CGV – CGU

Partie II – Protéger ses proches par la transmission
Titre 1 – Protéger ses proches selon la loi
Sous-titre 2 – La protection légale et renforcée des proches : la réserve héréditaire
Chapitre I – La protection essentielle des proches : la raison d’être de la réserve héréditaire

2201 La réserve héréditaire est une pièce maîtresse de notre droit des successions et des libéralités. Elle exerce une fonction centrale dans la société et dans la vie économique. La réserve héréditaire accorde une protection accrue à certains héritiers légaux en les hiérarchisant. Envisageons donc dans un premier temps la notion de réserve héréditaire (Section I) puis dans un second temps ses fondements (Section II). Enfin, nous achèverons ce chapitre sur la théorie générale de la réserve héréditaire par une section conclusive consacrée à sa remise en cause (Section III).

Section I – La notion de réserve héréditaire

2202 Envisageons successivement la notion même de réserve héréditaire (Sous-section I) puis brièvement son histoire (Sous-section II) et sa présence ou non dans d’autres pays (Sous-section III), pour finir avec ses principaux caractères (Sous-section IV).

Sous-section I – Définition

2203 – Définition. – En langage courant, une réserve est une quantité de choses mises de côté dans un but bien précis et en général pour faire face à un besoin, à un danger ou à une situation nuisible. Il y a la réserve de carburant, la réserve alimentaire, la réserve obligatoire des entreprises, la réserve animale… Toutes ces réserves sont orientées vers une idée de protection, de se prémunir contre un risque. Ces réserves qui sont courantes peuvent aussi être affectées à certaines situations ou au bénéfice de certaines personnes310.

En droit privé la notion de réserve n’est pas « réservée » au droit des successions, et le Vocabulaire juridique Capitant définit ce terme comme : « action de réserver (de mettre à part, de côté) et résultat de cette action. Le sens utile varie selon l’objet, l’auteur et le bénéficiaire de la réserve (ces derniers coïncident lorsque quelqu’un se réserve quelque chose) ». On pense naturellement à la réserve de propriété ou à la réserve d’un droit comme un droit de retour, un usufruit, etc., puis le célèbre dictionnaire si cher aux étudiants enchaîne avec la définition de la réserve héréditaire qui est sans doute la réserve la plus importante dans notre Droit.

L’article 912 du Code civil définit ainsi la réserve héréditaire : « La réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent ».

2204 – Conséquences directes de cette définition. – Le Traité de Planiol et Ripert, avec la clarté et la simplicité qui le caractérisent, énonce que : « La part des biens qui doit advenir nécessairement aux héritiers ab intestat est la réserve. La part dont on peut disposer à titre gratuit est la quotité disponible »311. Il résulte plusieurs choses de ces définitions :

la réserve héréditaire est inséparable de la dévolution légale, elle s’y ajoute, elle la renforce ;

vue du côté des héritiers, la réserve est un avantage important, une véritable protection, une garantie qu’ils hériteront ;

vue du côté du de cujus, elle est une forte limitation à sa liberté de disposer de ses biens comme il l’entend. Elle est une affection patrimoniale obligatoire pour certains proches. Elle oblige à transmettre des biens à des personnes envers qui l’on n’a pas forcément d’affection.

On voit bien par ces deux derniers points le côté polémique de la réserve héréditaire. Atteinte à la liberté d’un côté, forte protection d’un autre. C’est pour cela que depuis toujours la réserve héréditaire a été discutée tant dans son principe que dans ses modalités.

Sous-section II – La protection par la réserve : une question ancienne (bref historique de la réserve héréditaire)

2205 – Un contexte historique important. – On sait que le droit français est aux confins de plusieurs systèmes juridiques très différents, voire opposés dans leur conception. Les deux principaux systèmes juridiques sont, d’une part, le droit romain, dont la dévolution successorale était basée sur la transmission testamentaire, ainsi que le choix par le de cujus de ses successeurs (§ I) et, d’autre part, le droit coutumier qui ne connaissait que la dévolution légale (§ II). On sait également que le droit canon n’est pas totalement étranger au droit successoral qu’il a très certainement influencé (§ III). Ces trois systèmes juridiques ont cohabité pendant de nombreux siècles sur le sol français, et ils se sont nécessairement influencés les uns les autres. Le droit révolutionnaire fut un droit réactionnaire et sa conception de la réserve héréditaire en a été une illustration (§ IV). Quant au Code civil, par la sagesse et l’intelligence de ses rédacteurs, il a réalisé un compromis entre toutes ces conceptions de l’héritage (§ V). Enfin, les dernières réformes sont revenues sur ce compromis qui avait été opéré en 1804 (§ VI)312.

§ I – Le droit romain

2206 – Le droit romain initial : la suprématie de la volonté du de cujus. – Jusqu’à la fin de la République romaine, la liberté testamentaire du pater familias est absolue. Le testament revêt un caractère à la fois solennel et sacré. Il a un caractère public dans sa proclamation devant les comices curiates et les pontifes. Par cette autorité testamentaire, le de cujus exerce une forme de justice familiale. Par l’institution de ses héritiers, il sanctionne ou récompense telle ou telle attitude de ses proches. Ce pouvoir discrétionnaire de l’autorité paternelle n’a pas été sans provoquer des injustices ou des excès ; elle a donc subi quelques amoindrissements par la suite.

2207 – De la fin de la République à l’empereur Constantin. – Très probablement en contemplation des excès de la suprématie paternelle et en raison de l’influence chrétienne, est apparue l’idée d’un devoir naturel de transmettre à certains proches une partie de ses biens dans le but de protéger ses héritiers légitimes. Ainsi le testament exhérédant totalement un héritier légitime sans véritable motif pouvait faire l’objet d’une action en justice visant à l’annuler : la querela inofficiosi testamenti313. Les héritiers admis à une telle action devaient remplir des conditions très précises eu égard à sa gravité. En effet, elle portait atteinte à la mémoire du testateur dans la mesure où elle présumait son absence de raison. Si elle était admise, c’est l’entier testament qui était privé d’effet. C’était une première protection donnée aux héritiers légitimes. Vint ensuite une seconde protection : la Quarte Falcidia. La loi Falcidie a créé une fraction de patrimoine qui permettait à l’héritier du sang de recueillir le quart des biens qu’il aurait reçus en l’absence de testament. Cette quarte, appelée aussi « légitime », profitait non seulement aux descendants, mais aussi aux ascendants et aux frères et sœurs. Réunies dans un même système juridique, la querela inofficiosi testamenti et la légitime constituaient les ancêtres de notre réserve héréditaire, mais elles ne protégeaient pas l’héritier légitime contre la dispersion, de son vivant, par le de cujus de ses biens. C’est alors qu’est apparue la querela inofficiose donationis. Cette action en justice permettait aux héritiers légitimes de réduire les donations trop importantes portant atteinte à leur légitime.

2208 – De Constantin à Justinien. – Les Novelles 18 et 115 de Justinien portent la légitime à un tiers des biens du testateur s’il laisse quatre enfants au moins et à la moitié s’il laisse plus de quatre enfants. C’est ainsi que la légitime devient collective et non individuelle. Ce régime de la légitime a reçu une forte application sous l’Ancien droit français dans les régions de droit écrit.

§ II – Le droit coutumier

2209 – Une conception familiale du patrimoine. – Malgré le nombre important de coutumes et la diversité de leurs règles, on peut avancer l’idée que toutes ces coutumes avaient une conception familiale du patrimoine. Les biens étaient conçus comme appartenant à une famille, à une lignée plus qu’à des individus. Ils étaient essentiels à la survie familiale, lui procurant ses ressources et donc sa protection contre les famines ou les conflits avec les peuples ou familles voisines. Dans ce système, on conçoit donc que la place de la volonté du de cujus devait être sinon inexistante, tout au moins très étroite. Toutefois, cette réserve héréditaire allait des deux tiers (Ouest) aux quatre cinquièmes (Coutume de Paris)314. Cette réserve héréditaire ne s’appliquait que sur les biens eux-mêmes reçus par le de cujus de sa famille et ne protégeait le lignage que contre les legs, les donations étant libres. Aussi, face à cette protection insuffisante des héritiers du sang, bon nombre de coutumes ont intégré dans leurs règles une légitime héritée du droit romain (pars bonorum) lorsque la réserve se montrait insuffisante pour assurer son avenir.

§ III – Le droit canon

2210 – Une influence politique. – L’étude du droit canon, droit de l’Église catholique, est souvent évincée lorsqu’il s’agit de la réserve héréditaire. Pourtant son influence sur le droit successoral est considérable pour deux raisons :

le droit des successions est accolé à la mort, qui a toujours été directement liée à la religion, et davantage encore pour la religion chrétienne dans la mesure où la mort est la renaissance dans l’Au-delà qui est la quête du chrétien ;

les institutions d’Église, contre-pouvoir politique important et puissance économique considérable tant au Moyen Âge que sous l’Ancien Régime, avaient comme ressources importantes les libéralités des fidèles. La pratique de ces libéralités pieuses, puis des indulgences, était très répandue. La réserve et la légitime étaient de fortes limitations à ces libéralités religieuses. Ces libéralités pieuses étaient vues d’un mauvais œil par le pouvoir politique en place315.

