CGV – CGU

Partie V – La publicité foncière
Titre 1 – L’accomplissement des formalités de publicité foncière
Chapitre unique – L’accomplissement des formalités de publicité foncière en présence d’un acte authentique ou d’une décision en provenance de l’étranger

4273 L’article 4, alinéa 3 du décret du 4 novembre 1955 dispose : « Les actes reçus par les officiers publics ou ministériels étrangers et les décisions rendues par les juridictions étrangères ne peuvent être publiés ou constituer le titre d’une inscription de privilège ou d’hypothèque que s’ils ont été légalisés par un fonctionnaire qualifié du ministère français des Affaires étrangères et déposés au rang des minutes d’un notaire français ou s’ils ont été rendus exécutoires en France. Ils doivent être accompagnés, s’ils sont rédigés en langue étrangère, d’une traduction en français, certifiée soit par le fonctionnaire susvisé, soit par un interprète habituellement commis par les tribunaux. Les expéditions, copies, extraits ou bordereaux déposés pour être conservés au service chargé de la publicité foncière doivent, en outre, porter toutes les mentions exigées par les articles 5 à 7 du présent décret et les articles 2428 et 2434 nouveaux du Code civil ».

Autrement dit, suivant ce texte, il suffit, pour qu’ils soient publiés en France, que les actes reçus par un notaire étranger et les décisions rendues par une juridiction étrangère aient été déclarés exécutoires en France ou qu’ils aient été déposés au rang des minutes d’un notaire français, dûment légalisés et accompagnés d’une traduction en langue française.

Cependant, la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées a introduit un article 710-1 du Code civil qui, en son alinéa 1er, pose le principe général suivant lequel : « Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d’un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France, d’une décision juridictionnelle ou d’un acte authentique émanant d’une autorité administrative ».

En imposant que tout acte ou droit doive, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d’un acte reçu par un notaire exerçant en France, l’article 710-1 du Code civil exige donc, selon l’avis de la doctrine majoritaire355, que l’acte reçu à étranger fasse l’objet d’une réitération par un acte reçu par un notaire exerçant en France. Il en va de même en présence d’une décision étrangère ne revêtant pas un caractère juridictionnel (Section  I).

Cette exigence de réitération connaît cependant un certain nombre d’exceptions (Section II).

Section I – L’exigence de réitération

4274 Il est généralement considéré que, par application du principe général posé par l’article 710-1 du Code civil, de valeur législative, les dispositions de l’article 4, alinéa 3 du décret du 4 novembre 1955 se trouvent partiellement abrogées.

Pour les actes authentiques, la règle de l’article 710-1 est claire : il faut que cet acte soit reçu par un notaire exerçant en France. Un acte notarié établi en Belgique portant sur un immeuble situé en France ne peut plus être déposé au rang des minutes d’un notaire en France aux fins d’accomplissement des formalités de publicité foncière. Il ne reste plus qu’à procéder à sa réitération devant un notaire exerçant en France. De plus, il semble bien que cette réitération s’impose même si l’acte a été établi avant l’entrée en vigueur de la loi de 2011, ce qui est souvent source de difficultés pratiques, par exemple au cas du décès entre-temps de l’une des parties à l’acte ou, plus simplement, au cas où une partie refuse de réitérer l’acte. Dans ce cas, il ne restera plus qu’à soumettre la difficulté à un tribunal dont la décision permettra de procéder à l’accomplissement des formalités.

S’agissant des décisions, l’article 710-1 du Code civil admet qu’elles puissent donner lieu aux formalités de publicité foncière sans préciser que la décision doive être rendue en France. Il s’ensuit que rien n’interdit que les formalités de publicité foncière soient accomplies sur le fondement d’une décision étrangère, sans qu’il soit nécessaire que cette décision soit soumise à l’exequatur.

Cependant, tandis que l’article 710-1 exige une décision « juridictionnelle », l’article 4, alinéa 3 du décret se contente d’une décision rendue par une juridiction étrangère sans ajouter qu’elle doit présenter un caractère « juridictionnel ».

Sur ce point, l’article 710-1 abroge donc implicitement les dispositions du décret en imposant d’établir une distinction selon que la décision en provenance de l’étranger revêt un caractère juridictionnel ou pas.

