CGV – CGU

Partie II – S’unir
Titre 2 – Les couples mariés
Sous-titre 1 – Le mariage
Chapitre II – Les effets du mariage

3150 Indépendamment des questions relevant du régime matrimonial, le mariage engendre des effets personnels (obligation de fidélité, de secours et d’assistance) et des effets patrimoniaux, notamment dans les contrats à titre onéreux entre époux. Par ailleurs, le régime primaire impératif est traité sous l’angle des effets du mariage et des lois de police.

Section I – Détermination de la loi applicable

3151 À défaut de convention bilatérale, il y a lieu d’appliquer au titre de loi des effets du mariage :

la loi nationale commune des époux ;

à défaut de loi nationale commune, la loi du domicile commun218 ;

à défaut, la loi du for s’applique en vertu de sa vocation subsidiaire.

La France est partie à des conventions bilatérales qui déterminent notamment la loi applicable aux effets du mariage. Il s’agit par exemple de la convention franco-marocaine du 10 août 1981219ou de la convention franco-polonaise du 5 avril 1967220.

Section II – Le domaine de la loi applicable

3152 En principe, la loi des effets du mariage gouverne tous les effets du mariage tant personnels que patrimoniaux, à l’exception du régime matrimonial. Toutefois, le domaine de la loi applicable s’est restreint compte tenu, d’une part, du caractère impératif du régime primaire (étudié dans la section suivante) et, d’autre part, par le fait que certaines règles issues tant du droit interne que du droit communautaire qui relevaient autrefois de la catégorie des effets du mariage font l’objet de dispositions spécifiques.

C’est le cas par exemple des obligations alimentaires entre époux221, du divorce , ou encore de la filiation naturelle.

En conséquence, les questions qui relèvent encore de la catégorie des effets du mariage sont essentiellement celles relatives au nom d’usage et aux contrats entre époux à titre onéreux.

Ainsi la vente entre époux, dans son principe, a-t-elle été jugée comme relevant de la loi régissant les effets du mariage222.

La constitution d’une société entre époux relève, dans son principe, a priori de la loi des effets du mariage, loi nationale commune, et à défaut de nationalité commune, loi du domicile commun.

Une difficulté s’est posée en droit international privé concernant l’application de l’article 1832-2 du Code civil223 : cet article visant à conférer la qualité d’associé à l’époux commun en biens non apporteur, ne semble s’appliquer qu’aux époux mariés sous un régime de communauté français.

3153 De même, les donations entre époux de biens présents ou à venir se trouvent au carrefour de plusieurs catégories de rattachement : le contrat, le régime matrimonial, les effets du mariage et les droits successoraux.

Cette question sera traitée dans la cinquième partie224.

Section III – Le régime primaire impératif

3154 La loi du 13 juillet 1965 a institué en droit français des règles intitulées « Des droits et des devoirs respectifs entre époux » figurant aux articles 212 et suivants du Code civil. Ces dispositions, qui sont applicables par le seul effet du mariage, constituent le régime primaire. Comment ces règles sont-elles traitées en droit international privé ?

La convention de La Haye n’a pas défini la notion de régime primaire. Les solutions ont donc été dégagées par la jurisprudence (Sous-section I). Le règlement (UE) n° 2016/1103 a quant à lui intégré à la notion de régime matrimonial les règles qui relèvent du régime primaire (Sous-section II).

Sous-section I – Solutions dégagées par la jurisprudence

3155 La question se pose de savoir si le régime primaire figurant aux articles 212 et suivants du Code civil doit être appliqué à tous les époux résidant sur le territoire français.

La Cour de cassation a, en 1987, assimilé les règles françaises du régime primaire à des lois de police225.

Les règles des articles 212 et suivants du Code civil s’imposent donc en France quel que soit le régime matrimonial des époux.

Le régime primaire est donc d’application immédiate sur tout le territoire français pour tous les époux soumis à des lois étrangères. Ce même statut peut aussi suivre des époux français vivant à l’étranger au titre du statut personnel.