§ IV – Le droit intermédiaire

2211 – Radical au lendemain de la Révolution. – Par réaction au passé, et refusant l’idée que par testament on puisse rétablir le droit d’aînesse et le privilège de masculinité, les révolutionnaires ont, dans un premier temps, fait une place négligeable à la liberté testamentaire. La réserve pesait sur toute la succession quelle que soit l’origine des biens et le disponible n’était que d’un dixième en présence de descendants et d’un sixième en présence de collatéraux (lois des 5 brumaire an II et 17 nivôse an II). Les héritiers du sang étaient exclus de cette quotité disponible.

2212 – Moins radical à la veille du Code civil. – La loi du 4 germinal an VIII a assoupli ces règles en adaptant la réserve à la configuration familiale du de cujus : un quart en présence d’enfants, la moitié en présence d’ascendants, de frères et sœurs ou de neveux ou nièces, et trois quarts en présence d’autres héritiers plus éloignés. Cette quotité disponible était à nouveau ouverte aux réservataires.

§ V – Le compromis du Code civil de 1804

2213 – Une synthèse des conceptions en présence. – Mettant entre parenthèses les excès égalitaristes des révolutionnaires, le Code civil a réalisé une synthèse entre la légitime romaine et la réserve coutumière316.

Du droit romain il a adopté :

la conception universelle de la légitime : la réserve porte sur tous les biens du défunt sans distinguer de leur origine ;

la conception globale de la légitime en ce sens que la réserve héréditaire protège contre toutes les libéralités : testaments et donations.

Il s’est inspiré du droit coutumier :

en limitant la réserve héréditaire au lignage : descendants et ascendants ;

en sanctionnant les libéralités excessives par une réduction en nature (pars hereditatis).

Le Code civil a donc créé une réserve pour les père et mère, ascendants privilégiés, d’un quart chacun et une réserve pour les descendants, l’une étant exclusive de l’autre. Cette dernière réserve héréditaire est fonction du nombre d’enfants laissés par le défunt : une moitié en présence d’un enfant, deux tiers en présence de deux enfants et trois quarts en présence de trois enfants ou plus. Les atteintes à la réserve étaient sanctionnées par une réduction en valeur.

§ VI – Les dernières évolutions législatives

2214 – Les réformes du 3 décembre 2001 et du 23 juin 2006317. – À notre époque moderne, cette conception de la réserve héréditaire est apparue en décalage avec l’évolution de notre société. Aussi cette conception lignagère de la réserve a été fortement atténuée par la suppression de la réserve des ascendants et l’instauration de la réserve du conjoint survivant. La réserve héréditaire s’est donc concentrée autour de la famille restreinte du de cujus. Ces réformes ont admis le principe d’une réduction en valeur de principe, écartant ainsi des fondements de la réserve l’idée de patrimoine familial ou de conservation des biens pour être d’ordre alimentaire. La réforme du 23 juin 2006 a également admis plusieurs atteintes à la réserve comme la renonciation anticipée à l’action en réduction. On voit bien que cette réserve héréditaire, pilier du système successoral français, ligne directrice des transmissions du patrimoine au sein des familles, a subi un fléchissement certain.

§ VII – Conclusion sur l’histoire de la réserve héréditaire

2215 – La réserve héréditaire : émanation du Droit naturel. – Tous les systèmes juridiques, ancêtres du nôtre, ont participé à la construction de notre réserve héréditaire. Le droit romain et les coutumes barbares, sous l’influence du droit canon, avaient à cœur deprotéger certains proches, de leur donner tantôt des biens tantôt des aliments tout en voulant préserver la liberté de l’individu. La réserve héréditaire est enracinée au plus profond des origines de notre Droit. Elle montre par son histoire et ses contestations récurrentes sa capacité à évoluer et à s’adapter aux évolutions sociales, politiques et économiques du pays. La réserve héréditaire, à l’évidence, trouve son origine, sa source, dans le Droit naturel318. Ses fondements sont toujours les mêmes, c’est seulement l’importance de l’un par rapport à l’autre qui évolue au gré de l’époque. Mais c’est après tout le destin de toute règle de droit, de toute institution, et le défi du législateur.

Quand la persistance de la réserve, après tant de révolutions politiques et économiques, nous a prouvé qu’elle a sa base dans la loi naturelle, quand son principe a triomphé de toutes les objections accumulées contre elle par la passion, l’erreur ou le préjugé ; quand sa quotité actuelle a été discutée et quelques innovations proposées à son sujet, qu’importe à la morale, à l’union des familles, à la richesse publique, que des questions de droit positif, des conciliations de textes, des apices juris, divisent encore les auteurs et les tribunaux.

Sous-section III – La protection par des droits réservataires : une préoccupation internationale

2216 – Importance du droit. – Une vision internationale de la réserve héréditaire est, à notre époque, très importante. Le 72e Congrès des notaires319 avait déjà insisté sur cette importance en établissant un tableau quasi exhaustif des États mondiaux et de l’existence ou non d’une réserve dans leur droit. Elle l’est pour deux raisons principales :

la première, qu’il faut bien regarder en face, est cette lutte entre deux systèmes juridiques. Celui des pays anglo-saxons (pays de common law) qui ne connaissent pas la réserve héréditaire et celui des pays de droit continental. Chacun de ces systèmes voulant influencer l’autre320 ;

la seconde est liée à la mobilité importante des personnes sur la planète ainsi que la fréquence des éléments d’extranéité dans les situations personnelles et familiales des sujets de droit. Plusieurs droits seront applicables à des successions. Certains connaissent la réserve, d’autres pas… il faudra bien arbitrer.

2217 – La réserve héréditaire au-delà de nos frontières. – Dans le tableau suivant, nous avons essayé de répertorier un certain nombre de pays pour constater non seulement l’existence ou non d’une réserve, mais aussi ses bénéficiaires et sa mise en œuvre321.







Sous-section IV – L’altération des caractères de la réserve héréditaire : un affaiblissement de sa protection ?

2218 La réserve héréditaire revêt de nombreux caractères. Elle est légale, successorale322, impérative, collective et initialement en nature. C’est sur ces trois derniers caractères que nous nous attarderons en constatant que ces traits de la réserve sont en nette récession aujourd’hui, ce qui interroge sur la pérennité de ses fondements que nous étudierons dans la section suivante.

§ I – Le caractère impératif de la protection par la réserve

2219 La réserve héréditaire était, avec la prohibition des pactes sur succession future et la prohibition des substitutions fidéicommissaires, l’un des bastions de l’ordre public successoral. Si elle occupe une place toujours importante dans cet ordre public de direction (A), il n’en demeure pas moins qu’elle est en très net repli (B).

A/La réserve : une citadelle protectrice

2220 – Réserve héréditaire et ordre public successoral. – L’appartenance de la réserve héréditaire à l’ordre public successoral ne fait aucun doute en ce qu’elle ne peut être remise en cause par la volonté du défunt. Elle est, vis-à-vis du de cujus, intangible. Les règles organisant la réserve héréditaire sont à la fois strictes et obligatoires pour le de cujus qui ne peut, de sa volonté individuelle, s’en libérer ni même l’aménager (cette rigueur doit aujourd’hui être nuancée). La réserve héréditaire s’impose à celui qui a du patrimoine, des descendants et à défaut un conjoint. On enseigne traditionnellement que cet ordre public est un ordre public de direction et qu’il n’est pas un ordre public économique323. Toutefois, on pourrait avancer l’idée que de l’ordre public de direction on est passé à l’ordre public de protection. En effet, l’atteinte à la réserve héréditaire ne peut être soulevée d’office par le juge, elle ne peut être sanctionnée qu’à la demande de l’héritier réservataire lésé. Sa demande est d’ailleurs individuelle et ne profite pas aux autres. Une fois l’atteinte à la réserve connue, l’héritier peut librement et en connaissance de cause renoncer à cette protection légale.

B/La réserve : une citadelle assaillie

2221 Ces trente dernières années, la réserve héréditaire a subi de fortes atteintes. Nous n’en relèverons que les plus importantes.

2222 – L’assurance-vie. – L’article L. 132-13 du Code des assurances exclut les capitaux retirés du bénéfice d’une assurance-vie du régime des libéralités et plus spécialement du champ de la réduction324. Cette exclusion résulte directement du régime de la stipulation pour autrui, le bénéficiaire retirant son avantage directement de la compagnie d’assurance et non pas du souscripteur défunt. La somme perçue ne provient pas du patrimoine du de cujus. La règle ne vaut pas si les primes versées par le de cujus sur le contrat sont manifestement exagérées. Cette règle, sans doute parfaitement justifiée pour les assurances de décès pur, l’est beaucoup moins pour les assurances-vie dites « de capitalisation » (assurances mixtes) où le souscripteur a versé des primes qui, majorées des fruits nets de gestion, seront versées aux bénéficiaires. Une vive discussion doctrinale, que nous ne reprendrons pas, a eu lieu. Certains considéraient que tous les éléments constitutifs de la libéralité étaient présents dans cette forme d’assurance-vie qui finalement s’écarte de l’assurance elle-même, elle devait participer au calcul de la réserve héréditaire et être soumise à la réduction des libéralités. D’autres, au contraire, soutenaient l’existence d’un aléa et d’un particularisme qui justifiait ce régime dérogatoire325. La Cour de cassation, par une série d’importants arrêts du 23 novembre 2004326, a rejeté cette qualification de contrat de capitalisation et par là même l’application du droit des successions. Sous réserve du constat par les juges du fond du caractère manifestement exagéré des primes, le mécanisme de l’assurance-vie permet de contourner totalement la réserve héréditaire et de déshériter ainsi les héritiers protégés par la loi. Sur l’appréciation de ce caractère exagéré des primes, nous nous bornerons à rappeler :

qu’elle se fait au jour du versement des primes et pas au jour du décès327 ;

que le côté exagéré des primes ne résulte pas forcément du seul montant, mais aussi de l’utilité du contrat pour le souscripteur (contrat souscrit à un âge avancé dont il était certain que le souscripteur ne récupérerait pas sa mise)328.

