30411 L’enthousiasme des Français pour l’assurance-vie est réel, notamment parce qu’elle leur permet de réaliser leur souhait d’épargne et de prévoyance, mais aussi parce qu’elle bénéficie d’un régime fiscal de faveur.
30412 Pourtant, le régime de l’assurance-vie reste incertain en droit patrimonial de la famille, notamment parce que la loi du 13 juillet 1930 est muette sur la combinaison entre assurance-vie et régimes matrimoniaux et des successions. Cela n’est pas sans poser des difficultés lorsque, dans sa pratique, le notaire est confronté à une liquidation de régime matrimonial ou de succession conflictuelle.
30413 – Définition. – L’assurance-vie est une variété d’assurances de personne. C’est le contrat par lequel, en contrepartie du versement de primes ou de cotisations, l’assureur s’engage à couvrir le risque de décès ou de survie de l’assuré en versant une rente ou un capital à la personne désignée en qualité de bénéficiaire. L’assurance-vie est donc un contrat de couverture de risque liée à la durée de vie de l’assuré.
Le contrat peut être :
une assurance en cas de vie. Dans ce cas, la compagnie d’assurance s’engage à verser un capital ou une rente à une date déterminée si l’assuré est encore en vie à ce moment-là. La souscription de ce type de contrat est essentiellement justifiée par l’idée de constituer un complément de retraite ;
une assurance en cas de décès. La compagnie d’assurance s’engage à verser un capital ou une rente à une date déterminée en cas de décès de l’assuré à un bénéficiaire désigné.
30414 Aujourd’hui la majorité des contrats proposent de couvrir les deux risques, soit sous la forme d’une assurance-vie avec contre assurance décès, soit sous la forme d’une assurance-vie mixte. Dans les deux cas, il s’agit d’un contrat d’assurance qui combine une assurance en cas de vie et une assurance décès. L’assureur s’engage à verser le capital garanti soit à la date convenue au souscripteur s’il est encore en vie, soit au bénéficiaire si l’assuré décède avant la date prévue. L’assurance alternative s’est développée de façon très considérable à partir des années 1990, parce qu’elle permet au souscripteur à la fois de réaliser une opération d’épargne et de protéger ses proches contre les conséquences financières de son décès.
30415
I/ Le contrat d’assurance sur la vie est un contrat aléatoire et la désignation du bénéficiaire est une stipulation pour autrui. Ces deux caractéristiques particulières conduisent à ne pas appliquer aux contrats d’assurance-vie un ensemble de règles juridiques particulières.
1) La valeur de l’assurance-vie est en principe insaisissable par les créanciers du souscripteur, à la différence de celle d’un contrat d’épargne.
Le législateur a toutefois porté une atteinte supplémentaire importante à ce principe aux termes de la loi no 2013-1117 du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (art. 41). Celle-ci permet de donner une base légale aux procédures simplifiées de saisie réalisées par le comptable public sur les valeurs de contrats d’assurance-vie. La loi de finances rectificative pour 2016 a élargi au règlement des contributions indirectes le domaine de la saisie des contrats d’assurance-vie rachetables.
Par un arrêt du 2 juillet 2020 (Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, no 19-11.417), la Cour de cassation précise également que « le créancier bénéficiaire d’un nantissement de contrat d’assurance-vie rachetable, qui peut provoquer le rachat, dispose d’un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés ». Cette décision renforce l’utilité d’un nantissement de l’assurance-vie.
2) La valeur du contrat, au décès de l’assuré, est hors succession, c’est-à-dire qu’elle n’est pas à prendre en compte dans les opérations de liquidation de la succession de l’assuré.
Cette règle résulte de deux articles du Code des assurances : « Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l’assuré » (C. assur., art. L. 132-12) ; « Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés » (C. assur., art. L. 132-13).
Il faut cependant préciser que ce principe selon lequel la valeur acquise est hors succession ne s’applique qu’autant qu’il y a un bénéficiaire déterminé ou déterminable au jour du décès de l’assuré. Ainsi, en l’absence de désignation bénéficiaire, la garantie tombe dans le patrimoine du contractant ou dans la succession s’il est l’assuré (C. assur., art. L. 132-11). Il en résulte dans ce dernier cas que celle-ci sera traitée, juridiquement et fiscalement, comme un bien successoral ordinaire
3) La désignation du bénéficiaire, lorsqu’elle est à titre gratuit, peut être causée par une intention libérale. Mais cette preuve ne suffit pas à caractériser l’existence d’une donation. La présence d’une clause bénéficiaire interdit de considérer que le capital constitue l’objet d’une libéralité, sauf absence d’aléa. Quant aux primes, celles-ci servant à financer la couverture du risque, elles n’ont pas à être prises en compte dans les opérations de liquidation de la succession de l’assuré, sauf en cas de primes manifestement exagérées.
4) La valeur de rachat peut constituer l’objet de la donation, en particulier en cas de renonciation expresse (du souscripteur) à l’exercice de son droit de rachat garanti par le contrat. Ces règles sont cependant de plus en plus souvent remises en cause par une partie de la doctrine, qui s’est en particulier exprimée à l’occasion d’un groupe de travail sur la réserve héréditaire dont le rapport, rédigé sous la direction du professeur Cécile Pérès et de Me Philippe Potentier, a été remis au ministre de la Justice le 13 décembre 2019. Ce rapport, par sa proposition no 23, entend « soumettre, pour les seuls aspects civils, l’assurance-vie au droit commun des successions et des libéralités ».
5) La garantie acquise, au décès de l’assuré, par le conjoint survivant du souscripteur commun en biens est un capital propre sans récompense au profit de la communauté.
II/ Le droit fiscal tire aujourd’hui les conséquences résultant de la stipulation pour autrui.
Jusqu’en 1959, le capital versé au bénéficiaire était fiscalement réputé faire partie de la succession de l’assuré. La loi du 28 décembre 1959 soustrait la garantie décès aux droits de mutation à titre gratuit.
Tel est encore aujourd’hui le principe. La garantie acquise n’est pas soumise aux droits de mutation, mais à une taxe spécifique oscillant de 20 % à 31,25 % après abattement de 152 500 € par bénéficiaire (CGI, art. 990 I).
Les droits de mutation à titre gratuit ne s’appliquent qu’exceptionnellement : seules les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l’assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l’assuré, à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 € (CGI, art. 757 B).
La loi no 2013-1279 de finances rectificative pour 2013 a précisé les modalités d’application de l’article 990 I du Code général des impôts : le texte prévoit un prélèvement forfaitaire sur les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues à un bénéficiaire par un ou plusieurs organismes d’assurance et assimilés à raison du décès de l’assuré lorsque ces sommes, rentes ou valeurs n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 757 B dudit code.
Pour les contrats d’assurance-vie dénoués par décès de l’assuré avant le 1er juillet 2014, chaque bénéficiaire est redevable d’une taxe de 20 % (jusqu’à 902 838 €) ou 25 % (au-delà de 902 838 €) pour la fraction de la garantie correspondant à ses droits, après un abattement de 152 500 €.
Pour les contrats dénoués après le 1er juillet 2014, la loi a durci l’imposition prévue : le prélèvement sui generis est applicable aux sommes, rentes ou valeurs versées par un organisme d’assurance à raison du décès de l’assuré, n’entrant pas dans le champ d’application des droits de mutation à titre gratuit, prévu à l’article 990 I du Code général des impôts, à un taux qui est porté de 25 % à 31,25 % pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire excédant 700 000 €.
L’application de l’article 990 I aux clauses bénéficiaires démembrées a soulevé de nombreuses difficultés.
Dans un premier temps, l’administration fiscale avait précisé, dans une réponse ministérielle Perruchot du 9 août 2005, que l’usufruitier était, par l’application des règles du quasi-usufruit, le seul redevable de la taxe dès lors qu’il est le « bénéficiaire exclusif » des sommes versées.
À la suite de la réforme opérée par la loi no 2007-1223 du 21 août 2007, le bénéficiaire n’était plus assujetti au prélèvement forfaitaire prévu par l’article 990 I du Code général des impôts lorsqu’il était exonéré des droits de mutation à titre gratuit en application des dispositions des articles 795, 796-0 bis et 796-0 ter du même code. Malgré ce changement législatif, l’administration n’a pas modifié sa position et, par une réponse ministérielle Dassault du 7 mai 2009, a permis de créer une véritable niche fiscale ; l’administration admettant que lorsque le conjoint ou le partenaire pacsé était désigné comme bénéficiaire en quasi-usufruit, la garantie soit attribuée sans aucun prélèvement à la source.
