CGV – CGU

Partie IV – Hériter
Titre 2 – Fiscalité des successions et des libéralités dans un contexte international
Sous-titre 3 – Fiscalité des donations internationales
Chapitre II – Le traitement d’une donation en présence d’une convention fiscale internationale

3533 Il conviendra d’appliquer les mêmes règles qu’en matière de succession. Toutefois, il faut préciser que les conventions sont plus favorables que le droit interne, car elles ne prennent pas en compte le domicile du donataire. Cependant en pratique, elles sont susceptibles de s’appliquer moins souvent que l’article 750 ter du Code général des impôts, compte tenu du nombre très faible de conventions fiscales conclues en cette matière.

Parfois, à la lecture de la convention, il y aura lieu de s’interroger pour savoir si l’impôt listé dans les articles introductifs formant les chapitres I et II de la convention constitue bien un impôt sur les donations. Sur ce point, il convient de se reporter aux développements réalisés par la deuxième commission (V. supra, n° a2486).

Il arrive parfois que les dispositions conventionnelles relatives aux donations ne soient pas traitées dans une convention spécifique, mais qu’elles soient contenues dans des conventions traitant des revenus, ou de l’impôt sur la fortune. Il n’est donc pas toujours évident que celles-ci couvrent les « droits de donation ». Les conventions utilisant les termes « les impôts à cause de mort » ou « les droits de mutation par décès » ne peuvent pas s’appliquer aux droits de donation.

En revanche, les termes « droits de mutation à titre gratuit » ou également « droits/impôts sur les successions et sur les donations » couvrent les donations.

Par ailleurs, lorsque la convention mentionne les droits d’enregistrement668, une incertitude peut apparaître.

En effet, a priori l’expression ne couvre pas les impôts de donation.

Cependant, un auteur669considère que les droits d’enregistrement peuvent être compris comme accueillant les impôts de donation, et donc permettent d’éviter une double imposition.

L’existence d’une certaine pratique en ce sens peut d’ailleurs être relevée.

Le 115e Congrès des notaires de France préconise sur ce point la pratique du rescrit.

3534 Les conventions en matière de donation utilisent principalement, pour l’élimination de la double imposition, la méthode de l’exonération avec taux effectif.

L’attention des praticiens est attirée sur la pertinence de déconseiller de consentir une donation, principalement pour des raisons fiscales : tel est le cas en absence d’une convention fiscale en matière de donation et en présence d’une convention fiscale en matière de succession avec ce même État. Pourquoi payer des doubles droits alors que l’on peut prétendre, en attendant les décès, à bénéficier de la disparition de la double imposition ?

La qualité du conseil se situera au stade de l’étude des abattements et des obligations de rappel fiscal pour calibrer le montant des donations, ceci de façon à transmettre le patrimoine en bénéficiant dans chaque pays du maximum d’abattements de chaque État et du minimum d’obligations de rappel fiscal dans ces mêmes pays.

Il convient également de rester vigilant, pour les cas où le donateur serait notamment résident fiscal à l’étranger, et ne pas forcément conseiller une donation sur des biens situés en France, en pratiquant machinalement une réserve d’usufruit. En effet, nonobstant les abattements dont il dispose dans son droit interne, l’État qui aura à traiter de la succession du donateur peut considérer la réserve d’usufruit comme un élément induisant que le bien rentre pour sa valeur en totalité dans la masse successorale au moment de son décès. De fait, la réserve d’usufruit ainsi pratiquée et d’apparence favorable au moment de la donation, sera en fait inefficace au moment du décès. Les héritiers pourraient alors reprocher au praticien d’avoir réalisé un acte inutile, voire pécuniairement aggravant.

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Pour illustration

Premier exemple : France – USA

Il convient de s’interroger sur les conséquences fiscales aux États-Unis de la conservation à l’occasion d’une donation réalisée en France de l’usufruit des parts de SCI détenant un bien immobilier situé en France.

Le système américain de common law prévoit une disposition quant aux retained interests. Bien que le donateur ait donné un bien, le fait pour lui de conserver un intérêt dans celui-ci sera considéré comme un droit de propriété qui devra être ajouté à son patrimoine lors du règlement de sa succession.

