3-153 Les conditions de validité du contrat de l’article 1128 du Code civil (C. civ., art. 1128) sont :
le consentement des parties ;
leur capacité de contracter ;
un contenu licite et certain.
Au-delà de ces conditions de fond (Section I), le contrat conclu électroniquement doit respecter des conditions de forme qui lui sont propres (Section II).
3-154 Le contrat sous forme électronique ne présente pas de particularité quant au contenu licite et certain de la convention227. En revanche, l’appréciation de la capacité et des pouvoirs des parties (Sous-section I) et de leur consentement (Sous-section II) posent des difficultés particulières.
3-155 L’absence de rencontre des parties dans le cadre d’un contrat conclu par voie électronique rend difficile l’appréciation de la capacité et des pouvoirs (§ I). Des remèdes à ces difficultés peuvent être envisagés (§ II).
3-156 – Le principe de capacité. – L’article 1145 du Code civil (C. civ., art. 1145) dispose que : « Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi. La capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles. ». Par principe, donc, les personnes physiques sont capables, tandis que les personnes morales ont une capacité limitée. L’article 1146 du même code (C. civ., art. 1146) précise que les mineurs de dix-huit ans non émancipés et les majeurs protégés228 n’ont pas la capacité de contracter, dans la mesure définie par la loi. Les actes réalisés par les incapables sont frappés d’une nullité relative (C. civ., art. 1147). Toutefois, les actes courants autorisés par la loi ou l’usage conclus à des conditions normales peuvent être souscrits même par des incapables (C. civ., art. 1148). S’agissant des mineurs, la seule mention par ceux-ci de leur majorité ne constitue pas un obstacle à la demande en nullité (C. civ., art. 1149). Outre ces incapacités d’exercice, il existe également des incapacités de jouissance, empêchant une personne d’être titulaire d’un droit et donc de l’acquérir229.
3-157 La conclusion d’un contrat dans un environnement numérique empêche d’appréhender facilement la capacité de son cocontractant, à défaut de le rencontrer. Par exemple, un mineur de douze ans se présentant dans un supermarché pour acheter une bouteille d’alcool a de grands risques de se voir opposer un refus. Alors que ce même mineur faisant une commande sur internet n’aura qu’une case à cocher pour confirmer qu’il est majeur et parvenir à acheter de l’alcool. Or l’article 1149 du Code civil, précité, dispose que cette déclaration faite par le mineur n’empêchera pas la demande en nullité230. De même, les sites marchands n’ont pas de moyen de vérifier la capacité de leurs utilisateurs majeurs.
La Commission des clauses abusives a pour sa part fait deux recommandations231 concernant la capacité des mineurs :
la première concerne l’acceptation par le mineur d’une clause autorisant le traitement de ses données personnelles, pour laquelle décision il n’aurait pas le discernement nécessaire ;
la seconde concerne l’acceptation tacite du représentant légal pour l’inscription du mineur. Cette autorisation ne peut être qu’expresse, la clause contraire est abusive.
3-158 Le contrôle des pouvoirs du représentant légal ou contractuel est également délicat dans les contrats conclus électroniquement. L’article 1153 du Code civil (C. civ., art. 1153) dispose que le représentant n’est fondé à agir que dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés. Par ailleurs, « l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant (…). Lorsqu’il ignorait que l’acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité » (C. civ., art. 1156).
Le sujet des pouvoirs existe non seulement pour les personnes physiques, mais également et surtout sur internet pour les personnes morales. C’est le cas notamment des achats et passations de commandes faits en ligne au nom de sociétés, par des personnes qui n’ont pas les pouvoirs de les représenter. La dématérialisation inhérente au numérique engendre en outre un risque lié à la disparition des originaux des pouvoirs, et donc au risque accru de falsification. En effet, par souci d’efficacité ou de rapidité, il est courant en pratique de ne se baser que sur des fichiers numérisés, les originaux étant dans le meilleur des cas transmis postérieurement à la régularisation du contrat.
3-159 La démultiplication des opérations facilitées par la forme électronique rend peu probable le contrôle de la capacité et des pouvoirs par les opérateurs. Au-delà du risque parfois pénal232, ce sont de très nombreux contrats qui peuvent être sanctionnés par la nullité ou l’inopposabilité. Une instabilité forte des conventions existe donc. Pour pallier ces faiblesses du numérique, plusieurs remèdes pourraient être envisagés.
3-160 La vérification de la capacité liée à l’âge et des pouvoirs au moyen des outils existant pourrait être envisagée par un simple scan de la pièce d’identité et la transmission d’un Kbis pour les sociétés. Il resterait le risque de falsification des originaux et de l’usurpation d’identité des parents par leurs enfants mineurs. Mais cette obligation de transmettre une pièce d’identité et un justificatif de sa qualité de représentant légal pour la création de tout compte d’utilisateur aurait le mérite de permettre un premier contrôle de l’identité, et donc de l’âge des parties. Il est notamment imaginable une lecture automatique de la date de naissance pour une vérification de la majorité sans intervention humaine, et un blocage du compte utilisateur en cas de minorité233.
