CGV – CGU

Partie I – La vente dans un contexte international
Titre 1 – La vente en France par les non-résidents
Sous-titre 2 – La loi applicable au contrat de vente
Chapitre II – L’application des dispositions impératives au contrat de vente d’immeuble dans un contexte international

4098 Ainsi que cela a été étudié précédemment, le contrat de vente d’immeuble est normalement régi par la loi du lieu de situation de l’immeuble. Lorsque l’immeuble est situé en France, la loi française est donc applicable quels que soient la nationalité ou le lieu de résidence habituelle des parties. Il est vrai qu’en théorie, celles-ci peuvent décider de soumettre le contrat à une loi étrangère. Mais, en pratique, cela reste déconseillé, tant les difficultés à délimiter les domaines respectifs de la loi du contrat et de la loi du lieu de situation sont nombreuses. En toute hypothèse, en présence d’un élément d’extranéité, qu’il résulte de la soumission du contrat à une loi étrangère ou – hypothèse plus fréquente – de la résidence habituelle de l’acquéreur à l’étranger, l’application des dispositions impératives prévues par la loi française suscite quelques difficultés. Ainsi en est-il de l’obligation qui pèse sur le vendeur de notifier, préalablement à la conclusion du contrat de vente, un certain nombre de documents au futur acquéreur ou aux titulaires d’un droit de préemption (Section I) ou encore de l’obligation d’annexer à la promesse de vente les diagnostics techniques requis pour les immeubles à usage d’habitation (Section II). Lorsque l’immeuble est situé en France, les dispositions imposant ces obligations peuvent être difficilement éludées, ainsi que cela sera évoqué ci-après. Néanmoins, c’est surtout leur mise en œuvre concrète, en présence d’un futur acquéreur résidant à l’étranger, qui soulève des interrogations.

Section I – Les obligations d’information

4099 D’une part, les articles L. 271-1 et L. 721-2 du Code de la construction et de l’habitation imposent au vendeur de notifier au futur acquéreur la promesse de vente et ses documents annexes, lorsque la vente porte sur un lot de copropriété. La notification de ces différentes pièces ouvre un délai de rétractation de dix jours à l’acquéreur. En outre, lorsqu’il s’agit d’une vente en l’état futur d’achèvement (dite « VEFA »), l’article R. 261-30 du même code impose au réservant de notifier au réservataire le projet d’acte de vente un mois au moins avant la date de la signature de cet acte (Sous-section I).

D’autre part, le vendeur est également tenu d’une obligation d’information à l’égard des titulaires d’un droit de préemption (Sous-section II).

Sous-section I – Les obligations de notification imposées par les articles L. 271-1, L. 721-2 et R. 261-30 du Code de la construction et de l’habitation

4100 Les obligations de notification imposées par les articles L. 271-1 et L. 721-2 du Code de la construction et de l’habitation doivent être respectées lorsque l’immeuble est situé en France (§ I). Il en va de même de l’obligation de notification imposée par l’article R. 261-30 du même code (§ II). En revanche, la question se pose de savoir dans quelle forme doit intervenir cette notification si le futur acquéreur réside à l’étranger (§ III).

§ I – Le respect des obligations de notification imposées par les articles L. 271-1 et L. 721-2

4101 L’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation, issu de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi « SRU », dispose :

« Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte.

Cet acte est notifié à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.

Lorsque l’acte est conclu par l’intermédiaire d’un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l’acte, qui doit être attestée selon des modalités fixées par décret.

Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est précédé d’un contrat préliminaire ou d’une promesse synallagmatique ou unilatérale, les dispositions figurant aux trois alinéas précédents ne s’appliquent qu’à ce contrat ou à cette promesse.

Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est dressé en la forme authentique et n’est pas précédé d’un contrat préliminaire ou d’une promesse synallagmatique ou unilatérale, l’acquéreur non professionnel dispose d’un délai de réflexion de dix jours à compter de la notification ou de la remise du projet d’acte selon les mêmes modalités que celles prévues pour le délai de rétractation mentionné aux premier et troisième alinéas. En aucun cas l’acte authentique ne peut être signé pendant ce délai de dix jours ».