Dans le premier cas, c’est-à-dire si la décision tranche une contestation aux termes d’une procédure organisée et qu’elle revêt, de ce fait, l’autorité de la chose jugée, elle peut donner lieu aux formalités de publicité foncière dans le respect des dispositions de l’article 4, alinéa 3 du décret du 4 janvier 1955. Tel sera le cas par exemple d’une décision qui prononce l’annulation d’une vente immobilière et ordonne le transfert de propriété au vendeur initial.

Si, au contraire, la décision ne revêt pas un caractère juridictionnel parce qu’elle se borne, par exemple, à homologuer un acte de partage étranger, elle ne pourra pas donner lieu aux formalités de publicité foncière. Il sera alors nécessaire de réitérer l’acte étranger par un notaire exerçant en France.

Ce système a été récemment repris par le rapport de la Commission de réforme de la publicité foncière présidée par le professeur Laurent Aynès.

Ce rapport propose de remplacer l’actuel article 710-1 du Code civil par un article 710-7 qui serait ainsi rédigé :

« Seuls peuvent donner lieu aux formalités de publicité foncière les actes reçus en la forme authentique par un notaire exerçant en France, les décisions juridictionnelles et les actes administratifs dressés à fin de publicité foncière.

L’homologation d’un juge, le contreseing d’un avocat, le dépôt au rang des minutes d’un notaire, même avec reconnaissance d’écriture et de signature, ne permettent pas aux actes sous signature privée de faire l’objet des formalités de publicité foncière ».

Le texte reprend ainsi la nécessité que l’acte soit réitéré par un notaire exerçant en France.

De même, seules les décisions juridictionnelles peuvent donner lieu aux formalités de publicité foncière sans nécessité d’une réitération.

Section II – Les exceptions à la réitération

4275 L’article 710-1 du Code civil prévoit lui-même, dans ses alinéas 2 et 3, une série d’exceptions à l’exigence de la réitération par un acte reçu par un notaire exerçant en France.

Mais cette exigence devrait céder également dans deux autres hypothèses qui ne sont pas visées par le texte.

§ I – Les exceptions prévues par l’article 710-1 du Code civil

4276 Il résulte de l’article 710-1, alinéa 2 du Code civil que peuvent donner lieu aux formalités de publicité foncière, quand bien même ils proviendraient de l’étranger :

les procès-verbaux des délibérations des assemblées générales préalables ou consécutives à l’apport de biens ou droits immobiliers à une société ou par une société, ainsi que les procès-verbaux d’abornement, à condition d’être annexés à un acte qui en constate le dépôt au rang des minutes d’un notaire ;

les assignations en justice ;

les commandements valant saisie et les actes de procédure s’y rattachant ;

les jugements d’adjudication.

Ces exceptions ont été reprises par le rapport de la Commission de réforme de la publicité foncière présidée par le professeur L. Aynès à l’article 710-9356.

§ II – Les exceptions qui ne sont pas prévues par l’article 710-1 du Code civil

4277 En l’absence de consensus doctrinal et de jurisprudence sur ce point, ne seront émises ici que de simples propositions.

Ainsi, l’obligation de la réitération ne serait pas nécessaire :

lorsque l’acte ou la décision en provenance de l’étranger ont été rendus ou déclarés exécutoires en France (A) ;

lorsqu’il est prévu par un texte européen que les actes et les décisions en provenance d’un État membre sont immédiatement exécutoires en France ou qu’ils constituent un document valable pour l’accomplissement des formalités de publicité foncière en France (B).

A/ Acte ou décision rendu ou déclaré exécutoire en France

4278 Si l’acte ou la décision en provenance de l’étranger a été reconnu exécutoire en application du droit commun ou d’une convention internationale, il devrait pouvoir être procédé aux formalités de publicité foncière en France.

C’est ce qui résulte de l’article 4, alinéa 2 du décret 1955, non abrogé sur ce point par l’article 710-1 du Code civil.

C’est également ce qui a été retenu par le rapport de la commission présidée par le professeur L. Aynès qui propose d’introduire un article 710-8 du Code civil suivant lequel :

« Les actes reçus par les officiers publics ou ministériels étrangers et les décisions juridictionnelles étrangères ne peuvent donner lieu à publication que s’ils ont été déposés au rang des minutes d’un notaire exerçant en France. Celui-ci contrôle les conditions de leur acceptation ou de leur reconnaissance. Les décisions juridictionnelles étrangères peuvent également être publiées si elles sont ou ont été rendues exécutoires en France ».

