CGV – CGU

Partie III – Se séparer
Titre 1 – La procédure de divorce
Sous-titre 1 – Le divorce judiciaire
Chapitre II – Les conflits de lois en matière de divorce

3291 Une fois le conflit de juridictions résolu et par suite le juge compétent identifié, il reste à déterminer quelle loi ce dernier aura à appliquer : c’est la question, cette fois, de la solution du conflit de lois. Or c’est le règlement Rome III qui constitue la règle de conflit de lois applicable depuis le 21 juin 2012386si la juridiction saisie est celle d’un État membre lié par ce règlement387.

Il est d’application universelle, ce qui signifie que la loi désignée par le règlement s’applique même si cette loi n’est pas celle d’un État membre signataire.

Il innove en permettant aux couples internationaux388de choisir la loi applicable à leur divorce et précise la loi applicable à défaut de choix par les conjoints.

En ce qui concerne son domaine matériel, le règlement « s’applique dans les situations impliquant un conflit de lois, au divorce et à la séparation de corps ».

Le règlement Rome III s’applique au seul principe du divorce, mais ne régit pas ses diverses conséquences : il est limité à la détermination des causes de divorce et de la séparation de corps389.

Sont notamment exclus du champ d’application du règlement : le nom des époux, la responsabilité parentale, la liquidation du régime matrimonial et les obligations alimentaires. Ces questions ne seront pas abordées dans la présente section.

De même la procédure de divorce est exclue et relève de la seule loi du for, c’est-à-dire de la loi du juge saisi.

Section I – L’autonomie de la volonté en matière de divorce

3292 Plusieurs raisons peuvent conduire les époux à effectuer un choix de loi, notamment pour anticiper la loi qui sera applicable à leur divorce.

§ I – Les modalités du choix

3293 L’article 5 du règlement Rome III permet aux époux de choisir, par convention, la loi applicable à leur divorce parmi plusieurs options exposées dans le règlement. Plus précisément, il prévoit des critères alternatifs.

Les époux peuvent choisir l’une des lois suivantes :

« la loi de l’État de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention ; ou

la loi de l’État de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que l’un d’eux y réside encore au moment de la conclusion de la convention ; ou

la loi de l’État de la nationalité de l’un des époux au moment de la conclusion de la convention ; ou

la loi du for ».

Les époux peuvent donc d’un commun accord choisir la loi applicable à leur divorce ou séparation de corps, pour autant qu’il s’agisse de l’une des lois visées à l’article 5.

Ce choix peut intervenir au plus tard lors de la saisine de la juridiction et même en cours d’instance si la loi du for l’autorise390.

La convention portant désignation de loi applicable peut donc être établie au moment du mariage, par exemple dans le contrat de mariage, et peut être modifiée par la suite.

Le rôle du notaire apparaît important quant à la validité de ce choix de loi.

D’abord le consentement des époux doit être éclairé391.

Ensuite, en la forme, l’article 7, § 1 prévoit que : « La convention visée à l’article 5, paragraphes 1 et 2, est formulée par écrit, datée et signée par les deux époux. Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite ».

Il s’agit de règles a minima. En effet, si au moment de la conclusion de la convention, les époux ont leur résidence habituelle dans un État membre participant qui prévoit des règles formelles supplémentaires pour ce type de convention, celles-ci devront être respectées392.

Au surplus, l’article 7 prévoit que si, au moment de la conclusion de la convention, les époux ont leur résidence habituelle dans des États membres différents et si les lois de ces États prévoient des règles formelles différentes, la convention est valable quant à la forme si elle satisfait aux conditions fixées par la loi de l’un de ces pays.

Et si, au moment de la conclusion de la convention, seul l’un des époux a sa résidence habituelle dans un État membre participant et si cet État prévoit des règles formelles supplémentaires pour ce type de convention, ces règles s’appliquent.

