CGV – CGU

PARTIE II – La sécurisation de la pratique du contrat numérique
Titre 1 – La confiance
Sous-titre 2 – La confiance des contractants augmentée par les professionnels du droit
Chapitre I – Les atouts des tiers de confiance traditionnels

3-450 De multiples professionnels peuvent revendiquer le rôle de tiers de confiance : banquiers, avocats, huissiers, notaires, comptables… Tous peuvent capitaliser sur la confiance dont ils jouissent auprès des citoyens dans leur domaine d’intervention. Ils sont, par tradition et par esprit de service, des garants de la sécurité juridique933. Les atouts des professionnels du droit sont juridiques (Section I), économiques (Section II), sociaux (Section III) et technologiques (Section IV)934.

Section I – Les atouts juridiques

3-451 Pour les professionnels du droit, la confiance juridique se traduit par la nécessité de garantir la sécurité de l’opération pour laquelle ils sont requis. Cette sécurité impose d’abord, comme prérequis, des connaissances juridiques aussi variées que multiples. Elles devront être sans cesse actualisées par une formation continue obligatoire. Et surtout elles serviront de base à l’analyse et au raisonnement juridique permettant d’apporter une réponse personnalisée au problème posé.

3-452 – Des connaissances juridiques. – Le raisonnement juridique constitue la base du travail de ces professionnels. Ils ont pour missions originaires de dire le droit, de l’expliquer, puis de l’appliquer selon les cas. Dire le droit consiste à porter à la connaissance des concitoyens les règles juridiques applicables à toute société. Mais si la connaissance de l’information est une chose (son accessibilité), sa compréhension en est une autre (son intelligibilité). Et c’est dans ce domaine que les professionnels du droit gardent toute leur valeur ajoutée, contribuant ainsi à la sécurité juridique de l’opération. La doctrine spécialisée ne s’y trompe pas en faisant de la connaissance une pierre angulaire des professionnels du droit935. Cette connaissance n’est pas seulement la connaissance du droit. C’est aussi la connaissance au sens de culture générale, que les professionnels se sont forgée au fil de leur vie professionnelle et extraprofessionnelle et que les outils numériques ne peuvent concurrencer.

Le hard skills

Les professionnels doivent dès à présent intégrer dans leurs formations les nouvelles matières et domaines en phase avec les évolutions de leurs professions. Ainsi le hard skills936de ces professionnels doit s’enrichir de nouvelles compétences telles que la maîtrise de logiciels toujours plus complexes, de langages de programmation… Un certificat « Informatique et internet » est proposé en licence de droit par la plupart des universités de France.

À l’école des barreaux de Paris et de Lille, les avocats recevraient une formation en codage informatique937tel que cela avait été préconisé dès 2017 dans un rapport relatif aux défis des avocats français938. Pour la présidente du Conseil national des barreaux (CNB), les avocats doivent se former « à contrer les résultats produits par les algorithmes exploitant l’open data »939.

S’agissant des notaires940 il est envisagé d’inscrire dans la formation notariale, dont l’un des objectifs est de préparer les futurs notaires aux nouveaux besoins, les cours suivants :

cours sur la sollicitation personnalisée, les services numériques, les LegalTech, les réseaux sociaux et les adaptations des règles déontologiques ;

création d’« ateliers numériques » ; utilisation des progiciels, des moteurs de recherche documentaire ; présentation de LegalTech élaborés par la profession ou bénéficiant du label du notariat ; sensibilisation au codage informatique ;

cours sur l’organisation et la gestion d’une étude face aux nouvelles technologies (conformité au règlement général sur la protection des données [RGPD] ; droit à la déconnexion ; protection de la vie privée ; cybersécurité) ;

cours sur les principes de gestion des ressources humaines (enseignement de développement personnel : créativité, leadership et coaching entrepreneurial ; gestion des situations de conflit).

3-453 – Une formation continue obligatoire. – La formation continue des professionnels du droit, issue de 2011, constitue aussi une nécessité absolue, voire une condition de survie941.

