CGV – CGU

Partie I – La vente dans un contexte international
Titre 1 – La vente en France par les non-résidents
Sous-titre 3 – Le prix de vente à l’international
Chapitre I – La détermination du prix de vente à l’international

4111 Lorsqu’un vendeur et un acquéreur étrangers s’accordent sur l’objet et le prix du contrat de vente d’un bien immobilier situé en France, ils s’appuient sur l’expertise du notaire pour la suite de la vente. Le prix de vente est l’un des éléments essentiels du contrat de vente immobilière dont le notaire doit assurer la sécurité juridique.

En présence d’éléments d’extranéité, le notaire doit être attentif à ne pas omettre certaines informations et à respecter des procédures pour la détermination et le paiement du prix de vente. Associé au travail de vigilance des autorités en charge du contrôle des flux financiers, il a le devoir d’effectuer des vérifications, des déclarations.

Dans le cadre d’un contrat de vente portant sur un bien immobilier situé en France, il semble logique de prévoir que le prix sera convenu en euros, monnaie de la loi du contrat. Néanmoins, certains vendeurs et acquéreurs étrangers souhaitent effectuer la vente dans une monnaie étrangère commune. Quelle que soit la monnaie du prix de vente, le notaire doit veiller à éviter certains écueils qui pourraient mettre le contrat en danger et entraîner la mise en cause de sa responsabilité. Avant de développer les modalités de paiement du prix, en euros ou dans une monnaie étrangère choisie d’un commun accord entre les parties, il semble opportun d’analyser quels sont les écueils à anticiper.

Section I – La sécurisation du choix de la monnaie du prix de vente

4112 Dans un contrat de vente, le prix est l’un des éléments essentiels pour les parties. En présence de cocontractants étrangers, le notaire doit veiller à apporter la sécurité juridique au contrat de vente qu’il reçoit en anticipant les risques et en apportant le plus de précisions possibles pour limiter les manquements dans le conseil.

Sous-section I – L’obligation de paiement au moyen de virements bancaires

4113 Les transferts de fonds de compte à compte sont régis par le Code monétaire et financier. Selon l’article L. 112-6-1 de ce code : « Les paiements effectués ou reçus par un notaire pour le compte des parties à un acte reçu en la forme authentique et donnant lieu à publicité foncière doivent être assurés par virement ». Conformément à cet article, un décret du Conseil d’État a imposé le seuil de 3 000 € au-delà duquel les paiements doivent être effectués par virement. En conséquence, tous les paiements relatifs à un dossier de vente d’immeuble doivent être réalisés par virement si le prix est supérieur à 3 000 €.

En matière de vente comportant un élément d’extranéité, le notaire doit avertir ses clients de cette obligation pour qu’ils organisent le transfert des fonds.

Le notaire doit utilement solliciter de son client acquéreur qu’il fournisse une attestation de la banque émettrice certifiant que c’est bien un compte ouvert à son nom qui a été débité. Ceci est évoqué infra, n° a4120.

Tous les pays membres de l’Union européenne sont membres de l’espace unique du paiement en euros, communément appelé SEPA (Single Euro Payments Area), même ceux dont la monnaie n’est pas l’euro. Monaco, la Suisse, le Liechtenstein, la Norvège, l’Islande et Saint-Marin sont aussi membres du SEPA. Celui-ci a été initié par la Banque centrale européenne, des établissements bancaires européens, suisses et monégasques et par la Commission européenne, au moyen d’une directive sur les services de paiement publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 5 décembre 2007. Ensuite, le règlement n° 260/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 a établi les exigences techniques et commerciales pour les virements et les prélèvements en euros et modifié le règlement (CE) n° 924/2009 afin d’harmoniser, sécuriser et faciliter les paiements intra-européens. Ce règlement a privilégié trois moyens de paiements : les virements, les prélèvements et les paiements par carte bancaire. Quelle que soit leur taille, toutes les entreprises sont concernées et elles ne peuvent pas refuser un paiement par prélèvement ou virement en euros au motif que le compte bancaire du consommateur est situé dans un autre État européen173. Ainsi, tout paiement transfrontalier en euros est traité avec la même rapidité, la même sécurité et dans les mêmes conditions qu’un paiement national.

La standardisation des paiements facilite la surveillance des paiements en Europe et le contrôle de la fraude et du blanchiment. Cela ne doit pas diminuer la vigilance du notaire à propos des fonds qu’il réceptionne.

Sous-section II – Les précautions rédactionnelles sécurisant le contrat

4114 Si les parties choisissent une monnaie de paiement différente de l’euro, le notaire doit identifier les points sensibles potentiellement source de litiges.