La deuxième loi de finances rectificative pour 2011 a mis fin à cette tolérance. En effet, selon l’alinéa 2 de l’article 990 I du Code général des impôts : « En cas de démembrement de la clause bénéficiaire, le nu-propriétaire et l’usufruitier sont considérés, pour l’application du présent article, comme bénéficiaires au prorata de la part leur revenant dans les sommes, rentes ou valeurs versées par l’organisme d’assurance, déterminée selon le barème prévu à l’article 669. L’abattement prévu au premier alinéa du présent article est réparti entre les personnes concernées dans les mêmes proportions ». Usufruitier et nu-propriétaire sont chacun redevables de la taxe de l’article 990 I du Code général des impôts au prorata de la part leur revenant dans les sommes, rentes ou valeurs versées par l’organisme d’assurance, déterminée selon le barème prévu à l’article 669 du même code. La loi du 29 juillet 2011 précise que l’abattement prévu par le premier alinéa de l’article 990 I du Code général des impôts se répartit entre « les personnes concernées ». Ainsi, en présence d’une pluralité de nus-propriétaires, chaque nu-propriétaire partage un abattement avec l’usufruitier en fonction des droits revenant à chacun en application du barème prévu à l’article 669 dudit code. Dans cette situation, l’usufruitier ne peut toutefois bénéficier au total que d’un abattement maximum de 152 500 € sur l’ensemble des capitaux décès reçus à raison de contrats d’assurance-vie du chef du décès d’un même assuré.
M. X a souscrit un contrat d’assurance-vie à l’âge de soixante-neuf ans. Il désigne comme bénéficiaire son épouse et ses trois enfants. À son décès, le contrat est dénoué alors que son épouse est âgée de soixante-dix-sept ans et que la valeur du contrat est de 900 000,00 €.
Compte tenu de l’âge de l’épouse, bénéficiaire, la valeur de l’usufruit est fixée à 30 % du capital, soit 270 000,00 €. La valeur de la nue-propriété des enfants est donc de 70 % du capital, soit 630 000,00 € ou chacun 210 000,00 €.
L’abattement de 152 500,00 € est réparti entre les bénéficiaires dans les mêmes proportions :
152 500,00 × 30 % pour madame, soit 45 750,00 €. Elle reçoit l’intégralité du capital décès en exonération de droit (sauf prélèvements sociaux) ;
152 500,00 × 70 % pour chaque enfant soit 106 750,00 €. Même si les enfants ne perçoivent pas immédiatement leur part sur le capital décès démembré, chacun d’entre eux sera redevable d’un prélèvement de (210 000,00 – 106 750,00) × 20 % = 20 650,00 € correspondant à la valeur de la nue-propriété. C’est l’assureur qui acquitte directement auprès de l’administration fiscale les impositions dues sur le montant du capital décès versé au conjoint survivant usufruitier.
Quant à l’article 757 B du Code général des impôts, il s’applique aux contrats souscrits à compter du 20 novembre 1991. Ainsi les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l’assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l’assuré à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 €. Lorsque plusieurs contrats sont conclus sur la tête d’un même assuré, il est tenu compte de l’ensemble des primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l’assuré pour l’appréciation de la limite de 30 500 €. En cas de pluralité de bénéficiaires, le bénéfice de l’abattement est ventilé au prorata de leurs droits à la garantie. Lorsque l’un des bénéficiaires est une personne exonérée de droits de succession, pour l’administration fiscale, l’abattement se répartit uniquement entre les personnes non exonérées.
M. X a souscrit trois contrats d’assurance-vie à l’âge de soixante-treize ans, le premier de 100 000,00 € avec comme bénéficiaires ses deux enfants, le deuxième de 40 000,00 € avec comme bénéficiaires ses quatre petits-enfants, et le troisième de 20 000,00 € au profit de ses deux arrière-petits-enfants.
Le total des primes versées après soixante-dix ans est donc de 160 000,00 €
L’abattement de 30 500 € s’applique :
à hauteur de 30 500 × 100 000 / 160 000 = 19 062,00 € pour le contrat souscrit au profit des enfants. Chacun d’eux reçoit un tiers du contrat et peut donc être fiscalisé à hauteur de 26 979,33 € sous déduction de l’abattement fiscal restant à utiliser ;
à hauteur de 30 500 × 40 000 / 160 000 = 7 625,00 € pour le contrat souscrit au profit des petits-enfants. Chacun d’eux reçoit un quart du contrat et peut donc être fiscalisé à hauteur de 8 093,75 € sous déduction de l’abattement restant à utiliser ;
à hauteur de 30 500 × 20 000 / 160 000 = 3 813,00 € pour le contrat souscrit au profit des arrière-petits-enfants. Chacun d’eux reçoit la moitié du contrat et peut donc être fiscalisé à hauteur de 8 093,75 € sous déduction de l’abattement restant à utiliser
III/ L’acceptation du bénéfice de l’assurance
Jusqu’à la loi du 17 décembre 2007, l’acceptation par le bénéficiaire du contrat peut intervenir à tout moment sans formalité particulière. La loi du 17 décembre 2007 a modifié les modalités de l’acceptation pour les contrats en cours n’ayant pas donné lieu à acceptation antérieurement à son entrée en vigueur.
Avant la loi du 17 décembre 2007 : une fois le contrat accepté, le souscripteur ne peut plus révoquer le bénéficiaire, sauf accord de celui-ci. La Cour de cassation (Cass. ch. mixte, 22 févr. 2008, no 06-11.934) précise que le bénéficiaire acceptant ne peut s’opposer aux éventuelles demandes de rachat par le souscripteur, sauf à ce qu’une clause du contrat prévoie le contraire.
Depuis la loi du 17 décembre 2007, et conformément à l’article L. 132-9 du Code des assurances, l’acceptation est faite par un avenant signé de la compagnie d’assurance, du souscripteur et du bénéficiaire ou par acte authentique ou sous seing privé signé entre souscripteur et bénéficiaire et notifié à la compagnie d’assurance. L’acceptation devient alors irrévocable sauf accord du bénéficiaire acceptant de modifier la clause bénéficiaire. Le souscripteur, sauf accord du bénéficiaire acceptant, ne peut plus opérer de rachat.
30416 L’assurance-vie a fait l’objet de nombreux contentieux, d’abord quant à la requalification des contrats. Désormais, seule la preuve de l’absence d’incertitude sur la durée de la vie de l’assuré au moment de la souscription permet d’annuler le contrat ou de demander sa requalification. D’autres difficultés sont nées sur l’exagération manifeste des primes346.
30417 – La rédaction de la clause bénéficiaire, outil d’ingénierie. – Nous nous concentrerons sur le contentieux lié à une mauvaise rédaction des clauses bénéficiaires qui ne produiront un effet utile qu’à la condition que le souscripteur ait pu clairement exprimer sa volonté. Il est en effet nécessaire d’analyser les objectifs poursuivis, tant civils que fiscaux, pour rédiger une clause suffisamment claire afin d’éviter toutes difficultés ultérieures d’interprétation, voire qu’une mauvaise rédaction de la clause conduise à une déshérence du contrat347.
30418 Certes dans de nombreuses situations, la clause type habituellement insérée par les compagnies d’assurance dans leur contrat peut suffire à satisfaire la volonté du souscripteur en désignant son conjoint et ses héritiers. Dans ce cas, une désignation par qualité peut être retenue. Une désignation nominative est à conseiller quand l’objectif du souscripteur est d’attribuer tout ou partie du capital à un tiers ou à tel membre de sa famille.
30419 La réflexion à apporter à la rédaction de la clause bénéficiaire est plus complexe quand elle s’inscrit dans une stratégie patrimoniale de transmission.
30420 Le notaire a bien évidemment un rôle de conseil à jouer auprès de ses clients dans la rédaction de la clause bénéficiaire de leurs contrats d’assurance-vie. Pour leur apporter le meilleur appui dans la construction d’une stratégie de transmission patrimoniale optimisée, il n’est sans doute pas inutile de rappeler les principes essentiels à appliquer pour une rédaction adaptée des clauses (Section I), avant d’étudier un certain nombre de clauses particulières (Section II).
30421 – Des clauses sur-mesure. – Il est, une fois encore, important d’insister sur la nécessité de rédiger une clause claire qui permettra au souscripteur de voir ses volontés facilement appliquées. En effet, si une difficulté survient dans l’interprétation de la clause bénéficiaire, il faudra s’en remettre au juge à qui il appartient de rechercher la volonté du stipulant et d’apprécier si la qualité énoncée permet de considérer que le bénéficiaire est ou non déterminé348. Pour limiter le risque de discussion au décès de l’assuré quant à l’interprétation de la clause, sa rédaction doit être la plus claire possible pour éviter d’avoir recours à une analyse de la volonté du contractant reposant sur des éléments extrinsèques (lettres, testament, témoignages, etc.).
