La promotion des terres incultes ou manifestement sous-exploitées

La promotion des terres incultes ou manifestement sous-exploitées

– Les espaces agricoles délaissés. – Les espaces agricoles abandonnés, parfois qualifiés de non-espaces ou de non-êtres économiques 1492776724704, ont un intérêt écologique important. Ils accueillent une biodiversité singulière. Certains sont à préserver. Ils constituent des réservoirs de biodiversité au sein de systèmes productifs. Leur fermeture progressive, liée notamment à l'envahissement par les buissons, est en mesure d'être ralentie. La durée, la complexité et les coûts des travaux de défrichage et de remise en état de la terre varient selon les caractéristiques physiques et chimiques du terrain. Les friches sont herbacées, arbustives ou arborées, selon le nombre d'années écoulées depuis la dernière utilisation de la terre à des fins agricoles 1492458864765.
– La finalité de la promotion des terres incultes. – L'état d'inculture apparaît rapidement :
  • en deux à trois ans, le terrain prend un aspect d'abandon ;
  • en cinq à dix ans, il est envahi de ronces, d'ajoncs, de saules, d'aubépines, et d'essences forestières telles que les chênes et les frênes.
Devenu impénétrable, il est nécessaire d'abattre les arbres et d'enlever les souches pour que la terre retrouve une valeur économique, ce qui suppose un effort financier conséquent alors que les subventions ont disparu de l'arsenal administratif. Les secteurs de montagne et de piémont sont également en voie de désertification, entraînant des difficultés en matière d'aménagement du territoire et de gestion de l'espace. Les friches peuvent avoir plusieurs origines. Les principales sources identifiées sont les successions dont le règlement est conflictuel, les divisions de la propriété réduisant la surface exploitable moins rentable et la rétention foncière dans l'attente d'un changement de destination du sol.
La promotion des terres incultes a pour objectif de mettre fin au non-usage des terres susceptibles d'être cultivées. Il s'agit de reconquérir l'espace à des fins agricoles. Les jeunes agriculteurs sont conscients des enjeux que représente la récupération des terres manifestement sous-exploitées 1492793567077.
La superficie non cultivée représente environ 2,5 millions d'hectares pour une surface agricole utilisée totale de 29,4 millions d'hectares 1492798001969.
La mise en agriculture de terres sans usage contribue à la redynamisation de l'espace rural 1494692409151. Elle engendre également des bénéfices économiques, environnementaux et sociaux 1493461062493.
À l'inverse, le mitage important de l'espace agricole contribue à l'abandon de terres. Le retour à l'agriculture est possible, même s'il est peu fréquent. Or, cette situation est au moins en partie réversible. Les parcelles non exploitées pendant un certain temps offrent en effet l'avantage d'être peu polluées, permettant parfois d'accueillir une agriculture biologique.
Afin de réduire les terres inexploitées, le législateur a mis en place une procédure spécifique de mise en valeur des terres incultes ou manifestement sous-exploitées. Elle permet d'imposer à un propriétaire la remise en valeur d'un fond par lui-même ou par un exploitant (C. rur. pêche marit., art. L. 125-1).
La première étape est la définition des terres incultes ou manifestement sous-exploitées (§ I). La possibilité de dénoncer l'état d'inculture est offerte aux personnes privées dans leur intérêt personnel (§ II) ainsi qu'aux pouvoirs publics dans l'intérêt général de l'agriculture (§ III).

La définition des terres incultes

– Tentative de définition des terres incultes. – Il n'existe pas de définition précise de la notion de terres incultes.
La loi de 1942 (V. n° ) réputait abandonnées les exploitations dont les terres n'étaient pas cultivées depuis deux ans et dont les bâtiments demeuraient sans exploitants, dépourvus de cheptels indispensables à une mise en culture conforme aux usages de la région. Cette définition avait le mérite d'exister. Aujourd'hui, en l'absence de définition légale et de jurisprudence suffisante 1492789301894, l'état d'inculture est une notion aux contours flous, expliquant en partie le manque de succès de la procédure de promotion des terres incultes ou manifestement sous-exploitées. Elle présente pourtant de réels intérêts : permettre aux agriculteurs en ayant besoin d'avoir accès à la terre, entretenir et valoriser le paysage, limiter certains risques naturels tels que les incendies, les avalanches, les glissements de terrain, etc.