Si l’assurance-vie peut servir de support pour contourner la réserve des héritiers, elle peut aussi permettre au contraire d’en remplir certains de leur réserve. En effet, libre au souscripteur de stipuler dans son testament que le capital versé au bénéficiaire désigné sera constitutif de sa réserve329. Une telle stipulation pourrait être utile pour éviter une indivision, ou qu’une succession contentieuse paralyse l’entreprise familiale ou empêche de transférer des liquidités au proche qui en a le plus besoin.

2223 – La renonciation anticipée à l’action en réduction. – Innovation majeure de la loi du 23 juin 2006, la renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR) est l’acte par lequel un héritier réservataire renonce par anticipation à agir en réduction alors que la succession de son auteur n’est pas encore ouverte330. La RAAR est strictement régie par les articles 929 à 930-5 du Code civil. Eu égard à la gravité de l’acte, la RAAR doit remplir des conditions de fond et de forme.

Conditions de fond :

pour consentir une RAAR, il faut être capable de consentir une donation entre vifs. Le mineur, même représenté, ne peut consentir une RAAR. Elle ne peut être consentie par un mineur même s’il est émancipé, ni par un majeur sous tutelle ou habilitation familiale alors que son représentant pourrait se faire autoriser à consentir une donation (C. civ., art. 930-1) ;

la RAAR doit être acceptée par le de cujus ;

la RAAR doit être totalement désintéressée, c’est-à-dire qu’il ne doit y avoir aucune contrepartie à la RAAR (C. civ., art. 929, al. 3) ;

la RAAR doit être faite au profit de personnes déterminées, en ce sens qu’elle doit préciser soit le bénéficiaire de la renonciation, soit les libéralités qui sont concernées (C. civ., art. 929, al. 1). Il peut s’agir d’une libéralité passée, future, d’une donation ou d’un legs. La libéralité en question pourra être consentie hors part successorale ou en avancement de part successorale. Il pourra s’agir d’une libéralité universelle ou non. Il peut parfaitement être consenti une RAAR sur une donation antérieure à l’entrée en vigueur de la réforme de 2006 (1er janv. 2007).

Conditions de forme. La RAAR est soumise à un formalisme très strict qui a pour objet d’assurer la qualité du consentement du renonçant à cet acte d’une particulière gravité :

l’acte doit être reçu par deux notaires dont un est désigné par le président de la chambre départementale (ou interdépartementale) des notaires (C. civ., art. 930, al. 1er et L. no 2006-728, 23 juin 2006, art. 34). La signature du ou des renonçants sur cet acte est recueillie séparément en l’absence de toute autre personne que les notaires. Ces règles ont pour but d’éviter les pressions familiales. Le rôle des notaires est ici primordial ;

la RAAR doit faire l’objet d’un acte spécifique et ne saurait être intégrée directement à la libéralité visée par la renonciation ;

la RAAR doit être relativement précise quant à l’objet de la renonciation. La lecture de l’acte doit permettre de savoir ce à quoi renonce son auteur.

Les effets de la RAAR sont radicaux :

le renonçant ne peut exercer l’action à laquelle il avait renoncé ; c’est en ce sens que, par la RAAR, il n’a pas renoncé à sa réserve mais à son indemnité de réduction. Ce qui signifie que si tous les réservataires n’ont pas renoncé à l’action en réduction, alors le gratifié pourra être tenu de les indemniser331 ;

la RAAR opposable aux héritiers du renonçant (C. civ., art. 930-5) en ce sens qu’elle devra être subie par les descendants du renonçant (sinon un tel acte serait totalement inutile) ;

elle est en principe irrévocable. À titre exceptionnel, elle peut être révoquée si le renonçant était en état de besoin qui disparaîtrait en percevant cette indemnité de réduction, si le de cujus n’a pas rempli ses obligations alimentaires, si le bénéficiaire de la RAAR s’est rendu coupable d’un crime ou d’un délit contre la personne du renonçant (C. civ., art. 930-3) ;

fiscalement, la RAAR ne constitue pas une libéralité faite par le renonçant au profit du gratifié qui profite de la renonciation. Elle n’est pas constitutive d’une libéralité indirecte qui serait donc taxable.

Les RAAR, en raison de leur gravité, sont « rares » et il faut s’en féliciter. On note un usage plus fréquent à Paris et dans les agglomérations les plus importantes. Il est difficile de préciser les motivations de ces RAAR332. Nous nous bornerons à constater que cet usage « réservé » est à l’image de la gravité de l’acte. Il est sans doute heureux qu’elles ne soient pas si fréquentes, car elles reviennent à renoncer à l’héritage, attitude finalement peu naturelle. Il est aussi à craindre que le jour de l’ouverture de la succession, l’auteur de la RAAR, pris de regrets, conteste son acte.

La RAAR protège très certainement son bénéficiaire, mais provoque nécessairement un amoindrissement des droits de son auteur. Le formalisme attaché à cet acte, particulièrement lourd, est censé protéger son consentement.

2224 – Les libéralités complexes. – Les donations-partages transgénérationnelles, en ce qu’elles sautent une génération, sont quelque part la renonciation par cette génération sautée à une partie de sa réserve héréditaire qui passe à celle suivante. La réserve est donc répartie par souche. Elles sont donc, de ce point de vue, une nouvelle atteinte à la réserve héréditaire de la génération intermédiaire. Une libéralité graduelle (C. civ., art. 1048 et s.) ne peut, en principe, porter sur la réserve de l’héritier. Toutefois, l’article 1054 du Code civil prévoit deux exceptions. L’obligation pour le gratifié de conserver et de transmettre pourra porter sur sa réserve dans les conditions de la RAAR que nous venons de voir, ou par une acceptation de sa part dans l’acte de donation lui-même ou s’il ne demande pas dans le délai d’un an et un jour à compter du jour où il a connaissance de la libéralité que cette charge soit levée de sa part réservataire.

2225 – L’internationalisation de l’héritage333. – La mobilité des populations et la diversité des systèmes juridiques ont pour conséquence une internationalisation des situations familiales. Internationalisation géographique qui va engendrer une internationalisation juridique. En effet, par l’application de la règle de conflit de lois, il se peut que des successions ouvertes en France se voient appliquer un droit différent. La différence peut même aller jusqu’à l’absence de réserve héréditaire. Dès lors, sauf à considérer que la réserve héréditaire faisait partie de l’ordre public international permettant par là même d’écarter l’application d’un droit étranger qui l’ignore, le juge français peut être amené à statuer sur des successions en appliquant un droit sans réserve héréditaire. La question de l’appartenance de la réserve à l’ordre public international a suscité des débats. Certains étaient convaincus des valeurs supérieures de solidarité, d’égalité, mais aussi de liberté qu’incarnait la réserve334. Selon une thèse plus radicale, la réserve héréditaire ne relève pas de cet ordre public et les droits étrangers qui l’ignorent peuvent parfaitement s’appliquer sur le sol français335. Cette tendance est principalement fondée sur une uniformisation du droit international, et plus spécialement européen. Enfin, une théorie médiane considère que la loi étrangère n’est véritablement contraire à l’ordre public international que si elle ne prévoit pas un mécanisme de substitution permettant une protection minimale de certains héritiers privilégiés que sont les descendants et le conjoint336. Cette question a pris encore plus d’ampleur avec l’entrée en vigueur du règlement européen dit « règlement Successions »337, applicable dans tous les États membres (sauf au Danemark, au Royaume-Uni et en Irlande). En effet, ce règlement affirme le principe d’unicité de la loi successorale (alors qu’auparavant notre règle de conflit distinguait la succession mobilière de la succession immobilière). Par son article 21, § 1, il énonce que la loi applicable à la succession est celle de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès. L’exception principale à ce principe est l’application de la loi nationale, parce qu’expressément choisie par le défunt selon des formes bien spécifiques. Ainsi un Britannique résidant en France peut décider l’application à sa succession de son droit national sans qu’aucune réserve héréditaire ne s’applique à sa succession. À l’inverse, la succession d’un Français résidant en Angleterre et possédant des biens en France ne sera grevée d’aucune réserve héréditaire.

La Cour de cassation a tranché pour la dernière thèse en ce sens qu’elle n’a pas estimé contraire à l’ordre public international l’absence de réserve héréditaire dès lors que ce droit étranger ne laisse pas certains héritiers dans une situation de « précarité économique ou de besoin »338.

Sur le plan théorique, cela réduit la réserve à sa fonction simplement alimentaire alors qu’elle est d’une ampleur supérieure339.