3-454 – L’analyse et le raisonnement juridique personnalisé. – Une fois les informations recueillies, il convient de les analyser pour ne retenir que celles nécessaires. À l’issue de cette première analyse, le professionnel élaborera alors un raisonnement juridique personnalisé pour répondre spécifiquement à la question posée. Il s’agit ici du processus allant bien au-delà du simple recoupement d’informations Et à cet égard, l’IA ira toujours plus vite que les professionnels du droit. Mais, alors que l’IA aura besoin d’un volume de données extrêmement important pour être en mesure d’en extraire des conclusions générales, le professionnel sera à même de se contenter d’informations réduites. Alors que l’IA traitera de questions très générales, le professionnel du droit saura apporter des réponses circonstanciées et précises. La capacité d’analyse et de réflexion, plus que de recoupement des connaissances juridiques en droit civil, fiscal, rural… fait des professionnels du droit des acteurs incontournables du monde numérique. Mais pour combien de temps encore ?942

Section II – Les atouts économiques

3-455 La confiance économique constitue l’un des piliers de la confiance contractuelle et donc de la sécurité juridique. Elle repose sur quatre idées : l’origine incontestée des fonds utilisés, leur circulation, la responsabilité des intervenants et leur solvabilité en cas de litige.

3-456 – L’origine des fonds. – Contrairement aux professionnels du monde économique, les usagers de la blockchain publique ne sont pas soumis à des obligations de vigilance quant à l’origine des fonds. Plus précisément sont concernés les professionnels de monde de la finance, du chiffre et du droit943. Cette obligation bien connue impose à ces professionnels de déclarer les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes suspectes. Il s’agit des sommes dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent de trafics illégaux divers ou du terrorisme944. Les lourdes sanctions tant civiles que pénales encourues par les intermédiaires défaillants assurent une fiabilité du système de contrôle.

3-457 – La circulation des flux financiers. – Le flux financier entre cocontractants est sécurisé par l’intervention de tiers, garants de l’origine des fonds (banquiers, avocats, huissiers, notaires…). Il est à noter qu’en la matière, les plateformes et autres vendeurs en ligne renvoient sur un site bancaire pour le règlement du service ou du bien. Plusieurs prestataires interviennent donc à la transaction en des lieux et à des temps différents. La sécurité juridique recherchée par les parties sera d’autant plus forte qu’un même intermédiaire assurera seul et de façon concomitante la transaction et le flux financier qui en découle. Les notaires sont à même de donner cette garantie supplémentaire. Ainsi, en matière de vente immobilière par exemple, le notaire instrumentaire constate le paiement du prix puis scelle le transfert de propriété et de jouissance, le tout, seul, et dans une unicité de lieu et de temps. Cette protection sera renforcée par les virements instantanés entre études. Ces particularités sont à même de restreindre les risques de fraude et d’abus et ainsi d’accroître la confiance et donc la sécurité juridique.

3-458 – La responsabilité des intermédiaires. – L’absence d’intermédiaire dans le monde numérique rend difficile la détermination de responsabilité en cas de défaillance945. L’intervention de professionnels facilite la recherche des responsabilités et concourt ainsi à la sécurité juridique946. Il est ici rappelé que la responsabilité des notaires est légale et statutaire. À titre d’exemple, les notaires sont personnellement responsables du défaut de provision nécessaire aux paiements des droits fiscaux (d’enregistrement, de succession, de plus-value…). Mais c’est en matière de contrôle de l’acte que les diligences du notaire seront le plus impactées par les nouvelles technologies947. Comment s’assurer à distance de la confusion mentale ou de l’incapacité d’un client ?

Diligences du notaire et numérique.

Les diligences du notaire sont les mêmes à distance qu’en présentiel : la dématérialisation n’y change rien.

La responsabilité des professionnels du droit en général, et des notaires en particulier, va donc rester la même que celle existante aujourd’hui. Ainsi, le devoir de conseil étant absolu, la charge de la preuve de la délivrance de ce conseil incombe aux professionnels.

