CGV – CGU

Partie II – Protéger l’habitat et le patrimoine historique
Titre 1 – La protection de l’habitat
Sous-titre 1 – La volonté de soutenir l’offre de logements
Chapitre I – Les réglementations d’urbanisme et de construction

3264 La protection du logement relève essentiellement de plusieurs réglementations issues du Code de l’urbanisme et du Code de la construction et de l’habitation.

Section I – Le permis de démolir

3265 À l’origine, la législation sur le permis de démolir est liée à la crise du logement qui sévissait dans certaines villes au lendemain de la dernière guerre719. Cette législation a été plusieurs fois modifiée pour aboutir à celle issue de la réforme du 8 décembre 2005 et de sondécret d’application du 5 janvier 2007720 qui introduit les articles R 421-26 à R. 421-29 et les articles R. 451-1 à R. 453-1 nouveaux dans le Code de l’urbanisme721.

Nous distinguerons le champ d’application du permis de démolir (§ I) et ses liens avec la législation sur le maintien dans les lieux de l’occupant du logement (§ II).

§ I – Le champ d’application du permis de démolir

3266 – Les zones concernées par le permis de démolir. – Elles sont limitativement énumérées par le Code de l’urbanisme et ne s’étendent pas à l’ensemble du territoire national. Il faut, en premier lieu, que les travaux visent à démolir une construction dans une commune où le conseil municipal a décidé d’instituer le permis de démolir (C. urb., art. R. 421-27).

Dans l’hypothèse où le conseil municipal n’a pas statué sur ce point, l’article L. 421-28 du même code prévoit l’obligation d’un permis de démolir lorsque la construction concernée :

est située dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable ;

dans les abords d’un monument historique ;

dans un site inscrit, classé ou en instance de classement ;

dans un territoire présentant un intérêt patrimonial, paysager ou écologique.

On relèvera que l’article L. 421-28 du Code de l’urbanisme se préoccupe plus du cadre de vie que de la protection de la crise du logement. Il en est de même pour l’étendue des travaux concernés.

Les démolitions concernées par le permis sont, au regard de l’article R. 421-7 du Code de l’urbanisme, « les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d’une construction ». Reste que, selon la jurisprudence, seules les destructions visibles de l’extérieur sont concernées par cette législation.

Ainsi la démolition d’un portail et d’un mur722, d’une terrasse pavée sur dalle723, d’un escalier extérieur724 donnent lieu à délivrance d’un permis de démolir.

En revanche, une modification du cloisonnement intérieur et une fermeture de la cage d’escalier725, les travaux qui ne portent pas atteinte au gros œuvre du bâtiment726 ne sont pas concernés par cette législation.

Toutefois, cette obligation d’obtenir un permis de démolir a été déclarée applicable lorsque les travaux rendent inutilisable tout ou partie de la construction. C’est le cas du propriétaire qui dépèce son immeuble pour en chasser les occupants727 ou lorsque les travaux ont pour effet de mettre l’immeuble en péril728.

§ II – Le permis de démolir et le maintien dans les lieux du locataire

3267 La loi no 48-1360 du 1er septembre 1948, relative aux rapports entre les bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, bien connue pour le maintien dans les lieux institué par son article 4, a prévu que le droit à ce maintien ne s’applique pas si le propriétaire détruit pour reconstruire un autre immeuble d’une surface habitable supérieure (art. 11) ou s’il effectue des travaux de surélévation ou d’addition de construction ayant pour objet d’augmenter la surface habitable, le nombre de logements ou le confort de l’immeuble (art. 12).

Dans ces hypothèses, « le propriétaire devra donner un préavis de six mois pour vider les lieux », mais la validité du congé est subordonnée à celle du permis de construire729.

Les habitations à loyer modéré connaissent une législation comparable, prévue à l’article L. 442-6 du Code de la construction et de l’habitation, qui précise qu’en cas d’autorisation de démolir ou de convention Anru730, le locataire pour lequel un logement a été conçu pour son relogement ou qui a refusé trois offres de relogement « est déchu de tout titre d’occupation des locaux loués ».

