CGV – CGU

Première partie
La protection réciproque et mutuelle des proches

2011 – Une évolution sociale. – On ne reviendra pas sur la fonction sociale de la famille et nous nous bornerons à rappeler qu’elle est le siège de l’affection, de l’éducation, du soutien matériel et financier dans les épreuves de la vie. Le couple est à l’origine de la famille et il en est aussi le socle. En ce premier quart du xxie siècle, tant la cellule familiale que le couple sont en profonde évolution : le nombre de mariages s’amenuise, leur durée diminue, les unions libres se multiplient et les partenariats enregistrés (Pacs) sont un réel succès. Le mariage et la famille légitime ne sont plus les standards5. À l’image de cette évolution sociale, le couple est désormais protéiforme6 et la famille l’est tout autant. Le couple constitue le socle d’une organisation de la vie privée et de structuration de la société, complexe car à entrées diverses7. Notre société se construit et repose sur ces modes de conjugalité. La famille est « le berceau de l’État »8, puisque toute société est composée d’un agrégat de familles9 et que cet ensemble constitue l’État10. Pour assurer la survie de l’espèce, les humains procréent et s’organisent au sein de famille. Sur le plan juridique, le couple s’organise aujourd’hui selon trois modèles lesquels, s’ils sont exclusifs les uns des autres, peuvent pour un même couple se succéder11. Tout d’abord, le plus ancien et le plus protecteur, car depuis longtemps organisé et réglementé par le Droit objectif : le mariage ; puis le dernier-né, le Pacs ; et enfin le concubinage (tout aussi ancien que le mariage mais, situation de fait par nature, qui n’a été que très peu réglementé).

2012 – Les trois formes de conjugalité : une gradation dans les effets et dans la protection. – Si le mariage et le Pacs instaurent des effets à la fois personnels et patrimoniaux, le concubinage ne produit que des effets patrimoniaux, qui d’ailleurs ne lui sont pas propres car relevant du droit commun (responsabilité contractuelle ou délictuelle, indivision, etc.).

L’intensité de l’engagement du mariage a pour corollaire une protection accrue des époux. Cette force du mariage se constate dans sa célébration même avec une puissante solennité : présence de l’officier d’état civil, publication des bans, présence de témoins. Le mariage est une forme de « sacrement public ». Le mariage crée une véritable structure familiale identifiable socialement par le port d’un même nom (l’époux peut prendre le nom d’usage de son conjoint). Le mariage impose le respect d’un devoir de fidélité, de secours, d’assistance et de respect (C. civ., art. 212)12. Il a des effets en matière de filiation (présomption de paternité). Les conséquences de ces obligations du mariage retentissent sur sa dissolution soit par décès (droit viager au logement), soit par divorce (prestation compensatoire).

Les conditions de formation mais aussi de dissolution du pacte civil de solidarité (Pacs) sont d’une exigence moindre. Les obligations qu’il engendre se rapprochent de celles du mariage (C. civ., art. 515-4, al. 1), mais s’en démarquent en ce sens que n’y figurent ni le devoir de fidélité ni le devoir de secours13. Les engagements du Pacs sont moins puissants que ceux du mariage en ce qu’il peut y être mis fin unilatéralement par un des partenaires (C. civ., art. 515-7, al. 5)14. Le concubinage est, quant à lui, une union de fait caractérisée par la seule vie commune stable et continue de deux personnes vivant en couple (C. civ., art. 515-8). Aucun acte ni aucune solennité ne président à la naissance d’un concubinage, seuls les critères de l’habitation commune, de la continuité et de la stabilité le caractérisent15. De cette absence d’acte constitutif résulte une conséquence immédiate : c’est la difficulté de la caractérisation et de la preuve du concubinage16 (de son début à sa fin). Le concubinage n’a que très peu de conséquences juridiques, les obligations qu’il implique sont très maigres17.

