CGV – CGU

Partie IV – Hériter
Titre 2 – Fiscalité des successions et des libéralités dans un contexte international
Sous-titre 2 – Fiscalité des successions internationales
Chapitre I – Le règlement d’une succession en l’absence de convention fiscale

3477 En l’absence de convention internationale, il convient de se référer notamment aux règles de territorialité fixées par l’article 750 ter du Code général des impôts (Section II) et aux critères de domiciliation fiscale définis par l’article 4 B du même code (Section I).

Section I – Critères de domiciliation fiscale : article 4 B du Code général des impôts

3478 Le domicile ou la résidence fiscale (en matière fiscale on peut utiliser indifféremment ces deux termes) ne coïncident pas nécessairement avec le domicile civil.

Pour l’étude de cette distinction, se reporter supra, aux nos a2439 et suivants.

En droit interne, pour qu’un contribuable soit considéré par l’administration fiscale française comme domicilié en France, il faut qu’il respecte l’un des critères énumérés à l’article 4 A du Code général des impôts. Ce dernier définit la notion de résidence fiscale.

Les critères de domiciliation fixés par cet article sont alternatifs. Il suffit qu’un seul soit rempli pour que l’intéressé soit considéré comme ayant sa résidence fiscale en France620.

Est considérée comme résident fiscal en France la personne qui au jour du décès :

a son foyer en France ;

ou à défaut, a son lieu de séjour principal en France ;

ou à défaut, exerce une activité professionnelle en France ;

ou à défaut, a le centre de ses intérêts économiques en France.

Il convient de noter que la nationalité n’entre pas en ligne de compte pour l’application de l’article 4 B du Code général des impôts et que le domicile fiscal s’apprécie à la date du fait générateur621.

Pour un approfondissement de la notion de résidence fiscale en droit interne, il convient de se reporter supra, aux nos a2445 et suivants.

Section II – Règles de territorialité

3479 Les règles de territorialité des droits de mutation à titre gratuit sont fixées par l’article 750 ter du Code général des impôts. Celles-ci sont issues de la loi du 29 décembre 1976, et ont été modifiées par l’article 19 de la loi de finances pour 1999622. Ces règles s’appliquent aux droits de succession et de donation. Elles conduisent à distinguer trois situations.

Sous-section I – Si le défunt / donateur est domicilié fiscalement en France (résident de France)

3480 Tous les biens, situés en France623ou à l’étranger, sont imposables en France (principe de taxation mondiale quel que soit le domicile fiscal du bénéficiaire de la transmission)624.

Ainsi, les meubles corporels et les immeubles situés à l’étranger sont imposables en France, de même que les créances et les valeurs mobilières étrangères.

3481

Exemple

M. Dos Santos, résident à Paris, décède en laissant une résidence secondaire à Lisbonne. Le notaire français chargé du règlement de sa succession devra déclarer celle-ci dans la déclaration de succession pour sa valeur vénale. Il en va de même pour M. Kahoulani, résident en France et possédant une maison à Casablanca.

Sous-section II – Si le défunt / donateur est domicilié à l’étranger et que les héritiers (ou le légataire) / donataires sont non-résidents de France

3482 L’article 750 ter, alinéa 2 du Code général des impôts pose comme règle que seuls les biens français sont imposables. Ainsi les valeurs mobilières étrangères échappent, en principe, aux droits de succession.

Par conséquent seront exonérés les biens situés hors de France, c’est-à-dire les biens qui ont leur assiette matérielle à l’étranger (immeuble, fonds de commerce, meubles corporels) ainsi que les créances sur des débiteurs domiciliés à l’étranger, valeurs mobilières émises par des collectivités ayant leur siège à l’étranger.

Toutefois, sont considérées comme partiellement françaises (et sont donc partiellement imposables) les actions ou parts de sociétés étrangères non cotées dont l’actif est constitué pour plus de 50 % d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France (lorsque la valeur de ces biens représente plus de 50 % de l’actif social situé en France). Les immeubles affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale ne sont pas pris en compte. Ces actions ou parts sont imposables à concurrence de la proportion existant entre la valeur des immeubles situés en France, d’une part, et l’actif total de la société situé tant en France qu’à l’étranger, d’autre part.