Certains opérateurs en ligne ont déjà recours à des prestataires externes234 chargés de contrôler la majorité des clients.
Il s’agit toutefois d’une complexification de la procédure d’achat ou de souscription de services en ligne. Or cela va à l’encontre du courant actuel de simplification et d’accélération des processus destinés à faciliter les actes compulsifs des utilisateurs. Ajouter cette étape de transmission d’une pièce d’identité risque de décourager des internautes et de les orienter vers des sites d’accès plus simple, ou leur donner un temps de réflexion qui les fera renoncer à l’opération. Seule une réglementation imposant, lors de la création d’un compte utilisateur ou toute opération en ligne, la fourniture d’un justificatif d’identité pour tous et d’un pouvoir pour les représentants permettrait, d’une part, de normaliser cette démarche et, d’autre part, de ne pas désavantager les sites ayant une attitude responsable.
3-161 Par ailleurs, si l’identité numérique était développée en France235, celle-ci permettrait de détecter facilement les minorités et éventuellement les incapacités. Il suffirait pour cela de lier la création des comptes utilisateurs ou les opérations en ligne à l’utilisation obligatoire de cette identité numérique. S’agissant des personnes morales et de la question des pouvoirs, une identité numérique pourrait également être créée, avec le rattachement de leur représentant légal et l’identité numérique de ce dernier.
On pourrait même imaginer des souris ou pad « intelligents » avec reconnaissance d’empreinte digitale, permettant de rattacher une empreinte à une identité numérique. Cette identité numérique permettrait de vérifier non seulement l’identité de la personne mais également sa capacité avec une publication des éventuelles mesures de protection actives236.
3-162 Une fois la capacité et les pouvoirs établis pour garantir la validité et l’opposabilité du contrat électronique, reste à vérifier la réalité du consentement des parties.
3-163 La conclusion du contrat sous un format électronique présente les mêmes difficultés en matière de consentement que de capacité lorsqu’il est signé à distance. Il y a lieu, dans un premier temps, de s’assurer de l’existence du consentement (§ I) et, dans un second temps, de son intégrité (§ II).
3-164 – L’expression du consentement. – Dans l’univers numérique, le consentement peut s’exprimer par la signature électronique, un échange d’e-mails ou encore un simple double clic237. Lorsque les parties au contrat ne se rencontrent pas, la vérification de l’existence de leur consentement est délicate. L’immédiateté de certains processus contractuels amène à s’interroger sur la réalité du consentement donné avec précipitation.
Les articles 1125 et 1126 du Code civil (C. civ., art. 1125 et 1126) permettent la transmission des stipulations et informations contractuelles par la voie électronique, à condition que celle-ci ait été préalablement acceptée par leur destinataire. L’article 1127-1 du Code civil (C. civ., art. 1127-1) prévoit en outre l’utilisation d’un support permettant la reproduction et la conservation des stipulations contractuelles ainsi mises à disposition. Ces stipulations contractuelles ne se limitent pas aux conditions générales, mais s’étendent également aux conditions particulières et à tous les éléments nécessaires à la conclusion du contrat. S’agissant des conditions générales, l’article 1119 du Code civil (C. civ., art. 1119) précise qu’elles ne sont opposables aux parties qu’à la condition que celles-ci en aient eu connaissance préalablement à la conclusion du contrat et les aient acceptées.
La Commission des clauses abusives a considéré, s’agissant des réseaux sociaux, que la simple utilisation de ceux-ci ne permet pas de présumer l’adhésion à leurs conditions générales. En effet, la consultation de ces conditions doit être préalable à l’utilisation du réseau pour que le consentement puisse être exprimé en connaissance de cause238.
Les méthodes employées par les sites internet pour la transmission des conditions générales et leur acceptation sont à trois niveaux :
le moins protecteur du consentement : l’acceptation des conditions générales, disponibles par lien hypertexte, est induite de la passation de commande ;
la mise à disposition des conditions générales par lien hypertexte, avec une case à cocher manifestant leur acceptation par l’utilisateur. Il s’agit de la méthode du click-wrapping ou de l’opt-in actif239 ;
la plus protectrice du consentement : l’ouverture automatique des conditions générales, avec un menu déroulant à faire défiler en totalité, avant de cocher une case manifestant l’accord de l’utilisateur sur ce texte. Cette technique peut être poussée plus loin en imposant un temps de lecture des conditions générales : celles-ci ne peuvent être acceptées via la case à cocher avant qu’une durée de lecture normale se soit écoulée.
Il ressort toutefois de la pratique que les conditions générales ainsi mises à disposition ne sont que très rarement lues240. Cela ne diffère pas des contrats-papier, pour lesquels la problématique est identique241. La question s’est donc posée de savoir si elles sont opposables aux utilisateurs alors que ceux-ci les ont acceptées mais n’en ont pas pris connaissance. La réponse est affirmative : il suffit de pouvoir démontrer que les conditions générales étaient accessibles sur un support durable permettant leur conservation et la possibilité de les reproduire, il n’est toutefois pas nécessaire de prouver que l’utilisateur les a lues242.