Lorsque la vente porte sur un lot de copropriété, l’article L. 721-2 issu de la loi Alur prévoit que :

« I. – Les dispositions du présent article s’appliquent à la vente d’un lot ou d’une fraction de lot ou à la cession d’un droit réel immobilier relatif à un lot ou à une fraction de lot d’un immeuble bâti à usage total ou partiel d’habitation et soumis au statut de la copropriété.

II. – En cas de promesse de vente, sont remis à l’acquéreur, au plus tard à la date de signature de la promesse, les documents et informations suivants :

 1° Les documents relatifs à l’organisation de l’immeuble :

a) La fiche synthétique de la copropriété prévue à l’article 8-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (1) ;

b) Le règlement de copropriété et l’état descriptif de division ainsi que les actes les modifiant, s’ils ont été publiés ;

c) Les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années, sauf lorsque le copropriétaire vendeur n’a pas été en mesure d’obtenir ces documents auprès du syndic ;

 2° Les informations financières suivantes :

a) Le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel payées par le copropriétaire vendeur au titre des deux exercices comptables précédant la vente ;

b) Les sommes susceptibles d’être dues au syndicat des copropriétaires par l’acquéreur ;

c) L’état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs ;

d) Lorsque le syndicat des copropriétaires dispose d’un fonds de travaux, le montant de la part du fonds de travaux rattachée au lot principal vendu et le montant de la dernière cotisation au fonds versée par le copropriétaire vendeur au titre de son lot.

(…) ».

Et l’article L. 721-3 ajoute :

« Lorsque les documents et les informations mentionnés aux 1° et 2° du II de l’article L. 721-2 exigibles en application des dispositions prévues au même article ne sont pas remis à l’acquéreur au plus tard à la date de la signature de la promesse de vente, le délai de rétractation prévu à l’article L. 271-1 ne court qu’à compter du lendemain de la communication de ces documents et informations à l’acquéreur.

Lorsque les documents et les informations mentionnés au 1° et au c du 2° du II de l’article L. 721 2 ne sont pas joints au projet d’acte authentique conformément aux dispositions du III de l’article L. 721-2, le délai de réflexion mentionné à l’article L. 271-1 ne court qu’à compter du lendemain de la communication de ces documents et informations à l’acquéreur.

La communication mentionnée aux premier et deuxième alinéas est réalisée selon les modalités de notification ou de remise de la promesse ou de l’acte authentique de vente prévues à l’article L. 271-1 ».

En d’autres termes, lorsque la vente porte sur un immeuble à usage d’habitation, l’acquéreur non professionnel dispose d’un délai de rétractation de dix jours à compter de la notification de la promesse de vente. Lorsque la vente porte sur un lot de copropriété, ce délai ne commence pas à courir tant que n’ont pas été notifiés à l’acquéreur un certain nombre de documents relatifs à l’organisation de l’immeuble et à la situation financière de la copropriété.

Lorsque l’immeuble est situé en France, la vente est normalement soumise à la loi française : soit les parties l’auront expressément soumise à la loi française, ce qui est recommandé, soit, à défaut de choix par les parties, la loi française sera applicable en tant que loi du lieu de situation de l’immeuble.

Reste l’hypothèse, rarissime en pratique, où les parties auraient soumis la vente à une loi étrangère. Dans ce cas, les prescriptions des articles L. 271-1 et L. 721-2 doivent-elles être respectées dès lors que l’immeuble est situé en France ?

Sous l’empire de la convention de Rome, il a été soutenu que l’article L. 271-1 était une loi de police revendiquant son application alors même que les parties auraient soumis le contrat de vente à une loi étrangère156.

