CGV – CGU

Partie IV – Hériter
Titre 2 – Fiscalité des successions et des libéralités dans un contexte international
Sous-titre 4 – Les obligations déclaratives
Chapitre II – Les obligations déclaratives en matière de donation

3539 En pratique, la déclaration d’une donation consentie à l’étranger auprès des services fiscaux s’avère cruciale. En effet, elle confère à celle-ci date certaine, et évite ainsi que l’administration fiscale ne considère que la donation est en fait révélée au jour du décès du donateur, ce qui selon le cas peut générer une imposition en France.

Un certain nombre d’interrogations peuvent se poser au praticien :

 1) En cas de donation consentie à l’étranger n’engendrant pas de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) en France (en application d’une convention fiscale ou de l’article 750 ter du CGI), les parties ont néanmoins intérêt à enregistrer auprès des services fiscaux français cette donation afin de lui conférer date certaine. L’objectif est d’éviter que le fisc français ne considère que cette donation est révélée (et donc éventuellement taxée en France) au jour du décès du donateur.

En effet, un don manuel ou un acte régularisé à l’étranger, même dressé par un notaire, n’a pas date certaine à l’égard de l’administration fiscale française.

Dans ce cas, les services fiscaux français admettent-ils le dépôt d’un imprimé don manuel (Cerfa n° 2735) sur lequel serait indiqué qu’aucun impôt n’est dû en France en application de l’article 750 ter du Code général des impôts (ou de la convention fiscale applicable) ?

Dans la négative, comment procéder ? Peut-on déposer une copie de l’acte étranger (si un acte a été signé) gratis en indiquant qu’aucun droit n’est dû en France ?

Pour donner une date certaine à un don manuel ou un acte régularisé à l’étranger n’engendrant pas de droits de mutation à titre gratuit en France en vertu de l’article 750 ter du Code général des impôts ou de la convention internationale applicable, il faut déposer ledit document authentique, ou une copie certifiée conforme traduit par un traducteur assermenté.

L’enregistrement sera fait sans aucun paiement de droit (mention de l’exonération à préciser).

Le document est à déposer en deux exemplaires au service compétent du lieu de domicile du donataire. Pour mémoire, si le donataire est en France, l’enregistrement s’effectue au lieu de résidence du donataire. Si le donateur est en France et le donataire est à l’étranger, l’enregistrement s’effectue à la recette des non-résidents.

Si le donateur et le donateur, ainsi que les biens sont à l’étranger, l’une des parties peut demander à faire enregistrer le document. Il est alors pris comme acte innommé, avec application du droit de 125 €.

Il est conseillé au praticien de privilégier l’établissement d’un acte innommé, plutôt que de procéder à un simple dépôt du formulaire 2735 au service de l’enregistrement (qui reste bien évidemment tout de même valable pour les donations de liquidités, de valeurs financières, etc.).

 2) En cas de donation consentie à l’étranger engendrant l’exigibilité de droits de mutation à titre gratuit en France, il est fréquent que l’acte régularisé à l’étranger ne comporte pas de liquidation des droits dus en France (ni de rappel des donations de moins de quinze ans).

Dans cette hypothèse, en pratique, est déposée à l’enregistrement une copie authentique (ou certifiée conforme s’il ne s’agit pas d’un acte authentique) de l’acte de donation régularisé à l’étranger (et de sa traduction par un traducteur assermenté le cas échéant) accompagnée d’un courrier comprenant la liquidation des droits de mutation à titre gratuit compte tenu des donations antérieures de moins de quinze ans et de l’éventuelle imputation des droits payés à l’étranger.

Quelles sont les préconisations des services fiscaux dans ce type de cas de figure ?

Nous avons eu écho de difficultés notamment auprès de la Direction des impôts des non-résidents. Comment procéder ?

S’il s’agit d’un simple mouvement de fonds sans acte de donation à l’étranger, comment procéder à la déclaration en France ? Peut-on utiliser l’imprimé « Don manuel » (Cerfa n° 2735) et y liquider les droits de mutation à titre gratuit dus en France ?

En cas de donation consentie à l’étranger engendrant l’exigibilité des droits de mutation à titre gratuit, l’enregistrement doit se faire en déposant une copie authentique, ou certifiée conforme, traduite par un traducteur assermenté, accompagnée d’un courrier annexe indiquant la liquidation des droits dus en France.

 3) Si une donation consentie à l’étranger (don manuel ou acte signé à l’étranger, y compris acte authentique étranger) n’a pas été déclarée en France alors qu’elle générait des droits de donation en France, comment procéder lors du décès du donateur ?

Compte tenu du fait que cette donation n’a pas acquis date certaine à l’égard du fisc français, peut-on considérer qu’elle est révélée au décès du donateur (absence de pénalité et d’intérêts de retard) ?

L’article 784 du Code général des impôts pose l’obligation suivante : les parties sont tenues de faire connaître, dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et dans toute déclaration de succession, s’il existe ou non des donations antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers, ou légataires. La perception est effectuée en ajoutant à la valeur des biens compris dans la donation ou la déclaration de succession celle des biens qui ont fait l’objet de donations antérieures à l’exception de celles passées depuis plus de quinze ans, et, lorsqu’il y a lieu à application d’un tarif progressif en considérant ceux de ces biens dont la transmission n’a pas encore été assujettie aux droits de mutation à titre gratuit comme inclus dans les tranches les plus élevées de l’actif imposable.