Sont également imposables les immeubles (ou droits immobiliers) détenus en France par des non-résidents par l’intermédiaire de toute personne morale ou organisme dans lequel le défunt détenait directement ou indirectement plus de la moitié des actions, parts ou droits. La valeur des immeubles (ou droits immobiliers) situés en France n’est retenue qu’à proportion de la valeur de ces biens dans l’actif total de l’organisme ou de la personne morale concernée. Les immeubles affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale ne sont pas pris en considération.

Sous-section III – Si le défunt / donateur est domicilié à l’étranger et que l’héritier (ou le légataire) / donataire est résident de France et l’a été pendant une période d’au moins six ans au cours des dix dernières années

3483 L’article 750 ter, alinéa 3 du Code général des impôts prévoit :

que tous les biens meubles et immeubles, situés en France ou à l’étranger, sont imposables en France ;

mais que seule est imposable en France la part reçue par l’héritier, le légataire ou le donataire.

Par conséquent les successions ouvertes à l’étranger ou les donations, constatées ou non par acte passé en France ou à l’étranger, seront imposées en France625.

3484

Exemple

M. Froid décède en Norvège, laissant pour héritiers un fils, Rune, domicilié en France (depuis neuf ans) et une fille, Pernille, domiciliée en Norvège.

Les droits de succession seront dus :

par Rune : sur l’ensemble du patrimoine du défunt (situé en France et à l’étranger) mais seulement pour la quote-part qui lui revient ;

pour Pernille : uniquement les biens situés en France, limités à la quote-part lui revenant.

Au final, l’ensemble du patrimoine situé en France et la moitié du patrimoine étranger seront taxables aux droits de mutation en France.

3485 Les héritiers, donataires ou légataires qui n’ont pas été domiciliés en France pendant au moins six ans au cours des dix dernières années précédant celle au cours de laquelle ils reçoivent les biens ne seront imposés que sur les seuls biens français.

3486 En pratique, cette condition de domiciliation quantifiée pose parfois des problèmes de compréhension. Dans un tel cas, il faudra apprécier le domicile fiscal de l’héritier selon les règles de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire de l’article 4 B du Code général des impôts ; il faut que l’héritier soit résident de France le jour du fait générateur de la mutation à titre gratuit, c’est-à-dire au jour du décès ou de la donation.

Cette condition se cumule avec celle d’une domiciliation en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années précédant celle au cours de laquelle il reçoit les biens.

Les six années de domiciliation peuvent être discontinues626.

En présence d’un héritier mineur, on doit considérer qu’il a son foyer fiscal en France si ses parents sont eux-mêmes domiciliés en France (par conséquent aucune distinction ne doit être faite entre les héritiers mineurs et majeurs).

L’article 14 de la loi de finances rectificative de 2004 a étendu le champ d’application des droits de mutation aux actifs du trust. Cette loi a été traitée en droit interne et en présence d’une convention fiscale aux nos a2613 et suivants.

Section III – Notion de biens situés en France

3487 Il faut tenir pour situés en France différents types de biens.

Sous-section I – Biens meubles ou immeubles ayant une assise matérielle en France

3488 Pour connaître la liste des biens considérés comme situés en France selon les règles en droit interne, il faut se reporter au Bulletin officiel des impôts627qui en donne une liste exacte.

Il s’agit des biens ayant une assise matérielle en France, tels que :

1. les biens immobiliers, meubles corporels, fonds de commerce exploités en France ;

2. les biens meubles incorporels français : créance sur un débiteur domicilié en France, valeurs mobilières émises par l’État français, une personne morale de droit public ou une société ayant son siège social ou son centre de direction effective en France ;

3. les brevets et marques de fabrique concédés ou exploités en France ;

4. les titres de sociétés étrangères non cotées en bourse à prépondérance immobilière : sont considérées comme françaises les parts ou actions de sociétés ou de personnes morales non cotées en bourse dont le siège est situé hors de France et dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, à proportion de la valeur de ces derniers par rapport à l’actif total de la société628.

Selon l’administration fiscale, la société est à prépondérance immobilière si la valeur des immeubles et droits immobiliers situés en France représente plus de 50 % de la valeur de l’actif social situé en France (et non pas de l’actif social mondial).

Pour le calcul de la prépondérance immobilière, l’administration considère que les titres de société elle-même à prépondérance immobilière doivent être pris en considération.

Les immeubles situés en France et affectés par la personne morale à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale ne sont pas pris en compte.