En revanche, après l’entrée en vigueur du règlement Rome I, certains auteurs ont émis des doutes quant à cette qualification. L’on sait en effet que dans l’article 9 du règlement, la définition des lois de police est limitée à la sauvegarde des seuls « intérêts publics » de l’État, ce qui conduirait à exclure la qualification de loi de police pour toute disposition visant la protection d’intérêts privés catégoriels, tels ceux des consommateurs157. Cependant, cette analyse n’est pas partagée par tous les auteurs. Le professeur H. Gaudemet-Tallon158estime ainsi que les dispositions protectrices du consommateur devraient conserver la qualification de lois de police et souligne la difficulté qu’il y a souvent à distinguer les intérêts privés des intérêts publics : dans bien des cas, les deux catégories d’intérêts sont intimement liées et la qualification de loi de police ne doit pas être exclue pour autant.

Ainsi, s’agissant du délai de rétractation, l’objectif poursuivi par le législateur est certes d’assurer la protection de l’acquéreur immobilier non professionnel. Mais il s’agit aussi d’assurer la protection du marché immobilier. En ce sens, il peut être considéré que le délai organisé par la loi française poursuit la protection à la fois d’intérêts privés et d’intérêts publics et, partant, que la qualification de loi de police doit être retenue toutes les fois que l’immeuble est situé en France159.

Quoi qu’il en soit, et tant que la question n’aura pas été tranchée par les tribunaux, il est recommandé au notaire de purger le délai de rétractation lorsque les conditions d’application en sont réunies, quand bien même les parties auraient soumis le contrat de vente à une loi étrangère. Cela suppose de notifier la promesse de vente à l’acquéreur et lorsque la vente porte sur un lot de copropriété les documents visés à l’article L. 721-2 du Code de la construction et de l’habitation.

§ II – La notification du projet d’acte de vente en l’état futur d’achèvement

4102 L’article R. 261-30 du Code de la construction et de l’habitation prévoit : « Le réservant doit notifier au réservataire le projet d’acte de vente un mois au moins avant la date de la signature de cet acte ».

Lorsque l’immeuble à construire est situé en France, cette obligation d’information doit être remplie quand bien même les parties auraient choisi de soumettre le contrat à une loi étrangère.

À l’instar des obligations d’information imposées par les articles L. 271-1 et L. 721-3 du même code, l’obligation d’information imposée dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement a pour objet d’assurer la protection à la fois d’intérêts privés et de l’intérêt public.

Elle s’impose donc au titre des lois de police lorsque l’immeuble est situé en France.

§ III – La forme de la notification

4103 L’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation impose une notification « par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise ».

L’article R. 261-30 du même code ne précise pas le moyen par lequel le projet d’acte de vente doit être notifié au réservataire.

Lorsque l’acquéreur réside à l’étranger, la question de la forme de la notification à employer se pose.

La solution imposée par les textes soulève quelques inconvénients et peut s’avérer difficile à mettre en œuvre en pratique (A). C’est la raison pour laquelle il convient de s’interroger sur la possibilité d’explorer d’autres solutions et d’envisager la possibilité d’avoir recours à d’autres modes de notification que ceux prévus par les textes qui garantissent avec une fiabilité suffisante que le destinataire des documents les a bien reçus et en a pris connaissance (B).

A/ La solution imposée par les textes

4104 Il faut ici distinguer selon que l’acquéreur réside dans un État membre de l’Union (I), qu’il réside dans un État tiers de l’Union mais lié par la Convention de La Haye du 15 novembre 1965, relative à la signification et la notification à l’étranger d’actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale ou par une convention bilatérale (II), ou qu’il réside dans un État tiers qui n’est lié par aucune convention (III).

I/ Acquéreur résidant dans un État membre de l’Union

4105 Lorsque l’acquéreur réside dans un État membre de l’Union, il doit être normalement fait application du règlement n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, applicable depuis le 13 novembre 2008.

La Cour de justice retient en effet une conception extensive de la notion d’« acte extrajudiciaire ».

Dans un arrêt du 11 novembre 2015160, elle a dit pour droit que par acte extrajudiciaire, au sens du règlement n° 1393/2007, il faut entendre « à la fois les documents établis ou certifiés par une autorité publique ou un officier ministériel et les actes privés dont la transmission formelle à leur destinataire résidant à l’étranger est nécessaire à l’exercice, à la preuve ou à la sauvegarde d’un droit ou d’une prétention juridique en matière civile ou commerciale ».

