CGV – CGU

Partie I – La vente dans un contexte international
Titre 2 – L’investissement immobilier à l’étranger par les résidents français
Sous-titre 1 – Le notaire et l’investissement immobilier des Français à l’étranger
Chapitre II – L’acquisition par un Français à l’étranger

4139 L’acquisition d’un bien immobilier situé à l’étranger soulève diverses questions quant au processus à suivre et à la forme du contrat. Il existe peu de documents apportant des réponses précises en la matière. Le notaire français est parfois sollicité par des clients qui projettent d’acquérir un bien immobilier dans un pays membre de l’Union européenne afin d’y établir leur résidence principale ou pour une résidence secondaire. Il peut aussi prêter son concours à un investissement immobilier réalisé à l’étranger dans un cadre professionnel tel que l’implantation d’une usine, d’un hypermarché, d’un salon de coiffure ou d’une boulangerie par exemple. La prise de contact avec des juristes compétents localement est alors incontournable pour connaître les normes professionnelles applicables. Le notaire doit s’appuyer sur les connaissances d’un juriste local afin d’optimiser l’extension internationale du patrimoine familial. Il peut utiliser ses compétences juridiques internes pour encadrer sous certaines limites le processus de la vente à intervenir (Section I) et assister l’acquéreur pour intégrer le bien situé à l’étranger dans son patrimoine (Section II).

Section I – L’accompagnement lors de l’acquisition

4140 Les acquéreurs français à l’étranger sont conseillés par des agents immobiliers ou des professionnels du droit locaux et ils contactent leur notaire non seulement pour se rassurer dans un environnement juridique inconnu (Sous-section I), mais encore pour qu’il les aide à se renseigner sur les modalités de financement possibles (banque étrangère ou banque française), les modalités d’acquisition (en nom propre ou par le biais d’une société française ou étrangère) et les perspectives de transmission familiale envisageables. Ils souhaitent connaître les conséquences financières et fiscales de leur acquisition en France selon les options retenues (Sous-section II).

Sous-section I – L’accompagnement formel lors de l’acquisition

4141 Le rôle du notaire qui accompagne ses clients dans le cadre d’un investissement immobilier réalisé à l’étranger peut être double : assurer un suivi formel de l’opération immobilière réalisée (§ I) et aider l’acquéreur à se repérer dans l’environnement juridique étranger (§ II). Une étude a été réalisée auprès de notaires et juristes étrangers officiant dans les pays européens considérés comme les plus attractifs par la clientèle française pour les investissements immobiliers.

§ I – L’apport de l’expertise notariale française

4142 En collaboration avec un notaire ou un juriste local, le notaire peut aider ses clients à comprendre quel sera le processus d’acquisition. Il peut leur expliquer comment l’avant-contrat et le contrat de vente seront signés. Il existe des notaires dans d’autres pays, mais ils ne jouent pas tous le même rôle qu’en France. Ils peuvent agir comme des juristes conseils et authentificateurs comme en Belgique ou en Italie. Dans d’autres pays, ils enregistrent les transferts de propriété et le suivi de la vente peut n’être assuré que par des agents immobiliers ou d’autres intermédiaires, comme cela est parfois le cas en Espagne.

Le notaire français peut contacter son homologue étranger pour vérifier s’il est envisageable de signer par procuration et s’il peut recevoir et certifier lui-même la signature des acquéreurs.

Ensuite, le notaire peut aider son client à trouver un traducteur afin qu’il comprenne bien les détails de l’acquisition.

Il est à noter que lorsqu’ils achètent un bien immobilier situé aux États-Unis d’Amérique, les acquéreurs souscrivent une police d’assurance spéciale pour couvrir le risque d’erreur dans l’identité du propriétaire du bien vendu. Il conviendra de vérifier avec l’avocat américain engagé pour la vente si cela est nécessaire.

§ II – Les environnements juridiques étrangers

4143 Habitués à leur environnement juridique très normé, les notaires français doivent s’appuyer sur des juristes locaux pour accompagner leurs clients. Ils ne reçoivent aucune formation en droit comparé, ils sont donc peu familiers avec les formalités à accomplir dans les autres pays en matière d’acquisition immobilière.

Le Conseil des notariats de l’Union européenne (CNUE) a organisé un site internet dénommé « Acheter un bien immobilier en Europe » qui permet de connaître les bases de la procédure d’acquisition immobilière dans vingt-deux pays européens disposant d’un système juridique notarial. Ce site permet de trouver des notaires ou juristes dans les autres pays de l’Union européenne. Il est indiqué s’ils parlent le français. Ces juristes sont des référents qu’il est possible de contacter afin d’obtenir les coordonnées d’un notaire ou d’un juriste local compétent.