30422 Le plus souvent, le souscripteur désigne un ou des bénéficiaires déterminés, en utilisant une clause type « Bénéficiaire en cas de décès : le conjoint de l’assuré, à défaut les enfants de l’assuré par parts égales, à défaut les héritiers de l’assuré ».
30423 À tout le moins, pour que la désignation du bénéficiaire soit valable, faut-il que le bénéficiaire soit déterminé ou déterminable349. À défaut, il s’agira d’une assurance sans désignation de bénéficiaire350 et le capital assuré reviendra dans l’actif de la succession pour s’y voir appliquer les règles civiles et fiscales du droit des successions. Il est donc essentiel de pouvoir identifier sans difficulté le bénéficiaire du contrat (Sous-section I) pour lui permettre de faire valoir ses droits au dénouement du contrat (Sous-section II).
30424 L’article L. 132-8 du Code des assurances précise que le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l’assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés.
Est considéré comme bénéficiaire déterminé celui dont la désignation est nominative.
30425 Le bénéficiaire peut aussi être déterminable : tel est le cas lorsque, non désigné nominativement, il est suffisamment défini dans la clause bénéficiaire par ses qualités (familiales, professionnelles…) pour pouvoir être déterminé avec certitude à l’ouverture du contrat.
L’article L. 132-8 du Code des assurances précise utilement qu’« est notamment considérée comme remplissant cette condition la désignation comme bénéficiaires des personnes suivantes :
les enfants nés ou à naître du contractant, de l’assuré ou de toute autre personne désignée ;
les héritiers ou ayants-droit de l’assuré ou d’un bénéficiaire prédécédé.
L’assurance faite au profit du conjoint profite à la personne qui a cette qualité au moment de l’exigibilité ».
30426 La plupart des clauses bénéficiaires familiales permettent l’identification des attributaires de la garantie en exigeant d’eux qu’ils établissent une certaine qualité. Il en va particulièrement ainsi de la clause usuelle qui hiérarchise la famille de l’assuré à partir du conjoint.
30427 L’article L. 132-8 du Code des assurances, susvisé, identifie trois qualités parmi les plus courantes (conjoint, enfants de l’assuré et héritiers), sans naturellement que cetteliste soit exhaustive. Le même article précise, en outre, que les héritiers ainsi désignés ont droit au bénéfice de l’assurance en proportion de leurs parts héréditaires. Ils conservent ce droit en cas de renonciation à la succession.
30428 En revanche, ce texte est muet sur les précautions à prendre lors du choix de ce type de stipulation, alors que celles-ci sont essentielles pour une parfaite rédaction de la clause bénéficiaire.
30429 – La détermination des enfants. – On détermine les bénéficiaires à l’époque de l’exigibilité des prestations, c’est-à-dire au jour du dénouement du contrat. Sont donc dans ce cas bénéficiaires les enfants vivants ou conçus à cette date351. Il s’agit des enfants qui bénéficient d’un lien de filiation juridiquement établi, sauf clause contraire.
30430 – La répartition entre les enfants. – Il s’agit d’une répartition par parts égales si la clause bénéficiaire est stipulée au profit des héritiers.
Quid en cas de prédécès de l’un des enfants du souscripteur assuré ? La part du capital qui aurait dû échoir à l’enfant prédécédé ne revient à ses propres descendants que si le souscripteur a pris la précaution d’insérer dans sa clause bénéficiaire une mention de représentation « Mes enfants nés ou à naître, à défaut de l’un, ses représentants ». À défaut, le capital est réparti entre les bénéficiaires de premier rang352. Si la clause désigne « Mes enfants, à défaut mes héritiers », il est admis que si les enfants de premier rang renoncent, ils peuvent percevoir le capital en tant que bénéficiaires de second rang, avec les descendants du prédécédé.
30431 En cas de désignation du conjoint, le bénéficiaire est celui qui a cette qualité lors du dénouement du contrat.
Si à son décès le souscripteur est divorcé ou veuf, le capital tombera alors, faute de bénéficiaire, dans sa succession civile et fiscale.
30432 Sans autres précisions, cette qualité de conjoint, simple en apparence, est susceptible d’engendrer au décès de l’assuré des difficultés d’interprétation parfaitement évitables. Il convient là encore d’être le plus précis possible pour ne pas devoir interpréter la volonté du souscripteur.
30433 Ainsi, si la clause bénéficiaire visant le conjoint ne contient aucune précision, en cas de décès de l’assuré en cours de procédure de divorce, la garantie décès doit être attribuée au conjoint survivant alors que très vraisemblablement cette conséquence ne correspond pas à la volonté du souscripteur. Il est alors préférable d’insérer une formule attribuant, dans cette hypothèse, la garantie décès à une autre personne que son conjoint. La clause suivante pourrait être insérée au contrat : « Je désigne comme bénéficiaire en cas de décès mon conjoint, non divorcé, non séparé de corps, non engagé dans une procédure de divorce ou de séparation de corps, au jour de mon décès. La présente désignation bénéficiaire sera donc caduque en cas d’instance en divorce ».
30434 L’intérêt de désigner son partenaire bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie est qu’il échappera ainsi aux règles civiles du droit des successions, puisque le capital versé ne sera, notamment, pas soumis à la réduction.
30435 Par analogie avec le conjoint, on peut appliquer au partenaire l’article L. 132-8 du Code des assurances : est bénéficiaire du contrat d’assurance-vie celui qui a la qualité de partenaire au décès du souscripteur.
Les mêmes précautions que celles préconisées au profit du conjoint seront à mettre en œuvre avec le partenaire pour éviter toute difficulté d’interprétation de la clause et donc de la volonté du souscripteur.
30436 Reste en suspens la validité de la clause qui prévoit une révocation de la qualité de bénéficiaire en cas de rupture du Pacs : en effet, le Pacs pouvant être unilatéralement rompu, la clause pourrait être qualifiée de purement potestative.
30437 Désigner son concubin bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie a un but essentiellement fiscal et permet d’éviter la très lourde taxation entre étrangers. Cela a également pour intérêt d’éviter de voir appliquées, au capital versé, les règles successorales de la réduction.
30438 La jurisprudence constante précise que la personne prétendant être concubin et donc bénéficiaire du capital du contrat doit prouver qu’elle remplit les conditions légales du concubinage énoncées à l’article 515-8 du Code civil (vie commune, stable et continue). Si la rupture du concubinage est constatée avant le décès du souscripteur du contrat, la clause bénéficiaire est donc annulée.
30439 Il est d’ailleurs préférable d’éviter de désigner un concubin par cette qualité en tant que bénéficiaire de la garantie décès, cette référence, bien qu’aisée à établir, pouvant ne pas suffire. Ainsi la Cour de cassation353, dans une affaire où une personne affirme être en couple avec l’adhérente d’un contrat d’assurance-vie dont la clause bénéficiaire désignait le concubin comme attributaire de la garantie décès, rejette la possibilité pour elle de bénéficier du capital, et ce malgré la production par le demandeur de différentes attestations telles que des factures d’électricité, la mention des deux noms sur le bail (signé treize ans avant le décès) et des avis d’échéances postérieurs. La cour retient que « la preuve de la vie commune à cette date n’est rapportée ni par les factures d’électricité ni par la mention des noms de M. X… et Mme Z… sur le bail locatif, celui-ci datant de 1996 et les avis d’échéances postérieurs ne faisant que reproduire son intitulé ». Ces attestations, en raison de leur imprécision, « ne permettent pas de déterminer si M. X… vivait avec elle au moment du sinistre ».
30440 Dans le cas de désignation du concubin à propos de laquelle un litige est né, les tribunaux vont approfondir la recherche de volonté du souscripteur : ainsi le concubin d’une veuve qui a coché dans l’imprimé de souscription de son contrat la case « mon conjoint » est déclaré bénéficiaire du contrat par la cour de Rennes, car l’intention du défunt était bien de désigner son concubin comme bénéficiaire354.