3-459 – La solvabilité des intermédiaires. – Tous les professionnels du droit intervenant en tant qu’intermédiaires dans une transaction doivent être assurés dans le cadre de l’exercice de leur mission. Pour les huissiers de justice, c’est la Chambre nationale des huissiers de justice qui garantit la responsabilité professionnelle de ses membres948. Pour les avocats, il doit être justifié, soit par le barreau, soit collectivement ou personnellement par les avocats, soit à la fois par le barreau et par les avocats, d’une assurance garantissant la responsabilité civile professionnelle de chaque avocat949. Pour les notaires, un décret de 1955 impose à chaque notaire de s’assurer au titre de sa responsabilité professionnelle950. Cependant, si ces professionnels usent des nouvelles technologies dans le cadre de l’exercice de leurs missions, ils devront s’assurer pour couvrir leur responsabilité. Mais cette couverture sera plutôt souscrite collectivement (par l’instance ou l’entité proposant un nouveau service), plutôt que par les professionnels individuellement951.

Numérique et responsabilité notariale.

Le numérique va transférer le poids de la responsabilité du notaire individuel vers une responsabilité centrale, collective.

Ce faisant, la garantie plus large ainsi offerte aux utilisateurs sera de nature à conforter leur confiance et donc à accroître la sécurité juridique. C’est à cette condition qu’ils pérenniseront la confiance de leurs partenaires et autres clients pour une meilleure sécurité juridique.

Section III – Les atouts sociaux

3-460 La confiance sociale traduit le rôle essentiel joué par les intermédiaires dans la vie du pays en général et la relation contractuelle en particulier. Ils participent à la moralisation de la société en faisant preuve d’impartialité, d’intégrité, d’honnêteté et de transparence dans l’exercice de leur profession. L’humanité et la déontologie de ces professionnels constituent les deux piliers de cette confiance sociale.

3-461 – Des intermédiaires dotés d’une humanité. – Alors que la plupart des technologies numériques ont été créées pour exclure toute intervention humaine dans les opérations réalisées, plusieurs auteurs rappellent que rien ne remplacera le rapport humain et la confiance952. La machine ne remplacera pas le contact avec le professionnel, son empathie et sa flexibilité953. En effet, la relation humaine constitue un facteur de confiance. Contrairement à la machine, l’humain va adapter la réponse apportée à une situation donnée en prenant en considération l’environnement et son évolution. D’une standardisation de la réponse donnée par la machine, il proposera son individualisation. Pour y procéder, l’humain fera appel à certaines qualités dites « humaines » que la machine ne peut égaler, des valeurs morales telles que l’empathie, la loyauté, l’honnêteté, la bienveillance, la créativité, la réactivité… L’humain utilisera ses émotions, sa sensibilité selon ce qu’il aura vu, entendu, pensé ou ressenti. Autant de capacités intuitives inhérentes au cerveau humain que ne peut reproduire la machine. Bref, l’humain rendra la relation « plus humaine ». Et c’est parce que certaines parties au contrat ressentent la nécessité d’une éventuelle adaptation à leur singularité qu’elles feront davantage confiance en l’humain qu’en la machine. Ainsi, en matière contractuelle, l’humain garde toute sa place lorsqu’il s’agit d’apprécier des données subjectives comme la bonne foi954, la cohérence d’un comportement dans la conclusion et l’exécution d’un contrat, une faute ou un abus.