En amont de l’opération immobilière, il semble intéressant de contacter la mission économique de l’ambassade de France du pays concerné. Ce service dédié aux investisseurs dépend du ministère des Affaires étrangères et procure une mine d’informations portant sur l’organisation économique, juridique, financière, commerciale, concurrentielle. Il existe aussi des points de relais dans les directions régionales du commerce extérieur et les chambres de commerce et d’industrie et, sur le plan national, la société UBIFrance, devenue Business France, peut être contactée. Elle dispose d’un site internet complet qui permet de préparer les démarches à effectuer. Des renseignements sur les conditions d’accès au marché local sont transmis afin d’indiquer s’il existe des conditions de nationalité en matière d’investissement immobilier. En effet dans certains pays, comme en Thaïlande, les investissements professionnels des étrangers sont limités au droit de jouissance pour les maisons individuelles, et l’accession à la pleine propriété dans les immeubles collectifs est soumise à certaines contraintes182.

Ensuite, des informations relatives au soutien français et européen au développement international des entreprises françaises peuvent être communiquées. Selon le type d’acquisition et le pays de destination, il existe des programmes d’aide au développement.

4144 Dans un cadre privé, les informations communiquées par le site « Acheter un bien immobilier en Europe » peuvent être très utiles. Lorsqu’un Français envisage par exemple d’acquérir un bien immobilier au Portugal, des renseignements sur les autorités compétentes en matière de certification des actes pourront y être trouvés : notaire pour les actes authentiques, avocat et registre foncier pour la certification des actes sous seing privé. Afin de compléter les informations contenues sur le site internet précité, il convient de se rapprocher d’un confrère local.

Dès lors que le cadre est organisé, le notaire peut accompagner l’acquéreur pour l’aider à comprendre le contenu du contrat de vente qu’il signe, en travaillant de concert avec le notaire ou le juriste chargé d’établir l’acte constatant le transfert de propriété.

Sous-section II – L’accompagnement sur le fond

4144-1 En appui du notaire ou du juriste local, le notaire peut guider ses clients tout au long du processus d’acquisition et vérifier que l’investissement immobilier est réalisé avec la sécurité juridique nécessaire.

§ I – Les points de vigilance

4145 Prenant soin de ne pas intervenir directement dans la vente projetée, le notaire peut tout de même guider l’acquéreur en attirant son attention sur certains aspects cruciaux de la vente. Son client pourra effectuer les vérifications auprès du notaire ou du juriste local compétent. Divers points sont à évoquer avec lui, dont la monnaie de compte ou de change utilisée, le lieu de signature, la signature par procuration, la langue du contrat.

Voici les points de vigilance à soulever :

l’identification du propriétaire du bien vendu : il faut que l’acquéreur signe un acte avec le véritable propriétaire de l’immeuble, donc son identité doit être contrôlée ;

la vérification officielle des références cadastrales s’il y a une division foncière officiellement organisée : dans certains pays, des contrôles sont réalisés par des juges parfois corrompus, il faut donc bien étudier les références cadastrales des immeubles vendus ;

l’autorité, le service ou le juriste qui va recueillir les fonds pour les verser au vendeur est-il habilité officiellement à agir dans ce cadre ? Est-il titulaire d’une assurance spécifique qui couvre le risque de non-couverture des fonds ?

le bien vendu est-il grevé de servitudes publiques ou privées ou de droits réels équivalents ? Les parcelles environnantes font-elles l’objet d’autorisations de construire ?

y a-t-il des diagnostics obligatoires ? Ont-ils été réalisés ?

la construction du bien vendu et de ses annexes a-t-elle été autorisée conformément à la loi locale ?

le bien vendu est-il grevé d’hypothèque ? Le prix couvre-t-il toute dette garantie sur le bien immobilier vendu ?

l’immeuble objet de la vente est-il raccordé aux réseaux d’eau, d’électricité, de gaz ? Il est conseillé de demander la copie des factures ;

comment et quand la remise des clés a-t-elle lieu ?

si l’acquéreur ne peut être présent pour signer l’acte de vente, comment peut-il se faire représenter ?

quel type de procuration est acceptable localement ?

Toutes les questions énoncées ci-dessus doivent être posées au notaire ou au service en charge de la vente pour protéger l’acquéreur français. Après avoir soulevé les questions les plus pragmatiques, le notaire peut s’intéresser à la loi applicable au contrat de vente signé à l’étranger.