Le commentaire qui est fait de ce texte par le rapport lui-même précise que : « Le texte reprend et actualise, notamment au regard des évolutions du droit européen et du droit international, l’article 4 du décret du 4 janvier 1955 ».

La même solution devrait s’appliquer si l’acte ou la décision en provenance de l’étranger a été déclaré exécutoire en France en application d’un texte européen.

Plusieurs règlements européens prévoient en effet que les décisions rendues par les tribunaux des États membres ainsi que les actes authentiques établis dans ces États membres sont exécutoires ou déclarés exécutoires dans les autres États membres selon une procédure d’exequatur simplifiée357.

Ainsi en est-il du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012, dit règlement « Successions », du règlement n° 4/2009 sur les obligations alimentaires358, et des règlements nos 2016/1103 et 2016/1104 sur les régimes matrimoniaux et les effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.

À l’égard des décisions, la constatation ou la déclaration de force exécutoire est faite par le directeur du greffe du tribunal de grande instance ou le président du tribunal de grande instance359.

À l’égard des actes authentiques, elle est faite par le président de la chambre des notaires360.

S’agissant du règlement « Successions », il est vrai que son article 1, § 2 exclut du champ d’application les inscriptions dans les registres des droits immobiliers et mobiliers et pose le principe selon lequel c’est la loi du registre qui déterminera les conditions et la manière dont l’inscription peut être effectuée.

Mais, du moment que l’acte authentique a été déclaré exécutoire en France, conformément à la procédure qui est prévue par le règlement, rien ne devrait s’opposer à ce qu’il puisse donner lieu aux formalités de publicité foncière.

B/ Acte ou décision immédiatement exécutoire en France ou acte pouvant donner lieu directement aux formalités de publicité foncière

4279 Le règlement n° 805/2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées prévoit qu’une décision ou un acte authentique certifié en tant que titre exécutoire européen dans l’État membre d’origine est exécutoire dans tous les autres États membres sans procédure de contrôle dans l’État membre d’accueil.

Une décision ou un acte authentique certifié en tant que titre exécutoire européen doit donc pouvoir donner lieu à l’inscription en France de sûretés judiciaires sans procédure de contrôle.

Le règlement n° 1215/2012, dit « règlement Bruxelles I bis », prévoit quant à lui qu’une décision ou un acte authentique en provenance d’un État membre est automatiquement exécutoire dans les autres États membres, sans qu’une déclaration constatant sa force exécutoire soit nécessaire dans l’État d’accueil. Il suffit, pour procéder à son exécution forcée, que soit présenté un certificat délivré par les autorités de l’État membre d’origine attestant du caractère exécutoire de la décision ou de l’acte.

En conséquence, une décision rendue en application de ce règlement pourrait donner lieu aux formalités de publicité foncière sur simple présentation de ce certificat.

Il devrait en aller de même s’agissant des actes authentiques, mais l’article 509-3 du Code de procédure civile prévoit que les requêtes aux fins de certification, de reconnaissance ou de constatation de la force exécutoire, sur le territoire de la République, des actes authentiques notariés étrangers en application du règlement n° 1215/2012 sont présentées au président de la chambre des notaires. Il semble donc plus prudent de réitérer l’acte si sa force exécutoire n’a pas été constatée par le président de la chambre des notaires.

Enfin, dans le souci de favoriser un règlement rapide d’une succession transfrontière, le règlement n° 650/2012 a mis en place un nouveau mode d’établissement de la preuve des qualités héréditaires et des pouvoirs des tiers administrateurs : le certificat successoral européen (V. supra, nos a3440 et s.). Ce certificat est destiné à être utilisé non seulement par les héritiers et les légataires, afin de prouver des éléments spécifiques tels que la qualité d’héritier ou l’attribution d’un bien déterminé, mais également par les exécuteurs testamentaires ainsi que les administrateurs de la succession afin de justifier de leurs pouvoirs. Il peut circuler d’un État membre à l’autre et est délivré par l’autorité désignée comme compétente en vertu de son droit national (soit un notaire, soit une juridiction). En France, l’autorité compétente pour émettre un certificat successoral européen est le notaire361. Le certificat produit les mêmes effets dans tous les États membres, mais il n’est ni un titre exécutoire ni un acte authentique. Il fait foi jusqu’à preuve contraire et est présumé attester fidèlement de l’existence d’éléments qui ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession ou en vertu de tout autre élément spécifique, tel que la validité au fond des dispositions à cause de mort.