Le soft skills

Ceci étant, sans s’opposer à cette marche de l’histoire, les intermédiaires évincés d’hier doivent chercher à développer davantage leur humanité pour se différencier des outils du monde numérique. Ils doivent ainsi accroître leurs soft skills955dans tous les domaines956(créativité, esprit critique, adaptabilité, sens du collectif et de l’organisation, flexibilité, sens du service, esprit d’équipe…), et plus particulièrement en matière relationnelle (empathie, aisance relationnelle, intelligence émotionnelle…). Les professionnels du droit doivent développer, entre autres, leurs capacités de négociation, de gestion du stress, d’anticipation des besoins957… Ainsi, pour gagner encore davantage la confiance de leurs clients, les professionnels doivent placer l’humain au centre de leurs préoccupations en s’intéressant aussi bien à l’individu qu’au contenu de son dossier (hard skills). Les soft skills permettent au professionnel de connaître davantage le client en étant à son écoute, en faisant preuve d’empathie, de compréhension pour gagner sa confiance. Cette confiance accordée facilitera le règlement d’un conflit entre contractants ou familial en amenant le client à transiger plus aisément. Les soft skills consistent aussi à adapter le discours explicatif du professionnel aux niveaux de compréhension et de sensibilité du client. Pour y arriver, le professionnel doit faire preuve de créativité et d’adaptation en utilisant des modes d’expression plus ciblés958. Ou bien encore, les soft skills incitent le professionnel à accepter les critiques de ses clients pour se remettre en cause et les exploiter pour s’améliorer continuellement. Bref, en replaçant l’humain au centre de ses préoccupations, le professionnel gagnera la confiance du client et se démarquera encore longtemps des outils numériques.

3-462 – Des intermédiaires soumis à une déontologie. – La confiance sociale en matière contractuelle, c’est aussi la confiance dans les valeurs de son cocontractant et de l’éventuel intermédiaire. Plus le contractant se reconnaîtra dans les valeurs du professionnel, plus sa confiance sera grande à son égard. L’adoption de valeurs universelles telles que l’impartialité, l’intégrité, l’honnêteté et la transparence sont de nature à faciliter ce lien de confiance. À celles-ci peut-être ajouté le respect du secret professionnel. Ces valeurs permettront d’une façon plus générale la protection des données personnelles et le respect de la vie privée. Alors que le monde numérique souffre d’une déficience en la matière959, la plupart des intermédiaires évincés disposent d’une déontologie et d’une discipline pour la faire respecter.

Pour les avocats960, un décret de 2005 précise les règles déontologiques de la profession. À ce sujet, les avocats ont bien compris la nécessité d’accroître la confiance des concitoyens à leur égard. Parmi les axes de développement de la profession énoncés en 2017, figure celui de gagner en crédibilité dans les nouveaux domaines d’intervention qui s’ouvrent à la profession961. Cela passe par l’application d’une déontologie stricte aux sanctions effectives. Il en résulte une proposition radicale mais symptomatique de l’objectif fixé en la matière : la transparence des sanctions déontologiques !

Jusqu’à très récemment les huissiers de justice n’étaient dotés d’aucune règle déontologique. Ce n’est qu’en 2010 que la Chambre nationale des huissiers de justice a obtenu le pouvoir d’adopter un règlement déontologique national. Il a fallu attendre fin 2018 pour qu’il soit enfin adopté962. Ces règles déontologiques étaient jugées fondamentales pour le développement de cette profession963.

Pour la profession de notaire, dès 1971 un décret964 permet au Conseil supérieur du notariat d’établir un règlement en la matière965. Mais, plus récemment, dans le cadre de la Convention d’objectifs du notariat régularisé le 8 octobre 2020, il a été rappelé la volonté d’aboutir dans les meilleurs délais à une réforme de la discipline. Cette réforme a pour objectifs de simplifier et d’unifier les procédures et modernise les sanctions pour une meilleure adéquation avec les infractions afin d’améliorer la relation à l’usager et le sens du client.

3-463 Pour ces dernières professions, il faut mentionner la mission d’information flash mise en place à l’Assemblée nationale à l’été 2020 au sujet de la déontologie des officiers publics ministériels966. Toutes ces règles issues des textes réglementaires constituent un gage de sécurité juridique contractuelle au bénéfice de chaque partie au contrat.

3-464

Conclusions de la mission

Dix propositions sont formulées :

Diffuser la culture de la déontologie

Proposition no 1 : Créer un collège de déontologie pour chacune des professions d’officiers publics et ministériels, chargé d’élaborer des règles, de les diffuser, et de répondre aux interrogations des professionnels.

