol dans le cadre de la mise en place d'une servitude d'utilité publique ne constitue pas un défrichement (C. for., art. L. 341-1, al. 2).
– Dispense d'autorisation en raison de la nature des biens. – Certaines opérations constituant un défrichement sont dispensées d'autorisation en raison de leur nature (C. for., art. L. 342-1). Il s'agit des défrichements :
- dans les bois et forêts d'une superficie inférieure à un seuil compris entre 0,5 et quatre hectares, fixé par département ou partie de département par arrêté préfectoral, sauf s'ils font partie d'un autre bois dont la superficie, ajoutée à la leur, atteint ou dépasse ce seuil 1509300524111 ;
- dans les parcs ou jardins clos et attenants à une habitation principale, lorsque l'étendue close est inférieure à dix hectares 1509301435816 ;
- dans les zones de contrôle du boisement (C. rur. pêche marit., art. L. 126-1, al. 1) 1509909499201dans lesquelles la reconstitution des boisements après coupe rase est interdite ou réglementée, ou ayant pour objectif la mise en valeur agricole et pastorale de bois situés dans une zone agricole délimitée (C. rur. pêche marit., art. L. 123-21) ;
- dans les bois de moins de trente ans, sauf s'ils ont été conservés à titre de réserves boisées, plantés à titre de compensation lors d'un précédent défrichement, ou exécutés dans le cadre de la restauration des terrains en montagne ou de la protection des dunes 1509524373587.
– Exemption d'autorisation en raison de la qualité du propriétaire. – Aucune autorisation de défrichement n'est à solliciter pour :
- les bois et forêts de l'État. En effet, l'État n'a pas besoin de s'autoriser lui-même à déboiser 1509525284065. En revanche, les bois des collectivités publiques et personnes morales assimilées (C. for., art. L. 211-1, I, 2°) sont soumis à la législation relative au défrichement (C. for., art L. 214-3). Cette solution s'applique également aux forêts des particuliers gérées par l'ONF en vertu d'une convention Audiffred 1509526797464(C. for., art. R. 341-3) ;
- un défrichement dans une commune classée en zone de montagne dont le taux de boisement dépasse 70 % du territoire, pour des raisons paysagères ou agricoles dans le cadre d'un schéma communal concerté 1509523042770. Cette hypothèse ne concerne pas les forêts soumises au régime forestier. Par ailleurs, elle ne peut entraîner une réduction du taux de boisement inférieur à 50 % du territoire de la commune concernée (C. for., art. L. 214-13-1).
La procédure d'autorisation de défrichement
La demande d'autorisation
– Le demandeur. – La demande d'autorisation de défrichement est présentée par le propriétaire ou son mandataire (C. for., art. R. 341-1). En cas de démembrement de propriété, l'usufruitier et le nu-propriétaire formulent la demande conjointement
1509530640887. En présence d'une indivision, l'unanimité est requise
1509530779482. Le locataire, l'emphytéote et le concessionnaire ne détiennent pas le pouvoir d'effectuer seuls la demande. L'accord du propriétaire est indispensable.
D'autres personnes sont également habilitées à présenter une demande de défrichement. Il s'agit :
- des personnes morales ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- des personnes suivantes, ayant qualité pour bénéficier d'une servitude d'utilité publique :
- des personnes susceptibles de bénéficier de l'autorisation d'exploiter une carrière (C. env., art. L. 512-1 et L. 512-7-1), d'une autorisation de recherches ou d'un permis exclusif de carrières (C. minier, art. L. 322-1 et L. 333-1).
– Dossier de demande. – La demande est formulée sur l'imprimé CERFA n° 13632 transmis au préfet de département
1509531807861par lettre recommandée ou par téléprocédure
1509531958321.
Les pièces suivantes sont jointes au dossier (C. for., art. R. 341-1) :
- justificatifs de la qualité du demandeur ;
- hormis le cas d'expropriation, production du mandat du propriétaire ou, dans certains cas, de l'accusé de réception de la notification au propriétaire de la demande d'autorisation (C. énergie, art. L. 323-4 et L. 433-6. – C. env., art. L. 555-27) ;
- adresse du demandeur et du propriétaire du terrain s'il n'est pas le demandeur ;
- si le demandeur est une personne morale, acte habilitant le représentant à déposer la demande ;
- présentation des terrains à défricher ;
- plan de situation permettant de localiser la zone à défricher ;
- extrait du plan cadastral ;
- indication de la superficie à défricher par parcelle cadastrale et du total des superficies à défricher ;
- s'il y a lieu, étude d'impact (C. env., art. R. 122-2) ;
- déclaration du demandeur indiquant si, à sa connaissance, les terrains ont été parcourus par un incendie durant les quinze années précédant la demande ;
- destination des terrains après défrichement ;
- échéancier prévisionnel dans le cas d'une exploitation de carrière.
Si la forêt relève du régime forestier, certaines pièces sont produites par l'ONF pour le compte du propriétaire (C. for., art. R. 341-2)
1509533531001.