La différence entre mariage et Pacs se constate également dans leurs effets patrimoniaux18, même si l’inexécution de ces devoirs extrapatrimoniaux entraîne peu de conséquences et n’est plus sanctionnée avec la sévérité d’antan. Les devoirs personnels des époux sont si affaiblis que force est de constater qu’ils n’ont plus que le sens qu’entendent leur donner les époux ou les membres de chaque couple19. Pour autant leur existence reste le fondement de leur union et leur non-respect ne sera jamais anodin dans la survie de ce lien conjugal. Les devoirs personnels demeurent la règle de vie que le couple s’est donnée.

Le choix d’un statut conjugal par un couple peut résulter de la recherche d’une certaine protection. Cette quête de sécurité est évolutive et fonction de la situation de chacun. Elle peut dépendre de l’âge des membres du couple, de leur situation familiale (présence ou non d’enfants), mais aussi de leur patrimoine. Il est donc nécessaire d’adapter cette protection conjugale aux différentes étapes de la vie du couple, selon ses besoins, sa volonté et ses convictions.

2013 – Le dénominateur commun des couples : la cohabitation. – Pour autant, ces trois modèles conjugaux ont en commun le partage d’un même toit, cette cohabitation qui résulte soit d’un devoir librement contracté (mariage ou Pacs), soit d’une volonté de vivre ensemble se traduisant dans les faits (concubinage). Le logement commun, élément essentiel caractérisant tout couple et siège de la famille, fait l’objet d’une protection particulière. L’absence de toit conduit inévitablement à l’exclusion sociale. Le logement, c’est la protection contre la nature (événements climatiques : le froid, les intempéries, etc.), c’est le siège de l’intimité et de la vie privée (droit supérieur de la personnalité), c’est également une fixation du siège de la famille puisque c’est le domicile de ses membres (au sens juridique). C’est là aussi que se constate un des critères de qualification du couple : la vie commune (surtout pour le concubinage).

Cette attention du législateur est alors graduée en fonction de la nature du lien qui unit le couple. C’est ce que nous verrons dans un premier temps (Titre I).

2014 – Le changement de régime conjugal. – Si jadis le mariage était le lien du couple de référence et très largement majoritaire, l’existence des trois formes de conjugalité et leur succès impliquent une certaine mutabilité entre elles. Ainsi, on commence par vivre en union libre, puis on se pacse pour enfin se marier, et au sein de ces deux derniers types d’union on peut encore changer de régime pacsimonial ou matrimonial. C’est ce que nous verrons dans un second temps, car ces changements impliquent une certaine protection soit des membres du couple, soit plus généralement de leur famille (Titre II).


5) Sur la notion de standard juridique, V. ce mot in Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, ss dir. G. Cornu, PUF, 10e éd. 2014.
6) R. Théry, Trois conceptions de la famille dans notre droit : D. 1953, 9e cahier, chron.
7) J.-D. Azincourt, La protection du survivant du couple dans la famille recomposée : JCP N 10 mai 2013, 1129, no 19.
8) Savoie Rollin, Fenet, t. 9, p. 490.
9) Albisson, Fenet, t. 10, p. 535.
10) Observations du Tribunat, Fenet, t. 10, p. 404.
11) G. Rouzet, Conjugalité et copropriété, in Mél. en l’honneur de G. Champenois, Defrénois-Lextenso, 2012, p. 731.
12) Sur les devoirs réciproques entre époux, cf. F. Terré, C. Goldie-Genicon et D. Fenouillet, La Famille, Dalloz, 9e éd. 2018, nos 160 et s.
13) W. Baby, Les effets patrimoniaux du pacte civil de solidarité : l’invention d’une nouvelle forme de conjugalité, thèse, Toulouse, préf. M. Nicod et postface B. Beignier, Defrénois, 2013, no 29.
14) F. Terré, C. Goldie-Genicon et D. Fenouillet, op. cit. n os 364 et s.
15) Ibid., nos 380 et s.
16) Ibid., no 381.
17) Ibid., nos 382 et s.
18) Sur ce sujet lire W. Baby, Les effets patrimoniaux du pacte civil de solidarité l’invention d’une nouvelle forme de conjugalité, préc.
19) J. Garrigue, Droit de la famille, Dalloz, 2e éd. 2018, no 224, p. 124.
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