Sur le plan pratique, la position dégagée par la Cour suprême suscite plusieurs inquiétudes qui, sur le plan de la protection, sont préoccupantes :

l’appréciation de la situation de précarité ou de besoin de l’héritier relève du pouvoir souverain du juge du fond. Cette appréciation subjective est donc soumise à la critique dans la mesure où la réponse ne sera pas unitaire. La sécurité juridique de ces successions internationales est mise à mal ;

si cet état de précarité est constaté par le juge, s’ouvrent alors deux possibilités :

le droit étranger est exclu et l’on applique la loi du for,

le juge alloue à cet héritier réservataire (selon la loi du for) des « subsides » à prélever sur la succession. Le juge fixe alors la somme à lui attribuer340 et répartit à son gré la succession…

Sur le plan international, la réserve héréditaire classique, système purement objectif, liquidatif, voire mathématique et donc très protecteur se trouve donc remplacée par un système subjectif et incertain dans son application. Le droit français serait donc protecteur des plus proches, mais uniquement dans une relation successorale franco-française. Le système ne deviendrait-il pas hypocrite et même discriminatoire ? Ne laisserait-il pas la place à certaines manœuvres pour voir appliquer des règles bien plus souples excluant une protection qui, jusqu’il y a peu, semblait fondamentale341 ?

§ II – Le caractère collectif de la réserve héréditaire

2226 – Mutation et repli de ce caractère collectif. – Il était admis que la réserve héréditaire avait pour fonction de protéger l’ensemble des héritiers réservataires. Cette protection collective se manifestait par la règle qui voulait que la renonciation d’un réservataire bénéficiait aux autres, ce renonçant étant bien pris en compte pour le calcul de quantum de la réserve. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme du 23 juin 2006, l’héritier renonçant n’est plus pris en compte pour calculer la réserve et la quotité disponible sauf s’il est représenté ou s’il est tenu au rapport d’une donation en vertu de la clause prévue à l’article 845 du Code civil. Toutefois ce caractère collectif, que l’on pouvait qualifier d’horizontal dans la mesure où on le constatait au bénéfice des héritiers de même rang (sauf représentation en cas de décès), est désormais vertical. En effet, par la représentation du renonçant, par la possibilité de consentir des donations-partages transgénérationnelles, par les libéralités graduelles instaurées par cette importante réforme, on voit bien que la réserve héréditaire s’adresse aujourd’hui à la souche et non plus à une fratrie342. Le repli de ce caractère collectif se manifeste également dans l’action en réduction qui est reconnue individuellement à chacun des héritiers, tout comme la renonciation anticipée à l’action en réduction également ouverte individuellement à chacun des réservataires.

§ III – La réduction « en valeur » ou en « nature » de la réserve héréditaire

2227 – Avant et après 2007. – Sous l’empire des règles édictées par le Code civil, l’héritier réservataire exerçait ses droits en nature. Ainsi elles lui permettaient de récupérer en nature la partie des biens donnés ou légués qui dépassait le disponible et corrélativement empiétait sur ses droits. Cette réduction en nature des libéralités excessives était fondée sur l’idée de conservation des biens dans la famille. C’était le principe. Aujourd’hui la règle a changé et l’article 924, alinéa 1er du Code civil énonce que : « Lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent ». L’héritier réservataire n’a donc aujourd’hui plus le droit de récupérer les biens de son auteur, mais seulement une somme d’argent représentative de son héritage343. Cette règle nouvelle, à l’évidence, modifie à la fois la hiérarchie des fondements de la réserve héréditaire et par là même de l’héritage. La nature alimentaire prendrait le pas sur les autres fondements que sont la solidarité intergénérationnelle, le minimum d’égalité entre les héritiers et de conservation des biens dans la famille.

2228 – Conséquence de la réduction en valeur. – Ce nouveau principe de réduction en valeur des libéralités a une importance capitale en ce sens que si le de cujus a institué un légataire universel qui a donc vocation à recevoir tous les biens de la succession, alors les droits des réservataires consistent simplement en une indemnité de réduction égale à la valeur de leurs droits réservataires344. Les réservataires n’ont donc aucun droit à récupérer en nature le moindre bien de leur auteur. La situation des réservataires est délicate dans la mesure où ils sont tenus de délivrer le legs mais n’ont pas de véritable garantie de paiement de leur indemnité de réduction345. Ne devrait-on pas leur accorder quelques garanties sur les biens de la succession346 ?

2229 – Les exceptions à la réduction en valeur. – Ce principe de la réduction en valeur souffre trois exceptions de portée différente :

la première provient de la volonté du disposant qui peut toujours imposer à celui qu’il gratifie une réduction en nature ;

la deuxième est du fait du gratifié : en effet, dès lors que le bien qu’il a reçu au moyen de la libéralité excessive se trouve dans son patrimoine libre de toute charge ou occupation, alors il peut exécuter sa réduction en nature (C. civ., art. 924-1)347 ;

la troisième est l’hypothèse d’insolvabilité du gratifié. En ce cas, le réservataire peut exercer son action en réduction ou en revendication contre le tiers détenteur du bien. Ce droit s’exerce sur les biens dont les aliénations sont les plus récentes (C. civ., art. 924-4)348. Nous nous bornerons à préciser que cette garantie est bien maigre dans la mesure où elle ne s’applique qu’aux biens immobiliers.

2230 – Brève conclusion sur la réduction en valeur. – Nécessairement, dès lors que l’on admet le principe général d’une réduction en valeur on accepte le risque d’une insolvabilité du gratifié débiteur de l’indemnité et par là même un amoindrissement de la protection de celui que l’on voulait pourtant protéger. L’arbitrage est délicat, mais le risque est de rendre illusoire la réserve héréditaire que les héritiers auront beaucoup de mal à faire valoir.

Section II – Les fondements de la réserve héréditaire

2231 Les raisons d’être de la réserve sont de plusieurs ordres, mais elles témoignent toutes de cette volonté supérieure de protéger certains proches soit individuellement, soit collectivement. La réserve est un ciment patrimonial de la famille (Sous-section I). Elle est aussi un mécanisme de protection individuelle des membres de cette famille (Sous-section II). Enfin, elle répond à cette idée qu’il doit y avoir un minimum d’égalité entre les successeurs (Sous-section III).

Sous-section I – La réserve héréditaire : protection de la famille
§ I – La conservation des biens dans la famille

2232 – Un fondement ancien issu du droit coutumier. – On justifiait l’existence de la réserve héréditaire par cette idée issue du droit coutumier que le patrimoine était attaché non pas à la personne, mais à sa famille. Les biens de la famille étant son moyen principal de subsistance, ils devaient y demeurer et n’être ni morcelés ni transmis à des tiers. En d’autres termes, les biens et plus spécialement les immeubles (mais c’était sans doute ceux qui par le passé avaient le plus de valeur) faisaient partie du passé familial, de sa réussite, de son assise sociale et économique, et à ce titre ils devaient y demeurer et impérativement être transmis aux nouvelles générations de cette même famille dont ils en étaient une sorte d’emblème. En outre, ce fondement confère un côté immortel à cette famille349, il peut la rassurer, ses biens survivant à la mort de leur propriétaire pour y demeurer. Il inscrit la famille dans la durée. Transmettre des biens est quelque part une petite victoire sur la mort350.

2233 – Un fondement en net repli par l’évolution de la famille, de la société et des patrimoines. – Autant une telle conception du patrimoine et donc de sa transmission pouvait se concevoir dans une France rurale où les terres, effectivement, étaient le socle commun de toute la famille, autant aujourd’hui cet attachement aux biens s’est fortement atténué351. La mobilité et l’éclatement géographiques des familles ont contribué à cet affaissement de la conception familiale du patrimoine. À cela, on ajoutera volontiers que ce fondement a un sens pour les immeubles, à la rigueur pour l’entreprise familiale, mais pour les autres biens il n’a pas grande signification. La financiarisation des patrimoines et la spéculation de leur titulaire tendent également à montrer que le patrimoine suscite davantage d’attachement par sa valeur que par sa nature elle-même.

2234 – Un fondement en net repli par les dernières réformes. – La réduction en valeur instaurée par la réforme de 2006 a fortement réduit l’influence de ce fondement à la réserve héréditaire. Enfin, ce fondement familial de la réserve se heurte à l’affaiblissement de la famille elle-même au sein de la société. Le groupe familial est de plus en plus restreint, la famille se disloque, se décompose, se recompose parfois même à plusieurs reprises. Les liens familiaux sont ainsi plus éphémères, plus fragiles et multiples. Difficile donc de concevoir que le patrimoine doit être transmis impérativement à une famille qui n’est plus aussi forte, aussi unie qu’auparavant. Cet éclatement familial, s’il a pour conséquence un affaiblissement de ce fondement du patrimoine familial, peut peut-être accroître le second fondement qui est celui de la solidarité, ce devoir d’entraide entre les générations ou entre conjoints.

§ II – Un devoir de protection entre certains proches

2235 – Les vertus alimentaires de la réserve. – Ce fondement, hérité de la légitime romaine, voit dans la réserve héréditaire tout simplement une obligation pour le de cujus de subvenir matériellement aux besoins de certains proches. Cela passe par l’obligation de leur transmettre une partie de ses biens afin que ces proches soient eux-mêmes à l’abri de la pauvreté. La réserve héréditaire est « l’expression de la solidarité familiale, la manifestation d’un devoir d’assistance économique entre proches »352. Ainsi justifiée, la réserve héréditaire n’est plus, comme on le disait dans les lignes précédentes, un instrument au service de la vie de la famille, un ciment entre ses membres, mais elle devient le service de la famille au profit de ses membres.