Section II – Le changement de destination

3268 La nécessité d’une autorisation lorsqu’il y a changement de destination de l’immeuble est relativement récente puisqu’elle n’a été introduite dans le Code de l’urbanisme que par la loi no 76-1285 du 31 décembre 1976. Aujourd’hui c’est l’article R. 151-27 du Code de l’urbanisme731 qui détermine les destinations à prendre en compte au regard des autorisations d’urbanisme.

Avant d’indiquer les autorisations prévues par le code (§ II), nous nous attacherons à définir ce qu’il faut entendre par changement de destination (§ I).

§ I – La notion de changement de destination

3269 – Le changement de destination ne doit pas être confondu avec le changement d’usage de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation. – Le changement de destination n’est pas lié à des considérations sociales, mais uniquement à des considérations propres aux règles d’urbanisme notamment pour ce qui relève de la desserte des immeubles, des places de stationnement et éventuellement du coefficient d’occupation des sols.

Le changement de destination ne vise pas directement à protéger le logement, comme le prévoit l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation, mais à vérifier que le logement est bien intégré dans son environnement. Ainsi il permet notamment à la personne publique de vérifier que le nombre de places de stationnement est compatible avec le nouvel usage qui sera donné au bâtiment. Il ne vise pas une surélévation qui entraîne la création de logements supplémentaires732.

En cas d’abandon de la destination primitive, la jurisprudence apprécie les changements en fonction de la dernière utilisation effective des locaux. Le changement affectant seulement une partie de l’immeuble entre dans le cadre de cette législation.

3270 Les articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme définissent les destinations et les sous-destinations suivantes :

§ II – Les autorisations de changement de destination et de sous-destination

3271 – Changement de destination. – Le changement de destination d’un bâtiment existant pour l’une des cinq destinations précitées peut être soumis à une simple déclaration préalable ou à un permis de construire. Si le projet relève de plusieurs régimes différents, c’est la formalité la plus contraignante qui doit être respectée : en ce cas, une demande de permis de construire dispense de toute autorisation préalable734.

Un permis de construire sera exigé par l’article R. 421-14 du Code de l’urbanisme lorsque le changement d’usage s’accompagne de travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment ou de créer une emprise au sol ou une surface de plancher supérieure à 20 m2. Il ne faut pas omettre que l’article R. 421-16 prévoit que « tous les travaux portant sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire ».

Une déclaration préalable est requise par l’article R. 421-17 du Code de l’urbanisme lorsque le changement d’usage ne s’accompagne pas de travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment ou de créer une emprise au sol ou une surface de plancher supérieure à 20 m2.

3272 – Changement de sous-destination. – Un changement de sous-destination à l’intérieur de l’une des cinq destinations requiert :

un permis de construire lorsque le changement s’accompagne des travaux ci-dessus énoncés ;

aucune formalité : s’il s’agit d’un changement de sous-destination ne s’accompagnant pas de travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment ou de créer une emprise au sol ou une surface de plancher supérieure à 20 m2.

3273 Tableau récapitulatif des autorisations administratives requises en cas de changement de destination ou de sous-destination.

Section III – Le changement d’usage

3274 Le Code de la construction et de l’habitation organise une protection des logements existants en réglementant le changement d’usage des locaux d’habitation (CCH, art. L. 631-7). Celui-ci ayant déjà fait l’objet de commentaires dans des congrès précédents735, il en sera uniquement rappelé les grandes lignes sous forme de tableau (V. infra, no a3275). Actuellement, cette législation de protection connaît un usage de plus en plus important grâce à la faculté d’extension prévue à l’article L. 631-9 du même code (étudiée ci-après à la section IV).

3275 Issu à l’origine d’une ordonnance du 11 octobre 1945, le texte actuel provient de l’ordonnance no 2005-655 du 8 juin 2005, modifiée par la loi du 23 novembre 2018736 qui étend sa protection au bail mobilité nouvellement créé.