Proposition no 2 : Mieux informer les usagers des obligations des officiers publics et ministériels, ainsi que de l’existence des différentes voies de recours (chambre, procureur, médiateur).

Limiter l’entre-soi

Proposition no 3 : Nommer des personnes extérieures (magistrats judiciaires et administratifs, universitaires, autres officiers publics et ministériels) dans les collèges de déontologie, les instances disciplinaires et les chambres nationales et locales.

Proposition no 4 : Confier la présidence des collèges de déontologie et des chambres disciplinaires à des personnes extérieures.

Proposition no 5 : Faire remonter le contentieux disciplinaire au niveau des chambres nationales.

Proposition no 6 : Mettre en place un formulaire de plainte en ligne et un dispositif de filtre et de suivi de leur traitement.

Proposition no 7 : Rappeler dans la loi l’obligation pour chacune des professions d’officiers publics et ministériels de désigner un médiateur et préciser ses missions.

Réaffirmer des principes cardinaux

Proposition no 8 : Revoir l’échelle des sanctions pour les rendre plus dissuasives et confier un pouvoir d’injonction aux présidents de chambre.

Proposition no 9 : Exiger que le notaire fournisse un récépissé à la réception de toute demande d’acte faisant appel à ses prérogatives de puissance publique et émette un procès-verbal d’empêchement en cas de difficulté justifiant un retard dans sa démarche.

Proposition no 10 : Fixer dans la loi un socle de principes déontologiques communs aux différentes professions.

Notaire et éthique numérique

L’impartialité, l’intégrité, l’honnêteté et la transparence constituent les valeurs fondamentales de la profession de notaire sur lesquelles se construit la confiance des usagers. Pour conserver cette confiance, la profession applique cette éthique aux nouveaux outils numériques qu’elles proposent.

Numérique notarial (LegalTech) et Charte éthique. Le 22 novembre 2018, lors d’un communiqué de presse, le Conseil supérieur du notariat (CSN) présente sa Charte pour un développement éthique du numérique notarial967. Le développement tous azimuts, ces dernières années, de startups (LegalTech) de tous types oblige la profession à réagir. Elle instaure la mise en place de labels ayant pour objectifs de créer un écosystème de confiance, de permettre aux startups de se différencier et de garantir aux utilisateurs le strict respect d’obligations prédéfinies, sous le contrôle d’une autorité de contrôle ou d’organismes de certification. Ce faisant les LegalTech voulant travailler avec les notaires doivent respecter leurs propres règles, leur déontologie. Seules les LegalTech labellisées seront autorisées à travailler avec la profession968. Ces règles concernent l’éthique (confidentialité des données, secret professionnel, information loyale, claire et transparente), l’utilisation des données (aucune commercialisation), la conformité, la concurrence loyale entre notaires (pas de publicité directe ou indirecte), l’utilisation des données fournies (patrimonialisation, anonymisation, portabilité) et leur interopérabilité. Une société auditrice vérifiera si les LegalTech candidates au label respectent bien les exigences mentionnées dans la Charte. Sur la base d’un rapport d’audit, le CSN pourra décerner le label après réalisation, si nécessaire, d’un audit supplémentaire. Pour poursuivre dans cet effort de transparence, un particulier qui estimerait que les exigences de la Charte ne sont pas respectées pourra en informer le CSN, via un guichet à sa disposition. Une fois le label accordé, le CSN pourra exercer tout contrôle pour s’assurer du respect de ces engagements, voire supprimer le label attribué au signataire. Toutes ces dispositions sont de nature à accentuer la confiance des usagers envers ces outils et donc envers la profession969.