Il convient donc de s’assurer que l’ensemble des règles formelles exigées par les différentes législations qui ont vocation à s’appliquer a été respecté. Faute de quoi, le choix de loi peut ne pas être valable quant à la forme.

Les États participants restent donc libres d’imposer des exigences formelles particulières dans la rédaction de la convention : à ce jour la France n’en a prescrit aucune et la forme authentique n’est pas exigée par le droit français.

Le principe de l’autonomie de la volonté imprégnant désormais largement le droit de la famille, c’est sans doute lorsque les époux choisiront la loi applicable à leur régime matrimonial que le notaire devra leur apporter conseil quant au choix de loi susceptible de régir la désunion (mais aussi la loi applicable à la succession, aux obligations alimentaires, etc.).

Il faut souligner que le choix de loi a une portée limitée. En effet, il ne porte que sur la dissolution du lien conjugal (causes du divorce) et ne vise pas ses conséquences patrimoniales expressément exclues.

§ II – L’intérêt du choix

3294 Même entre les États membres participants, il n’existe pas une équivalence des lois en matière de divorce. Les époux peuvent donc avoir intérêt à choisir la loi applicable à leur divorce et ce choix peut être guidé par différentes considérations.

Les époux peuvent, par exemple, choisir leur loi nationale commune qu’ils estiment être la plus appropriée à leur relation matrimoniale : tel pourra être le cas lorsque les époux sont issus d’un système de droit confessionnel.

Mais, le plus souvent, les époux choisiront une loi en fonction de sa teneur selon que la loi choisie autorise plus ou moins facilement le divorce. S’agissant du divorce sans juge de droit français, il sera même indispensable, en présence d’un élément d’extranéité, de choisir expressément la loi française393.

La difficulté sera l’accès au droit étranger. Le choix de loi applicable suppose, en effet, que les époux soient informés de la teneur des différentes lois qui s’offrent à eux en vertu de l’article 5 du règlement.

Le notaire ignore le plus souvent le contenu du droit étranger : il devra inviter les époux à faire effectuer des recherches par un juriste et ne pas hésiter à énumérer les diligences accomplies.

L’article 17 du règlement précise qu’« afin de garantir cet accès à des informations appropriées et de qualité, la Commission met ces dernières régulièrement à jour dans le système public d’information fondé sur l’internet (…) »394. Les informations fournies par ce site se limitent aux seuls États membres.

Lorsque la législation choisie est celle d’un État tiers ou d’un État membre non signataire de Rome III, il paraît nécessaire de vérifier si cette législation accepte un choix de loi en matière de divorce. Faute de disposer d’infirmations précises sur cette question, le notaire a donc intérêt à recueillir les informations nécessaires et d’annexer éventuellement à l’acte de choix de loi un certificat de coutume ou une legal opinion.

Section II – La loi applicable à défaut de choix

3295 La loi applicable à la séparation de corps ou au divorce est désignée par le règlement Rome III. Mais son champ d’application étant limité, la règle de conflit contenue à l’article 309 du Code civil n’est pas caduque. Il convient donc étudier successivement l’article 309 du Code civil (§ I) et le règlement Rome III (§ II).

§ I – L’article 309 du Code civil

3296 Avant le règlement Rome III, la loi applicable au divorce était déterminée par l’article 309 du Code civil.

Cette disposition prévoit une compétence de la loi française dans trois cas :

lorsque les époux sont tous deux Français, qu’ils soient domiciliés en France ou à l’étranger ;

lorsque les époux ont en France un domicile commun ou séparé (quelle que soit leur nationalité) ;

lorsqu’aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps.

L’article 309 du Code civil n’avait pas précisé à quel moment les rattachements à la nationalité française ou au domicile des époux en France devaient être appréciés pour conduire à l’application de la loi française. La Cour de cassation395a précisé que c’est au jour du dépôt de la requête en divorce qu’il y avait lieu de tenir compte de la situation des époux.