30441 L’article L. 132-8 du Code des assurances indique que la désignation des héritiers est faite au profit de bénéficiaires déterminés. Il faut donc, comme l’indique une réponse ministérielle de 2009355, rechercher les héritiers légaux :
« Il n’y a pas lieu d’interpréter la notion d’héritier de manière différente selon qu’il s’applique en droit des successions ou en droit des assurances, notamment pour l’application de l’article L. 132-8 du Code des assurances relatif au contrat d’assurance-vie. Cet article permet en effet à un héritier de bénéficier du capital décès soit lorsqu’il est nommément désigné comme bénéficiaire, soit lorsque le contrat comporte une clause mentionnant comme bénéficiaire « les héritiers ou ayants-droit de l’assuré ou d’un bénéficiaire prédécédé ». Dans cette dernière hypothèse, l’adjonction du terme « ayant-droit » permet d’englober non seulement les héritiers légaux mais aussi tous les successibles donc le légataire universel. En présence d’une telle clause, ces derniers ont donc vocation à bénéficier du capital décès sans que l’on puisse y voir une contradiction avec la notion d’héritier au sens du Code civil. Lorsque les clauses bénéficiaires font uniquement référence « aux héritiers », les tribunaux privilégient une approche concrète afin de dégager l’intention du souscripteur. Ainsi, la Cour de cassation a pu estimer dans un arrêt du 4 avril 1978 qu’en cas d’absence d’héritiers réservataires, l’intégralité du montant du contrat d’assurance-vie revient au légataire universel en tant que seul héritier. Il n’est pas souhaitable de remettre en cause cette approche, qui seule permet de mieux prendre en compte la diversité des situations. En revanche il convient de rappeler que l’article L. 132-9-1 du Code des assurances prévoit que le contrat comporte une information sur les conséquences de la désignation du ou des bénéficiaires et sur les modalités de cette désignation. Il appartient en conséquence à l’assureur de veiller à la parfaite adéquation entre les mentions figurant dans la clause bénéficiaire et les objectifs poursuivis par le souscripteur lors de la conclusion du contrat afin d’éviter toute difficulté ultérieure d’interprétation ».
Le capital est alors appréhendé par les héritiers du sang et dans les mêmes proportions que la succession. Il faut donc appliquer les règles de la représentation : c’est la vocation héréditaire de chacun qui permet de déterminer les bénéficiaires du contrat. Comme indiqué supra, la solution serait différente si le souscripteur avait désigné « mes enfants » sans autre précision.
30442 En l’absence de précisions, tous les héritiers en rang utile seront bénéficiaires, au prorata de leurs droits dans la succession. Est-ce le souhait de l’assuré ? Il faudrait systématiquement s’en enquérir pour éviter au dénouement du contrat toute difficulté d’interprétation de la clause.
30443 Ainsi par exemple, il serait utile d’interroger le souscripteur sur ses intentions quand il est marié et a des enfants issus de son union. En effet dans cette situation, la simple référence à la qualité d’héritiers ne suffit pas à préciser la répartition du capital entre les bénéficiaires, en raison de l’option dont bénéficie le conjoint en application de l’article 757 du Code civil. De même, si le défunt a consenti une libéralité universelle à son conjoint, l’option de ce dernier356 concerne tant ses droits successoraux que le capital de l’assurance-vie. On imagine bien que si le défunt souscripteur a aussi des enfants d’une première union, de grandes difficultés peuvent naître d’une non-préparation attentive de la rédaction de la clause bénéficiaire.
Il est possible dans cette situation de faire préciser au souscripteur sa volonté de gratifier le conjoint ou non, et dans l’affirmative d’encadrer l’exercice de son option afin, par exemple, de prévoir un délai d’option, ou d’encadrer les modalités pratiques d’un démembrement consécutif à une option en usufruit dans la succession.
30444 – Quid du conjoint survivant attributaire de l’intégralité de la communauté en vertu d’un régime de communauté universelle ? – Là aussi, il conviendrait que le souscripteur soit précis dans la rédaction de sa clause bénéficiaire. En effet, même en présence d’une communauté universelle avec clause d’attribution intégrale, les héritiers désignés sans plus de précision dans la clause bénéficiaire du contrat souscrit par le défunt s’entendent du conjoint et des enfants. Mais le défunt souscripteur entendait-il gratifier uniquement son conjoint commun en biens ou également ses enfants ?
30445 – Quid de la renonciation des héritiers à la succession ab intestat ? – L’article 805, alinéa 1 du Code civil prévoit que les héritiers qui renoncent à la succession sont censés n’avoir jamais été héritiers. L’article L. 132-8 du Code des assurances écarte cette solution et précise que les héritiers conservent le droit au bénéfice de l’assurance-vie même s’ils renoncent à la succession.
Les deux options sont donc indépendantes : on peut renoncer à la succession et percevoir le capital de l’assurance-vie ; on peut accepter la succession et renoncer à ce capital.
Une fois encore, un conseil avisé prescrit au souscripteur permettra d’éviter toute tension lors du dénouement du contrat : il peut préciser dans la clause « mes héritiers, acceptant ma succession ».
30446 – Un légataire universel est institué par le défunt par testament. – La clause bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie désigne « mes héritiers ». Les héritiers légaux écartés de la succession peuvent-ils prétendre au bénéfice de l’assurance-vie ?
La Cour de cassation357 estime que le terme « héritiers » comprend tous les successeurs ; les héritiers légaux du fait du testament ont perdu cette qualité, et le capital assuré doit revenir au légataire universel (qui par ailleurs est considéré depuis la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 comme un héritier).
30447 Une rédaction précise de la clause évitera une fois encore toute difficulté : si le souscripteur souhaite que ses héritiers légaux soient bénéficiaires du contrat, une mention expresse sera utile.
30448 Le souscripteur d’un contrat a indiqué comme clause bénéficiaire « les héritiers du souscripteur ». À son décès, viennent à la succession ses enfants et un légataire universel désigné par testament. À qui revient le capital de l’assurance-vie ?
30449 La succession revient au légataire universel dans la limite de la quotité disponible. Quid de l’assurance-vie ? Il faut s’en remettre à la volonté du souscripteur qui, sauf indication différente, est supposé avoir voulu répartir le capital de la même façon que sa succession.
30450 À la différence du légataire universel358 ou de l’héritier, le légataire à titre universel n’a pas vocation à recevoir la totalité de la succession : il peut donc percevoir le bénéfice de l’assurance-vie seulement dans le cas où le souscripteur l’a expressément désigné comme bénéficiaire du contrat.
30451 L’intention du souscripteur est cependant à sonder quand aucun héritier direct ne vient à la succession : par son testament désignant des légataires à titre particulier exhérédant les héritiers légaux, le testateur n’a-t-il pas entendu également que le capital de son assurance-vie revienne à ces derniers ?
30452 L’article L. 132-8 du Code des assurances prévoit cette désignation d’une façon très large : le capital de l’assurance-vie revient donc aux héritiers et à tous les légataires de la même façon que la succession.
30453 Désigner nominativement le bénéficiaire semble le moyen le plus simple de rédiger sans ambiguïté la clause bénéficiaire, notamment si le souscripteur souhaite gratifier une personne en raison de ses qualités et non en vertu de la place qu’elle occupe dans la famille.
30454 Comme précisé supra, il faut cependant rester très prudent sur la rédaction d’une clause nominative quand la cause de la désignation est la place de l’individu dans la famille de l’assuré : Je désigne « Madame X, mon conjoint ». Lors de mon décès je suis séparé, Madame X reste gratifiée.
30455 – Désignation de plusieurs bénéficiaires, représentation et renonciation. – Lorsque le souscripteur souhaite que la garantie décès soit partagée entre plusieurs personnes, il peut soit attribuer à chaque bénéficiaire une quotité déterminée par pourcentage, soit une valeur précise à un ou plusieurs bénéficiaires et le reste aux autres, soit encore user de la formule par parts égales. Cette précision est fréquente pour les enfants. Il en résulte qu’en présence de plusieurs enfants, chacun d’entre eux recevra une quote-part égale de la garantie décès.
30456 Cette référence à l’égalité des parts souhaitée par le souscripteur (mes héritiers par parts égales) peut poser difficulté quand, à son décès, l’un des bénéficiaires désignés est prédécédé ou renonce.
Dans ce cas, les seuls héritiers vivants et acceptants sont-ils bénéficiaires par parts égales du capital en considération de la volonté du souscripteur d’attribuer en priorité la garantie à ceux qui peuvent revendiquer cette qualité, quel que soit leur nombre exact ?
Ou bien la volonté du souscripteur est-elle de permettre aux héritiers subséquents de toucher une partie du capital de l’assurance-vie ?
30457 La grande majorité des clauses bénéficiaires sont des clauses familiales. Une grande partie d’entre elles organisent un ordre de désignation avec des bénéficiaires subséquents. Ainsi, la clause la plus utilisée est sans doute celle qui hiérarchise la famille de l’assuré à partir du conjoint : « les bénéficiaires en cas de décès désignés au contrat sont : le conjoint ou partenaire de Pacs de l’assuré(e) ; à défaut le ou les enfants de l’assuré(e), nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales entre eux ; à défaut, les héritiers de l’assuré(e) ».
La clause doit contenir suffisamment d’éléments permettant d’attribuer la garantie décès, conformément aux souhaits du souscripteur, en cas d’absence de l’ensemble ou de l’un des bénéficiaires de premier rang, au jour de l’exigibilité de la garantie.