L’actif de la personne morale étrangère en cause doit être principalement constitué d’immeubles bâtis ou non bâtis situés sur le territoire français ou de droits réels immobiliers portant sur ces biens (usufruit, droit d’usage…). On tiendra compte des immeubles donnés en location, qu’il s’agisse de la location d’immeubles d’habitation nus ou meublés ou de la location d’immeubles à usage industriel ou commercial disposant ou non du mobilier ou du matériel nécessaires à leur exploitation ; des immeubles constituant le stock immobilier de sociétés de construction-vente ou de sociétés qui se livrent à une activité de marchand de biens.

3489

Exemple

Une société étrangère détient un actif composé des biens ci-après :

un appartement à Paris de 1 000 000,00 € ;

un appartement en Floride de 250 000,00 € ;

un portefeuille de titres à Paris à la Société générale pour 500 000,00 € ;

des liquidités au Luxembourg pour 600 000,00 €.

Total de l’actif : 2 350 000,00 €.

Calcul de prépondérance immobilière : immeubles en France (1 000 000,00 €)/actifs français (1 000 000 € + 500 000 € = 1 500 000,00 €) = 66,66 % ; ratio supérieur à 50 %.

La société est donc bien à prépondérance immobilière629.

Assiette des DMTG : Immeubles en France (1 000 000,00 €)/actif total (2 350 000,00 €) = 42,55 %.

Assiette taxable en France = 42,55 % des titres détenus par les associés concernés.

Sous-section II – Immeubles ou droits immobiliers détenus indirectement en France

3490 Le dispositif de la société à prépondérance immobilière ne permet pas d’imposer les mutations indirectes d’immeubles français réalisées par des non-résidents dans le cas où cette société détiendrait des actifs mobiliers français en valeur supérieure à celle des biens immobiliers situés en France. Le législateur, pour compenser cette lacune, a créé la notion d’immeubles possédés indirectement et a élargi l’assiette d’imposition à ces derniers.

Depuis la loi de finances pour 1999, sont imposables en France les immeubles situés en France détenus directement ou indirectement par des non-résidents630.

On doit considérer qu’il y a possession indirecte lorsque l’immeuble appartient à une personne morale dont le défunt, seul ou conjointement avec son conjoint, leurs ascendants ou leurs frères et sœurs, détient plus de 50 % des titres, directement ou par l’intermédiaire d’une chaîne de participations au sens de l’article 999 D du Code général des impôts, quel que soit le nombre de personnes morales ou organismes interposés.

Il n’est pas nécessaire que cette personne morale ou cet organisme soit à prépondérance immobilière. Toutefois, comme pour les personnes morales à prépondérance immobilière, il n’est pas tenu compte des immeubles situés en France et affectés par une personne morale (ou un organisme) à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole, ou à l’exercice d’une profession non commerciale. Les droits de succession ne sont dus qu’à proportion de la valeur des immeubles ou droits immobiliers possédés indirectement, dans l’actif total de l’organisme ou de la personne morale dont le défunt détient directement les actions ou droits.

3491

Exemple de détention indirecte par des non-résidents

M. Y, résidant en Thaïlande, est le fils de Mme Yu décédée, et domiciliée au Canada.

La société I, établie en Italie, possède un immeuble en France d’une valeur de 4 000 000,00 €, des actifs français pour 5 000 000,00 € et des actifs étrangers pour 1 000 000,00 €. La valeur d’un titre de I est de 20 000,00 €. Cette société est détenue à hauteur de 8 % par Mme Yu, à hauteur de 12 % par une société B et à hauteur de 80 % par une société A.

La société B, établie en Belgique, possède des titres de la société I pour 4 000 000,00 € et d’autres biens français pour 6 000 000,00 €. La valeur d’un titre B est de 10 000,00 €. La société B est détenue à hauteur de 20 % par M. Yen et à hauteur de 20 % par Mme Yu.

La société A, établie en Allemagne, possède des titres de la société I pour 10 000 000,00 € et d’autres biens français pour 20 000 000,00 €. La valeur d’un titre de A est de 30 000,00 €. Cette société est détenue par Mme Yu à hauteur de 50 %.

Détermination de la participation de Mme Yu dans la société I par l’intermédiaire de son groupe familial et des sociétés interposées :

8 % en direct ;

40 % (50 % × 80 %) par la société A ;

2,4 % (20 % × 12 %) par la société B ;

2,4 % (20 % × 12 %) par son fil Y en via la société B ;

soit un total de 52,8 %.

Par conséquent, les titres des sociétés A, B, et I détenus par Mme Yu entrent dans le champ d’application des droits de mutation par décès.