On peut donc considérer que le règlement est applicable à la notification de la promesse de vente et des documents visés par l’article L. 721-2 pour la vente d’un lot de copropriété.

L’article 16 de ce règlement prévoit que « les actes extrajudiciaires peuvent être transmis aux fins de signification ou de notification dans un autre État membre conformément aux dispositions du présent règlement ».

Ce texte renvoie à la notification ou à la signification des actes judiciaires.

Aux termes de l’article 4 du même règlement : « Les actes judiciaires sont transmis directement et dans les meilleurs délais entre les entités désignées en vertu de l’article 2 ». En France, l’entité à laquelle le texte se réfère est l’huissier de justice.

Cependant, l’article 14 du même règlement énonce que : « Tout État membre a la faculté de procéder directement par l’intermédiaire des services postaux, par lettre recommandée avec accusé de réception ou envoi équivalent, à la signification ou à la notification des actes judiciaires aux personnes résidant dans un État membre ».

Et la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que ce texte, comme l’article 16, ne distingue pas entre les notifications et les significations, censurant par là même une cour d’appel qui avait refusé d’en faire application161.

Dès lors, en application de ce texte, rien ne s’oppose à ce que les notifications imposées par les dispositions du Code de la construction et de l’habitation soient réalisées par lettre recommandée avec demande d’avis de réception lorsque le destinataire est établi dans un État membre de l’Union.

Cependant, l’on peut penser que l’utilisation d’autres modes de notification reste possible.

D’une part, l’article 14 précité du règlement n° 1393/2007 autorise tout État membre à procéder directement par l’intermédiaire des services postaux, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou « envoi équivalent ». La lettre du texte ne s’oppose donc pas à ce qu’il soit fait recours à des sociétés privées internationalement connues pour procéder à la notification dès lors, à tout le moins, que le destinataire accuse réception de l’acte.

D’autre part, le règlement n° 910/2014 du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, dit « e-IDAS », applicable depuis le 1er juillet 2016, autorise la notification de documents électroniques par lettre recommandée électronique. Cet instrument instaure en effet un cadre juridique pour les services de signatures électroniques, de cachets électroniques, d’horodatages électroniques, de documents électroniques, d’envois recommandés électroniques et les services de certificats pour l’authentification de sites internet. Il impose ainsi au sein de l’Union européenne la reconnaissance mutuelle transfrontalière des moyens d’identification électronique et des conditions d’interopérabilité de certains dispositifs dont la lettre recommandée électronique : « Il est essentiel de prévoir un cadre juridique en vue de faciliter la reconnaissance transfrontalière entre les systèmes juridiques nationaux existants en matière de services d’envoi recommandé électronique » (consid. 66).

Concrètement, ce règlement interdit aux États membres de refuser la lettre recommandée électronique acheminée par une entreprise d’un autre État membre si elle répond à un certain nombre de critères. Il fournit une définition unique de la notion de service d’envoi en recommandé : il s’agit d’« un service qui permet de transmettre des données entre des tiers par voie électronique, qui fournit des preuves concernant le traitement des données transmises, y compris la preuve de leur envoi et de leur réception, et qui protège les données transmises contre les risques de perte, de vol, d’altération ou de toute modification non autorisée »162. Il détermine les effets d’un envoi recommandé électronique163et les exigences applicables aux services d’envoi recommandé électronique certifié164.

Si les critères posés sont remplis, rien ne devrait donc s’opposer à ce que la technique de l’envoi recommandé électronique soit employée pour procéder aux notifications imposées par le Code de la construction et de l’habitation dans le cadre d’une vente immobilière, dès lors que le destinataire est domicilié dans un État membre de l’Union européenne.

II/ Acquéreur résidant dans un État tiers de l’Union mais partie à la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 ou lié à la France par une convention bilatérale

4106 Si l’acquéreur ne réside pas dans un État membre de l’Union mais dans un État partie à la Convention de La Haye du 15 novembre 1965, relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, ce sont normalement les règles prévues par cette convention qui doivent être appliquées.