Blockchain Notariale et Autorité de confiancPolitique de confiance. Dans le cadre du lancement de la Blockchain Notariale en 2020970, a été instaurée l’Autorité de confiance. Cette autorité est pilotée par un comité de gouvernance constitué du collège des cinq971présidents des chambres des notaires du Grand Paris. Ce comité a pour mission de veiller au respect des règles de fonctionnement et d’utilisation de la Blockchain Notariale, précisées dans un document de référence essentiel, dénommé « Politique de confiance », et signé par chaque président. La Politique de confiance s’organise autour de l’ensemble des règles permettant de définir les principes de fonctionnement de la Blockchain Notariale et de garantir les niveaux de qualité et de confiance attendus par le notariat et l’ensemble des utilisateurs de l’application Blockchain Notariale. Cette politique de confiance est pilotée par le comité de gouvernance, lui-même épaulé par un comité stratégique, composé de notaires et d’experts, qui a la charge d’étudier toute demande d’utilisation de la Blockchain Notariale972. En instaurant une Politique de confiance et en rendant public son contenu, la profession fait preuve de transparence et d’honnêteté, gage d’une plus grande confiance des usagers.

IA notariale et mentions relevant d’une charte éthique. Dans le cadre du projet VictorIA, la profession de notaire a pris soin de prévoir dans les conditions générales d’utilisation du service de data room973– l’Espace notarial – les informations nécessaires à la parfaite information des usagers quant à l’usage des données collectées. Les notaires qui utiliseront les algorithmes issus de VictorIA seront soumis à des conditions d’utilisation spécifiques qui intégreront des mentions relevant d’une charte d’éthique. La communication de ces informations est de nature à renforcer la confiance.

3-465

Conditions générales d’utilisation de l’Espace notarial

« Les Utilisateurs sont informés que leurs données à caractère personnel, à savoir leur adresse e-mail et leurs nom et prénoms, ainsi que les données à caractère personnel susceptibles de figurer sur les documents qui sont traités par le biais de l’Espace Notarial font l’objet d’une collecte et d’un traitement par le Notaire. Ces données à caractère personnel sont traitées pour le compte du Notaire, en sa qualité de responsable de traitement notamment à des fins (i) de création et de gestion de l’accès des Utilisateurs à l’Espace Notarial, (ii) de gestion, de sauvegarde, d’identification, de classement, d’audit des documents susvisés et d’extraction des données y figurant en vue de la rédaction des actes notariés et du classement de ces documents au sein de l’Espace Notarial, mais également en vue du développement ou du perfectionnement et de l’amélioration d’outils servant l’Espace Notarial, tel que notamment un outil de classement desdits documents, (iii) de rendre accessible aux personnes concernées par un dossier la documentation y afférente et d’informer les différentes parties et les intervenants à un dossier sur l’état d’avancement de celui-ci et des éléments nécessaires à cet avancement, ainsi que de préparation des actes constitutifs du dossier par le Notaire, et plus généralement (iv) pour l’accomplissement par le Notaire de la mission qui lui est dévolue par son client. (…) »

Section IV – Les atouts technologiques

3-466 Les professionnels du droit ont bien compris l’intérêt de capitaliser sur la confiance dont ils jouissent auprès de leurs concitoyens. Mais ils ne peuvent s’en contenter et ignorer les avancées technologiques du monde numérique. Mieux encore, ils doivent se les approprier. Les valeurs professionnelles citées précédemment doivent constituer la base des projets technologiques mis en place. Elles permettront aux acteurs d’en garantir l’efficacité et la sécurité. Les professions du droit ont évolué à des rythmes différents.

Pour les avocats, le Conseil national des barreaux développe depuis quelques années un Réseau privé virtuel des avocats (RPVA) en coordination avec le Réseau privé virtuel de la justice (RPVJ) du ministère de la Justice. Cette coordination vise à permettre à l’avocat, dans le cadre de la défense de son client, de communiquer avec la juridiction dans son exercice quotidien. Depuis peu, grâce à ses multiples incubateurs, la profession encourage le développement d’outils utilisant la technologie blockchain comme outil de conservation974.