Détermination de la valeur imposable :

Société I : Valeur des immeubles français dans l’actif brut (40 %) × valeur du titre I (2 000,00 €) = 8 000,00 € par titre × 8 % de détention.

Société A : Valeur des titres de I dans l’actif brut de A (33,33 %) × pourcentage représentatif de l’immeuble dans I (40 %) = 13,33 % × valeur du titre de A (30 000,00 €) = 3 999 € par titre A × 50 % de détention.

Société B : Valeur des titres de I dans l’actif brut de B (40 %) × pourcentage représentatif de l’immeuble dans I (40 %) = 16 % × valeur du titre de B (10 000,00 €) = 1 600 € par titre B × 20 % de détention.

Conclusion sur l’immobilier situé en France : lorsque le donateur ou défunt, domicilié hors de France, détient plus de 50 % d’une société à prépondérance immobilière dont le siège est à l’étranger, la taxation aux DMTG en France peut se baser :

soit sur le fondement de l’article 750 ter, 2°, alinéa 2 du Code général des impôts (société détenue indirectement) ;

soit sur le fondement de l’article 750 ter, 2°, alinéa 4 du Code général des impôts (société à prépondérance immobilière).

Section IV – Conflits de qualification des biens

3492 La situation du défunt ou donateur résident en France pose peu de difficulté car l’assiette taxable en France est l’assiette mondiale et, quelle que soit la qualification donnée aux biens, ils seront imposés en France.

Dans le cas du défunt ou donateur domicilié hors de France, les conflits de qualification seront plus prégnants.

Pour citer quelques exemple :

les fonds de commerce qui, en droit interne français, comprennent l’universalité des biens (notamment le matériel, les marchandises, le droit au bail et la marchandise) alors que pour certains autres pays le fonds de commerce ne comprend que l’élément incorporel (la clientèle) ;

les titres de sociétés étrangères à prépondérance immobilière en France ; ces derniers sont taxés en France comme étant assimilés fiscalement à des immeubles même si civilement ce sont des meubles ;

les droits en Time Share, qui sont qualifiés de biens meubles en France alors qu’ils sont qualifiés en droit espagnol, belge, ou israélien de droits immobiliers.

Il en résulte qu’en l’absence de convention fiscale, chaque État est en droit d’imposer ; il peut en résulter une double imposition.

3493

Exemple de conflits de qualification entre la France et un État lié par une  convention

Pour le droit fiscal français dans le cadre de la succession d’un défunt résident de France possédant un avoir sur un compte bancaire espagnol, cet avoir sera qualifié comme un bien incorporel imposable en France par le notaire français, tandis que le notaire espagnol le qualifiera, en vertu de son droit, de bien corporel imposable en Espagne. Il faudra dans un tel cas recourir à la procédure amiable.

Section V – Conflits de rattachement

3494 Parfois des interrogations surviennent, notamment pour savoir sur quel territoire le bien doit être considéré comme situé. À quel État faut-il le rattacher ? En fonction du droit interne des États, la solution n’est pas toujours identique et peut générer des cas de double imposition.

Pour exemple :

les brevets sont parfois réputés situés au lieu où ils sont exploités, ou au lieu où ils sont enregistrés, ou dans l’État qui en assure la protection ;

les valeurs mobilières, selon les pays, sont considérées comme situées au lieu du siège du débiteur, ou au lieu de dépôt ou au lieu de tenue des registres, ou encore au lieu d’émission des certificats représentatifs ;

les comptes en banque sont considérés comme situés au lieu où ils sont tenus effectivement, ou au lieu où est situé le siège de la banque, ou parfois au lieu où ils sont judiciairement exécutoires (lieu où le paiement peut être exigé) ;

les créances commerciales sont réputées comme situées au domicile du débiteur, au lieu de conclusion du contrat, au siège central de l’entreprise ou au lieu d’exploitation.

Section VI – Cas particulier de l’assurance vie

3495 Pour l’étude de l’imposition d’un contrat d’assurance vie dans le cadre d’une succession internationale, se reporter à la deuxième commission, supra, au titre « Assurance vie », et aux nos a2644 et suivants.

Section VII – Liquidation fiscale

3496 Pour liquider fiscalement une succession, il faut déterminer l’assiette taxable.

Celle-ci s’obtient après diverses opérations. En premier lieu on détermine l’actif, puis on soustrait le passif déductible et les biens exonérés, on applique les abattements, et enfin on déduit le crédit d’impôt.