L’article 309 du Code civil a vu son champ d’application progressivement diminuer, d’abord par l’effet de conventions bilatérales, puis par l’adoption du règlement Rome III, applicable aux actions introduites depuis le 21 juin 2012.

Toutefois, le champ d’application du règlement est limité aux causes du divorce. Ainsi la question de savoir si des époux peuvent divorcer par simple accord entre eux relèvera de la loi désignée par le règlement Rome III, mais les conséquences de ce divorce seront régies par la loi désignée par d’autres règles légales de conflit de lois.

L’article 309 du Code civil s’applique pour déterminer la loi applicable aux questions telles que :

le nom des époux ;

les dommages et intérêts qui peuvent être demandés par l’époux en réparation des conséquences qu’il subit du fait de la dissolution du mariage.

§ II – Le règlement Rome III

3297 En l’absence de choix, l’article 8 du règlement Rome III institue une règle de rattachement hiérarchisée. Les critères de rattachement ont été choisis de façon à ce que la procédure de divorce soit régie par une loi avec laquelle les époux ont des liens les plus étroits.

L’article 8 du règlement dispose :

« À défaut de choix conformément à l’article 5, le divorce et la séparation de corps sont soumis à la loi de l’État :

de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,

de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet État au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,

de la nationalité des deux époux au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,

dont la juridiction est saisie ».

Le principal critère retenu est celui de la résidence principale des époux ou de l’un d’eux : ainsi le plus souvent la juridiction compétente appliquera sa propre loi. Les difficultés liées à l’application d’une loi étrangère seront donc rares.

Section III – Mise en œuvre de la règle de rattachement

3298 Le règlement Rome III prévoit plusieurs dispositions.

Le renvoi est expressément exclu aux termes de l’article 11 du règlement396.

Il est donc fait application des règles matérielles de la loi applicable et non de ses règles de droit international privé.

Selon l’article 10 du règlement397, la loi du for, c’est-à-dire la loi de la juridiction saisie s’appliquera aux lieu et place de la loi normalement applicable si celle-ci :

ne permet pas aux époux d’obtenir le divorce.

Il est donc interdit aux époux, même par une volonté dictée par exemple par des convictions religieuses, de choisir une loi qui rendrait leur mariage indissoluble et qui n’autorise qu’un simple relâchement par séparation de corps ;

est discriminatoire en ce sens qu’elle porte atteinte à l’égal accès des époux au divorce, en raison du sexe de l’un d’eux.

Cette exclusion répond aux craintes exprimées par certains États de voir la charia s’appliquer au divorce, notamment par choix des époux. Ainsi une loi étrangère qui admettrait la répudiation serait d’office écartée.

L’article 12 du règlement concerne l’ordre public398. Une loi prohibant le divorce ou rendant son accès discriminatoire sur des motifs liés à la religion, la race ou le sexe serait écartée. Cette exception ne devrait plus guère avoir à jouer compte tenu du filtre préalable de l’article 10 susvisé.

L’article 13 du règlement vise les situations résultant des différences dans le droit national399.

Ainsi, le juge d’un État qui ne connaît pas le mariage homosexuel n’est pas tenu de prononcer le divorce d’un couple de même sexe valablement marié dans un autre pays.

Les articles 14 et 15 du règlement envisagent les situations de conflits de lois territoriaux et interpersonnels : ces articles règlent les situations des États dont le droit n’est pas unifié (art. 14) ou celles des États qui connaissent des règles juridiques applicables à diverses catégories de personnes en fonction de leur appartenance religieuse ou ethnique par exemple (art. 15).

3299 Il faut souligner que les règles sur la loi applicable au divorce seront appliquées différemment selon la juridiction saisie :

s’il s’agit de celle d’un État participant : le règlement s’appliquera quelle que soit la nationalité ou la résidence des époux ;

s’il s’agit de celle d’un État non participant : le règlement ne s’appliquera pas. Ainsi, une convention de choix de loi conclue par des époux pourrait être inefficace. En pratique, le notaire rédacteur d’une telle convention devra informer les époux de la nécessité de saisir une juridiction d’un État membre participant pour que leur choix soit respecté.