La subjectivité de la notion de terres incultes

Les critères d'appréciation des terres incultes sont locaux. En effet, cette notion est en général appréciée par la commission départementale d'aménagement foncier. Le succès de la promotion des terres incultes dépend de la volonté de la mettre en œuvre au niveau local.
– Les éléments d'appréciation fournis par les textes. – La sous-exploitation manifeste est appréciée par comparaison avec les exploitations agricoles familiales situées à proximité 1494692902163, dès lors qu'aucune raison de force majeure ne peut justifier l'inculture (C. rur. pêche marit., art. L. 125-5).
– La déprise agricole. – Certains auteurs ont qualifié l'abandon ou la régression de l'activité de culture ou d'élevage de déprise agricole 1492459027765. La déprise agricole résulte de l'apparition de friches agricoles et de nombreuses parcelles antérieurement utilisées à des fins agricoles où s'implante graduellement une végétation naturelle incontrôlée. En pratique, il est impossible de travailler sur ces terres avec un matériel conventionnel. Elles deviennent des terres non mécanisables où il est impossible de pénétrer avec un engin agricole à moins de prendre des risques importants. Tous les travaux agricoles doivent être réalisés à la main.

La demande de remise en culture à l'initiative des personnes privées

La procédure de mise en valeur est susceptible d'être demandée par toute personne physique ou morale intéressée (A). La SAFER et les bailleurs sont soumis à un régime particulier (B). La remise en valeur est soumise à certaines contraintes (C).

Les demandes initiées par les personnes privées

– Les auteurs de la demande. – La procédure de mise en valeur des terres incultes ou manifestement sous-exploitées est déclenchée par toute personne physique ou morale désirant exploiter les parcelles concernées (C. rur. pêche marit., art. L. 125-1). Il s'agit des propriétaires, des exploitants, mais également de toute autre personne intéressée. La qualité d'exploitant n'est pas exigée. En cas de pluralité de candidatures, la priorité est accordée à un agriculteur s'installant ou, à défaut, à un exploitant agricole à titre principal (C. rur. pêche marit., art. L. 125-4). La réglementation relative au contrôle des structures s'applique dans le cadre de cette procédure.
– Les conditions de durée d'inculture. – L'autorisation d'exploiter est accordée si les parcelles n'ont pas été cultivées ou l'ont été insuffisamment pendant une durée minimum de trois ans. En zone de montagne, ce délai est réduit à deux ans (C. rur. pêche marit., art. L. 125-1, al. 1). Dans certaines communes et pour certaines cultures pérennes, principalement des vignes et des arbres fruitiers, le délai est abaissé à un an (C. rur. pêche marit., art. L. 125-9) 1494693285343.
Toute parcelle, quelle qu'en soit sa superficie, est susceptible de faire l'objet d'une demande de mise en valeur. L'existence d'une raison de force majeure telle que la maladie, l'accident ou le décès est susceptible de faire échec au déclenchement de la procédure (C. rur. pêche marit., art. L. 125-1, al. 1). Le texte ne vise que la force majeure. Ainsi, la nature constructible d'une parcelle ne fait pas obstacle à la mise en valeur des terres incultes.
– La lourdeur de la procédure. – La procédure débute par une demande d'autorisation d'exploiter effectuée par une personne souhaitant remettre en valeur les parcelles concernées (C. rur. pêche marit., art. L. 125-2 et L. 125-3). Toute demande est adressée au préfet par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le cas échéant, le préfet demande au tribunal de grande instance de nommer un mandataire pour représenter les propriétaires inconnus ou dont l'adresse est ignorée.
Le préfet demande au conseil départemental de saisir la CDAF dans les huit jours. La commission désigne une délégation composée d'au moins deux personnes, chargée de constater in situ l'état des parcelles. Les propriétaires ou leur mandataire sont convoqués quinze jours à l'avance à une visite sur le terrain. Un rapport de la délégation est transmis à la CDAF qui recueille ensuite les observations du demandeur, du propriétaire ou de l'exploitant.
La CDAF rend un avis sur l'état d'inculture des fonds et la possibilité de remise en valeur dans les trois mois à compter de sa saisine par le conseil départemental. L'avis est affiché dans la commune de situation de la parcelle pendant un mois. Corrélativement, le propriétaire et, le cas échéant, le titulaire du droit d'exploitation sont mis en demeure par le préfet de mettre en valeur la parcelle.
À l'expiration d'un délai de deux mois à compter de cette date, deux situations peuvent se présenter :
  • le propriétaire ou l'exploitant renonce ou ne répond pas ;
  • le propriétaire ou l'exploitant s'engage à remettre la parcelle en valeur.
Dans la première hypothèse, le préfet constate l'absence de remise en culture. La décision est notifiée au propriétaire ainsi qu'à l'auteur de la demande de remise en valeur. Le demandeur initial confirme sa demande en adressant un plan de remise en valeur à la commission départementale d'orientation agricole (CDOA) 1492865171031ou à la SAFER en zone de montagne. La CDOA ou la SAFER rend son avis sur le plan présenté. Le préfet attribue le droit d'exploiter soit au demandeur, soit, en cas de pluralité de demandeurs, en priorité à un agriculteur s'installant ou à défaut à un exploitant à titre principal. Cependant, lorsqu'un désaccord survient entre le demandeur désigné et le propriétaire, l'affaire est portée devant le tribunal paritaire des baux ruraux.
Dans la seconde hypothèse, le plan de mise en valeur fait l'objet d'une transmission à la CDOA.