L’acte devra être transmis à un huissier de justice qui se chargera de procéder à la notification conformément aux dispositions de la convention qui instaurent un système de notification ou signification par l’intermédiaire d’une autorité centrale165.

La demande de signification ou de notification sera adressée à l’autorité centrale de l’État requis par « l’autorité ou l’officier ministériel compétent selon les lois de l’État d’origine »166. Si la demande émane de la France, elle sera donc adressée à l’autorité requise directement par l’autorité ou l’huissier compétent.

L’autorité centrale de l’État requis procède alors ou fait procéder à la signification ou la notification selon les formes prescrites par sa propre législation ou selon la forme particulière demandée par le requérant, pourvu que celle-ci ne soit pas incompatible avec sa loi167.

Certes, d’autres formes de notification restent possibles.

L’article 10 de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 prévoit :

« La présente Convention ne fait pas obstacle, sauf si l’État de destination déclare s’y opposer :

a) à la faculté d’adresser directement, par la voie de la poste, des actes judiciaires aux personnes se trouvant à l’étranger ».

Et l’article 21 ajoute que chaque « État contractant notifiera au ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas, soit au moment du dépôt de son instrument de ratification ou d’adhésion, soit ultérieurement (…) son opposition à l’usage des voies de transmission prévues aux articles 8 et 10 ».

En d’autres termes, la convention autorise la notification par voie postale à condition que l’État de destination ne s’y soit opposé.

Cependant, la lecture de l’état présent de la convention sur le site de la Conférence de La Haye révèle que plusieurs États ont manifesté leur opposition à l’utilisation de ce mode de notification. Ainsi en est-il, à titre d’exemple, de l’Argentine, du Brésil, de la Croatie ou encore de l’Égypte. À l’évidence, cette restriction n’est pas confortable pour le notaire : comment savoir si l’État dans lequel il doit procéder à une notification a exclu ou non la possibilité de recourir à la voie postale ?

Si l’État de destination a manifesté son opposition à ce mode de transmission, il faudra donc procéder à la notification de l’acte par l’intermédiaire d’une autorité centrale.

L’emploi du recommandé électronique ne semble pas cependant totalement exclu par la convention.

Son article 19 prévoit en effet que : « La présente Convention ne s’oppose pas à ce que la loi interne d’un État contractant permette d’autres formes de transmission non prévues dans les articles précédents, aux fins de signification ou de notification, sur son territoire, des actes venant de l’étranger ».

En conséquence, si l’État de destination l’admet, rien ne devrait s’opposer à l’emploi du recommandé électronique dans le cadre de la convention.

Par ailleurs, il se peut que l’acquéreur réside dans un État lié à la France par une convention bilatérale prévoyant des règles de signification et de notification. Dans ce cas, ce sont normalement les règles prévues par cette convention qui doivent être appliquées.

III/ Acquéreur résidant dans un État tiers de l’Union qui n’est pas partie à la convention de La Haye et qui n’est lié par aucune convention bilatérale avec la France

4107 Si, enfin, l’acquéreur réside dans un État tiers de l’Union qui n’est pas partie à la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 et qui, au surplus, n’est lié par aucune convention bilatérale avec la France, il faut recourir aux règles de droit commun sur la notification des actes à l’étranger168.

Aux termes de l’article 683 du Code de procédure civile, les notifications d’actes à destination de l’étranger sont faites par voie de signification, c’est-à-dire par exploit d’huissier, et cette signification doit être faite à parquet169.

Cependant, en pratique, ces règles de notification, comme le système de notification prévu par la convention de La Haye lorsque l’État de destination a manifesté son opposition à la notification des actes par voie postale ou n’admet pas l’emploi du recommandé électronique, s’avèrent difficiles à mettre en œuvre.

Dans un cas comme dans l’autre, cela conduit à un allongement considérable des délais dans la conclusion de la vente qui pourrait rendre hostiles certains vendeurs à la conclusion de contrat de vente avec un acquéreur résidant à l’étranger.

Au surplus, ces règles ne garantissent pas avec une fiabilité suffisante que l’acquéreur a bien reçu les documents qui lui étaient destinés.