3-165 L’acceptation des conditions générales a fait l’objet de nombreuses jurisprudences sur la méthode de transmission et la manifestation du consentement en leur faveur. L’enjeu essentiel est de savoir s’il suffit de mettre les conditions générales à disposition via un lien hypertexte disponible sur le site internet ou si une transmission directe et une acceptation expresse sont nécessaires à leur opposabilité. S’agissant des conditions générales en elles-mêmes, la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt le 25 novembre 2010243. Aux termes de celui-ci, les juges reconnaissent l’opposabilité des conditions générales de vente à un utilisateur alors que celles-ci étaient simplement disponibles via un lien hypertexte, et qu’il était précisé que la validation de la commande emportait approbation desdites conditions. Par un arrêt du 21 mai 2015244, la Cour de justice de l’Union européenne s’est exprimée concernant une clause attributive de juridiction incluse dans les conditions générales disponibles par un lien hypertexte. Aux termes de cette décision, la clause a été opposée à l’utilisateur245.
S’agissant au contraire des informations à communiquer au consommateur en matière de contrat à distance (C. consom., art. L. 221-5), il a été jugé qu’un simple lien hypertexte était insuffisant, comme ne constituant pas un support durable ni une information directement fournie par l’entreprise au consommateur246.
3-166
Il a en revanche été jugé que les informations transmises au consommateur via une boîte électronique sur un espace client du site d’une banque en ligne sont considérées comme fournies sur support durable, sous réserve de répondre aux exigences suivantes :
« Ce site internet permet à cet utilisateur de stocker les informations qui lui ont été personnellement adressées de manière qu’il puisse y accéder et les reproduire à l’identique, pendant une durée appropriée, sans qu’aucune modification unilatérale de leur contenu par ce prestataire ou par un autre professionnel ne soit possible, et ;
si l’utilisateur de services de paiement est obligé de consulter ledit site internet afin de prendre connaissance desdites informations, la transmission de ces informations est accompagnée d’un comportement actif du prestataire de services de paiement destiné à porter à la connaissance de cet utilisateur l’existence et la disponibilité desdites informations sur ledit site internet ».
3-167 – Le consumérisme prédictif. – Au-delà de l’acceptation des conditions du contrat, la question de l’existence du consentement se posera avec l’utilisation accrue de l’intelligence artificielle247. Il est en effet envisageable, comme il existe aujourd’hui une justice prédictive, qu’« un consumérisme prédictif » se développe. L’intelligence artificielle pourrait servir, comme c’est déjà le cas, à étudier les habitudes de consommation, les goûts, les moyens financiers… Et entraîner ensuite des commandes automatiques, non initiées par l’utilisateur, sauf par ses précédents achats ou consommations. Il n’y aurait alors aucune manifestation de consentement pour cette commande automatique. L’accord donné sur une précédente transaction suffirait-il à considérer que le consentement existe pour ce nouveau contrat autonome conclu uniquement sur la base du précédent, sans démarche active de l’utilisateur ? En l’état du droit positif et de l’importance donnée au consentement dans notre système juridique, il n’est pas d’actualité de le présumer pour engager un utilisateur sur la base de ses habitudes de consommation248. En revanche, il semble tout à fait envisageable d’obtenir un accord préalable, donné à l’occasion d’une commande, pour des transactions futures prédictives. La prudence serait d’encadrer a minima cet accord avec une fourchette de prix et un type de bien ou de service, de manière à avoir un consentement sur les conditions essentielles du contrat.
3-168 Une fois le consentement exprimé, il convient qu’il soit intègre, c’est-à-dire qu’il ne présente aucun vice.
3-169 – Le consentement n’existe pleinement que s’il est exempt de vices. – L’article 1130 du Code civil (C. civ., art. 1130) en énonce trois :
l’erreur ;
le dol ;
la violence.
Il faut par ailleurs que ces trois vices soient de telle nature que, sans eux, une partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantielles différentes.
L’article 1131 du Code civil (C. civ., art. 1131) précise la sanction d’un consentement vicié de manière substantielle : il s’agit de la nullité relative du contrat.
Il n’existe pas de dispositions particulières au contrat conclu électroniquement et relatives à la qualité du consentement. Les articles 1130 à 1144 du Code civil s’y appliquent donc pleinement.