Ainsi la protection du logement de la famille visé à l’article 215, alinéa 3 du Code civil s’appliquera à tous les époux résidant sur le territoire français, et ce quelles que soient les lois auxquelles sont soumis les effets personnels ou pécuniaires des effets du mariage.

Sous-section II – Règlement européen n° 2016/1103 en matière de régime matrimonial

3156 Le règlement intègre à la question du régime matrimonial des règles qui relèvent du régime primaire.

Cette interprétation large du régime matrimonial est une innovation du règlement. L’article 3-1-a définit de façon assez large le régime matrimonial qui est « l’ensemble des règles relatives aux rapports patrimoniaux entre époux et dans leurs relations avec des tiers, qui résultent du mariage ou de sa dissolution ».

Et le considérant 18 du règlement précise que : « La notion de “régime matrimonial” devrait être interprétée de manière autonome et devrait englober non seulement les règles auxquelles les époux ne peuvent pas déroger, mais aussi toutes les règles facultatives qui peuvent être fixées par les époux conformément à la loi applicable, ainsi que les règles supplétives de la loi applicable ».

Ces règles, auxquelles les époux ne peuvent pas déroger, visent en droit français les règles du régime primaire.

Cependant, il convient d’effectuer certaines distinctions suivant les dispositions du régime primaire.

§ I – Règles du régime primaire incluses dans le règlement

3157 Il semble que le règlement englobe dans son champ d’application matériel les règles suivantes :

le pouvoir des époux ;

la solidarité des époux ;

la protection du logement de la famille : ainsi les règles visées par l’article 215, alinéa 3 du Code civil ne devraient s’appliquer que si le régime matrimonial est soumis à la loi française (sauf l’effet de la loi de police ci-après visée).

§ II – Règles du régime primaire exclues du règlement

3158 Certaines règles rattachées en droit français au régime primaire sont exclues du règlement sur les régimes matrimoniaux.

Ce sont notamment :

les relations extrapatrimoniales : le règlement ne vise en effet que les règles relatives aux rapports patrimoniaux entre époux. Ainsi, toutes les règles ne visant que les relations personnelles entre époux, telles celles visées aux articles 212 et 213 du Code civil, sont exclues du champ d’application du règlement226 ;

la contribution aux charges du mariage : elle devrait relever du règlement n° 4/2009 du 18 décembre 2008227 ;

les règles relatives aux époux hors d’état de manifester leur volonté.

Cette question relève de la capacité qui est exclue du champ d’application du règlement. Il y aura lieu d’appliquer à ce sujet la convention du 13 janvier 2000 sur la protection des adultes.

§ III – Intervention des lois de police

3159 En principe, les règles relatives au régime primaire incluses dans le champ d’application du règlement n° 2016/1103 sont soumises à la loi applicable au régime matrimonial.

Cette affirmation doit être tempérée par l’application des lois de police.

L’article 30 du règlement prévoit que : « Les dispositions du présent règlement ne portent pas atteinte à l’application des lois de police du juge saisi ». L’article 30-2 définit ensuite la notion de loi de police228dont le respect est jugé crucial par un État membre, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application.

Ainsi, si une règle de droit français est érigée en loi de police, elle s’appliquera quelle que soit la loi applicable au régime matrimonial.

Or, selon la Cour de cassation, conformément à son arrêt de 1987 précité229, « les règles relatives aux devoirs et droits respectifs des époux énoncées par les articles 212 et suivants du Code civil sont d’application territoriale ».

Si cette jurisprudence perdure lors de l’application du règlement, alors il y aura lieu d’appliquer certaines règles du régime primaire français à tous les époux résidant en France, et ce quelle que soit la loi applicable à leur régime matrimonial230.