Le premier d’entre eux est l’homonymie de certaines monnaies. Le notaire doit bien préciser la monnaie choisie afin d’ôter tout doute sur la monnaie utilisée : livre sterling, livre turque ou livre égyptienne, dollar américain, australien, de Singapour, Hong Kong, néo-zélandais ou canadien, dinar algérien ou irakien, couronne suédoise, norvégienne ou tchèque, peso mexicain ou argentin…

Le second est l’imprévision en raison de l’évolution inéluctable de la monnaie étrangère par rapport à l’euro. Le notaire doit veiller à que les parties signent l’avant-contrat de vente en connaissant parfaitement leurs engagements : l’acquéreur doit connaître le montant de la somme qu’il devra dépenser pour payer le prix de vente et le vendeur doit savoir quel est le prix de vente qu’il va recevoir pour notamment désintéresser ses créanciers. Aucun des deux ne doit subir de perte en raison de la variation des taux de change entre la signature de l’avant-contrat et celle de l’acte de vente. À défaut, l’article 1195 du Code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016, prévoit que si « un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation ». En d’autres termes, si la dépense initialement prévue par l’acquéreur dans sa monnaie de paiement étrangère augmente sensiblement entre l’avant-contrat et l’acte authentique de vente parce que l’euro a une valeur accrue, celui-ci peut solliciter une renégociation du prix de vente.

L’article 1195, alinéa 2 du Code civil poursuit en indiquant qu’en « cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation ». Cela signifie que le contrat de vente demeure fragile et incertain, car si les parties ne parviennent pas à un accord sur un nouveau prix ou de nouvelles modalités de paiement, elles peuvent décider de l’annuler. Pire, à défaut d’accord entre les parties, le juge peut « réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ». Il pourra alors être reproché au notaire de ne pas avoir anticipé la dégradation du taux de change de la monnaie étrangère dans la période précontractuelle.

Il est à noter que le principe de la force obligatoire des contrats est a priori respecté puisqu’un contrat doit être appliqué dès lors qu’il est clairement établi. Mais il n’en demeure pas moins que le notaire supporte la lourde responsabilité de le sécuriser, car sinon il peut être résolu amiablement ou judiciairement.

Le notaire ne devrait donc pas prévoir que le prix de vente fixé à un certain montant dans l’avant-contrat sera payé au moment de l’acte authentique de vente selon le taux de change en vigueur au moment de la réitération par acte authentique.

En conséquence, lorsque les parties prévoient dans l’avant-contrat de vente que le prix en euros sera payé dans une monnaie de paiement étrangère (par ex. en livres sterling), le notaire doit leur conseiller de fixer le prix de façon ferme et définitive dès ce stade du processus de vente.

Le coin du praticien

Il convient de mentionner que le prix « X » en euro correspond au jour de l’avant-contrat à la somme de « X’ » livres sterling selon le taux de change du jour et que ce prix ne variera pas, quel que soit le cours de la monnaie étrangère par rapport à l’euro au moment de la signature de l’acte authentique de vente.

Voici un modèle de clause qui peut être proposé en la matière : « Les parties conviennent que le prix de vente est de : … euros. D’un commun accord entre elles, les parties déclarent que ledit prix correspond à la somme de … + devise étrangère convenue entre les parties, selon le taux de conversion de change en vigueur à la date du …, d’un montant de … équivalent pour UN EURO ».

4115 De même, en présence d’un vendeur étranger ou d’un vendeur français résidant à l’étranger qui a donné un relevé bancaire d’un compte ouvert sous une autre devise, il est conseillé au notaire de l’informer qu’il va recevoir son prix en euros et qu’il lui appartient de se renseigner sur les conditions imposées par sa banque pour la réception des fonds. Il est important de lui expliquer qu’il devra payer une commission à sa banque et que le taux de change en vigueur au moment du virement bancaire sera appliqué.

Le coin du praticien

Cette information peut être transmise selon le modèle suivant :

« Cher M./Mme…, je vous informe que le paiement du prix de vente sera effectué en euros. Je vous laisse le soin de vous renseigner auprès de votre établissement bancaire afin de connaître les conditions et modalités de la conversion des fonds lors de leur réception et le montant de la commission qui sera prélevé par votre banque ».

Cette information peut être capitale lorsque le pays destinataire des fonds utilise une monnaie considérée comme fragile, susceptible d’être dévaluée compte tenu des circonstances géopolitiques. Cela peut permettre au vendeur de réaliser qu’il doit songer à transférer les fonds via un organisme de conversion de change qui l’aidera à sécuriser son capital en bloquant un taux convenable pour lui.

4116 Ensuite, dans l’hypothèse rarissime où le vendeur affirmerait dès la préparation de l’avant-contrat qu’il accepte de vendre son bien immobilier à condition de recevoir une certaine somme d’argent en devises étrangères, sur un compte ouvert à l’étranger, le notaire devrait lui indiquer quelles sont les conséquences de son choix. Entre le moment de l’accord des parties sur le prix de vente en euros et le paiement du prix de vente par le notaire au vendeur après la signature de l’acte de vente sur le compte du vendeur, il pourrait s’écouler plusieurs mois. Dès lors, le vendeur pourrait subir la variation à la baisse du taux de change entre l’euro et la monnaie étrangère. Si ce risque est généralement accepté par les vendeurs étrangers, ils pourraient tout de même reprocher au notaire français de ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour les protéger.