30458 La rédaction de la clause de représentation est donc spécialement importante. En effet, la référence aux enfants de l’assuré, sans autres précisions, à la différence de celle visant les héritiers de l’assuré, ne contient pas implicitement une clause de représentation. Aussi, le souscripteur qui souhaite que ses petits-enfants reçoivent la fraction de garantie qui ne peut pas être attribuée à leur auteur en cas de prédécès, doit le préciser.
30459 Avec la loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001, la représentation joue désormais en cas de renonciation359. Si la clause bénéficiaire ne contient aucune information sur la représentation, en cas de renonciation de l’un des enfants bénéficiaires la fraction de garantie qu’il aurait dû recevoir ne profite pas à ses propres enfants, mais à la désignation subséquente (les héritiers de l’assuré le plus souvent) ou aux autres enfants selon les stipulations de la clause (par ex. en présence d’une clause désignant les enfants par parts égales). Il est donc important d’être précis et d’indiquer clairement les hypothèses d’application de la représentation : « à défaut de l’enfant ou de l’un d’entre eux pour quelque cause que ce soit, la fraction de garantie à laquelle il aurait eu droit sera attribuée à son ou ses descendants par parts égales ». Cette précision est d’autant plus indispensable si l’un des enfants bénéficiaires renonce au bénéfice du contrat dans un but de stratégie patrimoniale.
30460 La rédaction de la clause bénéficiaire est une tâche particulièrement complexe puisqu’elle s’inscrit généralement dans une stratégie patrimoniale de transmission qui nécessite de tenir compte de la situation familiale du souscripteur et donc des autres dispositions qu’il a pu prendre dans le cadre de cette stratégie.
30461 C’est particulièrement vrai lorsque le souscripteur souhaite protéger son conjoint, sans défavoriser ses enfants, en affectant une partie de son patrimoine à un contrat d’assurance-vie. Le souscripteur peut souhaiter attribuer à son conjoint une compétence partagée pour déterminer la répartition de la garantie entre les différents bénéficiaires et va donc attribuer au conjoint sur la valeur du contrat les mêmes prérogatives que celles dont il dispose en vertu de la loi sur l’émolument issu d’une donation au dernier vivant360 ; cela suppose l’insertion d’options dans la clause bénéficiaire : l’époux bénéficiaire pourra choisir entre différentes quotités de garantie selon les modalités prévues par la clause (Sous-section I).
30462 Le souscripteur, toujours dans le cadre de sa stratégie patrimoniale et de protection de son conjoint survivant, pourra être amené à rédiger des clauses bénéficiaires de ses contrats d’assurance-vie en démembrement. Cela nécessitera une fois encore que le rédacteur de la clause soit très précis quant aux modalités de ce démembrement (Sous-section II).
30463 Seul le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie peut en désigner le bénéficiaire. L’attribution du bénéfice du contrat n’est pas une libéralité361, le conjoint bénéficiaire ne peut pas cantonner s’il souhaite prendre une quotité moindre que celle qui lui a été allouée.
30464 La clause bénéficiaire peut conférer au bénéficiaire une faculté de choix ; procédant de la volonté du souscripteur, elle est licite ; en effet, aucun texte ne l’interdit362 (§ I).
30465 Pratiquement, cela suppose l’insertion d’options dans la clause bénéficiaire : l’époux bénéficiaire pourra choisir entre différentes quotités de garantie selon les modalités prévues par la clause (§ II).
30466 – Clause alternative. – Inclure des options dans la clause bénéficiaire revient à rédiger une clause alternative. Certaines compagnies d’assurance sont cependant hostiles à la rédaction de telles clauses au motif que celles-ci contreviendraient aux règles de la stipulation pour autrui et que leur application pourrait entraîner, pour la fraction reçue par les bénéficiaires autres que celui qui bénéficie du choix des quotités, une imposition aux droits de mutation à titre gratuit. Pour éviter ce risque, ces assureurs préfèrent privilégier une division des primes (par ex., par la souscription de plusieurs contrats avec des clauses identiques permettant au conjoint de renoncer à un ou plusieurs bénéfices) ou du capital (ce qui suppose de rédiger une clause répartissant la garantie entre plusieurs bénéficiaires), ce qui ne correspond pas toujours à la volonté du souscripteur.
30467 – Clause à options et stipulation pour autrui. – Le contrat d’assurance-vie est analysé comme une stipulation pour autrui qui permet de créer un droit au profit d’un tiers comme au profit d’une partie au contrat. Ce mécanisme permet au souscripteur d’user de la même liberté que celle dont il pourrait user en réalisant une donation ou un legs. Or, un disposant peut parfaitement rédiger un legs alternatif, c’est-à-dire un legs dont l’objet est à choisir entre plusieurs choses, par exemple un capital ou une rente, une rente ou un usufruit. On peut donc imaginer qu’un souscripteur exprime une volonté identique dans sa clause bénéficiaire permettant au bénéficiaire de choisir telle ou telle part du capital dû, sans que ce choix puisse être analysé comme une renonciation.
30468 – Clause à options et droit de l’assurance-vie. – Il a été également objecté qu’une telle clause serait contraire au caractère personnel de la désignation du bénéficiaire. En effet, la clause à options permet au bénéficiaire qui en profite de choisir la fraction et la nature de droits qu’il entend recevoir. Ce choix a pour conséquence de déterminer l’étendue des droits que recevront effectivement les autres bénéficiaires.
30469 Le Code des assurances lui-même admet que le souscripteur peut conférer au conjoint, dans certains cas, la possibilité de choisir la quotité qu’il entend effectivement recevoir. En effet, selon l’article L. 132-8 du Code des assurances, « les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l’assurance en proportion de leurs parts héréditaires ». En application de la clause, chaque héritier de rang préférable recevra une fraction de garantie correspondant à ses droits dans la succession. Lorsque l’assuré laisse à sa survivance son époux et un ou plusieurs enfants communs, l’attribution de la garantie se fera en fonction de la volonté exprimée par le conjoint, en application de l’article 757 du Code civil (option entre le quart en pleine propriété ou la totalité en usufruit). Si donc le souscripteur peut offrir au conjoint la possibilité, par sa volonté, de choisir entre deux quotités, c’est que ce choix n’est pas incompatible avec la stipulation pour autrui et avec le droit de l’assurance-vie.
30470 Par ailleurs le bénéficiaire, qui dispose de l’option, n’a pas la possibilité de choisir ceux qui recevront la valeur de la garantie. La délivrance de la garantie va s’effectuer dans le strict respect de la volonté du souscripteur.
30471 – Clause à options et donation. – En matière d’assurance-vie, l’administration fiscale ne considère pas que le bénéficiaire de premier rang qui renonce réalise une libéralité au profit des bénéficiaires de second rang. Par ailleurs, en choisissant la quotité qu’il entend recevoir, le bénéficiaire ne se dépouille d’aucun droit sur le reste de la garantie, celui-ci ne lui ayant jamais appartenu.
L’administration fiscale a précisé sa position dans une réponse ministérielle Malhuret363 :
« M. Claude Malhuret attire l’attention de M. le Ministre des Finances et des Comptes publics sur la fiscalité des contrats d’assurance-vie.
Dans une clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance sur la vie, le stipulant a précisé que le bénéficiaire en premier pourrait n’accepter qu’une quotité du capital, par exemple 100 %, 75 % ou 50 %, la fraction non acceptée du capital revenant au bénéficiaire en second désigné par le stipulant lui-même.
Il lui demande de confirmer que les droits de succession éventuellement dus, en application de l’article 757 B du CGI, sur la fraction du capital profitant alors au bénéficiaire de second rang seront liquidés en fonction du lien de parenté entre le second bénéficiaire et l’assuré, et certainement pas en fonction du lien de parenté entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second, l’acceptation partielle comme le refus total du bénéficiaire en premier ne pouvant nullement être constitutifs d’une libéralité indirecte entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second ».
La réponse a été la suivante :
« Aux termes de l’article 757 B du CGI, les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l’assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l’assuré, à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 €. Ces principes s’appliquent quel que soit le rang du bénéficiaire dans l’hypothèse où, en cas de renonciation totale ou partielle du premier bénéficiaire, le contrat d’assurance-vie prévoit un ou plusieurs bénéficiaires successifs. Par suite, les droits de succession éventuellement dus sur la fraction qui excède 30 500 € des primes acquittées après le soixante-dixième anniversaire de l’assuré, sont toujours liquidés en fonction du lien de parenté existant entre le bénéficiaire effectif des versements et l’assuré. Il est rappelé que l’abattement précité de 30 500 € est global, quels que soient le nombre de bénéficiaires aux contrats et le nombre de contrats souscrits par l’assuré. Par conséquent, en cas de renonciation partielle des premiers bénéficiaires d’un ou de plusieurs contrats et d’attribution des restes à un ou plusieurs bénéficiaires en second, l’abattement de 30 500 € sera réparti entre l’ensemble des bénéficiaires effectifs des différents contrats souscrits par l’assuré au prorata de la part leur revenant dans les primes taxables versées au titre de l’ensemble de ces contrats ».