Pour les huissiers de justice, l’Ordre a commencé par développer son propre minutier central. Puis assez vite, grâce à son incubateur, il a proposé plusieurs outils de conservation basés sur la technologie blockchain et un coffre-fort numérique975.

Pour les notaires, la profession est très vite devenue un acteur numérique particulièrement dynamique. La création de l’acte authentique électronique en 2005976 et du minutier central électronique ont permis à cette profession de connaître sa « première révolution numérique »977. La multiplication, ces dernières années, des échanges dématérialisés entre les offices et la plupart des services de l’État est venue renforcer les atouts technologiques de la profession. En 2015 les instances représentatives lancent « Bailmyself »978, permettant la rédaction d’un bail sous seing privé sans l’intervention d’un professionnel979. Confronté aux évolutions rapides du monde numérique, le notariat a déjà lancé sa « deuxième révolution numérique », en développant ses propres outils technologiques. Ainsi la profession a développé son coffre-fort numérique, sa propre Blockchain Notariale980, ainsi que divers autres outils basés sur l’IA981

3-467 – Partenariats avec les professionnels du droit. – Les professionnels du droit ont bien compris l’intérêt de capitaliser sur la confiance auprès de leurs usagers en misant sur leurs atouts juridiques, économiques, sociaux et maintenant technologiques. Les nouveaux outils numériques pâtissent pour la plupart d’un manque de confiance, pourtant indispensable au développement des affaires. C’est la raison pour laquelle certains outils comme les plateformes ou les LegalTech s’adossent de plus en plus à des professionnels pour sécuriser les utilisateurs. En s’appuyant ainsi sur des partenaires reconnus, les acteurs du monde numérique augmentent sensiblement la confiance des contractants à leur égard et facilitent ainsi les transactions.

Exemple de partenariat

Legalstart est une LegalTech qui « propose une solution juridique 100 % digitale sur l’ensemble des thématiques simples de droit de l’entreprise. Elle dispose également d’un réseau d’avocats et notaires partenaires avec lesquels elle met ses utilisateurs en relation lorsqu’ils ont besoin de conseils juridiques complexes et d’une représentation devant une juridiction pour un litige civil ou commercial »982. Ainsi Legalstart a créé un partenariat spécifique avec Notaires Conseil d’Entreprise (NCE)983.

Les professionnels du droit doivent continuer de capitaliser sur leurs atouts professionnels afin de concurrencer la confiance naissante envers les nouvelles technologies numériques, et accroître la sécurité juridique qu’ils proposent.