Le certificat successoral européen en provenance d’un État membre peut donner lieu aux formalités de publicité foncière sans qu’il soit nécessaire de procéder à sa réitération par un acte reçu par un notaire exerçant en France.

Certes, l’article 1, § 2 du règlement n° 1215/2012 exclut du champ d’application les inscriptions dans les registres des droits immobiliers et mobiliers et pose le principe selon lequel c’est la loi du registre qui déterminera les conditions et la manière dont l’inscription peut être effectuée. Toutefois, l’article 69, § 5 du même règlement prévoit que le certificat successoral européen constitue un document valable pour l’inscription d’un bien successoral sur un tel registre. Dans le même sens, le considérant 18 du règlement rappelle la nécessité d’une transcription directe d’une mutation immobilière dans les registres fonciers, sans procédure intermédiaire, dans toutes les hypothèses où les indications mentionnées dans le certificat successoral européen ou l’acte authentique étranger sont suffisantes.

Ce certificat devrait donc constituer un document valable pour l’accomplissement des formalités de publicité foncière. Il devrait suffire, lorsqu’un certificat en provenance d’un État membre est présenté à un notaire en France, d’établir une attestation immobilière pour procéder aux formalités de publicité foncière.

En tout état de cause, en cas de doute, le notaire exerçant en France peut toujours établir un acte de notoriété dans lequel il reprend les éléments consignés dans le certificat successoral européen et procéder, sur le fondement de son acte de notoriété, à l’accomplissement des formalités de publicité foncière.


355) P.-F. Cuif, Réforme de la publicité foncière (C. civ., art. 710-1) : Nouvelles règles et nouvelles pratiques pour le notaire : Bull. Cridon Paris 1er-15 août 2011, p. 2 et s., n° 25. – V. égal. : S. Berre, Effets en France d’un acte passé à l’étranger : formalités et publicité foncière : JCP N 2013, n° 26, 1177. – M.-E. Ancel et D. Vincent, La circulation internationale des actes : JCP N 2016, n° 2, 2009, nos 29 et 30.

356) Ce texte serait rédigé ainsi : « Par dérogation à l’article 710-7, peuvent faire l’objet des formalités de publicité foncière :

les commandements de payer valant saisie et les actes de procédure s’y rattachant ;

les assignations en justice et les conclusions reconventionnelles ou additionnelles ;

les jugements d’adjudication ;

les procès-verbaux de délibérations des assemblées générales relatives à l’apport de biens ou droits immobiliers ainsi que les procès-verbaux de bornage, lorsqu’ils sont annexés à un acte constatant leur dépôt au rang des minutes d’un notaire ;

les procès-verbaux établis par le service du cadastre ;

les autres actes administratifs dont la publication est prescrite par la loi ».

357) Suivant cette procédure, la décision ou l’acte en provenance d’un État membre est déclaré exécutoire dans tout autre État membre en suite d’un simple contrôle formel.
358) Le règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, dit « règlement Bruxelles II bis », prévoit également une procédure d’exequatur simplifiée pour les décisions rendues en matière matrimoniale et de responsabilité parentale. Les décisions de divorce rendues dans un État membre sont donc déclarées exécutoires en France suivant une procédure simplifiée d’exequatur, mais les effets patrimoniaux du divorce sont exclus du champ d’application du règlement. Une décision de divorce qui homologue une convention de partage bénéficiera donc du régime de circulation simplifié prévu par le règlement en ce qui concerne seulement le principe du divorce lui-même. Une convention de divorce homologuée ne pourra être publiée en France qu’après réitération par un acte reçu par un notaire exerçant en France ou après une procédure d’exequatur permettant l’exécution en France de la décision étrangère.
359) CPC, art. 509-2.
360) CPC, art. 509-3.
361) CPC, art. 509-3.
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