2236 – Une vertu importante de nos jours. – Si ce fondement est aujourd’hui mis en avant, il faut prendre garde à ne pas réduire la réserve à cette obligation alimentaire liant les membres d’une même famille. En effet, si ce fondement de la réserve héréditaire était le seul, il risquerait non seulement de transformer la réserve en une charge de la succession, mais aussi de conditionner son bénéfice à des conditions de besoin. C’est d’ailleurs ce qu’un certain nombre de pays prévoient : les réservataires voulant bénéficier de leurs droits doivent justifier d’un état de besoin ou de pauvreté. C’est également ce que la dernière jurisprudence de la Cour de cassation en droit international privé sous-entend. Toutefois, cette justification de la réserve est réelle et de nos jours elle prend toute son importance. En effet, si un père a abandonné à la mère son aîné, fruit d’une amourette éphémère de jeunesse, qui ne l’a jamais élevé ni même participé à quoi que ce soit dans ses besoins financiers, n’est-il pas légitime qu’à son décès son enfant puisse percevoir une partie de l’héritage à titre de consolation d’avoir vécu sans père ? Que la loi ne permette pas d’abandonner son enfant au-delà de la mort est une bonne chose qu’il faut maintenir.

Sous-section II – La protection individuelle de l’héritier et la protection individuelle du de cujus

2237 Il s’agit là des fondements les plus puissants de la réserve héréditaire ; c’est en eux que se manifeste la fonction sociale et politique de la réserve héréditaire. Celle-ci protège bien évidemment l’héritier (§ I), mais aussi le de cujus (§ II).

§ I – La protection de la liberté individuelle de l’héritier

2238 – Garantie des libertés individuelles de chacun. – La faculté donnée à un père de déshériter totalement l’un ou l’autre de ses enfants serait le vecteur d’un chantage permanent du de cujus envers ses proches353. En effet, ce droit constituerait une menace constante pour les enfants de tout perdre, de ne rien recevoir s’ils ne sont pas dociles, s’ils n’empruntent pas la voie professionnelle que leur père a choisie pour eux, s’ils n’ont pas les mêmes convictions religieuses ou politiques, s’ils n’ont pas une orientation sexuelle jugée comme étant la bonne, etc. De cette pression, il résulterait évidemment une absence totale de sincérité des liens affectifs au sein de la famille, ceux-ci n’étant dictés et orientés que dans la perspective de l’héritage. Plus généralement, et contrairement à une idée reçue, la réserve permet donc de s’échapper des habitudes et du passé familial. En ce sens, elle permet de se libérer d’un certain conservatisme familial.

§ II – La protection de la liberté du de cujus

2239 – Contre les tiers. – L’âge, la maladie et plus simplement l’approche de la mort mettent nécessairement l’homme dans une situation de détresse, tout d’abord psychologique puis matérielle. Cette détresse provoque également une situation de dépendance d’autrui, et plus spécialement de certaines personnes qui, au quotidien, s’occupent de celui que la mort guette. La plupart de ces aidants sont à la fois dévoués et désintéressés et n’ont d’autre dessein que d’accomplir fidèlement leur tâche, mais une minorité peut se montrer plus avide et agir dans le but de s’attirer l’affection et surtout le patrimoine de la personne dépendante. La réserve héréditaire demeure un rempart contre les personnes malintentionnées qui veulent détourner les successions en obligeant la personne dépendante à réaliser un testament en leur faveur, parfois au moyen d’un intolérable chantage.. Dans la conscience collective, l’existence de cette réserve met en garde contre ces agissements. La présence d’un réservataire, non seulement héritier incontournable mais aussi gardien de l’hérédité, est fortement dissuasive. Cette justification de la réserve est d’autant plus importante qu’aujourd’hui le droit des majeurs protégés est de plus en plus souple, permettant ainsi au vulnérable de se marier, de se pacser et de tester.

2240 – Contre lui-même. – La réserve héréditaire est également un garde-fou qui permet de ne pas céder un peu trop vite aux impulsions, à la colère, à la spontanéité qui, si on y était trop sensible, nous conduirait à exhéréder certains, à en avantager d’autres, et ce sans le discernement nécessaire qu’impliquent de telles décisions. La vie familiale n’est pas toujours d’une harmonie constante. Il y a, comme dans beaucoup de relations humaines, des hauts et des bas ; c’est ainsi qu’il peut paraître à la fois rassurant et « correcteur » de ce risque du testament impulsif que la loi décide qu’il ne faut pas exclure ses enfants ou son conjoint de l’héritage. La loi devient un guide de sagesse, on se doit de protéger ses enfants (ou son conjoint s’il est réservataire) et de leur transmettre notre patrimoine, et ce malgré les crises relationnelles qui peuvent de temps en temps nous séparer d’eux. Le testament réalisé sous le coup de la colère ou d’une folie amoureuse marque la volonté posthume comme la conséquence de sentiments existants à la date du testament. Mais ces sentiments impulsifs qui auront justifié ces dernières volontés seront-ils toujours présents au jour du décès ? Dans la période précédant le décès, les enfants ne se sont-ils pas rapprochés de leur père ? La compagne passagère instituée légataire universelle a-t-elle toujours été présente au côté du de cujus ? En d’autres termes, il n’est pas certain que si, peu de temps avant sa mort, on avait demandé au de cujus de confirmer ses dernières volontés, il l’aurait fait. La loi, par la réserve héréditaire, supplée les erreurs causées par les sentiments humains. C’est en ce sens qu’elle est un élément de sagesse et d’apaisement au sein des liens familiaux.

Sous-section III – La protection par l’égalité

2241 – La réserve des descendants : garantie du principe d’égalité entre les héritiers. – L’absence de réserve héréditaire peut conduire non seulement à déshériter tous les héritiers, mais elle peut aussi conduire à tout laisser à l’un d’entre eux ou à rompre de manière importante l’égalité entre eux. Aussi peut-il paraître étonnant qu’un système successoral ab intestat, qui reste le fil conducteur de la dévolution de la succession, soit fondé sur le principe d’égalité et que ce principe fondamental soit battu en brèche par une liberté totale de rompre cette égalité. Aussi la réserve garantit-elle une égalité minimum entre les héritiers de même rang. Cette égalité est limitée à la réserve, le de cujus pouvant avantager l’un ou l’autre dans la mesure de la quotité disponible354. La réserve héréditaire est donc la meilleure arme contre la réapparition de systèmes dévolutifs inacceptables, comme les principes de masculinité et de primogéniture (droit d’aînesse). C’est ainsi que d’anciennes coutumes interdisaient d’user du disponible au bénéfice des héritiers du sang355, l’aspect égalitaire de la réserve y était donc central.

Malgré tous ces fondements, et outre la justification historique de la réserve comme emblématique de notre système de droit continental, la réserve est contestée dans son principe mais aussi dans son étendue356.

Section III – La contestation et l’avenir de la réserve héréditaire

2242 Voyons rapidement les attaques régulières dont la réserve héréditaire fait l’objet.

Sous-section I – Les critiques de la réserve héréditaire

2243 – Une « vieille lune » ! – Avant d’aborder les arguments qui militent à l’encontre de la réserve héréditaire, il nous semble important de rappeler que ces critiques sont anciennes. Les ancêtres de notre réserve actuelle que sont la légitime romaine ou la réserve coutumière en subissaient déjà, en leur temps, les attaques. Et, au travers de toutes les secousses sociales, économiques et intellectuelles que notre civilisation occidentale a connues, la réserve a été maintenue tout en subissant quelques aménagements pour l’adapter à son époque. Aujourd’hui la réserve héréditaire fait l’objet de vives critiques et est même remise en cause dans son existence. La société aurait-elle changé à ce point pour impliquer une telle réforme ? Nous sommes quelque peu dubitatifs sur les raisons d’une telle révolution dans notre système juridique.

§ I – Les objections conceptuelles de la réserve héréditaire

2244 – L’argument purement juridique. – Cette critique de la réserve héréditaire est fondée sur un double argument :

elle serait une atteinte à l’autonomie de la volonté. En effet, seule la liberté individuelle oblige en ce sens que l’homme ne peut être engagé que par lui-même et donc par les obligations qu’il a souscrites. Vue sous cet angle, l’existence d’une réserve héréditaire est une très forte limitation à la libre transmission de ses biens. La réserve héréditaire serait une contrainte d’ordre privé puisqu’elle pèse sur des particuliers et qu’elle sert des intérêts privés également (ceux des héritiers)357 ;

la réserve héréditaire ne serait pas compatible avec l’idée supérieure du caractère inviolable et sacré du droit de propriété. Elle serait une atteinte à la libre disposition des biens. En effet, le propriétaire d’un bien doit être libre d’en faire ce qu’il veut et notamment en disposer à titre gratuit comme il l’entend.

2245 – Réplique aux arguments juridiques. – La réserve héréditaire n’interdit pas de faire ce que l’on veut de son patrimoine. On peut le consommer, le dilapider, ne pas le faire fructifier ou même le laisser dépérir. Simplement le droit de propriété et la liberté offerte par l’autonomie de la volonté cessent au décès. Le mort n’a plus de droit présent sur son patrimoine et il ne peut, par sa volonté unique et passée, le gérer ou le transmettre comme il pouvait le faire de son vivant. À cela on peut ajouter que le droit de propriété n’est plus aussi absolu que par le passé et qu’aujourd’hui il est fortement limité et orienté, car l’usage que l’on en fait doit être conforme au bien public (contraintes environnementales, contraintes urbanistiques, contraintes sociales, etc.). Ainsi l’absolutisme du droit de propriété vient s’échouer sur des contraintes sociales, environnementales, fiscales ou urbanistiques. La réserve héréditaire s’inscrit parfaitement dans cette vision du droit de propriété. Enfin, nous rappellerons que les héritiers réservataires sont aujourd’hui le conjoint et les descendants. Si l’on veut ne pas être limité dans le droit de distribuer ses biens, alors ne nous marions pas et n’ayons pas d’enfant. Car aujourd’hui plus que jamais les mariages sont volontaires et les procréations maîtrisées. En ce sens, réserve héréditaire et volonté ne sont point ici incompatibles.