Il convient dès lors d’envisager la possibilité d’employer d’autres modes de notification, souvent déjà employés dans la pratique notariale.

B/ L’emploi d’autres modes de notification

4108 La question de l’utilisation d’autres modes de notification que ceux prévus par les textes ne se pose pas véritablement dans le cadre intra-européen. Lorsque l’acquéreur réside dans un État membre de l’Union, on l’a vu, le règlement n° 1393/2007 autorise l’emploi de techniques équivalentes à l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le nouveau règlement « eIDAS » permet par ailleurs l’utilisation du recommandé électronique.

En revanche, dans les relations avec les États tiers et même dans les relations avec les États parties à la convention de La Haye, l’application littérale des textes s’avère, ainsi qu’on vient de le voir, problématique.

La pratique notariale a développé depuis longtemps l’utilisation d’autres modes de notification qui ne sont pas visés par les textes. Il est généralement fait appel aux services prêtés par des sociétés privées internationalement connues pour procéder aux notifications imposées par le Code de la construction et de l’habitation lorsque l’acquéreur réside à l’étranger.

Or, du moment qu’ont été prises un certain nombre de précautions, l’utilisation de cette technique devrait être admise.

L’objectif visé par la convention de La Haye de 1965 comme par les textes du Code de procédure civile est en effet de s’assurer que le destinataire de l’acte en a eu connaissance, quand bien même il résiderait dans un autre État que celui où l’acte a été émis. L’objectif visé par les textes du Code de la construction et de l’habitation est quant à lui de protéger l’acquéreur immobilier en lui accordant un délai de réflexion avant la signature de l’acte définitif.

Dès lors, et dans la mesure où il est établi que l’acquéreur a bien reçu les documents qui lui étaient destinés suffisamment à temps pour bénéficier dudit délai de réflexion, rien ne devrait s’opposer à ce que la notification soit effectuée par l’intermédiaire de ces sociétés privées.

À cet effet, et pour éviter toute contestation ultérieure, il devrait être demandé à l’acquéreur d’adresser au notaire un accusé de réception des documents envoyés pour ainsi déterminer avec certitude la date à laquelle cette remise est intervenue.

Ensuite, dans l’acte notarié définitif, il devrait être indiqué que l’acquéreur a reçu l’avant-contrat à telle ou telle date et qu’il a pu bénéficier du délai de réflexion imposé par les textes.

Ces précautions devraient permettre toute contestation de la part de l’acquéreur une fois que l’acte définitif a été signé.

Cependant, tant que cet acte n’a pas été signé, l’acquéreur pourrait se prévaloir du non-respect des textes relatifs à la notification des actes à l’étranger pour s’opposer à la conclusion de la vente.

C’est la raison pour laquelle, et pour éviter que la responsabilité du notaire ne soit engagée par le vendeur, il devrait être demandé à ce dernier, avant d’utiliser toute technique de notification non visée par les textes, d’admettre qu’il soit fait application de cette technique pour la notification des documents contractuels à l’acquéreur résidant à l’étranger.

Sous-section II – L’obligation d’information aux titulaires d’un droit de préemption

4109 La loi française impose au vendeur d’un bien immobilier d’informer les différents titulaires d’un droit de préemption (commune et locataire notamment).

Si le bien immobilier est situé en France, le droit de préemption prévu par la loi française trouve à s’appliquer, quelle que soit la loi applicable au contrat de vente.

Le droit de préemption est intimement lié au transfert du droit réel. Or, ainsi qu’on l’a vu, cette question relève de la loi du lieu de situation de l’immeuble qui n’est autre que la loi française.

En toute hypothèse, il peut être considéré que les règles relatives à la purge des droits de préemption sont constitutives de loi de police. Les droits de préemption urbains se justifient pour des raisons d’intérêt général liées aux politiques des collectivités publiques, et les droits de préemption mis à disposition du locataire sont conçus comme des instruments au service, non seulement de la justice sociale, mais de l’aménagement foncier et de la politique du logement170. Ils participent donc à l’organisation politique, économique et sociale de la France et leur application s’impose dès lors que l’immeuble objet de la vente est situé en France.