4146 Au sein de l’Union européenne, en application de l’article 4 du règlement Rome I, à défaut de choix effectué par les parties au contrat de vente d’immeuble, la loi applicable à celui-ci est la loi du pays dans lequel l’immeuble est situé. Si les parties le souhaitent, elles peuvent choisir quelle sera la loi applicable au contrat qu’elles vont signer. Selon l’article 3 du règlement Rome I, en effet, « le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause ». Les parties peuvent également décider de désigner une seule loi applicable à la totalité du contrat ou opter pour que différentes lois s’appliquent.

Si le contrat doit être régularisé en dehors de l’Union européenne, selon l’adage locus regit actum, c’est la loi du lieu de situation de l’immeuble vendu qui doit être appliquée.

L’intérêt de prévoir une clause d’electio juris a été évoqué (V. supra, n° a4045 et, spécialement pour la lettre de mission, n° a4134). En matière de vente d’immeuble, il est opportun de préciser dans l’acte quelle est la loi choisie par les parties pour régir leurs relations juridiques et financières.

§ II – Le financement de l’acquisition immobilière à l’étranger

4147 Du point de vue financier, il peut être intéressant de demander si le prix doit être payé dans la monnaie locale ou s’il peut être payé en euros, spécialement si les deux parties résident en France. Ensuite, l’acquéreur doit être informé s’il doit verser un dépôt de garantie et quand il doit payer le prix de vente et les frais d’acte de vente.

Si l’acquéreur envisage d’emprunter de l’argent pour procéder à son acquisition, il aura peut-être la possibilité d’obtenir un crédit immobilier auprès d’une banque locale. Il faudra alors qu’il justifie d’un apport personnel assez conséquent. Aux États-Unis d’Amérique, par exemple, l’apport exigé est de l’ordre de 30 à 40 % de l’investissement global, avec dépôt d’une somme de 100 000 dollars environ. Le montant de l’apport exigé pour une acquisition immobilière en Espagne ou au Portugal est le même si l’on s’adresse à une banque espagnole ou portugaise. Il est rare que les banques françaises financent ce type d’achat immobilier.

Il est à noter que lorsqu’une personne résidente française ouvre un compte à l’étranger, elle doit le déclarer aux services fiscaux français, sous peine d’une amende de 1 500 €, conformément à l’article 1649 A, alinéas 2 et 3 du Code général des impôts, qui prévoit ce qui suit :

« Les administrations publiques, les établissements ou organismes soumis au contrôle de l’autorité administrative et toutes personnes qui reçoivent habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces doivent déclarer à l’administration des impôts l’ouverture et la clôture des comptes de toute nature (1).

Les personnes physiques, les associations, les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger. Les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par décret (2).

Les sommes, titres ou valeurs transférés à l’étranger ou en provenance de l’étranger par l’intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables »183.

NOTA : (1) Voir les articles 164 FB à 164 FF de l’annexe IV. (2) Voir les articles 344 A et 344 B de l’annexe III.

Il existe un échange automatique d’informations bancaires depuis 2017 entre cinquante-six pays et depuis le 1er janvier 2018 entre quatre-vingt-dix-huit pays, dont la Suisse. Le notaire doit donc rappeler l’obligation de déclaration.

Dès lors que le cadre juridique et financier de l’acquisition est organisé, le notaire peut s’intéresser aux modalités d’acquisition du bien immobilier situé à l’étranger.

Section II – L’organisation patrimoniale de l’acquisition

4148 Lorsqu’un Français achète un immeuble dans un autre pays, il étend son patrimoine sur un plan international, ce qui fait émerger des interrogations sur l’utilisation des outils juridiques français et étrangers.

4149 Un premier sujet de discussion porte sur l’acquisition en nom personnel ou via une société, et si cette seconde option séduit l’acquéreur, le choix d’une société de droit français ou d’une société de forme étrangère peut être proposé.

Le notaire français n’est pas formé pour conseiller ses clients sur l’opportunité d’acquérir au moyen d’une société ou non dans un autre pays. Néanmoins, il peut se renseigner auprès du notaire ou du lawyer local et aider l’acquéreur à comprendre quel est son intérêt.


182) L’investissement immobilier collectif est régi par le Condominium Act, promulgué en 1979 et modifié en 1992. Selon cet Act, il faut que 49 % de l’ensemble immobilier soit vendu à des Thaïlandais pour que les étrangers puissent acquérir un appartement en pleine propriété.
183) Cf. BOFiP, BOI-CF-CPF-30-20-20170308.
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