§ II – Les objections économiques à la réserve héréditaire

2246 – L’argument économique. – Les contestataires de la réserve héréditaire avancent l’idée qu’elle serait une trop forte atteinte à la libre circulation des biens et plus particulièrement aux transmissions d’entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises, lesquelles peuvent constituer l’élément majeur du patrimoine de son dirigeant. Pour eux, la réserve héréditaire serait un obstacle à la transmission de l’entreprise soit au plus capable des héritiers, soit à un tiers. Elle prédisposerait l’entreprise à une gestion par plusieurs héritiers et donc aux divergences de vues qui la conduiraient vers la faillite358. Certaines critiques aux origines anciennes359 vont même encore plus loin en avançant l’idée que la réserve héréditaire serait un frein à l’esprit d’entreprise du de cujus puisque de toute manière elle dépérira après lui.

2247 – Réplique à l’argument économique. – À cela on peut aisément répondre plusieurs choses :

le droit moderne s’est efforcé, notamment dans ses dernières réformes, de répondre à ce besoin de l’entreprise par l’ouverture à un tiers de la donation-partage pour lui transmettre une entreprise, en instaurant le principe d’une réduction en valeur qui permet d’éviter des indivisions sur l’entreprise elle-même, en permettant des renonciations anticipées à l’action en réduction, etc. Aussi, dans les rares cas où la réserve apparaît comme contraignante, des mécanismes permettent de l’écarter ;

le droit des sociétés permet de détacher aisément la gestion de l’entreprise de la détention du capital social, notamment par le biais de holdings familiales ;

la plupart des grandes entreprises françaises, multinationales de renom, ont non seulement été transmises depuis plusieurs générations sur un fond de dévolution légale et de donc de réserve héréditaire, mais leur caractère familial est aussi la garantie d’une gestion pérenne par des dirigeants véritablement responsables, puisque leur entreprise constitue leur patrimoine et celui de leurs proches. Cette gestion familiale est recherchée par bon nombre d’investisseurs.

§ III – L’objection de la philanthropie

2248 – L’argument philanthropique. – Selon cette critique, la réserve héréditaire serait un frein à l’exercice de la charité, de la bienfaisance, aux bonnes œuvres. On l’aura compris, c’est la critique de la réserve héréditaire par le monde associatif, par ceux qui n’ont, par la force des choses, pas d’héritage. Un assouplissement du droit des successions et de sa réserve héréditaire permettrait d’instaurer « une philanthropie à la française » s’inspirant des modèles anglo-saxons et plus spécialement celui venu des États-Unis. La réserve héréditaire serait un obstacle pour les grandes fortunes françaises de transmettre leur fortune à des fondations ou autres personnes morales du monde associatif360. Il s’agirait de relancer la générosité en France.

2249 – Réplique à l’argument philanthropique. – Cet argument laisse perplexe pour plusieurs raisons :

s’il est question de transmettre les grandes fortunes à des fondations ou à des associations, n’est-il pas dangereux que ces entités sans véritables responsables soient à la tête de ces grandes fortunes et de leurs entreprises ?

il ne pourra s’agir que d’une générosité à « une seule détente » : une fois transmise de manière définitive au monde associatif, il n’y aura plus de donation ou de legs de la part de cette même famille (surtout de la part de ceux qui ont été exhérédés…) ;

si cet argument s’adresse aux grandes fortunes, il faudrait s’intéresser à la réelle utilisation de la quotité disponible actuelle par les familles qui la détiennent. Il n’est pas certain qu’elle soit absorbée par des dispositions en faveur du monde associatif ;

un tel argument, poussé à l’extrême, reviendrait à recréer des biens de mainmorte avec un pouvoir financier et politique puisque orienté vers le bien public mais sans véritable légitimité (des urnes ou entrepreneuriale) ;

la réserve héréditaire s’adresse à tous, quelle que soit la valeur du patrimoine. Sa suppression engendrerait une disparition complète de la solidarité familiale dans les classes les moins aisées pour lesquelles l’héritage constitue une sorte de capital-retraite que la répartition publique n’offre plus. Sa suppression s’accompagnerait nécessairement d’une paupérisation de cette classe et d’une augmentation de la précarité en France. Ce qui est singulier, dans la mesure où cette réforme de la réserve est fondée sur la charité et la générosité… Il est également certain que le disponible n’est pas utilisé en faveur des œuvres de charité, mais au profit d’un compagnon ou d’une compagne, du conjoint, d’un enfant, etc. ;

les legs ou les donations à des fondations, associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général sont la plupart du temps réalisés faute de personnes suffisamment proches du de cujus et pour des raisons fiscales, la taxation au taux de 60 % étant fortement dissuasive.

Sous-section II – L’avenir de la réserve

2250 – Actualité gouvernementale. – Le 9 avril 2019, Mme la Garde des Sceaux a confié à Mme Cécile Pérès, professeure à l’Université Paris 2 et M. Philippe Potentier, notaire directeur de l’institut d’études juridiques du Conseil supérieur du notariat, la direction d’un groupe de travail composé d’universitaires, de praticiens et d’acteurs de la vie juridique et économique chargé d’analyser le droit positif de la réserve héréditaire, sa pratique en France et à l’étranger ainsi que les évolutions possibles361. Le fruit de cette mission gouvernementale, à l’heure où nous rédigeons ces pages, n’est pas encore connu. Nous ne pouvons que nous contenter de conseiller sa lecture dès lors qu’il aura été publié.

2251 – Actualité législative. – Tant l’Assemblée nationale que le Sénat s’intéressent à la réserve héréditaire. Deux députés, Mme El Haïry et Mme Moutchou, se sont vu confier une mission parlementaire par M. Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, afin de favoriser les dons des familles les plus fortunées aux associations. Une proposition de loi no 710 vient d’être déposée sur le bureau du Sénat362, laquelle dans son article 3 augmente la quotité disponible à deux tiers en présence d’un enfant, la moitié en présence de deux enfants et le tiers en présence de trois enfants ou plus (des amendements visant à supprimer la réserve ont même été déposés suite à cette proposition de loi).

2252 – Quelle attitude adopter face à cette évolution de la réserve héréditaire ? – La réserve actuelle a été construite en considération d’une configuration familiale simple. Aujourd’hui la famille n’a plus de modèle unique, mais plusieurs schémas familiaux tous aussi fréquents les uns que les autres. La réserve ne semble plus adaptée. Si réforme il y a pour répondre à ces attentes sociétales, elle ne pourra qu’être plus complexe tant les situations sont elles-mêmes complexes. Aussi le réflexe naturel qui consiste à refuser certaines pistes en raison de leur complexité est à fuir pour trois raisons :

le système d’une réserve héréditaire implique automatiquement un mécanisme liquidatif complexe et des modalités de mise en œuvre techniques ; cet argument de simplicité poussé à son extrême irait dans le sens de la suppression pure et simple de la réserve ;

la réforme de l’un des éléments du système actuel, aussi simple soit-il (comme le quotient de la quotité disponible), aura des répercussions notables sur le reste de l’édifice et impliquera des difficultés qu’il faut envisager ;

le perfectionnement d’un système impliquera une complexité supplémentaire dont il ne faut pas avoir peur.

2253 – Quelles pistes de réforme ? – Ceci posé, trois axes de réforme ou plutôt trois questions peuvent être retenus :

Faut-il la maintenir ?

Faut-il en modifier le quantum ?

Faut-il procéder à une réforme technique ?

1o Faut-il maintenir la réserve héréditaire ? Le maintien de la réserve du conjoint mérite réflexion. L’élévation par la loi du 23 juin 2006 du conjoint au rang des réservataires suscite toujours une légère perplexité. Sa suppression serait sans grande conséquence. La réserve des descendants doit être maintenue pour les raisons que nous venons d’exposer, car elle est le lien et la solidarité nécessaires entre les générations ; cela est d’autant plus important que la nouvelle structure familiale provoque des dissensions. La réserve héréditaire est un élément fondamental de la garantie des libertés individuelles, éloignant ainsi le chantage à l’héritage pour adopter des convictions politiques, religieuses, ou tout simplement se voir dicter une vie qui ne serait pas choisie (mariage, profession, installation géographique). Sa suppression constituerait un séisme dans les bases de notre droit de la famille, dans la structure de la famille et conduirait à des comportements que la morale et la justice réprouvent. Les pays qui ne confèrent pas de réserve attribuent à certains parents le droit de demander à la succession des aliments ou un « gain de survie » s’ils sont dans le besoin. Les procès en annulation des libéralités y sont quasi systématiques (insanité d’esprit, vices du consentement, abus de faiblesse). La suppression de la réserve du conjoint aurait moins de conséquences dans l’ordre établi ; certains y sont favorables363.

2o Faut-il modifier le quantum de la réserve ? Plusieurs possibilités se présentent :

soit on réduit la réserve à une portion fixe : la moitié par exemple et les descendants se la partagent ;

soit on réduit le quota 1/3 en présence d’un enfant, 2/3 en présence de deux enfants ou plus, etc. (V. la proposition de loi au Sénat, précitée).