3497 Il convient de déterminer l’assiette des droits de mutation à titre onéreux.

§ I – Actif

3498 Il s’agit des biens transmis. La valeur à retenir est la valeur vénale des biens631.

A/ Pour les immeubles

3499 Les biens situés à l’étranger sont également évalués selon leur valeur vénale. Il faudra par conséquent être vigilant, surtout en présence de biens immobiliers, car nos correspondants étrangers peuvent indiquer des valeurs corrigées ou cadastrales, tel que cela est permis selon le droit interne de leur pays. Il faudra exiger qu’ils indiquent la valeur vénale. L’évaluation des immeubles situés à l’étranger est faite à la valeur vénale à la date de transmission d’après la déclaration détaillée et estimative des parties, mais abstraction faite des dispositions du deuxième alinéa de l’article 761 du Code général des impôts.

L’article 761, alinéa 2 du Code général des impôts, indique : « Pour les immeubles dont le propriétaire a l’usage à la date de la transmission, la valeur vénale réelle mentionnée au premier alinéa est réputée égale à la valeur libre de toute occupation ».

Cette évaluation est faite par les héritiers. En notre qualité de notaire de France, on ne connaît pas ou mal le marché immobilier hors de France. Par conséquent, il sera prudent d’exiger la déclaration fiscale faite par les héritiers hors de France afin de s’assurer que le montant indiqué à l’administration fiscale étrangère et en France sont équivalentes. En effet, des héritiers pourraient être tentés de minorer la valeur des biens eu égard au taux souvent plus élevé d’imposition en France. Un avis de reconnaissance de conseil donné serait peut-être, selon les cas, approprié.

B/ Pour les biens mobiliers

3500 Le principe souffre quelques exceptions.

I/ Principes généraux

3501 Les biens mobiliers situés à l’étranger font l’objet d’une déclaration détaillée et estimative des parties. Les valeurs mobilières françaises et étrangères de toute nature, admises aux négociations sur un marché réglementé peuvent être évaluées suivant le cours au jour du décès ou suivant la moyenne des trente derniers cours précédant le décès ou la donation632. Attention : si la valeur est cotée seulement à l’étranger, on retiendra cette cote.

En présence de créances consenties en monnaie étrangère, il faudra les évaluer en utilisant le cours des changes fixé à la bourse de Paris633.

En pratique, lorsque le notaire interroge directement les banques pour connaître l’actif et le passif au jour du décès, il n’est souvent pas évident d’obtenir une réponse. Tel est d’ailleurs souvent le cas avec le Portugal. Le praticien est par conséquent dans l’obligation de se contenter des déclarations des clients. Il serait illusoire de penser que l’administration fiscale n’est pas en mesure de vérifier la véracité des montants en dépôt. En effet, elle peut contrôler les valeurs déclarées au moyen de l’assistance administrative internationale.

L’administration précise au BOI-ENR-DMTG-10-40-10-20 que les parties peuvent invoquer les dispositions de l’article 764 du Code général des impôts qui prévoient, en présence de bijoux, pierreries et objets d’art, que : « La valeur imposable ne peut, (…), être inférieure à l’évaluation faite dans les contrats ou conventions d’assurances contre le vol ou contre l’incendie en cours au jour du décès et conclus par le défunt, son conjoint ou ses auteurs, moins de dix ans avant l’ouverture de la succession, sauf preuve contraire. S’il existe plusieurs polices susceptibles d’être retenues, la valeur imposable est égale à la moyenne des évaluations figurant dans ces polices ».

II/ Cas particulier des biens indisponibles

3502 Il arrive parfois que des biens situés hors de France soient indisponibles. Un régime spécial a été créé pour s’adapter à cette difficulté fréquemment rencontrée par les contribuables. Cette notion étant française, elle ne s’applique que pour les biens imposables en France en vertu du droit fiscal français, c’est-à-dire en vertu de l’article 750 ter du Code général des impôts634. Par conséquent ce régime ne bénéficiera pas au contribuable en cas d’existence d’une convention fiscale applicable.

Que doit-on comprendre par « notion d’indisponibilité » ? Celle-ci s’entend de toute situation de fait ou de droit qui est de nature à priver le propriétaire du droit de disposer à son gré du bien qui lui appartient. Tel est le cas des mesures de séquestre, de blocage, de contrôle des changes, lorsqu’il en résulte une impossibilité pour le propriétaire de rapatrier les capitaux. Elle doit résulter d’une mesure prise par un gouvernement étranger, que celle-ci soit générale ou particulière.