Le notaire en charge de la vente d’un immeuble situé en France doit donc s’assurer du respect des dispositions relatives aux droits de préemption pouvant s’appliquer, quelle que soit la loi applicable au contrat de vente et quels que soient la nationalité ou le lieu de résidence habituelle des parties.

Section II – L’obligation d’annexer les diagnostics techniques à la promesse de vente

4110 L’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation dispose :

« I. – En cas de vente de tout ou partie d’un immeuble bâti, un dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, est annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente. En cas de vente publique, le dossier de diagnostic technique est annexé au cahier des charges.

Le dossier de diagnostic technique comprend, dans les conditions définies par les dispositions qui les régissent, les documents suivants :

 1° Le constat de risque d’exposition au plomb prévu aux articles L. 1334-5 et L. 1334-6 du Code de la santé publique ;

 2° L’état mentionnant la présence ou l’absence de matériaux ou produits contenant de l’amiante prévu à l’article L. 1334-13 du même code ;

 3° L’état relatif à la présence de termites dans le bâtiment prévu à l’article L. 133-6 du présent code ;

 4° L’état de l’installation intérieure de gaz prévu à l’article L. 134-6 du présent code ;

 5° Dans les zones mentionnées au I de l’article L. 125-5 du Code de l’environnement, l’état des risques naturels et technologiques prévu au deuxième alinéa du I du même article ;

 6° Le diagnostic de performance énergétique prévu à l’article L. 134-1 du présent code ;

 7° L’état de l’installation intérieure d’électricité prévu à l’article L. 134-7 ;

 8° Le document établi à l’issue du contrôle des installations d’assainissement non collectif mentionné à l’article L. 1331-11-1 du Code de la santé publique ;

 9° Dans les zones prévues à l’article L. 133-8, l’information sur la présence d’un risque de mérule.

Les documents mentionnés aux 1°, 4° et 7° ne sont requis que pour les immeubles ou parties d’immeuble à usage d’habitation.

Le document mentionné au 6° n’est pas requis en cas de vente d’un immeuble à construire visée à l’article L. 261-1.

Lorsque les locaux faisant l’objet de la vente sont soumis aux dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ou appartiennent à des personnes titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux ou à des titulaires de parts donnant droit ou non à l’attribution ou à la jouissance en propriété des locaux, le document mentionné au 1° porte exclusivement sur la partie privative de l’immeuble affectée au logement et les documents mentionnés au 3°, 4° et 7° sur la partie privative du lot.

II. – En l’absence, lors de la signature de l’acte authentique de vente, d’un des documents mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 7° et 8° du I en cours de validité, le vendeur ne peut pas s’exonérer de la garantie des vices cachés correspondante.

En l’absence, lors de la signature de l’acte authentique de vente, du document mentionné au 5° du I, l’acquéreur peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix.

En cas de non-conformité de l’installation d’assainissement non collectif lors de la signature de l’acte authentique de vente, l’acquéreur fait procéder aux travaux de mise en conformité dans un délai d’un an après l’acte de vente.

L’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n’a qu’une valeur informative ».

Le vendeur peut-il éluder la réalisation de ces diagnostics lorsque les parties ont soumis le contrat de vente d’un immeuble situé en France à la loi étrangère ?

Un auteur soutient que l’absence de l’un des diagnostics exigés par la loi étant sanctionnée simplement par l’interdiction pour le vendeur de s’exonérer de la garantie des vices cachés, les dispositions de l’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation ne se justifieraient pas pour des raisons d’intérêt général et ne pourraient donc s’imposer au titre des lois de police171. Il semble au contraire que le respect des dispositions de ce texte s’impose dès lors que l’immeuble est situé en France.

D’une part, la réalisation de ces diagnostics est liée au transfert du droit réel, lequel est soumis à la loi du lieu de situation.