Dans ces deux cas, le risque est que cette réserve aboutisse, si la quotité disponible est consommée, à des parts incongrues pour les enfants, un « bout de gras jeté sous la table » au décès de leur auteur (d’autant plus que les assurances-vie, les libéralités rémunératoires, les contributions aux charges du mariage par l’amélioration du bien du conjoint, etc., leur échappent). Il est vrai que 1/20e de plusieurs millions d’euros, c’est déjà beaucoup, mais tout le monde n’est pas milliardaire. Le patrimoine moyen des Français est modeste et comprend en général un pavillon ou un appartement de plus ou moins grande valeur, quelques économies à la banque (mais de moins en moins), et une assurance-vie au profit du conjoint. La loi est faite pour le plus grand nombre et pas pour quelques fortunes de startupers. La réserve est pour beaucoup un pécule-retraite que l’on perçoit au moment où les revenus professionnels baissent ; c’est en cela que cet héritage réservé est protecteur des individus.

Une petite réserve ou pas de réserve n’engendre pas vraiment de différence !

Qui seront les bénéficiaires de cette quotité disponible ? Le conjoint, le partenaire ou le concubin survivant, les enfants du dernier lit (voire l’amant ou la maîtresse), mais rarement les fondations ou associations. Ainsi cette « réduction de la réserve » aboutirait à provoquer une inégalité significative entre les héritiers appelés à la succession, alors que la réserve reste malgré tout un pare-feu contre une inégalité trop marquée.

Le contentieux successoral en sera évidemment accru ! La réserve héréditaire est, en ce sens, une sorte de garantie de la paix des familles.

Enfin, il y aurait une immense difficulté de droit transitoire si l’on songe à toutes ces donations entre époux qui, en premier choix, offrent au conjoint survivant d’opter pour le disponible ordinaire… L’accroissement de ce disponible est-il conforme à la volonté du disposant qui avait consenti l’institution contractuelle en considération de quotités précises ?…

Il faudrait dans ce cas impérativement que le législateur précise que l’option ne pourra être plus importante que celle qui s’offrait au gratifié le jour où l’acte de donation a été signé ou le jour où le testament a été fait. Ne reproduisons pas les difficultés de la réforme de 2001.

Les propositions qui pourraient être faites seraient de :

1) maintenir la réserve actuelle et la quotité disponible actuelle au bénéfice de toute personne ;

2) maintenir la quotité disponible spéciale entre époux avec les branches actuelles de l’option ;

3) créer une quotité disponible spéciale entre partenaires ne portant que sur l’usufruit ou droit d’usage et sur le logement commun et les meubles le garnissant ;

4) et créer une quotité disponible spéciale, mais qui ne pourrait bénéficier à des successibles (qualité vérifiée au jour du testament ou de la donation) ni au conjoint (qui lui bénéficie déjà d’un disponible spéciale). Cela vise les tiers (personnes morales ou physiques), mais aussi les non successibles au jour où le testament est fait. Cette solution est ancienne, car « de tout temps » la réserve et corrélativement la quotité disponible ont été critiquées, tantôt par le pouvoir politique et les familles nobles (pour la réserve et contre la quotité disponible), tantôt par les institutions religieuses (contre la réserve et pour un disponible très large). Les coutumes de notre Ancien droit ont fait des allers-retours parfois en instaurant une quotité disponible réservée à l’Église, parfois en l’excluant. Certaines coutumes allaient même jusqu’à réserver le disponible à des non-parents, les héritiers du sang étant soumis à la stricte égalité. Cette solution a donc été pratiquée et serait de nature à donner satisfaction à tous !

Reste le problème du concubin qui, ainsi, pourrait être traité mieux qu’un époux ou un partenaire : n’est-il pas venu le temps où le législateur devrait fixer des critères objectifs pour déterminer un concubinage ? Le concubin ainsi caractérisé serait exclu de cette quotité disponible spéciale, il ne pourrait recevoir que le disponible ordinaire.

3o Perfectionnement et efficacité : il s’agirait de donner davantage de lisibilité à ce droit des successions, à le rendre plus efficace et peut-être, dans certaines hypothèses, plus juste. Cela pourrait se faire par une remise à plat du système de la dette de valeur, par une redéfinition de la masse de calcul de la quotité disponible (en incluant les assurances de capitalisation), en ajustant les règles relatives à l’imputation des libéralités (notamment celles faites à l’héritier renonçant), en supprimant la double présomption de l’article 918 du Code civil. Cette réforme pourrait également accroître l’efficacité des libéralités en accroissant le domaine de la renonciation anticipée à l’action en réduction et en autorisant des pactes de famille au moyen desquels la réserve héréditaire serait sinon transgressée, au moins aménagée d’un accord unanime. À cet acte pourrait être invité une personne non présomptive héritière qui, par l’intervention des réservataires, serait à l’abri d’une réduction et donc pérennisée dans la propriété du bien qui lui a été donné. Il serait sans doute bon d’accroître les pouvoirs de l’exécuteur testamentaire.

Le chantier d’une réforme de la réserve héréditaire est aussi intéressant que risqué. En effet, nous nous sommes efforcés de le démontrer, la réserve héréditaire est une des colonnes du temple de notre droit de la famille, voire de notre société. La modifier, ne serait-ce que dans l’un de ses petits éléments, pourrait fragiliser l’édifice et le ruiner. La sagesse du législateur sera mise à rude épreuve !