3503

Exemple

M. Farah, de nationalité franco-marocaine, hérite de son père d’une maison située à Casablanca et d’un portefeuille de titres. En application de la loi marocaine, il ne peut, sauf accord du service des changes de Rabat, rapatrier les fonds en France eu égard à sa nationalité marocaine. Il doit, dans un premier temps, solliciter auprès du service des changes du Maroc le droit de rapatrier des fonds pour être en mesure de régler les droits dus en France.

À défaut d’accord, ces biens seront portés pour mémoire dans la déclaration souscrite en France en vue de la perception des droits de mutation par décès et le contribuable devra y joindre le refus. L’imposition sera suspendue. Lorsque les fonds seront devenus disponibles, il devra souscrire une déclaration complémentaire. Les biens sont évalués à leur valeur au jour de la cessation de l’indisponibilité ou à la date de leur aliénation. Il est fait abstraction des fruits, intérêts, dividendes ou autres produits échus postérieurement à l’ouverture de la succession. Lorsque les biens ou leur représentation ne deviennent disponibles ou ne font l’objet d’une vente, d’une cession ou d’un transfert que pour partie, seule cette partie fait l’objet de la déclaration complémentaire et les droits ne deviennent exigibles qu’à due concurrence. Les droits sont alors liquidés selon le tarif et d’après les règles applicables à la date d’ouverture de la succession et doivent être acquittés au moment du dépôt de la déclaration complémentaire.

III/ Le forfait mobilier
a) Le forfait

3504 Le forfait mobilier, en l’absence de convention, s’applique en vertu de l’article 764 du Code général des impôts, à défaut de vente publique ou d’inventaire. La valeur imposable des meubles meublants ne peut être inférieure à 5 % de la valeur des autres biens de la succession. Il s’agit d’une double présomption, d’existence et d’évaluation des biens.

b) L’inventaire pour déroger au forfait

3505 Pour éviter l’application du forfait, il est souvent conseillé aux contribuables de faire procéder à un inventaire. Comment procéder en matière de succession internationale ?

Pour les biens situés en France, le notaire français en charge de la succession aura vocation à établir l’inventaire des meubles puisqu’il est compétent en application des règles matérielles françaises. Quid pour les inventaires à réaliser à l’étranger ?

L’administration précise635qu’à défaut de vente publique, la valeur des meubles meublants est déterminée par l’estimation contenue dans les inventaires, dressés dans les formes prescrites par l’article 789 du Code civil et dans les cinq ans du décès636. Pour répondre aux conditions de l’article 789 du Code civil, l’inventaire doit reproduire les mentions prévues à cet article, être dressé par un notaire et être clos. Il doit aussi porter sur tous les objets mobiliers présents dans l’appartement tels que papiers et titres actifs ou passifs.

Le notaire français n’ayant pas compétence pour se déplacer à l’étranger et régulariser un inventaire des meubles meublants se situant dans les résidences situées hors de France, le 115e Congrès des notaires de France préconise de faire établir l’inventaire par le professionnel compétent selon le droit interne du territoire sur lequel les meubles sont situés, c’est-à-dire en respectant les formes applicables dans cet autre État. Pour exemple, en Allemagne le notaire est compétent pour établir un inventaire637, il faudra alors solliciter son concours. Il semble que l’acte de clôture de l’inventaire qui comprend le serment doive toutefois être reçu en France par un notaire français. Si toutefois un intitulé d’inventaire était nécessaire en France, à défaut il faudra se contenter de l’inventaire réalisé à l’étranger (tel sera le cas dans le cadre d’une succession d’un non-résident dont l’héritier est résident de France et ne possédant pas de meubles meublants sur notre territoire). En outre, il conviendra de respecter les formalités de légalisation ou d’apostille qui pourraient le cas échéant être requises.

Certains pourraient indiquer à juste titre que l’administration fiscale serait en droit de refuser l’inventaire comme ne répondant pas aux prescriptions de l’article 789 du Code civil. L’administration fiscale va devoir affiner sa doctrine, car les successions internationales vont se faire de plus en plus fréquentes et les professionnels en charge de leur règlement ont besoin d’instructions complémentaires.

§ II – Passif

3506 En droit interne et à défaut de convention fiscale, les dettes contractées à l’étranger bénéficient des mêmes conditions de déductibilité que celles contractées en France638.