3-170 Tout d’abord, l’article 1132 du Code civil (C. civ., art. 1132) précise que l’erreur peut porter tant sur le droit que sur un fait. Elle entraîne la nullité du contrat si elle est excusable et porte sur une qualité essentielle de la prestation ou du cocontractant (dans les contrats conclus intuitu personae)249. Dans l’univers numérique, l’erreur pourrait résulter de la description du produit, parfois insuffisante, et du fait que l’on ne prend connaissance du bien ou du service qu’une fois la commande faite, et non avant comme cela peut être le cas dans un magasin. La jurisprudence, très pauvre en matière d’erreur dans les contrats électroniques250, démontre qu’il s’agit d’une situation rare en pratique. Cela s’explique par les très nombreuses obligations d’information à la charge tant des plateformes que des offrants251, ainsi que de réglementations particulières comme celle condamnant les pratiques commerciales trompeuses252. La règle du double clic permettant à l’utilisateur de vérifier les conditions essentielles du contrat conduit également à limiter les cas d’erreur. Par ailleurs, concernant le consommateur, il sera bien plus simple d’utiliser son délai de rétractation que d’entamer une procédure judiciaire en nullité du contrat fondée sur une erreur. Ce vice du consentement n’est ainsi invoqué en réalité que lorsque les autres recours offerts par les réglementations particulières, y compris le délai de rétractation, ne peuvent être employés, que ce soit notamment pour une question de prescription ou de qualité de l’utilisateur253. La question même de la possibilité de l’existence d’une erreur se pose lorsque les intervenants ont tous respecté leurs obligations d’information et le formalisme imposé par la loi254.
3-171 Ensuite, le dol consiste dans « le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges » (C. civ., art. 1137). Le dol peut également résulter d’un silence volontaire du cocontractant sur une information qu’il sait essentielle pour l’autre partie255. Ici encore, la réglementation en matière d’obligations d’information, de pratiques commerciales déloyales et de droit de rétractation conduit à raréfier l’invocation du dol, dont la preuve peut être difficile à rapporter.
Le dol est commis soit par le cocontractant, soit par son « représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort » (C. civ., art. 1138). Dans la mesure où de nombreux marchands ont recours à des plateformes en ligne pour proposer leurs biens ou services, il y a lieu de s’interroger sur l’auteur du dol lorsque les informations erronées ou manquantes sont transmises par la plateforme. Faut-il considérer que la faute vient de l’offrant ou de la plateforme ? Dans l’hypothèse où elle vient de la plateforme, celle-ci peut-elle être considérée comme le « représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort » de l’offrant ? Tout dépend en réalité de la qualification retenue pour le contrat de marketplace256. Dans le contrat d’entremise et de courtage, la plateforme a un rôle d’intermédiation, mais pas de représentation. Outre son obligation d’information257, les conditions essentielles du contrat sont déterminées par l’offrant. Le dol est donc commis directement par ce dernier. Dans l’hypothèse où la plateforme serait en faute pour ne pas avoir communiqué l’ensemble des informations transmises par l’offrant, sa responsabilité contractuelle serait mise en cause à l’égard de ce dernier. Dans le contrat du mandat, plus rare en pratique, la plateforme ayant un rôle de représentation, elle peut elle-même être l’auteur du dol et engager son mandant sur le fondement de l’article 1138 du Code civil.
3-172 – Dans l’univers numérique, on peut également envisager des cas de dol liés à l’e-reputation et aux faux avis. – Selon un sondage Ifop réalisé en 2014258, « 80 % des internautes déclarent avoir recours à internet pour se renseigner avant d’acheter un produit ou un service (…). Le recours à l’e-reputation fait partie intégrante de cette étape préalable à l’achat. Avant de réaliser un achat en ligne, 88 % des individus consultent des avis de consommateurs, des forums ou des blogs (dont 44 % « souvent »). Cette pratique est également très largement répandue avant un achat en magasin (73 %, dont 29 % « souvent »). Par ailleurs, la moitié des répondants consulte des avis sur les réseaux sociaux avant d’acheter en ligne (52 % au global, 70 % chez les 18-24 ans et 66 % chez les 25-34 ans) et 44 % avant d’acheter en magasin (59 % chez les 18-24 ans et 57 % chez les 25-34 ans). L’e-reputation peut constituer une force de frappe dissuasive à l’achat. À l’heure du « consommateur expert », très bien informé et mettant de plus en plus les marques en concurrence, la quasi-totalité des répondants (96 %) mettent en exergue l’impact négatif que peut avoir l’e-reputation sur leur décision d’acquérir un produit chez une enseigne ». Devant ce pouvoir de l’e-reputation, les offrants peuvent être tentés de manipuler les avis de manière à tromper les utilisateurs et les inciter à acheter leurs produits ou leurs services. La législation (C. consom., art. L. 111-7-2) encadre la publication des avis sur internet, en imposant un devoir d’information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis en ligne. Toutefois le dol conserve ici des avantages en matière de sanction, puisqu’il permettra de faire annuler le contrat, contrairement aux dispositions du Code de la consommation ne permettant qu’une mise en cause de la responsabilité259. En pratique il ne sera cependant pas simple de prouver que les avis étaient non seulement faux, mais aussi publiés volontairement dans le but de tromper sur les éléments essentiels de la prestation ou du bien.