933) C. Jubault, Propos introductif. Les professions réglementées dans la révolution numérique : CDE 2018, dossier 14. – Entr. avec D. Coiffard, La Blockchain a un sens pour répartir une partie de la confiance en rendant une information infalsifiable mais cette confiance est très en deçà de celle conférée par le notaire : Rev. Lamy dr. civ. avr. 2017, no 147, p. 37 et s.
934) Il s’agit d’une liste non exhaustive mais symptomatique de l’influence des nouvelles technologies ; A. Renoux-Fontaine, Le notaire, tiers de confiance : JCP N 2016, no 40, p. 1291.
935) D. P. Simon, Un horizon prometteur pour nos études : la connaissance : JCP N 9 sept. 2016, no 36, act. 991.
936) Il s’agit des compétences que l’on peut acquérir par apprentissage et que l’on peut appliquer de manière active, ou encore de l’ensemble des connaissances spécialisées d’une personne et son aptitude à réaliser des tâches.
937) Rapp. AN no 1501, déc. 2018, Rapport d’information sur les blockchains (www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/micblocs/l15b1501_rapport-information.pdf).
938) G. Pillet, Profession d’avocat – À propos du rapport « Les quatre défis de l’avocat français du XXIe siècle » : JCP G 27 nov. 2017, no 48, p. 1247.
940) V. en ce sens M. Mekki, L’intelligence artificielle et le notariat : JCP N 4 janv. 2019, no 1.
941) D. no 2011-1230, 3 oct. 2011, relatif à la formation professionnelle continue de certaines professions judiciaires ou juridiques réglementées (www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024628930&categorieLien=id).
942) V. infra, nos a3-481 et s.
943) C. monét. fin., art. L. 561-2.
944) C. monét. fin., art. L. 561-15.
945) V. supra, no a3-417.
946) A. Renoux-Fontaine, Le notaire, tiers de confiance : JCP N 2016, no 40, p. 1291.
947) V. infra, nos a3-525 et s.
948) L. no 92-644, 13 juill. 1992, art. 4 modifiant L. no 91-650, 9 juill. 1991, portant réforme des procédures civiles d’exécution et Ord. no 45-2592, 2 nov. 1945, relative au statut des huissiers et comportant diverses dispositions relatives aux procédures civiles d’exécution ; Ord. no 45-2592, 2 nov. 1945, art. 2, relative au statut des huissiers.
949) L. no 71-1130, 31 déc. 1971, art. 27, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
950) D. no 55-604, 20 mai 1955, relatif aux officiers publics ou ministériels et à certains auxiliaires de justice, art. 13 (https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000032712292/).
951) V. infra, no a3-632.
952) B. Thomas-David, Adopte un notaire.com : JCP N 10 févr. 2017, no 06-07, 1097.
953) Assemblée de Liaison des notaires de France, L’intelligence artificielle : dangers ou opportunités pour le notariat, 2018, p. 237, § 1693.
954) C. civ., art. 1104.
955) Assimilé à des compétences humaines, le terme soft skills désigne les compétences comportementales.
957) M. Mekki, Blockchain, smart contrats et notariat : servir ou asservir ? : JCP N 6 juill. 2018, no 27, act. 599. – Entretien avec O. Vix, Laissons l’IA aux machines et l’intelligence émotionnelle aux notaires ! : Sol. Not. 17 janv. 2019, no 1/19, inf. 19.
958) V. infra, nos a3-492 et s.
959) V. supra, nos a1-68 et s.
960) D. no 2005-790, 12 juill. 2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat.
961) G. Pillet, Profession avocat. À propos du rapport « Les quatre défis de l’avocat français du XXIe siècle » : JCP G 27 nov. 2017, no 48, p. 1247.
962) A. 18 déc. 2018, portant approbation du règlement déontologique national des huissiers de justice : JO 22 déc. 2018.
963) P. Sannino, Huissiers de justice – « Disruption », Justice prédictive, Blockchain, legaltech : de nouvelles opportunités pour la profession ? : Procédures 2017, entretien 1.
964) D. no 71-942, 26 nov. 1971, relatif aux créations, transferts et suppressions d’office de notaire, à la compétence d’instrumentation et à la résidence des notaires, à la garde et à la transmission des minutes et registres professionnels des notaires, art. 26.
968) M. Mekki, Blockchain et métiers du droit en questions : Dalloz IP/IT 2020, p. 87.
969) Charte éthique du numérique notarial : le CSN encadre l’ouverture : Sol. Not. 6 déc. 2018, no 40/18, inf. 13.
970) V. infra, nos a3-661 et s.
971) S. Adler, Création d’une autorité de confiance numérique notariale pour la fourniture de services de blockchain. Lancement de la Blockchain Notariale par les notaires du Grand Paris : JCP N 24 juill. 2020, no 30, act. 654.
973) V. infra, nos a3-544 et s.
974) V. infra, no a3-659.
975) V. infra, no a3-660.
976) V. infra, nos a3-661 et s.
977) M. Bourassin, C. Dauchez et M. Pichard, Le cyber-notaire au cœur de la république numérique : JCP N 8 juin 2018, no 23, act. 530.
979) D’autres LegalTech, créées par des notaires en exercice, facilitent les échanges d’informations entre le client et le professionnel, pour faciliter la rédaction d’actes, types « Foxnot » (www.foxnot.com/), « My Notary » (www.mynotary.fr).
980) V. infra, nos a3-661 et s.
981) V. infra, no a3-626.
Aller au contenu principal