Quelle que soit la rédaction de la clause, en déterminant la quotité qu’il entend recevoir, le bénéficiaire ne renonce à rien puisqu’il n’avait encore rien acquis. Il ne fait qu’exécuter la volonté du souscripteur puisqu’il ne choisit qu’une des quotités fixées par le souscripteur.
30472 – Les clauses à option sont de deux types :
les clauses « miroirs » qui offrent au conjoint de l’assuré des droits sur la garantie équivalents à ceux dont il est titulaire dans la succession de l’assuré ;
les clauses qui organisent un choix de quotités autonomes de celles dont peut éventuellement bénéficier le conjoint sur la succession.
30473 Si la validité de cette clause ne fait aucun doute, elle n’offre cependant d’options que dans la mesure où le conjoint en bénéficie dans la liquidation successorale.
30474 Le doyen Jean Aulagnier a proposé leur rédaction comme suit : « Je désigne pour bénéficiaires de mon contrat d’assurance mon épouse, à défaut mes héritiers. Dans le cas où mon épouse n’accepterait pas la totalité du bénéfice du contrat, celui-ci bénéficiera à mes héritiers en proportion de leurs droits héréditaires en application des dispositions de l’article L. 132-8 du Code des assurances. Mes héritiers devront produire à l’assureur une copie de la déclaration d’options faite dans le cadre du règlement de ma succession (ou une copie de l’acte de notoriété) précisant la nature de leurs droits héréditaires. L’assureur pourra alors régler les capitaux revenant à chacun des bénéficiaires ».
30475 La clause peut également intégrer l’équivalent d’une clause de cantonnement :
Je désigne comme bénéficiaire en cas de décès du contrat no …. que j’ai souscrit le …. auprès de la compagnie …. : mon conjoint, non divorcé, non séparé de corps, non engagé dans une procédure de divorce (ajouter éventuellement : ou de séparation de corps) au jour de mon décès. La présente désignation bénéficiaire sera donc caduque en cas d’instance en divorce. Cependant, si dans le mois suivant la réception par l’assureur des pièces nécessaires au paiement, mon conjoint, en application des dispositions de l’article 1094-1, alinéa 2 du Code civil, a cantonné son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur, la garantie sera acquise par ce dernier à hauteur de la même quotité. Le surplus sera attribué à mes enfants, nés ou à naître, par parts égales. À défaut de l’un d’entre eux, pour quelque cause que ce soit, la fraction de la garantie à laquelle il aurait eu droit sera attribuée à ses descendants par parts égales. À défaut, la garantie sera acquise par mes héritiers légaux.
30476 La clause peut être rédigée de façon à laisser au conjoint une pleine liberté quant au choix de la quotité de garantie qu’il entend recevoir. Ces quotités peuvent reprendre exactement celles de l’article 1094-1 du Code civil, mais elles peuvent naturellement être différentes.
30477
À mon décès, les sommes seront versées par l’assureur aux bénéficiaires désignés ci-après sous les conditions ci-après déterminées. En cas de survie de mon conjoint, ce dernier recueillera à son choix, soit le quart en pleine propriété de la garantie et le reste en usufruit, soit l’usufruit de l’intégralité de la garantie souscrite. Quel que soit son choix, le conjoint jouira d’un quasi-usufruit sur les fonds recueillis, en application de l’article 587 du Code civil. Le surplus sera attribué à mes enfants, nés ou à naître, par parts égales. À défaut de l’un d’entre eux pour quelque cause que ce soit, la fraction de garantie auquel il aurait eu droit sera attribuée à ses descendants, par parts égales. En cas de prédécès de mon conjoint ou de non-acceptation par lui du bénéfice du contrat, ce dernier sera recueilli en pleine propriété par mes enfants ou à leurs descendants par parts égales.
Les développements à suivre de nos travaux :
30477-1
– Usufruit et contrat d’assurance-vie. – La combinaison des articles 579 et 581 du Code civil permet d’envisager la constitution volontaire d’un usufruit sur une somme d’argent ou sur des titres.
30477-2
Pour une assurance-vie, on pourra donc conseiller des clauses qui permettent de désigner une personne déterminée comme bénéficiaire en usufruit et une ou plusieurs autres comme bénéficiaires en nue-propriété. Bien évidemment, la clause peut prévoir par exemple qu’une fraction de la garantie sera acquise en pleine propriété et une autre en démembrement par les mêmes bénéficiaires ou par des bénéficiaires différents. La clause peut également stipuler une pluralité, voire une succession de bénéficiaires en usufruit, par le biais d’une clause de réversibilité. La clause peut également ne mettre en place qu’un démembrement temporaire de propriété.
30477-3
Comme toujours, la rédaction de la clause bénéficiaire démembrée doit être pensée en tenant compte des objectifs et de la situation du souscripteur ; aussi le rédacteur de la clause doit être très précis quant aux modalités (§ I) et aux conséquences (§ II) de ce démembrement.
30477-4
La clause bénéficiaire démembrée doit être très précise quant au mode de règlement de la garantie, quant à la durée de l’usufruit, ainsi qu’aux conséquences du prédécès ou de la renonciation des bénéficiaires, en particulier du nu-propriétaire.
30477-5
La garantie décès d’un contrat d’assurance-vie peut être délivrée sous plusieurs formes : en capital le plus souvent, en rente issue ou non de l’aliénation d’un capital, ou en titres dans de rares cas.
30477-6
Si la sortie en rente est très usuelle dans certaines formes d’assurance, elle est à éviter dans la perspective d’un démembrement. L’article 588 du Code civil précise que : « L’usufruit d’une rente viagère donne aussi à l’usufruitier, pendant la durée de son usufruit, le droit d’en percevoir les arrérages, sans être tenu à aucune restitution », ce qui ne permet pas au nu-propriétaire de bénéficier d’une créance de restitution, et donc réduit l’intérêt fiscal de la clause.
Si le choix d’une sortie en rente a été pensé par le souscripteur comme un moyen de privilégier la constitution au profit du bénéficiaire de revenus pendant toute sa vie, il peut aussi atteindre cet objectif par une demande d’emploi des fonds démembrés sur un ou plusieurs supports rémunérés adaptés à l’évolution de la situation de l’usufruitier.
30477-7
Il peut être utile d’insérer, dans la clause bénéficiaire, la faculté pour l’usufruitier d’exiger la conversion de l’usufruit en rente viagère. En effet, la conversion est un mode d’extinction du quasi-usufruit. « Il s’agit alors pour le quasi-usufruitier d’aliéner immédiatement l’actif qui constituait l’objet de son droit au profit du propriétaire grevé, moyennant le paiement par ce dernier d’une rente jusqu’au décès du crédirentier »364.
La conversion n’est pas possible en l’absence de clause particulière, puisque l’article 759 du Code civil ne traite que de l’usufruit portant sur les biens successoraux.
30477-8
Dans la plupart des hypothèses, la garantie sera délivrée en espèces. S’agissant de la sortie en capital, le rédacteur de la clause bénéficiaire doit essentiellement déterminer le degré de liberté que le souscripteur entend laisser à l’usufruitier dans l’emploi des fonds délivrés par l’assureur. Le souscripteur peut souhaiter laisser à l’usufruitier une liberté maximale, l’obliger à remployer sur un support ou le contraindre encore davantage par la constitution d’un usufruit et le remploi dans un support souscrit en démembrement. Il existe bien évidemment toute une diversité de formules envisageables.
30477-9
La clause bénéficiaire peut également offrir à l’usufruitier la possibilité de choisir entre un démembrement et le partage de la garantie entre tous les bénéficiaires par ventilation de leurs droits respectifs. Dans ce cas, la clause doit préciser la clé de répartition de la garantie entre ces bénéficiaires
30477-10
S’agissant de la sortie en espèces, le rédacteur doit tout d’abord préciser l’étendue des droits de l’usufruitier sur cette valeur : un usufruit ordinaire ou un quasi-usufruit. La clause peut également préciser les conséquences résultant de ce quasi-usufruit : l’usufruitier aura seul le choix des actifs acquis en remploi des sommes versées par l’assureur et il pourra procéder aux emplois ou remplois qu’il souhaite sans avoir à requérir l’avis des nus-propriétaires.