3-173 Enfin, s’agissant de la violence, elle est cause de nullité du contrat « lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. » (C. civ., art. 1140). Cette violence peut émaner d’une partie ou d’un tiers (C. civ., art. 1142). Elle doit être suffisamment grave au point de vicier le consentement et le faire disparaître, entraînant la nullité du contrat. Dans le cadre d’un contrat électronique souvent conclu entre absents, la violence physique semble peu probable. En revanche, il existe dans l’univers numérique des pressions pouvant être qualifiées de violences. Un marchand peut se retrouver, dans ses relations avec une plateforme en ligne assurant la commercialisation de tous ses produits ou services, dans une situation de dépendance économique le privant de sa liberté de négocier. La réalité du consentement dans une telle situation est remise en cause lorsque l’une des parties abuse de l’état de dépendance de son cocontractant à son égard en lui faisant souscrire des engagements auxquels il n’aurait pas adhéré en toute indépendance, et en tire un avantage excessif (C. civ., art. 1143)260. Cette dépendance viciant le consentement n’est pas limitée à la dépendance économique. On peut donc imaginer de nouveaux cas de violence notamment pour les acheteurs compulsifs, leur état de dépendance conduisant à s’interroger sur un éventuel vice du consentement. Pour reconnaître l’existence d’une violence, il reviendra toutefois à ces acheteurs la difficile tâche de prouver l’état de dépendance à l’égard spécifiquement du vendeur. Il n’existe pas à ce jour de jurisprudence se basant sur la violence pour de telles situations. Par ailleurs, le droit de la consommation261 et le droit de la concurrence262 offrent également des remparts à la protection du consentement du consommateur pour le premier, et des professionnels pour le second.
3-174 En plus des règles de validité sur le fond, le contrat doit également respecter un certain nombre de règles de forme, notamment celles particulières au contrat conclu électroniquement.
3-175 L’article 9 de la directive du 8 juin 2000 relative au commerce électronique263 dispose que : « Les États membres veillent à ce que leur système juridique rende possible la conclusion des contrats par voie électronique ». Les règles de forme internes à chaque pays ne doivent ainsi pas constituer un obstacle aux conventions passées électroniquement. Poursuivant cet objectif, le législateur français a opéré une assimilation progressive du support électronique au support papier (Sous-section I). Le respect d’un certain formalisme imposé pour cette assimilation conduit toutefois à s’interroger sur l’abandon du principe du consensualisme à l’égard du contrat électronique (Sous-section II).
3-176 L’état des lieux du droit positif (§ I), quant à la portée du support électronique, amène à envisager des perspectives de réforme (§ II) pour aller plus loin dans l’assimilation du numérique au papier.
3-177 – L’article 1172 du Code civil (C. civ., art. 1172) pose le principe du consensualisme en droit français. – Ainsi les contrats n’ont à respecter aucune règle de forme pour être valables, sauf exception. L’écrit n’est donc pas exigé en principe. A priori, rien ne s’oppose à l’utilisation d’un support électronique pour la conclusion d’une convention. Par dérogation, l’écrit est parfois imposé à peine de nullité. Il en va ainsi notamment de la cession de contrat (C. civ., art. 1216), de la cession de créance (C. civ., art. 1322), de la convention d’indivision (C. civ., art. 1873-2), ou encore du bail d’habitation (L. no 89-462, 6 juill. 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs, art. 3)264.
3-178 S’agissant des contrats pour lesquels l’écrit est exigé à peine de nullité, l’article 1174 du Code civil (C. civ., art. 1174) précise qu’« il peut être établi et conservé sous forme électronique ». Il faut pour cela que les conditions des articles 1366 et 1367 du même code soient respectées. C’est-à-dire « sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité » (C. civ., art. 1366). S’agissant de la signature électronique manifestant le consentement des parties, elle doit consister en « l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache » (C. civ., art. 1367)265.
3-179 – L’article 1175 du Code civil (C. civ., art. 1175) pose toutefois des limites à l’équivalence du support électronique au support papier. – Certains contrats pour lesquels l’écrit est exigé à peine de nullité sont ainsi exclus de l’équivalence entre papier et électronique et ne peuvent être établis sous cette dernière forme. Cela concerne :
les actes sous seing privé relatifs au droit de la famille et des successions, à l’exception des conventions de divorce par acte d’avocat devant être déposées au rang des minutes d’un notaire, pour lesquelles la forme électronique est ainsi admise ;
les actes sous seing privé relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, sauf s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession.
3-180 – Les actes authentiques peuvent donc toujours être reçus électroniquement. – Des interrogations existent toutefois autour du dépôt du testament olographe dans les conditions de l’article 1007 du Code civil (C. civ., art. 1007). Pour certains, le testament devant être annexé au dépôt, seul l’original peut l’être, nécessitant ainsi un dépôt papier. Or cela semble ajouter une condition à l’article 1007 du Code civil266, aux termes duquel il est simplement prescrit au notaire de conserver l’original du testament au rang de ses minutes. Rien ne semble donc s’opposer à un dépôt électronique, à charge pour le notaire de conserver l’original du testament267.