Toutefois, si la dette est contractée auprès d’une personne qui bénéficie à l’étranger d’un régime fiscal privilégié, il faut apporter la preuve que l’opération était réelle et non excessive639.

En application de l’article 238 A, alinéa 2 du Code général des impôts : « Les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l’État ou le territoire considéré si elles n’y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l’impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ».

Lorsque seuls les biens situés en France sont imposables en France, alors seul le passif afférent aux biens situés en France est en principe déductible. Tel est le cas si le défunt est non-résident. Pour les successions des non-résidents, on distingue deux hypothèses :

le passif est affecté à un bien qui est imposable en France. La déductibilité est acquise sans conditions particulières ;

le passif n’est pas affecté à un bien, mais ce dernier est imposable en France. Il n’est pas en principe déductible ; tel est le cas des dettes personnelles du de cujus contractées ou non en France.

Attention, car contrairement à cette règle, il est parfois possible en application de la jurisprudence de déduire des dettes françaises non affectées au bien imposable en France. Tel est le cas de la valeur de capitalisation d’une pension alimentaire versée à une ex-épouse640.

§ III – Liquidation des droits de mutation à titre gratuit
A/ Application des abattements et des exonérations aux biens étrangers

3507 Les exonérations et régimes spéciaux en matière de transmissions d’entreprises de l’article 787 B du Code général des impôts (nommé pacte Dutreil) sont applicables aux sociétés étrangères641. Toutefois tel n’est pas le cas dans l’hypothèse de transmission à titre gratuit d’une entreprise individuelle. Les exonérations des articles 793 à 795 du Code général des impôts642ne s’appliquent pas aux biens situés à l’étranger643, notamment les exonérations pour les bois et forêts et les monuments historiques.

Remarque : la Commission européenne a jugé ces dispositions discriminatoires dans sa recommandation du 15 décembre 2011.

B/ Application des abattements et des exonérations aux personnes étrangères

3508 L’administration fiscale estime que l’abattement personnel prévu par l’article 779 du Code général des impôts en faveur des ascendants et des enfants constitue un élément du tarif de l’impôt et est applicable quelle que soit la nationalité du défunt et des successibles. Il en est de même pour les abattements entre frères et sœurs644, pour les handicapés645, pour les partenaires au titre de la loi TEPA646.

Le conjoint survivant ou le partenaire de PACS survivant étranger bénéficient de l’exonération sous réserve, le cas échéant, de rapporter la preuve que le partenariat étranger était assimilable à un pacs si celui-ci ne fait pas partie de la liste visée par l’administration647et sous réserve de l’ordre public international.

Les réductions d’impôt648pour charge de famille (pour les successions encore concernées) bénéficient également aux non-résidents à partir du moment où il existe entre les États un accord de réciprocité.

C/ Obligation de rappel fiscal de l’article 784 du Code général des impôts

3509 Cette obligation concerne toutes les donations antérieures consenties par le défunt ou le donateur aux héritiers, donataires ou légataires domiciliés en France, quelle que soit la forme dans laquelle ces donations ont été constatées. Elle s’applique aux dons manuels déclarés et est étendue aux biens situés hors de France. Elle ne s’applique toutefois pas aux libéralités réalisées hors de France par un donateur domicilié au jour de la donation hors de France et ayant acquis date certaine avant le 1er janvier 1999.

Attention, la révélation de l’existence d’un don devant être rapporté à la succession peut provenir d’un jugement émanant d’une juridiction étrangère649.

D/ L’élimination de la double imposition : article 784 A du Code général des impôts

3510 En l’absence de convention internationale, le droit interne français lui-même permet d’éliminer en totalité ou en partie les éventuelles doubles impositions sur les successions. Tel n’est pas le cas en matière d’impôt sur le revenu. II faudra attirer l’attention du client sur le risque existant en cas de non-mécanisme d’élimination de la double imposition dans le pays étranger.

L’article 784 A du Code général des impôts prévoit ainsi que, dans les cas définis aux 1° et 3° de l’article 750 ter du Code général des impôts, le montant des droits de mutation à titre gratuit acquitté hors de France est imputable sur l’impôt exigible en France650.

Cette imputation est néanmoins limitée à l’impôt acquitté sur les seuls biens meubles et immeubles situés hors de France. L’impôt acquitté à l’étranger n’est donc pas imputable sur l’impôt français afférent aux biens situés en France.

Par ailleurs, l’impôt acquitté à l’étranger n’étant pas restituable, l’imputation est donc limitée au montant de l’impôt dû en France à raison des mêmes biens.