Le régime particulier de la SAFER et des bailleurs

– Le régime particulier applicable à la SAFER. – Dans les zones de montagne, la SAFER territorialement compétente est autorisée à demander à bénéficier de l'autorisation d'exploiter (C. rur. pêche marit., art. L. 125-8). La SAFER n'ayant pas vocation à exercer une activité agricole, elle a l'obligation de transférer le bail à un candidat à la récupération des terres provisoirement abandonnées ou sous-exploitées. Le transfert est opéré dans un délai maximum de deux ans. En l'absence de candidat, l'autorisation d'exploiter est subordonnée à l'engagement d'une collectivité publique de devenir titulaire du bail. Elle dispose du pouvoir de transférer le droit de jouissance reçu de la SAFER ou de sous-louer le fonds destiné à être remis en valeur.
– Le régime applicable au bailleur. – Le statut du fermage autorise par ailleurs la résiliation du bail lorsque les agissements du preneur sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. Il n'existe pas de procédure spécifique. Cependant, dans le cadre de la procédure de réhabilitation des terres incultes ou manifestement sous-exploitées, lorsque le candidat désigné n'a pas cultivé les terres dans le délai d'un an accordé pour leur remise en valeur, le propriétaire a la possibilité de reprendre la libre disposition de la parcelle pour l'exploiter lui-même ou la donner à bail à un tiers. Cette reprise est opérée dans un délai de deux mois à compter de la renonciation du candidat preneur ou de son manquement à l'engagement d'exploiter, sans octroi d'indemnité. Le propriétaire ou le nouvel exploitant dispose d'un délai d'un an à compter de la date de la reprise pour la mise en valeur effective.

Les contraintes liées à la récupération des terres incultes ou manifestement sous-exploitées

Le bénéficiaire de l'autorisation d'exploiter devient titulaire d'un bail.
– Les terres libres. – Le bail est établi dans les conditions relatives au statut de fermage. Le propriétaire est en droit d'exiger la conclusion d'un bail à long terme (C. rur. pêche marit., art. L. 416-1 à L. 416-9 et L. 125-4, al. 1). À défaut d'accord amiable, le tribunal paritaire des baux ruraux fixe les conditions de jouissance et le montant du fermage conformément au schéma directeur régional des exploitations agricoles en vigueur.
– Les terres louées. – Le bail originaire prend fin à la date où l'autorisation préfectorale d'exploiter est donnée au demandeur initial. La décision est notifiée au fermier évincé sans qu'il puisse exiger le versement d'une indemnité, et ce même lorsqu'il s'agit de parcelles dont la destination agricole pouvait être changée en vertu de documents d'urbanisme rendus publics ou approuvés lorsque la résiliation intervient avant la fin de la troisième année du bail (C. rur. pêche marit., art. L. 411-32).
Si une parcelle inculte ou manifestement sous-exploitée fait partie d'une exploitation plus importante 1492869126311, l'autorisation d'exploiter est accordée pour une période au plus égale à la durée du bail restant à courir, sauf volonté contraire des parties.
– L'obligation de mettre les terres en culture. – L'attributaire du droit d'exploiter prend le fonds dans l'état dans lequel il se trouve. Il a l'obligation de mettre les parcelles en valeur, sous peine de résiliation du bail. Le délai imparti pour la mise en valeur est d'un an à compter de la notification de la décision devenue exécutoire.
S'il existe des constructions non entretenues, le propriétaire est déchargé de toute responsabilité à ce titre (C. rur. pêche marit., art. L. 125-4, al. 5).
– Le contrôle de la remise en valeur. – Le préfet contrôle la mise en valeur à l'expiration du délai d'un an. Une délégation est chargée de vérifier in situ la remise en valeur effective. Le propriétaire, le mandataire ou, s'il y a lieu, le titulaire du droit d'exploiter sont convoqués sur le terrain. Le contrôle s'effectue par rapport au plan de remise en valeur prescrit et par comparaison avec les conditions d'exploitation des parcelles de valeur culturale similaire des exploitations agricoles à caractère familial situées à proximité (C. rur. pêche marit., art. R. 125-13). En cas de contestation, l'appréciation factuelle relève du pouvoir souverain des juges du fond 1492869876249.