3-181 S’agissant de la restriction relative au droit de la famille, elle concerne essentiellement l’établissement du testament olographe268. Les actes en la matière sont en effet souvent soumis à certaines solennités269 et notamment la réception d’un acte authentique. Lorsque ce formalisme n’est pas imposé par la loi, la pratique conduit souvent au recours à l’acte authentique en la matière, notamment en droit des successions. En effet, l’usage est davantage de consulter un notaire lors d’un décès, qui recevra les actes qui en découlent (notoriété, déclaration d’option du conjoint survivant, acceptation de la succession, partage…) sous la forme authentique bien qu’elle ne soit pas imposée par la loi.
La restriction de l’article 1175 du Code civil est plus contraignante s’agissant des sûretés personnelles ou réelles. L’acte sous seing privé est courant dans ce domaine270.
L’interdiction du recours à la forme électronique est justifiée par la protection des parties aux actes créant des engagements d’une particulière gravité. Cette forme serait moins protectrice que l’écrit papier271, laissant davantage le temps de la réflexion.
3-182 Le législateur a considéré que certaines circonstances, par exception à l’exception, ne nécessitaient pas cette protection complémentaire :
les conventions sous signature privée contresignées par avocat en présence des parties et déposées au rang des minutes d’un notaire. Il s’agit exclusivement de la procédure du divorce par consentement mutuel, pour laquelle la participation de l’avocat de chaque partie, la présence des époux, et l’intervention du notaire ont convaincu le législateur de la protection du consentement des parties ;
les actes sous signature privée relatifs aux sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale « s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession ». Ici encore, le professionnel n’est pas considéré comme un intervenant nécessitant une protection renforcée. Pourtant, le domaine des sûretés peut s’avérer particulièrement dangereux pour celui-ci, notamment lorsque sa situation économique le pousse à tout tenter pour sauver son activité. La fluidité des affaires est ici préférée à la protection du consentement du professionnel.
3-183 Se pose également la question de la mention manuscrite parfois rendue obligatoire par la loi272. Le principe de cette mention est d’être écrite « de la main », ce qui est simple pour un acte sur support papier, beaucoup moins sur un support électronique. L’article 1174 du Code civil (C. civ., art. 1174), en vue de transposer la directive du 8 juin 2000 et son article 9 précité273, dispose que la mention manuscrite peut être apposée sur support électronique « si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu’elle ne peut être effectuée que par lui-même ». En théorie, l’exigence légale d’une mention manuscrite n’est donc pas un obstacle à la réception d’un acte sous forme électronique. Il en va de même de la mention de l’article 1374 (ancien art. 1326) du Code civil (C. civ., art. 1374) dont la rédaction a été modifiée, prévoyant désormais qu’elle doit être écrite par le débiteur « lui-même » et non plus de sa main. Reste donc à vérifier, lorsqu’une telle mention est exigée, que le procédé de signature électronique utilisé, et donc d’apposition de la mention, garantit l’identité de son auteur274.
L’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989275 traitant de l’engagement de la caution dans le bail d’habitation a été modifié par la loi Elan276. Auparavant, la caution personne physique devait reporter une mention manuscrite relativement longue sur chaque exemplaire du bail sous seing privé. Désormais ladite caution est dispensée d’une telle mention manuscrite : il suffit qu’elle signe « l’acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location, la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte ainsi que la reproduction de l’avant-dernier alinéa du présent article » (L. no 89-462, 6 juill. 1989, art. 22-1, dernier al.). La signature électronique d’un bail d’habitation semble ainsi facilitée, car les parties n’auront pas à se préoccuper d’une mention manuscrite à reproduire dans les conditions de l’article 1174 du Code civil. Toutefois, une question se pose dans l’hypothèse d’un bail consenti par un professionnel et cautionné par une personne physique. L’article L. 331-1 du Code de la consommation impose dans un tel cautionnement une mention manuscrite. Les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et du Code de la consommation semblent ici entrer en conflit : la première dispensant la caution de mention manuscrite et la seconde l’imposant. Cette discordance pourrait être prochainement supprimée par la réforme du droit des sûretés en préparation et destinée à « moderniser les règles du Code civil relatives à la conclusion par voie électronique des actes sous signature privée relatifs à des sûretés réelles ou personnelles » (loi Pacte, 22 mai 2019, art. 60)277.
3-184 La forme électronique a donc fait son apparition officielle en droit des contrats français au début des années 2000278. La réforme du droit des obligations279 n’a pas entraîné de modifications substantielles des dispositions qui y étaient consacrées. Il subsiste encore aujourd’hui des différences entre les formes papier et électronique, pour lesquelles des réformes sont envisageables.