– Défrichements soumis à évaluation environnementale. – Une évaluation environnementale (C. env., art. L. 122-1) est requise préalablement au dépôt du dossier dans les cas suivants (C. env., art. R. 122-2) :
- systématiquement :
- au cas par cas pour les défrichements portant sur une superficie totale, même morcelée, de plus de cinquante ares (et de moins de vingt-cinq hectares).
Lorsque l'étude environnementale est facultative, l'autorité environnementale décide de la nécessité de la réaliser ou non (C. env., art. R. 122-3). Le cas échéant, une attestation indiquant que le défrichement n'est pas soumis à étude environnementale est délivrée
1509542614261.
– Enquête publique. – Si le défrichement implique une étude environnementale, une enquête publique est réalisée (C. env., art. R. 123-1)
1509566449333. Cette enquête dure un mois, sauf prorogation décidée par le commissaire enquêteur ou par la commission d'enquête (C. for., art. R. 341-6).
L'enquête publique est également requise si l'opération est soumise à déclaration d'utilité publique (C. env., art. L. 110-1). Dans ce cas, une seule enquête publique est diligentée, à condition que l'avis de mise à l'enquête indique qu'elle porte également sur le défrichement et que le dossier fasse apparaître la situation et l'étendue des bois concernés et des défrichements envisagés (C. for., art. R. 341-6).
– Évaluation des incidences Natura 2000. – Si le site est classé Natura 2000 et qu'une étude environnementale s'impose, une évaluation des incidences Natura 2000 est requise (C. env., art. R. 414-19, 3°)
1509540295039. Une évaluation des incidences est également réalisée si la demande de défrichement bénéficie d'une dispense d'étude d'impact, dès lors que le site Natura 2000 figure sur la liste nationale ou sur la liste locale complémentaire (C. env., art. L. 414-4, III)
1509541651287.
La réponse à la demande
– Accusé réception. – L'administration préfectorale (direction départementale des territoires) accuse réception du dossier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Si aucune demande de pièces complémentaires n'est formulée dans un délai de deux mois, le dossier est déclaré complet d'office au jour de la réception
1509543923053.
– Délai de réponse. – Le délai de réponse est de deux mois à compter de la réception du dossier complet. Il est porté à quatre mois si la reconnaissance du terrain
1511723233456est jugée nécessaire (C. for., art. R. 341-4). Le préfet peut proroger le délai d'une durée complémentaire de trois mois, notamment lorsque les conditions climatiques ont rendu la reconnaissance des bois impossible. En cas d'enquête publique, le délai de réponse est de six mois (C. for., art. R. 341-7).
– Reconnaissance du terrain. – Le demandeur (et le propriétaire s'il est différent) est informé de l'opération de reconnaissance au moins huit jours à l'avance (C. for., art. R. 341-5). Si la demande est susceptible d'être rejetée (C. for., art. L. 341-5) ou subordonnée à au moins une condition (C. for., art. L. 341-6), le procès-verbal de reconnaissance est notifié au demandeur, disposant d'un délai de quinze jours pour formuler ses observations.
Antériorité de l'autorisation de défrichement sur toute autre demande administrative
L'autorisation de défrichement doit être obtenue avant la délivrance de toute autorisation administrative pour la réalisation de travaux (C. for., art. L. 341-1). Cette obligation est reproduite dans le Code de l'urbanisme (C. urb., art. L. 425-6). Cependant, le dépôt de la demande de permis de construire peut être effectué dès réception de l'accusé de réception constatant que la demande d'autorisation de défrichement est complète (C. urb., art. R. 431-19). Une seule exception à ce principe de priorité est prévue pour les autorisations de travaux de transport de gaz, d'hydrocarbures et de produits chimiques (C. env., art L. 555-1 et s.).
– Autorisation tacite. – Pour les bois des particuliers, l'autorisation est tacite à défaut de réponse dans le délai légal, éventuellement prorogé en cas de reconnaissance du terrain (C. for., art. R. 341-4)
1509568988526. Le demandeur a la possibilité d'obtenir une attestation d'autorisation tacite.
Toutefois, le régime de l'autorisation tacite n'est pas applicable au défrichement soumis à enquête publique
1509545977695, ni au défrichement ayant pour objet l'exploitation d'une carrière autorisée au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (C. for., art. L. 341-3).
– Bois et forêts des personnes publiques. – Une autorisation expresse est requise pour les bois et forêts des collectivités et personnes morales assimilées (C. for., art L. 211-1, I, 2°), relevant ou non du régime forestier (C. for., art. L. 214-13 et R. 214-30). Si le régime forestier est applicable, l'ONF rend un avis sur la demande de défrichement (C. for., art. R. 214-30). L'autorisation de défrichement ne prend effet qu'après distraction des parcelles concernées du régime forestier
1509547290129.
– Rejet de plein droit de la demande. – Si la forêt est située dans un espace boisé classé, la demande de défrichement est rejetée (C. urb., art. L. 113-2), sauf pour l'exploitation de produits minéraux importants pour l'économie nationale ou régionale, et dont les gisements ont fait l'objet d'une reconnaissance avant le 10 juillet 1973
1509549347034. Si le territoire est classé en forêt de protection, tout changement d'affectation ou de mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation ou la protection des boisements est également proscrit (C. for., art. L. 141-2)
1509549825451.