30477-11
– La durée du démembrement. – L’objectif de la clause bénéficiaire démembrée est la protection du conjoint ou du partenaire. L’usufruit sera le plus souvent stipulé viager. Plus exceptionnellement l’usufruit sera temporaire, par exemple parce que le souscripteur voudra permettre au nu-propriétaire de bénéficier des fonds à un âge déterminé.
30477-12
– La dévolution verticale de la garantie décès. – Le rédacteur doit prévoir le mode de dévolution de la garantie dans l’hypothèse où l’usufruitier ou le nu-propriétaire désigné ou l’un des deux ne peuvent pas recevoir la garantie.
Si le ou un des nus-propriétaires (un enfant de l’assuré) prédécède (ou renonce ou est indigne), il est recommandé de stipuler une clause de représentation ou une clause d’accroissement. Il faut également préciser qu’en cas de prédécès de tous les nus-propriétaires sans qu’ils laissent de descendance, la pleine propriété de la garantie décès sera attribuée au bénéficiaire de l’usufruit.
Si le ou un des nus-propriétaires survit à l’assuré mais décède avant l’usufruitier, le principe est que les droits du nu-propriétaire sont transmis selon les règles du droit des successions. En cas de quasi-usufruit, la preuve de l’existence de la créance sera établie par les héritiers du nu-propriétaire par les moyens qui ont été prévus par la clause, et en particulier par la convention de quasi-usufruit dont la clause aura prévu l’existence et dont l’objet est d’établir l’origine et le montant des sommes soumises au quasi-usufruit.
30477-13
Le nu-propriétaire de la garantie décès bénéficie de la protection accordée à tout nu-propriétaire.
30477-14
Lorsque la garantie porte sur une somme d’argent, l’obligation de dresser inventaire fixée à l’article 600 du Code civil est exécutée par l’assureur qui adresse au nu-propriétaire un acte de quittance du paiement fait à l’usufruitier.
30477-15
L’article 601 du Code civil oblige quant à lui l’usufruitier à donner « caution de jouir raisonnablement, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit ». Cette obligation de fournir une caution empruntera pour l’essentiel la forme d’une obligation d’investissement des fonds dans un support sécurisé. Le remploi s’effectue en démembrement et l’usufruitier ne dispose plus alors d’un quasi-usufruit, mais d’un usufruit simple365. En revanche, si l’usufruitier a été dispensé par la clause du contrat d’assurance-vie de fournir caution, il devient titulaire d’un quasi-usufruit. Il peut alors disposer librement des sommes versées par l’assureur, comme s’il en était propriétaire, à charge de le restituer au nu-propriétaire au nominal, à la fin de l’usufruit366. Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire fera valoir sa créance de restitution contre la succession de l’usufruitier.
30477-16
– Le principe. – La créance de restitution dont est bénéficiaire le nu-propriétaire est déductible de l’actif successoral en application de l’article 768 du Code général des impôts. Ainsi, les dettes à la charge du défunt sont déduites lorsque leur existence au jour de l’ouverture de la succession est dûment justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite.
Par contre, l’article 773 du même code prévoit que ne sont pas déductibles les dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées, mais autorise les héritiers à prouver la sincérité d’une telle dette et son existence au jour de l’ouverture de la succession, lorsqu’elle a été consentie par un acte authentique ou par un acte sous seing privé ayant acquis date certaine avant l’ouverture de la succession autrement que par le décès de l’une des parties contractantes.
30477-17
– Le rôle de conseil du notaire. – Il est donc souhaitable que la clause prévoie la rédaction d’une convention de quasi-usufruit, par acte notarié ou sous signature privée enregistré, reprenant les énonciations de cette quittance. Cette convention précisera les pouvoirs de l’usufruitier sur l’objet du démembrement, tout en organisant les modalités de restitution lors du décès de l’usufruitier. Enfin, elle permettra au nu-propriétaire d’opposer à l’administration fiscale la créance de restitution qui sera portée au passif de la succession de l’usufruitier en cas d’usufruit viager.
30477-18
– Le principe. – Le nu-propriétaire, en cas de quasi-usufruit, bénéficie d’une créance de restitution, contre l’usufruitier ou contre sa succession, exigible à l’extinction de l’usufruit. Le montant de cette créance est égal en principe à celui des capitaux perçus par l’usufruitier, par application de l’article 587 du Code civil.
L’absence de revalorisation de la créance de restitution conduit naturellement à une perte de valeur pour le nu-propriétaire. Il est donc possible d’envisager l’indexation de la créance de restitution, même si en pratique elle peut s’avérer délicate à mettre en œuvre.
30477-19
– L’indexation. – Le principe de nominalisme monétaire n’étant pas d’ordre public, il pourra être écarté soit dans la clause bénéficiaire, soit dans la convention de quasi-usufruit. Cela permet de déterminer des modalités de revalorisation ou d’indexation de la créance de restitution. Si la clause bénéficiaire est restée silencieuse sur l’éventuelle revalorisation de la créance de restitution mais qu’elle a prévu la rédaction d’une convention de quasi-usufruit, les parties à cette convention pourront y insérer un mécanisme d’indexation de la créance de restitution. Il sera donc prudent de conseiller aux parties de rédiger une clause bénéficiaire intégrant l’indexation : « Concernant les modalités de la restitution au profit des nus-propriétaires, la convention de quasi-usufruit contiendra une clause d’indexation destinée à pallier les effets de la dépréciation monétaire »367.
30477-20
Pour éviter que le nu-propriétaire ne subisse la mauvaise gestion de l’usufruitier, il est possible dans la convention de quasi-usufruit de préciser que la créance de restitution sera au minimum égale à la valeur des capitaux effectivement délivrés par la compagnie d’assurance à l’usufruitier. La clause pourrait être rédigée ainsi : « Il est toutefois expressément convenu entre les comparants que si la somme dont l’usufruitier sera débiteur était inférieure au capital initial placé sur chaque support, la restitution se ferait au nominal »368.
30477-21
Si la clause bénéficiaire fixe le principe de l’indexation sans prévoir l’indice, celui-ci devra être choisi par les parties à la convention de quasi-usufruit. La clause précisera utilement les conséquences d’une absence d’accord entre les parties sur le choix de l’indice, en indiquant par exemple « qu’à défaut d’accord entre l’usufruitier et les nus-propriétaires sur le choix de l’indice, celui sera choisi par l’usufruitier ».
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– L’application des articles L. 112-1 et suivants du Code monétaire et financier. – L’indexation de la dette de quasi-usufruit pose la question du choix de l’indice, rigoureusement encadré par les articles L. 112-1 et suivants du Code monétaire et financier. Selon ce texte, seuls les indices ayant une « relation directe avec l’objet du statut ou de la convention ou avec l’activité de l’une des parties » (C. monét. fin., art. L. 112-2) peuvent être choisis : « Est réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble bâti toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l’indice national du coût de la construction publié par l’Institut national des statistiques et des études économiques ou, pour des activités commerciales définies par décret, sur la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux publié dans des conditions fixées par ce même décret par l’Institut national de la statistique et des études économiques » (ibid.).
La créance de restitution ne pourra pas évoluer au gré de l’inflation. Elle ne pourra pas non plus être indexée sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits et services n’ayant pas de relation directe avec l’objet de la convention ou l’activité d’une des parties369. S’agissant d’un quasi-usufruit portant sur un capital, l’indice pourrait être fixé en lien avec le support de placement choisi.
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– L’indexation et la déduction fiscale. – Reste à savoir, une fois le calcul de la créance de restitution indexée obtenu, si ce montant pourra être déduit du calcul des droits de mutation à titre gratuit dans la succession du débiteur de la restitution. L’administration fiscale s’est prononcée sur cette question par une réponse ministérielle en indiquant : « En ce qui concerne le montant déductible, l’administration a précisé que le droit de l’usufruitier ne peut, au point de vue fiscal, être réputé avoir porté sur une valeur supérieure à celle qui a été déclarée pour la liquidation de l’impôt lors de la constitution de l’usufruit »370. Même si cette position ne figure pas au BOFiP, on peut sans doute considérer qu’elle reflète la position de l’administration qui ne manque pas de proposer aux héritiers des redressements qui limitent la déduction fiscale à la valeur nominale de la créance371.
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Le rédacteur de la clause bénéficiaire doit tenir compte du régime fiscal applicable à la clause et en particulier des charges pesant sur le nu-propriétaire. Comment faire, alors, pour que le quasi-usufruitier, par la clause de démembrement, puisse appréhender le capital versé et pour que le nu-propriétaire puisse faire face à ses obligations fiscales ?