Le montant de l’impôt étranger imputable sur les droits dus en France se calcule à l’aide de la formule énoncée dans l’imprimé Cerfa n° 2740651, qui devra être adressé en double exemplaire, assorti des pièces justificatives (généralement une attestation fiscale étrangère), au comptable de la DGFiP qui a reçu la déclaration de succession.

Conclusion : en l’absence d’une convention fiscale et en application des règles de droit interne, l’élimination de la double imposition n’est donc pas totale. Toutefois, les cas de double imposition sont rares. En pratique, les règles combinées des articles 750 ter et 784 A du Code général des impôts permettent d’éviter une double imposition, mais l’actif successoral est le plus souvent imposé selon le taux le plus élevé des deux États en cause.

3511

Le risque de double imposition

Il peut résulter :

d’un conflit de domicile fiscal : chaque État revendiquant que le défunt était domicilié sur son territoire impose une base mondiale. Tel est le cas des citoyens qui peuvent être à la fois considérés, en droit interne, comme domiciliés en France et à l’étranger. En effet, un contribuable résidant avec sa famille à Paris peut être considéré comme domicilié en France en vertu de l’article 4 B du Code général des impôts et résident d’un État étranger s’il possède cette nationalité et que ce pays a défini celle-ci comme critère de territorialité652 ;

d’un conflit de qualification de biens ;

d’un conflit sur le rattachement des biens ;

d’un refus de déductibilité des dettes.


620) Cass. com., 15 oct. 1996, n° 94-19.120.
621) BOI-ENR-DMTG-10-10-30, n° 30.
622) JO 31 déc. 1998, p. 20055. Loi entrée en vigueur le 1er janvier 1999, qui a ajouté un troisième alinéa à cet article. Avant cette loi, si le défunt ou donateur n’était pas résident en France, alors seuls les biens situés en France étaient imposables en France. Par le biais d’une délocalisation, on pouvait donner gratuitement à ses héritiers domiciliés en France, les biens étrangers. L’article 14 de la loi de finances rectificative n° 2011-900 pour 2011 a inclus le trust dans l’assiette taxable.
623) Pour la délimitation géographique des biens français, V. supra, n° a2431.
624) CGI, art. 750 ter, al. 1er.
625) BOI-ENR-DMTG-10-10-30, n° 350.
626) BOI-ENR-DMTG-10-30, n° 60.
627) BOI-ENR-DMTG-10-10-30, n° 80.
628) CGI, art. 750 ter, 2°, al. 4.
629) Si les titres de cette société sont considérés comme situés en France, ils restent toutefois des biens meubles.
630) BOI-ENR-DMTG-10-10-30, n° 170.
631) BOI-ENR-DMTG-10-40-10-10, n° 180.
632) CGI, art. 759.
633) BOI-ENR-DMTG-10-40-10-40, nos 10 et s.
634) BOI-ENR-DMTG-10-40-10-40, n° 280.
635) BOI-ENR-DMTG-10-40-10-20, n° 50.
636) CGI, art. 764, I-2°.
637) En application de l’article 2002 du Bürgerliches Gesetzbuch (BGB) qui est le Code civil allemand.
638) BOI-ENR-DMTG-10-40-20-40, n° 40.
639) BOI-ENR-DMTG-10-40-20-10, n° 340.
640) CA Paris, 1re ch. B, 17 mars 2006, n° 04/10556, Regazzacci : passif français déductible, car dette contractée au profit d’un créancier français aux termes d’une décision française de justice.
641) BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, n° 30.
642) À l’exception de l’article 793-1-5 du Code général des impôts qui prévoit le cas des exonérations en faveur des réversions de rentes viagères.
643) BOI-ENR-DMTG-10-50-70, n° 90.
644) CGI, art. 788-I.
645) CGI, art. 779-11.
646) CGI, art. 796 D bis.
647) BOI-IR-CHAMP-20-10, n° 90.
648) Nous ne traiterons pas des exonérations ou réductions de droits en faveur de l’État, de certaines collectivités. V. M. Revillard, Droit international privé et européen : pratique notariale, Defrénois, 9e éd. 2018, § 1182.
649) Cass. com., 16 févr. 2016, n° 14-21.724.
650) L’adoption des dispositions des articles 750 ter et 784 A du Code général des impôts date de 1976. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er juillet 1979.
651) BOI-FORM-000051.
652) Tel serait le cas d’un Américain.
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