À cet égard, le BOFiP673rappelle les conditions pour qu’une donation soit dispensée du rapport fiscal. Il s’agit de conditions cumulatives :

la donation antérieure doit avoir été soumise à l’enregistrement : le BOFiP précise que le non-rappel des donations n’est susceptible de s’appliquer qu’aux seules donations opposables à l’administration conformément aux dispositions de l’article 1377 du Code civil ; par hypothèse, ces donations sont celles qui ont été présentées à la formalité de l’enregistrement et soumises aux droits de donation ;

la donation antérieure doit avoir été passée depuis plus de quinze ans.

Ainsi, dans l’hypothèse où une donation passée à l’étranger quelle qu’en soit la forme, relevant des droits de mutation en France en application des règles posées à l’article 750 ter du Code général des impôts n’a pas été soumise à ces droits de mutation en France avant le décès, elle doit être portée dans la déclaration de succession pour y être soumise à ces droits de mutation en étant ajoutée aux biens successoraux.

La donation ainsi portée à la connaissance de l’administration pourrait être soumise à des pénalités et intérêts de retard dans les seuls cas où se révélerait un manquement à une obligation déclarative en France (par ex. : CGI, art. 635-2-7 bis : « Les actes portant cession de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière au sens du troisième alinéa du 2° du I de l’article 726, y compris lorsque ces cessions sont réalisées à l’étranger et quelle que soit la nationalité des parties »). Au contraire, il ne paraît pas qu’un acte établi par un notaire étranger portant donation hors des cas prévus par la loi, notamment le cas précédemment énoncé, puisse être soumis à l’obligation d’enregistrement à laquelle sont soumis les notaires français du fait du 1-1° de l’article 635 du Code général des impôts.

 4) Au sens de l’article 750 ter 2° du Code général des impôts, les comptes bancaires français sont-ils analysés comme des « créances françaises » taxables en France lorsque le donateur/défunt et le donataire/héritier sont domiciliés hors de France ?

Le 2° de l’article 750 ter du Code général des impôts qui définit l’assiette de l’impôt successoral lorsque le défunt est domicilié hors de France précise que : « Sont considérées comme françaises les créances sur un débiteur qui est établi en France ou qui y a son domicile fiscal au sens du même article ainsi que les valeurs mobilières émises par l’État français, une personne morale de droit public française ou une société qui a en France son siège social statuaire ou le siège de sa direction effective, et ce quelle que soit la composition de son actif ».

Les avoirs financiers dans un établissement financier sont des biens appartenant au titulaire du compte et détenus par un tiers qui devra les lui restituer (ou à ses héritiers, légataires ou bénéficiaires) suivant les modalités du contrat. Il s’agit donc bien d’une créance détenue sur l’établissement financier.

Il en résulte que tout avoir détenu dans un établissement financier qui est situé en France (y compris une succursale française d’un établissement étranger – y compris des valeurs mobilières ou devises, etc., étrangères détenues dans un établissement situé en France), est constitutif d’une créance vis-à-vis d’un débiteur établi en France et doit être considéré comme un bien français imposable en France en application du 2° de l’article 750 ter du Code général des impôts.

Il faut noter également qu’en application du 2° de l’article 750 ter sont imposables des valeurs mobilières dès lors qu’elles sont françaises au sens de cet article (« valeurs mobilières émises par l’État français, une personne morale de droit public française ou une société qui a en France son siège social statutaire ou le siège de sa direction effective, et ce quelle que soit la composition de son actif ») quand bien même ces valeurs mobilières françaises seraient détenues sur un compte situé à l’étranger.

 5) En matière de succession prescrite, les banques exigent un certificat de paiement des droits pour débloquer les fonds. Ce formalisme nécessite que le praticien sollicite des services de l’administration fiscale le certificat d’acquittement des droits ou de déclaration des actifs. L’administration fiscale délivre-t-elle ces documents sans exiger le paiement des droits, compte tenu de la prescription ?

En matière de succession prescrite, l’administration délivrera un certificat sans exiger le paiement des droits.

Il convient de considérer que l’expiration du délai de prescription concernant les droits de mutation par décès emporte nécessairement la non-exigibilité des droits.

Cette position est conforme à la doctrine fiscale qui indique que « la prescription a pour effet d’éteindre l’obligation du contribuable par le seul écoulement du délai et équivaut, lorsqu’elle est acquise, au paiement de l’impôt »674.

Cette analyse est également conforme aux dispositions du Code civil selon lesquelles les obligations s’éteignent notamment par la prescription675.

Il conviendra d’établir une déclaration de succession en bonne et due forme. Il y sera précisé l’acquisition de la prescription extinction. L’administration délivrera alors le certificat sans paiement de droits. Il est donc possible de conclure que, contrairement à une idée reçue, les successions internationales sont bien prescriptibles.


673) BOI-ENR-DMTG-10-50-50-20170213, § 160 et s.
674) Doc. adm. DGI, 13 L 1211, n°1 reprise au BOI-CF-PGR-10-10-20120912.
675) C. civ., art. 1234.
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