310) Sur la réserve héréditaire parmi une littérature abondante : M. Grimaldi, Droit des successions, LexisNexis, 7e éd. 2018, nos 290 et s. – F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, Dalloz, 4e éd. 2013, nos 700 et s. – C. Pérès et C. Vernières, Droit des successions, PUF, 2018, nos 427 et s. – P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, LGDJ, 8e éd. 2018, nos 709 et s. – Mémento Lefebvre Successions – Libéralités 2019, ss dir. B. Vareille, nos 28700 et s. – M. Grimaldi (ss dir.), Droit patrimonial de la famille, Dalloz Action, 2018-2019, nos 264.00 et s. – E. Fongaro et M. Nicod, Réserve héréditaire – Quotité disponible : Rép. dr. civ. Dalloz. – 72e Congrès des notaires de France, Deauville, 1975, La dévolution successorale, p. 319 et s. – 108e Congrès des notaires de France, Montpellier, 2012, La transmission, nos 2022 et s. – I. Kondyli, La protection de la famille par la réserve héréditaire en droit français et grec comparé, thèse, Paris 2, LGDJ, 1997, préf. P. Catala.
311) M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. V, par A. Trasbot, LGDJ, 1933, no 20.
312) Sur l’histoire de la réserve héréditaire, nous pouvons nous reporter aux ouvrages cités, mais surtout : G. Boissonade, Histoire de la réserve héréditaire et de son influence morale et économique, Guillaumin et Cie, 1873. – H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, t. IV par F. Chabas, L. Leveneur et S. Mazeaud-Leveneur, Montchrestien, 5e éd. 1999, no 863.
313) G. Boissonade, Histoire de la réserve héréditaire et de son influence morale et économique, op. cit., nos 76 et s. – I. Kondyli, La protection de la famille par la réserve héréditaire en droit français et grec comparé, thèse préc., nos 34 et s.
314) Pour la coutume d’Auvergne : V. La Coutume d’Auvergne par C. Du Moulin, éd. Viallanes, 1770, p. 98 et s., et pour la coutume de Normandie : V. La Coutume de Normandie par M. Pesnelle, Besongne, 2e éd. 1727, p. 454.
315) Pour un exemple, G. Boissonade, Histoire de la réserve héréditaire et de son influence morale et économique, op. cit., no 297 : les libéralités pieuses n’étaient pas soumises à la légitime et donc avaient un régime de faveur, régime qui a été supprimé puisque les coutumes les y ont soumises.
316) Sur cette synthèse opérée par le Code civil, V. G. Boissonade, Histoire de la réserve héréditaire et de son influence morale et économique, op. cit., nos 561 et s. : « Nous avons dit précédemment qu’aucun des trois principes proposés comme fondement de la réserve n’était à l’abri des objections et ne pouvait suffire pleinement à l’établir à lui seul, avec sa dénomination propre : que la dette alimentaire devait être comprise avec une extension qui n’est pas dans l’esprit de la loi, que le fideicommis tacite ne répond toujours à l’observation des faits positifs, que la copropriété devait être entendue dans un sens restreint et adouci. Mais si l’on réunit les trois idées, elles se fortifient l’une l’autre : ce qui manque à la dette alimentaire est suppléé par la copropriété et la société familiale, et le fideicommis tacite, à son tour, fortifie la copropriété » et à l’auteur de relater les propos des rédacteurs du Code civil.
317) Sur la réserve au xxie siècle : F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., no 704.
318) « Ordre de valeurs éminentes (justice idéale, devoir moral)… », Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, op. cit., Vo Naturel.
319) Deauville, 1975, La dévolution successorale.
320) D’après l’étude faite par le 72e Congrès des notaires de France (Deauville, 1975, La dévolution successorale), la majeure partie de la population mondiale était soumise à la réserve héréditaire. Il n’est pas certain que les résultats de cette étude aient changé quarante ans après ; ils se sont sans doute accentués puisque des pays qui ne connaissaient pas la succession privée (États du bloc de l’Est) ont adopté un système avec réserve héréditaire. Il en est ainsi pour la Chine.
321) Nous tenons à remercier Mme Zoé Ancel-Lioger, responsable du département Droit international privé-Droit comparé qui nous a permis, par les informations et la documentation qu’elle nous a fournies, de réaliser ce tableau. Sur le droit comparé, lire C. Pérès et C. Vernières, Droit des successions, op. cit., nos 463 et s. Il est également conseillé de se reporter au tableau figurant dans le rapport du 111e Congrès des notaires de France (Strasbourg, 2015, La sécurité juridique, un défi authentique, 2e commission, no 3522 [États membres de l’Union européenne], par G. Bonnet et D. Vincent).
322) En ce sens qu’elle est rattachée à la dévolution ab intestat (sur ce caractère : P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, op. cit., no 720).
323) M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., no 289.
324) Cette question était déjà envisagée par G. Boissonade dans sa thèse préc., Histoire de la réserve héréditaire et de son influence morale et économique no 735.
325) Sur cette question qui a suscité de vifs débats, lire : M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., no 740 et les réf. citées. – V. Zalewski-Sicard : Defrénois 2019, no 46, p. 49 et s.
326) Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004, 4 arrêts : Bull. civ. 2004, ch. mixte, no 4 ; D. 2005, 1905, note B. Beignier ; Dr. famille 2005, chron. 6, H. Lécuyer ; RTD civ. 2005, 434, obs. M. Grimaldi. – J. Ghestin, La Cour de cassation s’est prononcée contre la requalification des contrats d’assurance-vie en contrats de capitalisation : JCP G 2005, 1111.
327) Cass. 1re civ., 10 avr. 2008 : Bull. civ. 2008, I, no 79. Sur cette question, V. 111e Congrès des notaires de France, Strasbourg, 2015, La sécurité juridique, un défi authentique, nos 3084 et s. Il est notamment mis en garde contre le risque de perte des avantages fiscaux liés à l’assurance-vie et la taxation des capitaux assurés aux droits d’enregistrement.
328) Cass. 2e civ., 4 juill. 2007 : Bull. civ. 2007, II, no 182. – Cass. 1re civ., 31 oct. 2007 : Bull. civ. 2007, I, no 341.
329) En ce sens : Cass. 1re civ., 8 juill. 2010 : Bull. civ. 2010, I, no 170.
330) Sur la renonciation anticipée à l’action en réduction, I. Dauriac : D. 2006, 2575. – N. Levillain : JCP N 2006, 1349. – F. Sauvage : AJF 2006, 355. – B. Vareille, Portée liquidative de la renonciation à l’action en réduction : attention danger ! : Defrénois 2008, 159. – V. Zalewski : Defrénois 2007, 1587. – C. Pérès et C. Vernières, Droit des successions, op. cit., nos 728 et s. – F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., nos 1229 et s. – P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, op. cit., nos 766 et s. – Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, op. cit., nos 33830 et s. – J. Combret et S. Gaudemet, Renonciations et successions, quelles pratiques ?, ss dir. C. Pérès, Defrénois, 2017, nos 225 et s. – B. Beignier et S. Torricelli-Chrifi, La renonciation anticipée à l’action en réduction : l’audace récompensée : JCP N 2016, 1199. – A. Storme, La renonciation anticipée à l’action en réduction et la renonciation anticipée à l’action en retranchement dix ans après : JCP N 2016, no 1198. – C. Goldie-Genicon, Les renonciations à réserve : Defrénois 2019, no 46, p. 33 et s.
331) I. Dauriac, D. 2006, 2575, préc. – B. Vareille, Portée liquidative de la renonciation à l’action en réduction : attention danger !, préc.
332) J. Combret et S. Gaudemet, Renonciations et successions, quelles pratiques ?, op. cit.
333) H. Péroz, La réserve en droit international privé : Defrénois 2019, no 46, p. 45.
334) S. Godechot-Patris, Successions internationales, Rapport français, in Les successions, Travaux Assoc. H. Capitant, t. 60, Bruylant, 2010, p. 673. – M. Grimaldi, Brèves réflexions sur l’ordre public et la réserve héréditaire : Defrénois 2012, 755.
335) D. Bureau, Juger le présent, prévoir l’avenir : Dr. et patrimoine 5/2014, 78. – E. Fongaro, Le règlement « Successions » et l’ordre public international : Dr. et patrimoine 5/2014, no 236. – H. Fulchiron, Réserve et ordre public : protection nécessaire ou protection du nécessaire : Dr. et patrimoine 4/2015, no 59.
336) V. not. M. Goré et R. de Gourcy, Droit patrimonial de la famille, ss dir. M. Grimaldi, Dalloz Action, 2018-2019, no 724-213.
337) Règl. (UE) no 650-2012, 4 juill. 2012, entré en vigueur le 17 août 2015.
338) Cass. 1re civ., 27 sept. 2017, nos 16-17.198 et 16-13.151 : D. 2017, 2185, note J. Guillaume ; JCP N 2018, 123, obs. R. Le Guidec ; JCP N 2017, 1305, note E. Fongaro ; Defrénois 2017, no 22, p. 1, M. Grimaldi. – La réserve à la casse : Defrénois 2017, no 22, p. 23, note M. Goré. – L. Usunier, Requiem pour la réserve : RTD civ. 2017, p. 833 ; RTD civ. 2018, p. 189, obs. M. Grimaldi. – P. Callé : Defrénois 22 févr. 2018, p. 30. Pour d’autres applications (la Cour de cassation rappelant l’appartenance de la réserve héréditaire à l’ordre public interne) Cass. 1re civ., 4 juill. 2018 : JCP N 2019, 1122, obs. A. Tani.
339) 115e Congrès des notaires de France, Bruxelles, 2019, L’international, no 3422.
340) Cette appréciation par le juge de l’état de précarité de certains héritiers qui, en droit interne, bénéficieraient d’une réserve semble faire écho à l’article 930-3 du Code civil qui, dans une telle situation, permet de révoquer la RAAR.
341) Il suffit de penser à la succession de Johnny Hallyday : C. Deneuville et S. Godechot-Patris, Le choix d’une loi étrangère ignorant la réserve héréditaire : JCP N 2018, 1239.
342) Sur cette évolution de la réserve héréditaire : E. Fongaro et M. Nicod : Rép. dr. civ. Dalloz, Vo Réserve héréditaire – Quotité disponible, 2011, nos 44 et s. – C. Pérès et C. Vernières, Droit des successions, op. cit., nos 451 et s. – P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, op. cit., no 722.
343) Sur la réduction en valeur : M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., nos 870 et s. – C. Pérès et C. Vernières, Droit des successions, op. cit., no 449. – F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, op. cit., nos 1209 et s. – P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités, op. cit., nos 775 et s. – S. Ferré-André et H. Mazeron-Gabriel, La réduction en valeur des libéralités : évolution ou révolution ?, Études offertes à J. Combret, Defrénois, 2017, p. 141. – B. Vareille, La réserve en valeur : Defrénois 2019, no 46, p. 28 et s.
344) Cass. 1re civ., 11 mai 2016, no 14-16.967 : JCP N 2016, 1251, note N. Randoux ; Dr. famille 2016, nos 7-8, obs. M. Nicod ; RTD civ. 2016, p. 673, obs. M. Grimaldi.
345) M. Blanck-Dap, La virtualité de la réserve héréditaire en présence d’un légataire universel : JCP N 2017, 1207.
346) V. 111e Congrès des notaires de France, Strasbourg, 2015, La sécurité juridique, un défi authentique, 2e commission, no 3400, par G. Bonnet et D. Vincent, et la proposition faite à ce sujet (une sorte de droit de rétention devrait être reconnu aux réservataires).
347) Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, ss dir. B. Vareille, op. cit., no 33650.
348) Sur cette action : M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., no 778, 2o.
349) Sur cette justification psychologique de l’héritage : M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., no 34.
350) Sur cette fonction psychologique de l’héritage : C. Bahurel, Les volontés des morts : vouloir pour le temps où l’on ne sera plus, thèse, Paris 2, LGDJ, 2014, préf. M. Grimaldi, nos 17 et s.
351) Sur ce fondement, V. not. 108e Congrès des notaires de France, Montpellier, 2012, La transmission, nos 2024 et s.
352) M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., no 288.
353) M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., no 299.
354) M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., no 300. – C. Bahurel, Les volontés des morts : vouloir pour le temps où l’on ne sera plus, thèse préc., no 713.
355) C’était le cas de la Coutume de Normandie, op. cit., p. 442.
356) P. Catala, Prospectives et perspectives en droit successoral : JCP N 2007, 1206, no 17.
357) Sur cet argument : I. Kondyli, La protection de la famille par la réserve héréditaire en droit français et grec comparé, thèse préc., no 53.
358) Sur cet argument : M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., no 301.
359) F. Le Play, La réforme sociale, in Textes choisis par L. Baudin, Dalloz, 1947.
360) Conférence de presse du secrétaire d’État G. Attal, 29 nov. 2018.
361) V. les propos de J.-F. Humbert : Defrénois 18 avr. 2019, p. 13.
362) www.senat.fr/leg/ppl18-710.html.
363) C.-E. Bucher, Le droit à réserve du conjoint : Defrénois 2019, no 46, p. 20 et s. – R. Le Guidec, L’opportunité de la réserve héréditaire : Defrénois 2019, no 46, p. 58 et s.
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