D’autre part, si ces diagnostics ont certes pour objet d’assurer l’information de l’acquéreur immobilier, ils se justifient surtout pour des raisons de santé publique et de protection de l’environnement. Les diagnostics sur les installations de gaz et d’électricité trouvent une justification dans la prévention des risques ; les diagnostics sur la recherche d’amiante, sur les risques d’exposition au plomb et sur la présence de termites procèdent de l’intention de protéger les tiers, notamment au titre de l’insalubrité et de la décence. Le diagnostic concluant à la présence de plomb doit en effet être communiqué à la préfecture qui peut décider de mesures de rénovation si nécessaire. Quant aux diagnostics de performance énergétique et de l’état de raccordement à l’installation d’assainissement, ils sont justifiés par des raisons liées à la protection de l’environnement. L’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation prévoit qu’en cas de vente, l’acquéreur dispose d’un délai d’un an pour réaliser les travaux de mise aux normes du système d’assainissement individuel. Tous les contrôles effectués lors des ventes permettent de rénover les logements peu à peu, lorsqu’ils sont vendus. Il a été observé que les immeubles sont en moyenne revendus tous les sept ans. Le parc immobilier est ainsi progressivement rénové grâce à ces contraintes légales. La réalisation de ces diagnostics s’impose donc pour des raisons d’intérêt public, de sorte que la qualification de loi de police semble bien pouvoir être retenue172.


156) D. Boulanger, L’application dans l’espace de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation : JCP N 2001, p. 1696 et s. – L. Perreau-Saussine, L’immeuble et le droit international privé, Defrénois, 2006, n° 423.
157) L. d’Avout, Le sort des règles impératives dans le règlement Rome I : D. 2008, p. 2165. – L. Perreau-Saussine, Le règlement Rome 1 et la protection de l’accession au logement : l’impérativité désactivée de la loi française : RD imm. 2009, p. 512.
158) H. Gaudemet-Tallon : JCl. Europe Traité, Fasc. 552-15, n° 94.
159) Contra, P. Callé, La loi applicable au contrat de vente immobilière. – Quid des règles dites impératives ?, op. cit., n° 18. D’après cet auteur, la question du délai de rétractation dépendrait non pas de la loi applicable au contrat de vente, mais de la loi applicable à la promesse de vente, qui ne bénéficie pas du rattachement à la loi du lieu de situation de l’immeuble limité aux contrats faisant naître des droits réels immobiliers. Ainsi, à défaut de choix de loi par les parties, il faudrait appliquer la loi des liens les plus étroits qui serait, selon les cas, la loi du lieu de résidence habituelle de l’acheteur et du vendeur, lorsque ces derniers ont leur résidence habituelle dans le même État, quel que soit alors le lieu de situation de l’immeuble, ou la loi de situation de l’immeuble lorsque l’acheteur et le vendeur ont leur résidence habituelle dans deux États différents. Ainsi, toujours d’après cet auteur, lorsque la promesse de vente serait soumise à une loi étrangère, les dispositions de la loi française relatives au délai de rétractation de l’acquéreur ne pourraient pas recevoir au titre des lois de police, car cette qualification serait réservée aux seules dispositions assurant la protection d’intérêts publics.
160) CJUE, 11 nov. 2015, aff. C-223/14 : Procédures 2016, comm. 23, C. Nourissat.
161) Cass. 2e civ., 8 janv. 2015, n° 13-26.224 : Bull. civ. 2015, II, n° 6.
162) Règl. n° 910/2014, art. 3, pt 36.
163) Règl. n° 910/2014, art. 43.
164) Règl. n° 910/2014, art. 44.
165) Conv. La Haye 15 nov. 1965, art. 2.
166) Conv. La Haye 15 nov. 1965, art. 3.
167) Conv. La Haye 15 nov. 1965, art. 5.
168) CPC, art. 683 et s.
169) CPC, art. 684.
170) Sur les fondements des différents droits de préemption, V. G. Pillet : Rép. dr. imm. Dalloz, V° Préemption et retraits.
171) P. Callé, La loi applicable au contrat de vente immobilière. – Quid des règles dites impératives ?, op. cit., n° 21.
172) Dans le même sens, J. Gasté et X. Ricard, Quels sont les diagnostics à fournir en matière de vente dans un contexte international ? : JCP N 2014, 1207.
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