CGV – CGU

Partie VI – La lutte contre le blanchiment dans un contexte international
Titre unique – Lutte contre le blanchiment d’argent et extranéité : le notaire est une cible

4283 Dans son rapport annuel d’activité pour 2016, Tracfin constate que « (…) les notaires sont des cibles privilégiées et sont concernés à toutes les étapes du blanchiment, du placement à l’intégration ». Et de fait, le notariat est conscient de ce que les opérations de blanchiment s’orientent de plus en plus vers les professions non financières, au premier rang desquelles il figure. Si la participation active contre le blanchiment est une mission assignée aux notaires, il ne saurait être question ici de décrire l’état actuel de la réglementation et des obligations imposées au notariat, et il sera donc renvoyé aux études exhaustives sur le sujet367.

Les développements qui suivent se cantonneront aux points de vigilance auxquels le notaire doit porter attention dans le cadre du traitement d’une transaction présentant un élément d’extranéité.

De façon un peu provocatrice, on peut relever que le premier élément d’extranéité se situe dans la réglementation qui trouve sa source dans les directives européennes transposées dans le droit français.

On le sait, le notaire doit appliquer le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent lorsqu’il réalise au nom et pour le compte de son client toute transaction financière ou immobilière, ou lorsqu’il participe en assistant son client à la préparation ou à la réalisation des transactions concernant : l’achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce ; la gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant à son client ; l’ouverture de comptes bancaires, d’épargne ou de titres ; l’organisation des apports nécessaires à la création de sociétés ; la constitution, la gestion ou la direction de sociétés ; la constitution, la gestion ou la direction de fiducies de droit étranger ou de toute autre structure similaire368.

Cette application est générale et porte tant sur les opérations strictement nationales que sur les opérations comportant un élément d’extranéité.

Pour ces dernières, quelles sont les « circonstances internationales » devant alerter le notaire ?

En effet, il est bien évident qu’il n’est pas attendu du notaire qu’il déclare un soupçon dès qu’un élément factuel (la nationalité d’une partie par exemple) est identifié. Le soupçon doit résulter de l’analyse d’un ensemble d’éléments.

La difficulté en la matière réside dans le fait qu’il n’existe pas de schéma type de critères hit/no hit, ce serait bien évidemment trop simple.

Tout est affaire de circonstances en la matière. La casuistique règne ici en maître.

Une même opération apparaîtra comme tout à fait cohérente si elle doit être réalisée par un client donné, à un moment donné et selon des modalités particulières. Et cette même opération devra faire l’objet d’une déclaration de soupçon en raison des circonstances légèrement différentes.

Aussi, afin d’éviter de se retrouver au cœur de la cible, est-il opportun de tenter un recensement des critères devant éveiller l’attention du notaire. Ce recensement trouve sa source dans les cas concrets identifiés par Tracfin (la lecture des rapports annuels d’activité est à ce titre une source de renseignements et de méthodes précieuse, et le lecteur pourra se procurer les rapports annuels d’activités – dont le dernier pour l’année 2017 – sur le site de Tracfin : www.economie.gouv.fr/tracfin) et dans les guides établis par la profession pour aider les notaires. On peut ainsi citer le cas de la Compagnie des notaires de Paris, qui a diffusé un guide méthodologique de formation et d’information à destination tant des notaires que de leurs collaborateurs, ainsi qu’une fiche de renseignements de nature, sur chaque dossier, à alerter le notaire sur une source possible de soupçon. Il convient également de se référer à la documentation élaborée par le Conseil supérieur du notariat, accessible à tous les notaires sur le portail Real, qui propose en particulier un questionnaire de vigilance.

Les développements qui suivent seront organisés, sans doute de manière un peu artificielle, entre les opérations dans lesquelles l’extranéité résulte de l’identité du client (Chapitre I), celles dans lesquelles elle résulte de l’origine des fonds (Chapitre II), et celles dans lesquelles elle résulte de la nature de l’opération (Chapitre III), pour tenter d’aboutir à une synthèse à l’usage du notaire (Chapitre IV).


367) V. not. : M. Revillard, Droit international privé et européen : pratique notariale, Defrénois, 2018, nos 1540 à 1564 ; JCl. Notarial, Fasc. 24, Notariat. – Lutte contre le blanchiment.
368) C. monét. fin., art. R. 563-4.
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