3-185 – Une hiérarchisation des formes. – La directive du 8 juin 2000 relative au commerce électronique prévoit la faculté pour les États membres de créer des exceptions au recours à la voie électronique pour certaines catégories de contrats prédéterminées280. Usant de cette faculté, le législateur a intégré à l’article 1175 du Code civil précité des différences de traitement entre les supports papier et électronique pour certains actes. Cette méfiance envers le support électronique, supposé moins protecteur du consentement que le papier, crée une hiérarchisation des formes.
3-186 – Ces exceptions qui subsistent affaiblissent le contrat sous forme électronique. – En effet, s’il est impossible d’y recourir pour certaines conventions, est-ce parce qu’il a moins de force que le papier ? La protection qu’il apporte aux parties est-elle plus faible ? Dans ce cas, pourquoi l’autoriser pour certains contrats ? Une défiance persiste alors que la technique permet aujourd’hui de certifier l’identité des signataires et d’horodater l’écrit, ce qui semble être une avancée pour les conventions sous seing privé. La forme papier utilisée pour celles-ci ne présente pas les mêmes avantages et semble donc moins protectrice de l’intégrité du contrat. S’agissant du consentement, il est peut-être aujourd’hui illusoire de penser que les parties prennent davantage le temps de la réflexion en signant sur support papier. Dans toutes les hypothèses, les conventions ne sont tout simplement pas lues, quel que soit le support281. Concernant la conscience de l’engagement créé par la convention, le formalisme accompagnant les procédés de signature électronique282 laisse penser que leurs utilisateurs ont tout autant l’impression de signer un contrat qu’en y apposant une signature manuscrite sur un support papier.
3-187 S’agissant du droit des sûretés, il faut espérer que la réforme en préparation sera l’occasion de supprimer l’interdiction du recours à la forme électronique pour les actes sous seing privé constituant des sûretés réelles ou personnelles, en matière civile et commerciale283.
3-188
L’avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés diffusé en décembre 2020 propose la suppression de l’exclusion de la forme électronique pour les actes sous signature privée relatifs aux sûretés personnelles ou réelles. Il est avancé que : « La suppression du 2o de l’article 1175 permet de conclure l’ensemble des sûretés par voie électronique. Cette modification permettra notamment de dématérialiser les cautionnements, ce qui est aujourd’hui impossible.
Cette modification ne réduit pas la protection des constituants, les exigences formelles relatives à chaque sûreté devant toujours être respectées ; en particulier, pour le cautionnement, la caution personne physique devra toujours apposer une mention, mais elle le fera de manière électronique ».
3-189 S’agissant des actes sous seing privé relatifs au droit de la famille et des successions, l’utilisation de la forme électronique dans les conditions de l’article 1366 du Code civil284 garantirait tant l’identité des signataires que l’intégrité et la conservation du contrat. La forme dématérialisée apparaît d’ailleurs plus protectrice sur ces trois points que la forme papier, qui ne garantit pas l’identité des signataires, et présente un risque de perte. Il reste un point délicat en matière de droit de la famille concernant le testament olographe285. Il est vrai que l’obligation d’écrire manuscritement son testament donne conscience de son contenu et semble être la meilleure manifestation de volonté que puisse exprimer le testateur. Les mentions manuscrites peuvent toutefois être portées électroniquement, alors qu’elles sont notamment prévues pour renforcer le consentement par la prise de conscience qu’elles emportent. Un raisonnement similaire pourrait amener à une réforme du testament olographe. Il faudrait en tout état de cause s’assurer que le testament est bien écrit en totalité par le testateur, et ne consiste pas en un simple « copier-coller » d’un modèle.
3-190 Les réticences du législateur en matière de contrat électronique et de protection du consentement semblent d’autant plus superflues que la loi impose un formalisme particulier en la matière. La question se pose d’ailleurs de l’abandon du principe du consensualisme pour le contrat électronique.
3-191 Le législateur a imposé un certain formalisme à la conclusion d’un contrat électronique. La règle de forme principale réside dans l’exigence du double clic286.
reste-t-il un contrat consensuel comme il le serait sous forme papier, ou bien l’utilisation d’un procédé électronique le fait-il basculer dans la catégorie des contrats solennels ?
3-192 Traditionnellement en droit français, le principe est celui du consensualisme, « manifestation de la liberté contractuelle sur le terrain de la forme »287. Cela signifie qu’aucune forme particulière n’a à être respectée pour la conclusion d’un contrat. Par exception, certains contrats sont réels, c’est-à-dire parfaits non seulement par l’échange des consentements mais aussi par la remise d’une chose ; ou encore solennels, pour lesquels l’échange des consentements doit être doublé du respect de formes particulières. Dans le contrat solennel, la forme à respecter peut être l’emploi de l’acte authentique288, mais pas uniquement289. Généralement le formalisme accompagnant les contrats solennels est dicté par un impératif de renforcement du consentement. Ainsi, respecter certaines solennités imposées par la loi permettrait aux parties de prendre davantage conscience de l’engagement pris. La lourdeur du formalisme lié au contrat solennel a pour effet d’allonger le processus de formation du contrat, et donc de ralentir l’activité économique. Au contraire, le consensualisme ne reposant que sur l’expression de la volonté des parties, la fluidité des affaires est assurée.