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L’article 990 I du Code général des impôts prévoit que tout bénéficiaire dispose en principe d’un abattement de 152 500 €. Cependant, sur la fraction de garantie, objet du démembrement, usufruitier et nu-propriétaire ne peuvent respectivement imputer qu’une fraction de l’abattement calculée au prorata de leur droit sur la garantie, évaluée en application de l’article 669 du même code. Par ailleurs, si l’un des bénéficiaires est exonéré de la taxe, la fraction de l’abattement dont il bénéficiait ne profite pas aux redevables non exonérés.
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Le prélèvement de la taxe de l’article 990 I du Code général des impôts est effectué par l’assureur à la source. En cas de quasi-usufruit, il est nécessairement supporté par l’usufruitier. Celui-ci, réglant la dette fiscale du nu-propriétaire, devient donc son créancier372. Il devrait alors lui demander le remboursement de l’avance de fonds, ce qui est rarement le cas dans les faits et pourrait être analysé comme une donation indirecte
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Pour éviter cette conséquence, il peut être utile :
de préciser dans la clause bénéficiaire, à titre de charge, que le paiement des droits incombe à l’usufruitier373, ce qui pour certains auteurs multiplie le risque de requalification en donation indirecte. Même si, dans ce cas, il y a paiement pour autrui, l’intention libérale fait clairement défaut puisque ce paiement a été imposé dans la clause par le souscripteur ;
de prévoir dans la clause l’attribution de droits en pleine propriété d’un montant suffisant pour permettre au nu-propriétaire de supporter les conséquences fiscales du dénouement du contrat. Même si l’attribution de droits en pleine propriété permet au nu-propriétaire de bénéficier de son abattement plein et entier, se pose la question de la détermination de la fraction de la garantie à attribuer en pleine propriété pour permettre au nu-propriétaire de régler sa fiscalité.
Il a ainsi été proposé d’attribuer à l’enfant uniquement les droits permettant de payer la taxe due en application de l’article 990 I du Code général des impôts. La complexité de la méthode de calcul envisagée374 pour arriver à ce résultat peut se montrer dissuasive pour le souscripteur.
« En cas de survie de mon conjoint, ce dernier recueillera l’usufruit de la partie de la garantie qui n’aura pas été, dans les conditions précisées ci-dessous, attribuée à mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales entre eux. Mon conjoint jouira d’un quasi-usufruit sur les fonds recueillis, en application de l’article 587 du Code civil. La nue-propriété reviendra à mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales entre eux. Chacun de mes enfants recevra en pleine propriété une fraction de la garantie équivalente à la part de l’abattement de l’article 990 I du Code général des impôts, ou de tout autre texte qui lui aura été substitué, qui n’est pas affectée aux droits en nue-propriété dont il est par ailleurs titulaire. En cas de prédécès de mon conjoint ou de non-acceptation par lui du bénéfice du contrat, ce dernier sera recueilli en pleine propriété par mes enfants ».
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La même question se pose si l’article 757 B du Code général des impôts trouve à s’appliquer au décès du souscripteur.
Selon cet article, lorsque tout ou partie des primes versées par le souscripteur l’a été après le soixante-dixième anniversaire de l’assuré, la fraction de la garantie correspondant à ces primes est soumise aux droits de succession. Cependant, seul le montant des primes versées après soixante-dix ans, et après abattement global de 30 500 €, est pris en compte. En cas de démembrement de la clause bénéficiaire, le nu-propriétaire et l’usufruitier sont là encore considérés comme bénéficiaires au prorata de la part leur revenant dans les sommes, rentes ou valeurs versées, déterminé selon le barème prévu à l’article 669 du Code général des impôts. Le nu-propriétaire doit donc supporter, au décès de l’assuré, le paiement de droits, sans recevoir, en cas de clause bénéficiaire démembrée simple, de fonds permettant de les acquitter. Les mêmes solutions proposées supra peuvent donc être envisagées.
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Même lorsqu’elle est simple, la rédaction de la clause bénéficiaire doit faire l’objet de soins attentifs et son contenu doit être actualisé en fonction des évolutions de la situation personnelle du souscripteur. Il est donc nécessaire de penser la clause dès le départ, de façon à anticiper les évolutions prévisibles de la situation du souscripteur et de la rédiger d’une manière intelligible par tous et de façon complète. Le notaire a un rôle important à jouer en matière de conseil lorsqu’il est interrogé sur la rédaction des clauses bénéficiaires des contrats d’assurance de ses clients.
Capital revenant aux enfants mariés sous un régime de la communauté ou de participation aux acquêts
Je désigne comme bénéficiaire mon fils A, né le ….
Si, lors de mon décès, mon fils est marié sous un régime de communauté, lors de la délivrance du bénéfice du contrat ce dernier ne tombera pas en communauté, mais lui restera propre.
Ou : Si lors de mon décès, mon fils est marié sous un régime de communauté lors de la délivrance du bénéfice du contrat, ce dernier fera partie de la communauté existant entre lui et son épouse.
Je désigne comme bénéficiaire mon fils A, né le ….
Si lors de mon décès, mon fils est marié sous un régime de participation aux acquêts, lors de la délivrance du bénéfice du contrat, pour la détermination de la créance de participation, le bénéfice sera considéré pour lui comme un bien originaire au sens de l’article 1570 du Code civil.
Ou : Si lors de mon décès, mon fils est marié sous le régime de la participation aux acquêts lors de la délivrance du bénéfice du contrat, pour la détermination de la créance de participation, le bénéfice sera considéré comme faisant partie du patrimoine final au sens de l’article 1572 du Code civil.
Capital fractionnable
Je désigne comme bénéficiaire, par parts égales, mon petit-fils A, né le …., et ma petite-fille B née le …., ou en cas de prédécès, leurs héritiers en suivant les règles de la représentation.
La prestation est servie sous forme :
de dix annuités si le bénéficiaire a moins de dix-huit ans au jour du dénouement du contrat ;
de cinq annuités si le bénéficiaire a entre dix-huit ans et vingt-cinq ans au jour du dénouement du contrat ;
du capital si le bénéficiaire a vingt-cinq ans ou plus au jour du dénouement du contrat.
À défaut, mes héritiers en suivant les règles de la représentation.
Capital versé en une seule fois
Je désigne comme bénéficiaire, par parts égales, mon petit-fils A, né le …., et ma petite-fille B, née le …., ou en cas de prédécès, leurs héritiers en suivant les règles de la représentation.
Si, au jour du dénouement du contrat, le bénéficiaire a moins de vingt-cinq ans, la prestation sera transférée sur un contrat de capitalisation ouvert au nom du bénéficiaire, lequel sera inaliénable jusqu’à son vingt-cinquième anniversaire.
Si, au jour du dénouement du contrat, le bénéficiaire a au moins vingt-cinq ans, la prestation sera servie sans conditions particulières.
À défaut, mes héritiers en suivant les règles de la représentation.
Convention de quasi-usufruit et indexation de la créance de restitution
Je désigne comme bénéficiaire de l’ensemble de mes contrats d’assurance-vie :
1) Pour l’usufruit : mon conjoint non divorcé, non séparé de corps au jour du décès ;
pour la nue-propriété : mes enfants, par parts égales, vivants ou représentés. Si le conjoint perdait sa qualité de bénéficiaire, la prestation leur serait versée en totalité et en pleine propriété.
Conformément aux dispositions de l’article 587 du Code civil, la compagnie d’assurance versera l’intégralité de la prestation à l’usufruitier, exclusivement en numéraire, contre quittance du paiement de la somme nette perçue.
Ce règlement aura pour conséquences de :
constituer un droit de créance des nus-propriétaires à l’égard de l’usufruitier. La compagnie d’assurance informera chaque nu-propriétaire par écrit du droit constitué en lui précisant la date et le montant du règlement effectué à l’usufruitier. Les sommes dont l’usufruitier sera débiteur au terme de l’usufruit seront indexées ainsi qu’il suit : …. Toutefois, pour chacun des indices susvisés, si le jeu de ces derniers faisait que la somme dont l’usufruitier sera débiteur au titre de chacun d’entre eux était inférieure au capital initial placé sur chaque support, la restitution se ferait au nominal.
Les bénéficiaires au titre de la nue-propriété ne pourront exiger ni caution ni emploi des sommes versées par l’assureur au titre de ladite créance ;
libérer la compagnie d’assurance de ses obligations contractuelles.
Si, en raison des dispositions fiscales en vigueur le jour du dénouement du contrat, il est dû des droits et taxes à l’État par les bénéficiaires en nue-propriété, le bénéficiaire en usufruit devra en assurer le paiement par prélèvement sur la somme due par la compagnie. La créance du nu-propriétaire sera réduite du montant des droits ou taxes payés pour son compte.
2) En cas de prédécès de mon conjoint, mes enfants, par parts égales, vivants ou représentés, à défaut mes héritiers.