Il est permis de se demander si le vendeur ne pourrait pas invoquer l’article 1195 du Code civil et solliciter la renégociation du prix de vente au motif « qu’un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse » pour lui et qu’il « n’avait pas accepté d’en assumer le risque ». Si la différence entre le montant escompté au moment de son acceptation du prix de vente et la somme qu’il reçoit au moment du transfert sur son compte en devises étrangères est relativement importante, il pourrait être tenté non seulement de demander à l’acquéreur un prix de vente plus élevé, mais encore de mettre le notaire en cause pour défaut de conseil. Afin d’éviter toute complication, il est fortement conseillé aux notaires de ne pas signer d’avant-contrat contenant ce genre de modalités.

Pour prévenir les parties des risques de pertes financières en raison de la variation des taux de change, le notaire peut prévoir une clause dans l’avant-contrat qui sera reprise dans l’acte authentique de vente. En le signant, les parties reconnaîtront qu’elles ont reçu l’information. Elles ne pourront donc pas prétendre qu’elles n’ont pas été alertées par le notaire.

Le coin du praticien

Le notaire pourrait reprendre le modèle de clause suivant :

« Selon l’ article 1195 du Code civil, une partie peut accepter d’assumer le risque d’un contrat dont l’exécution serait devenue excessivement onéreuse pour elle en raison d’un changement de circonstances imprévisible lors de sa conclusion. En ce sens, le VENDEUR et l’ACQUÉREUR décident d’évincer l’application de l’article 1195 du Code civil précisant le régime juridique de l’imprévision. Les parties acceptent, en conséquence, en cas d’imprévision telle que définie par l’article précité, d’en supporter toutes les conséquences économiques et financières ».

Ensuite, le notaire peut prévoir une information spécifique du vendeur étranger par courrier ou par courriel, non seulement sur les conséquences possibles du transfert de fonds sur un compte en devises étrangères, mais aussi sur l’existence d’organismes de conversion des fonds qui permettent de bloquer le taux dès la signature de l’avant-contrat de vente. Le notaire peut même demander au vendeur de lui confirmer qu’il a bien reçu cette information et qu’il assumera la responsabilité et les conséquences de l’utilisation des fonds transférés sur un compte étranger.

Lorsqu’un notaire reçoit un acte de vente entre deux personnes étrangères résidant dans le même pays, celles-ci souhaitent parfois que le prix de vente soit payé dans une monnaie différente de l’euro afin d’économiser des frais de conversion de change. Cela peut intéresser par exemple un vendeur britannique dont le projet est de réinvestir au Royaume-Uni, ou un vendeur et un acquéreur suédois qui souhaitent effectuer la vente en couronnes suédoises. Dans quelle mesure cela est-il permis en cas de vente d’un bien immobilier situé en France ?

Section II – La détermination de la monnaie du prix de vente

4117 La loi applicable au contrat de vente détermine en principe le paiement du prix et ses modalités. Elle régit la date et le lieu du paiement. En présence de parties désireuses de prévoir un prix stipulé dans une monnaie autre que l’euro, le notaire français soit s’interroger sur la licéité de cette option pour la fixation et le paiement du prix.

Ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus, selon l’article 3 du règlement Rome I les parties peuvent choisir la loi du contrat de vente. Ce choix peut être exprès ou tacite et l’article 3 ajoute que par « leur choix, les parties peuvent choisir la loi applicable à la totalité ou à une partie du contrat ». Cet article consacre l’autonomie de la volonté et affirme le droit de morceler le contrat de vente.

En conséquence, bien que l’objet de la vente soit situé en France et que la loi française régisse leur contrat, le vendeur et l’acquéreur ont le droit de convenir que le paiement du prix sera soumis à une loi étrangère choisie par les parties. Néanmoins, il convient de rappeler la distinction communément établie entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement.

La monnaie de compte peut être définie comme une unité de mesure qui permet de déterminer le quantum de l’obligation. Il s’agit de l’expression du montant du prix de vente lui-même.

La monnaie de paiement représente la monnaie choisie par le débiteur d’une obligation pour s’en acquitter.

Il résulte de la jurisprudence que, dans un contexte international, le prix de vente peut être exprimé dans une monnaie étrangère et que le prix peut être payé dans une autre monnaie que l’euro. Il semble en effet que l’ordre public international français n’impose pas un paiement dans la monnaie utilisée en France.

Ainsi, dans un contrat de vente, le prix doit être stipulé en euros (monnaie de compte), ne serait-ce que pour des raisons fiscales, mais il peut être précisé que ce prix sera payé dans une autre monnaie (monnaie de paiement). Dès lors, le notaire doit organiser le paiement du prix de vente, ce qui requiert encore plus de vigilance dans un contexte international.


173) Rappel de la DGCCRF du 15 mai 2018 : selon l’article 9 du règlement n° 260/2012.
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