3-193 – La multiplication des contrats formels. – Face aux déséquilibres de plus en plus fréquents entre les parties, le législateur multiplie les contrats formels.
Une distinction naît entre les contrats au formalisme direct ou substantiel et indirect ou atténué290. Les premiers correspondent aux contrats solennels et réels, pour lesquels la forme est exigée à peine de nullité. Les seconds correspondent aux contrats dont une forme est exigée pour assurer leur preuve ou leur opposabilité.
3-194 S’agissant des contrats solennels et réels, la question délicate se pose de savoir si ce formalisme a pour objet la protection d’un intérêt privé ou public, et donc la nature de la nullité sanctionnant son non-respect291. Si les solennités imposées par la loi ont pour objet la protection du consentement de l’une des parties, alors la nullité serait relative. Si au contraire elles sont destinées à réguler l’activité économique, alors la nullité serait absolue. Le recours à la théorie classique des nullités facilite la qualification de la sanction du non-respect du formalisme : celui-ci étant attaché à un élément essentiel du contrat (la forme), la nullité est absolue. Toutefois, la réforme du droit des obligations de 2016 a consacré la théorie moderne des nullités (C. civ., art. 1179). Il convient donc de rechercher l’intérêt préservé pour déterminer la nature de la nullité.
3-195 Les contrats relevant du formalisme atténué sont soumis au respect de certaines formes, mais uniquement pour en assurer la preuve ou l’opposabilité. La sanction du non-respect de la forme prescrite par la loi n’est alors plus la nullité mais une absence de preuve ou une inopposabilité aux tiers.
3-196 – L’interrogation porte sur la qualification du formalisme correspondant à la règle du double clic292. – L’article 1127-2 du Code civil (C. civ., art. 1127-2) emploie le terme de « valablement conclu ». Certains auteurs en ont donc induit que le contrat conclu sous forme électronique et soumis à la règle du double clic était un contrat solennel293. Si l’on retient cette qualification tout en considérant que ce formalisme est prévu pour la protection du consommateur, du marché, et donc de l’économie, la nullité serait absolue. Il en va de même selon la théorie classique des nullités. Cela signifie que le professionnel soumis à la règle du double clic pourrait s’appuyer sur sa propre turpitude (dans la mesure où il ne respecte pas le formalisme qui lui est imposé) pour faire annuler une convention.
La qualification de contrat solennel n’emporte pas la majorité en doctrine294, les auteurs considérant que le terme « valablement » relève davantage d’une légèreté du législateur que d’une volonté de sanctionner par la nullité le non-respect du formalisme du double clic. Cette obligation est rapprochée des « néo-formalismes » ayant fait leur apparition en droit de la consommation295 et relevant du formalisme atténué ci-dessus évoqué.
Ainsi la règle du double clic serait une modalité d’expression du consentement. Il faut y voir une simple technique normée de manifestation de la volonté entre deux parties physiquement absentes. Il ne s’agit pas d’une forme protectrice du consentement, mais d’une simple manière d’expression de celui-ci dans un monde où la poignée de main ou encore la signature manuscrite ne sont pas possibles. Le fait que le destinataire de l’offre puisse vérifier le détail de sa commande et son prix et corriger les éventuelles erreurs avant validation « [exprimant] son acceptation définitive » ne constitue pas en soi une solennité. Il s’agit du récapitulatif des conditions essentielles du contrat. Le second clic validant l’accord de l’utilisateur constitue l’outil de manifestation du consentement sur ces conditions essentielles, indispensable à la conclusion du contrat. La règle du double clic est l’outil d’extériorisation de la volonté sur les éléments fondamentaux du contrat, et non une forme destinée à attirer l’attention de la partie faible sur les conséquences de son consentement.
Le non-respect de ce formalisme entraînerait donc l’inexistence du contrat, faute de consentement. La responsabilité de l’opérateur pourrait également être mise en cause.
À l’exception des contrats conclus par échanges de courriers électroniques, les conventions passées sous la forme électronique doivent respecter la règle du double clic. Les professionnels ont la possibilité d’exclure cette règle dans leurs relations mutuelles.
Cette règle impose de permettre au destinataire de l’offre de vérifier le détail de sa commande et le prix total avant validation. Avant le second clic, le destinataire de l’offre peut encore sans frais modifier sa commande, ou ne pas la valider.
Une fois le second clic de validation donné par le destinataire de l’offre, son émetteur doit accuser réception de la commande sans délai et par voie électronique.
3-197 Une fois le contrat électronique conclu valablement, comme respectant tant les conditions de fond que de forme requises ad validitatem, se pose la question de sa force probante. Au-delà du contrat, certaines technologies présentent des qualités pouvant être exploitées dans le domaine du droit en matière probatoire. Cela est notamment le cas de la signature électronique et de la blockchain.