Cette règle s’applique pour les transferts de propriété avec réserve d’usufruit, transfert de propriété à la date du décès, certaines rentes, etc.. En conséquence, la valeur en pleine propriété du bien au jour de l’ouverture de la succession du prétendu donateur devra être incorporée dans la masse taxable à l’impôt successoral américain. De ce fait, si l’on réserve l’usufruit au profit du donateur, la nue-propriété des titres sera taxée en France lors de la donation, ainsi que par les États-Unis après imputation de l’impôt payé en France670. Au décès, en France, l’usufruit s’éteindra de plein droit et ne sera pas taxé671. Mais, aux États Unis, les parts seront censées toujours faire partie du patrimoine du défunt pour leur pleine propriété, et seront à nouveau taxées à l’impôt de succession, sans possibilité de limiter la double imposition puisqu’aucune taxation n’aura lieu en France. Cela reviendrait à taxer aux États-Unis la donation de la nue-propriété des titres et la transmission par décès de la pleine propriété des titres. Il conviendra néanmoins de vérifier que l’abattement en vigueur au moment du décès est applicable à la succession et que son montant ne permet pas d’exonérer la transmission672. Au cas par cas, selon la valeur des biens à transmettre, il peut donc être conseillé de faire la donation en pleine propriété, et de l’échelonner dans le temps, si possible, afin de profiter plusieurs fois de l’abattement de 100 000 € prévu par la législation fiscale française, en ligne directe, sachant tout de même que cet abattement ne se reconstitue que tous les quinze ans. Ainsi, il sera possible de profiter des avantages fiscaux en France sans entraîner de conséquences onéreuses aux États-Unis.

Second exemple : France – Belgique

Dans le cadre d’une donation, le droit interne belge retient comme assiette taxable la pleine propriété, alors même qu’il a été pratiqué une réserve d’usufruit.

3536 En conclusion, il convient de s’interroger sur l’opportunité d’avoir recours à une donation en fonction du contexte en présence.

en présence d’une convention en matière de donation : la réponse est positive, car la double imposition est éliminée (sauf cas exceptionnels) ;

en l’absence de convention en matière de donation et en présence d’une convention en matière de succession : la réponse est négative, car il serait regrettable d’acquitter des doubles droits de mutation à l’occasion de la donation, alors même que la convention succession, qui interviendra au moment du décès, en permettra l’économie ;

en l’absence de convention tant en matière de donation que de succession : seule l’expertise du praticien, résultant d’un calcul chiffré, tenant compte tant des modes d’évaluation des biens successoraux (valeur marché, valeur cadastrale, valeur cadastrale corrigée, forfait), des exonérations éventuelles, des modes de valorisation des usufruits, que des règles de rapport fiscal des donations, permettront de déterminer l’opportunité de l’opération.

Le notaire devra être attentif à l’applicabilité prévue à l’article 784 A du Code général des impôts. En effet, il se peut qu’à l’étranger aucune imputation des droits de mutation acquittés hors du territoire ne soit prévue par les textes, de sorte que la donation effectuée en France et ayant généré des droits de mutation en France pourra également générer des droits de donation à l’étranger sans imputation possible. En outre, parfois le défaut d’imputation résulte soit du fait qu’il n’existe pas d’équivalent de l’article 784 A du Code général des impôts à l’étranger, soit du fait qu’il n’existe pas d’impôts de même nature à l’étranger justifiant la bonne applicabilité de l’imputation prévue par l’article 784 A.


668) Droits d’enregistrement en général (ce n’est pas le cas si les droits d’enregistrement sont limités au droit de timbre).
669) B. Gouthière, Les impôts dans les affaires internationales, Francis Lefebvre, 11e éd., p. 742, 49012.
670) Conv. fiscale franco-américaine, 24 nov. 1978, art. 12-2, b, mod. par l’avenant du 8 décembre 2004.
671) CGI, art. 1133.
672) Pour une personne domiciliée fiscalement aux États-Unis (conformément aux critères retenus par ce pays), sera également déductible l’abattement (Basic exclusion) qui permet d’exonérer une succession jusqu’à 11 200 000 $ par défunt en 2018. Si, après cet abattement, il reste un patrimoine imposable, les droits successoraux américains (Estate tax) se calculent en fonction d’une échelle progressive (18 % – 40 %). Les taux d’imposition aux États-Unis sont les mêmes quel que soit le bénéficiaire de la succession (fils, cousin, ami), le taux n’est pas basé sur le lien de parenté.

Évolution de l’abattement et des droits de succession aux États-Unis (fédéral) : https://taxfoundation.org/federal-estate-and-gift-tax-rates-exemptions-and-exclusions-1916-2014.

Pour le non domiciliary, l’abattement est de 60 000 $. Les taux sont les mêmes que pour un résident (18 % – 40 %) : www.irs.gov/individuals/international-taxpayers/some-nonresidents-with-us-assets-must-file-estate-tax-returns.

À noter : certains États ont des droits de succession (State Inheritance tax) en plus de l’imposition fédérale. V. ci-dessous les droits de succession par État : https://taxfoundation.org/state-inheritance-estate-taxes-economic-implications.

The basic exclusion amount (or applicable exclusion amount in years prior to 2011) for gifts is $1,000,000 (2010), $5,000,000 (2011), $5,120,000 (2012), $5,250,000 (2013), $5,340,000 (2014), $5,430,000 (2015), $5,450,000 (2016), $5,490,000 (2017), and $11,180,000 (2018).

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