– La Réunion et Mayotte. – Des dispositions très restrictives au droit de défricher sont applicables à La Réunion (C. for., art. L. 374-1 et L. 374-2) et à Mayotte (C. for., art. L. 375-4). L'autorisation est nécessairement expresse (C. for., art. R. 374-3).
– Refus d'autorisation. – Le préfet a la faculté de refuser de délivrer l'autorisation de défrichement lorsque la conservation des bois ou des massifs forestiers qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à l'une ou plusieurs des fonctions suivantes (C. for., art. L. 341-5) :
- le maintien des terres sur les montagnes ou sur les pentes ;
- la défense du sol contre les érosions et envahissements des fleuves, rivières ou torrents 1509550781778 ;
- l'existence des sources, cours d'eau et zones humides, et plus généralement à la qualité des eaux ;
- la protection des dunes et des côtes contre les érosions de la mer et les envahissements de sable ;
- la défense nationale ;
- la salubrité publique ;
- la valorisation des investissements publics consentis pour l'amélioration en quantité ou en qualité de la ressource forestière, lorsque les bois ont bénéficié d'aides publiques à la constitution ou à l'amélioration des peuplements forestiers ;
- l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population 1509551031890 ;
- la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches 1509551211499.
– La compensation forestière. – Toute autorisation de défrichement comporte une ou plusieurs conditions particulières imposées au demandeur (C. for., art. L. 341-6). Il s'agit de la compensation forestière. Des exceptions sont néanmoins prévues dans le cadre d'autorisations de défrichement accordées pour des motifs « de préservation ou de restauration du patrimoine naturel ou paysager » dans les réserves naturelles, parcs nationaux et régionaux, sites Natura 2000, sites classés, réserves biologiques et espaces gérés par les conservatoires d'espaces naturels
1509551704168.
Les conditions particulières imposées dans le cadre d'un défrichement sont les suivantes :
- le boisement ou le reboisement sur d'autres terrains d'une surface correspondant à la surface défrichée, assortie, le cas échéant, d'un coefficient multiplicateur compris entre un et cinq, ou la réalisation d'autres travaux d'amélioration sylvicoles d'un montant équivalent. Le représentant de l'État dans le département peut imposer que le boisement compensatoire soit réalisé dans un même massif forestier ou dans un secteur écologiquement ou socialement comparable 1509552600408 ;
- la remise en état boisé du terrain lorsque le défrichement a pour objet l'exploitation du sous-sol à ciel ouvert ;
- l'exécution de mesures ou de travaux de génie civil ou biologique en vue de réduire les impacts sur les fonctions énumérées à l'article L. 341-5 du Code forestier 1511623617778et exercées soit par les bois et forêts concernés par le défrichement, soit par le massif qu'ils complètent ;
- l'exécution de travaux ou mesures visant à réduire les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches et/ou la conservation sur le terrain de réserves boisées suffisamment importantes pour remplir les rôles utilitaires définis par l'article L. 341-5 du Code forestier.
En zone de montagne, les travaux de boisement, de reboisement ou d'amélioration ne s'appliquent pas au défrichement de boisements spontanés de première génération, sans aucune intervention humaine et âgés de moins de quarante ans
1509551979151.
S'agissant du défrichement pour l'exploitation d'une carrière soumise à la réglementation ICPE, l'autorisation comporte un échéancier des surfaces à défricher sur une durée maximale de trente ans. Le non-respect de l'échéancier a pour effet de suspendre l'autorisation de défrichement (C. for., art. L. 341-3, 2°).
– L'affichage de l'autorisation. – L'autorisation de défrichement est soumise à un affichage sur le terrain visible de l'extérieur, ainsi qu'à la mairie, à la diligence du demandeur (C. for., art. L. 341-4). L'affichage est effectué quinze jours au moins avant le début des opérations de défrichement. Il est maintenu à la mairie pendant deux mois et pendant toute la durée des travaux sur le terrain. En cas d'autorisation tacite, le demandeur affiche le courrier l'informant que le dossier est complet. Le défaut d'affichage est passible d'une contravention de troisième classe (C. for., art. L. 363-1). L'affichage constitue le point de départ du délai de recours des tiers contre la décision
1509553885852.
– La durée de validité de l'autorisation. – La validité d'une autorisation de défrichement est de cinq ans (C. for., art. D. 341-7-1). Ce délai est prorogeable dans une limite globale de trois ans :
- en cas de recours devant la juridiction administrative contre l'autorisation de défrichement ou contre une autorisation nécessaire à la réalisation des travaux en vue desquels le défrichement est envisagé. La prorogation est égale à la durée écoulée entre la saisine de la juridiction et le prononcé d'une décision juridictionnelle définitive au fond ou la date à laquelle aurait expiré l'autorisation de défrichement ;
- sur décision de l'autorité administrative, en cas d'impossibilité matérielle d'exécuter les travaux de défrichement. Dans cette hypothèse, la prorogation correspond à la durée pendant laquelle les travaux ont été impossibles à réaliser.