La remise en culture à l'initiative des pouvoirs publics

– La procédure. – La dénonciation d'inculture par les pouvoirs publics constitue en théorie une barrière à la spéculation foncière. Elle permet en effet de remettre du foncier sur le marché. Néanmoins, la procédure est difficile à mettre en place. Elle débute par le recensement des terres incultes ou manifestement sous-exploitées (C. rur. pêche marit., art. L. 125-5). Un inventaire est ordonné. L'initiative appartient au président du conseil départemental, par autosaisine, ou à la demande du préfet ou de la chambre d'agriculture. L'état définitif des fonds incultes est arrêté par la CCAF, après consultation des propriétaires et des locataires concernés. Il est affiché en mairie. L'ensemble du dossier est ensuite transmis au préfet et au conseil départemental (C. rur. pêche marit., art. R. 125-6).
– La dépossession des propriétaires et des exploitants négligents. – Après délimitation du périmètre, la phase de réinsertion des parcelles dans le circuit productif s'ouvre de manière autoritaire et arbitraire. Dans un premier temps, les propriétaires sont incités à conclure des baux avec les candidats à la remise en valeur des terres mentionnées dans l'inventaire. Dans un second temps, en cas de refus du propriétaire, une procédure de contrainte est mise en place. De manière purement arbitraire, le préfet prend un arrêté constatant le refus et attribue une autorisation d'exploiter à un candidat intéressé, ayant alors l'obligation de mettre en valeur les terres incultes dans le délai d'un an. En l'absence de candidat intéressé, le préfet provoque une vente amiable (C. rur. pêche marit., art. L. 125-7). L'intention du législateur est de privilégier la vente de gré à gré à un particulier ou à la SAFER. Si la procédure amiable n'aboutit pas, le préfet recourt à l'expropriation au profit de l'État ou des collectivités, afin de permettre leur mise à disposition de la SAFER (C. rur. pêche marit., art. L. 142-7).
– La révision de l'état d'inculture des parcelles. – La révision de l'état initial des parcelles a lieu tous les trois ans selon une procédure identique à celle observée pour son établissement. À cette occasion, le propriétaire ou le locataire d'un bien dont la mise en valeur a été assurée a la possibilité de demander son retrait de l'inventaire des fonds incultes. Le préfet est chargé de constater la cessation de l'état d'inculture et, après avis de la CDAF, de prononcer sa radiation des listes (C. rur. pêche marit., art. R. 125-8).

Un système manquant d'efficacité

Les initiatives individuelles sont trop peu nombreuses et insuffisamment structurées.
La procédure est longue, notamment lorsque le propriétaire est réticent. Elle dure parfois plusieurs années. Pour être efficace, le délai d'instruction des dossiers devrait être raccourci. L'extrême lourdeur du procédé ne facilite pas sa mise en œuvre. Au surplus, les frais engendrés pour l'application de la procédure sont à la charge du demandeur, ce qui n'encourage pas non plus le succès de ce dispositif d'intérêt général. Au surplus, le législateur a permis une initiative des pouvoirs publics pas ou peu utilisée en pratique. Ce système est plutôt envisagé comme un chiffon rouge à agiter pour inciter les propriétaires à entretenir leurs biens eux-mêmes ou avec l'aide d'un tiers 1492953357413.