Dans les territoires concernés, le changement d’usage d’un local d’habitation est soumis à autorisation. Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage737.

Le tableau suivant synthétise cette législation :


Section IV – La faculté d’extension du champ d’application du changement d’usage

3276 – Extension du domaine d’application géographique. – L’extension du domaine d’application géographique du changement d’usage était initialement prévue à l’initiative du préfet, mais depuis la loi de modernisation de l’économie, dite « loi LME »741, elle est de l’initiative du maire qui demande au préfet de prendre un arrêté d’extension conformément aux dispositions de l’article L. 631-9 du Code de la construction et de l’habitation. Le texte prévoit également que cette extension peut faire l’objet d’une demande « pour les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants dont la liste est fixée par le décret mentionné au I de l’article 232 du Code général des impôts, par une délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal ».

Comme l’avaient remarqué les rédacteurs du 112e Congrès des notaires de France742, la nuance est importante et s’explique par le fait que depuis la loi LME du 4 août 2008, le contrôle des changements d’usage a été transféré aux communes. Ainsi, si l’État garde encore la maîtrise de l’extension, il en a perdu l’initiative.

Nombre de délibérations locales743 ont été prises pour permettre aux élus locaux de connaître l’évolution des logements sur leurs communes. Ces délibérations sont également prises en vue de connaître et de tenter d’organiser la location de courte durée, ainsi qu’il sera étudié plus en détail ultérieurement.


719) Ord. no 45-2394, 11 oct. 1945 : JO 19 oct. 1945, p. 6646.
720) D. no 2007-18, entré en vigueur le 1er oct. 2007 par suite du vote de la loi no 2007-209 du 19 février 2007.
721) Sur ces modifications législatives successives, V. JCl. Construction-Urbanisme, Fasc. 850, par G. Liet-Veaux, act. par G. Ricard.
722) JurisData no 1992-042753.
723) CAA Paris, 31 mai 2011, no 10PA06101.
724) CE, 29 juill. 1994, no 138895.
725) CAA Paris, 19 juin 1966 : JurisData no 1996-046206.
726) CE, 4 févr. 2004. : JurisData no 2004-066406.
727) Cass. 1re civ., 15 juin 1964 : Bull. civ. 1964, I, no 317.
728) CE, 10 juin 1992 : JurisData no 1992-044660.
729) CE, 10 juill. 1974, Assoc. Artistes 65 Bd Arago à Paris : Rec. CE 1974, p. 406.
730) Créé par la loi no 2003-710 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation du 1er août 2003.
731) Issu du décret no 2015-1783 du 28 décembre 2015.
732) CAA Nancy, 30 sept. 1999, Pauly : JurisData no 1999-108526 ; Constr.-Urb. 2000, 194, note D. Larralde.
733) Décret no 2020-78 du 31 janvier 2020.
734) JCl. Notarial Formulaire, Fasc. 700, Construction et Urbanisme, no 65, par G. Liet-Veaux, act. par J.-L. Pissaloux.
735) 89e Congrès des notaires de France, Cannes, 1993, Urbanisme et sécurité juridique, 4e commission, p. 873 et s., par G. Vidalenc et H. Wargny ; et en dernier lieu 112e Congrès des notaires de France, Nantes, 2016, La propriété immobilière, entre liberté et contraintes, 2e commission, p. 307 et s., par M.-H. Augereau-Hue et O. Boudeville.
736) L. no 2018-1021 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite « loi Elan »).
737) CCH, art. L. 631-7 in fine.
738) V. ci-après, Section IV.
739) Communes situées en zone tendue dans lesquelles existe un déséquilibre entre l’offre et la demande de logement pour lesquelles l’article 232 du Code général des impôts institue la taxe annuelle sur les logements vacants.
740) L. no 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 146, dite « loi Elan ».
741) L. no 2008-776, 4 août 2008.
742) Nantes, 2016, La propriété immobilière, entre liberté et contraintes..
743) Par ex. : Délibération du conseil municipal de Grimaud (Var), 23 mai 2018.
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