Il faut rappeler que le règlement Rome III régit essentiellement les règles relatives aux causes du divorce et non ses conséquences personnelles et pécuniaires. Or très souvent les conflits entre les époux s’élèvent sur les effets du divorce et non sur leurs causes. Le règlement Rome III ne mettra pas fin à la « course aux tribunaux » : un époux pourra toujours être amené à saisir un tribunal susceptible de rendre une décision plus conforme à ses intérêts pécuniaires.


386) Cons. UE, règl. (UE) n° 1259/2010, 20 déc. 2010, mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps : JOUE n° L 3434/11, 29 déc. 2010.
387) Sont liés par cette coopération renforcée dix-sept États : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, l’Espagne, la France, l’Estonie, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, le Portugal, la Roumanie et la Slovénie.
388) Selon M. Revillard (Droit international privé et européen : pratique notariale, Defrénois, 9e éd. 2018, § 228, p. 139), les règles de conflit prévues par le règlement devraient concerner les couples internationaux, quelle que soit leur nationalité, ayant leur résidence dans un État membre participant à la coopération renforcée ou aux couples ressortissants nationaux d’un État membre participant à la coopération renforcée même résidant dans un pays autre que leur pays d’origine.
389) C’est-à-dire à quelles conditions et sur quel fondement le divorce ou la séparation de corps peuvent être demandés (Règl. n° 1259/2010, consid. 10).
390) Cela ne sera pas possible devant une juridiction française, le droit français n’admettant pas les accords procéduraux en matière de droits indisponibles.
391) À cet égard, le considérant 18 du règlement est intéressant en ce qu’il précise que : « Le choix éclairé des deux conjoints est un principe essentiel du présent règlement. Chaque époux devrait savoir exactement quelles sont les conséquences juridiques et sociales du choix de la loi applicable. La possibilité de choisir d’un commun accord la loi applicable devrait être sans préjudice des droits et de l’égalité des chances des deux époux. À cet égard, les juges des États membres participants devraient être conscients de l’importance d’un choix éclairé des deux époux concernant les conséquences juridiques de la convention conclue sur le choix de la loi ».
392) Règl. n° 1259/2010, art. 7 : « 2. Toutefois, si la loi de l’État membre participant dans lequel les deux époux ont leur résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention prévoit des règles formelles supplémentaires pour ce type de convention, ces règles s’appliquent ».
393) V. infra, Sous-titre II, Le divorce conventionnel.
394) V. le site : Le portail e-Justice européen – action en justice – droit de la famille – divorce : https://e-justice.europa.eu/
395) Cass. 1re civ., 8 juill. 2010, n° 09-66.186 : Bull. civ. 2010, I, n° 165.
396) Art. 11 : « Exclusion du renvoi. Lorsque le présent règlement prescrit l’application de la loi d’un État, il entend les règles de droit en vigueur dans cet État à l’exclusion de ses règles de droit international privé ».
397) Art. 10 : « Application de la loi du for. Lorsque la loi applicable en vertu des articles 5 ou 8 ne prévoit pas le divorce ou n’accorde pas à l’un des époux, en raison de son appartenance à l’un ou l’autre sexe, une égalité d’accès au divorce ou à la séparation de corps, la loi du for s’applique ».
398) Art. 12 : « Ordre public. L’application d’une disposition de la loi désignée en vertu du présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l’ordre public du for ».
399) Art. 13 : « Différences dans le droit national. Aucune disposition du présent règlement n’oblige les juridictions d’un État membre participant dont la loi ne prévoit pas le divorce ou ne considère pas le mariage en question comme valable aux fins de la procédure de divorce à prononcer un divorce en application du présent règlement ».
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