– Cas particulier du droit temporaire au logement. – Le droit temporaire au logement du conjoint survivant a été créé par la loi du 3 décembre 2001 et inséré dans l’article 763 du Code civil. Il s’agit d’un droit de jouissance d’un an et gratuit applicable aux époux quel que soit leur régime matrimonial.

La question se pose de savoir à quelle règle de conflit il faut soumettre ce droit. La qualification doit se faire conformément à la loi française :

Il ne s’agit ni d’un droit successoral, ni d’un droit réel, ni d’un droit relevant du régime matrimonial. Il est lié à la qualité d’époux et doit relever de la loi des effets du mariage231.

Le droit temporaire au logement est d’ordre public en droit interne. Ce caractère impératif doit-il se retrouver en droit international ? Il est possible de raisonner par analogie avec le régime primaire qui, bien que relevant de la loi des effets du mariage, constitue une loi de police sur le territoire national.

Ainsi, un couple d’Espagnols propriétaires de leur résidence principale en France doit-il bénéficier des dispositions de l’article 763 du Code civil ? Non au titre de la loi des effets du mariage (loi de la nationalité commune, donc loi espagnole), mais oui au titre de la loi de police (application de la loi française compte tenu du bien immobilier situé en France).


218) La jurisprudence sur la loi des effets du mariage a été établie dans l’arrêt Rivière rendu en matière de divorce (Cass. civ., 17 avr. 1953). La cour précise : « Attendu, en l’espèce que les époux (…), ayant une nationalité différente, mais étant domiciliés l’un et l’autre en Équateur, c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé que leur divorce était régi par la loi du domicile qui se trouvait au surplus être identique à la loi personnelle du mari et à la loi du for ».
219) Convention entre la République française et la Royaume du Maroc relative au statut des personnes et de la famille et de la coopération judiciaire. D. n° 83-435, 27 mai 1983, art. 7 : « Les effets personnels du mariage sont régis par la loi de celui des deux États dont les époux ont la nationalité. Si l’un des époux a la nationalité de l’un des deux États et le second celle de l’autre, les effets personnels du mariage sont régis par la loi de celui des deux États sur le territoire duquel les époux ont leur domicile commun ou avaient leur dernier domicile commun ».
220) Convention franco-polonaise relative à la loi applicable, la compétence et l’exequatur dans le droit des personnes et de la famille. D. n° 69-176, 13 févr. 1969, art. 5 : « 1. Les rapports juridiques personnels et patrimoniaux entre les époux sont régis par la loi de la Haute Partie contractante sur le territoire de laquelle les époux ont leur domicile. 2. Si l’un des époux réside sur le territoire de l’une des Hautes Parties contractantes et le second sur le territoire de l’autre et si les deux époux possèdent la même nationalité, leurs rapports juridiques personnels et patrimoniaux sont régis par la loi de la Haute Partie contractante dont ils ont la nationalité. 3. Si l’un des époux possède la nationalité de l’une des Hautes Parties contractantes et le second la nationalité de l’autre et si l’un réside sur le territoire de l’une des Hautes Parties contractantes et le second sur le territoire de l’autre, leurs rapports juridiques personnels et patrimoniaux sont régis par la loi de la Haute Partie contractante sur le territoire duquel ils ont eu leur dernier domicile commun ».
221) Application de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 puis du règlement européen du 18 décembre 2008.
221) Application de la loi du 11 juillet 1975 puis du règlement Rome III.
221) L. 3 janv. 1972.
222) Cass. req., 25 janv. 1938 : Rev. crit. DIP 1938, 471, note H. Battifol.
223) C. civ., art. 1832-2, al. 1 à 2 : « Un époux ne peut, sous la sanction prévue à l’article 1427, employer des biens communs pour faire un apport à une société ou acquérir des parts sociales non négociables sans que son conjoint en ait été averti et sans qu’il en soit justifié dans l’acte. La qualité d’associé est reconnue à celui des époux qui fait l’apport ou réalise l’acquisition. La qualité d’associé est également reconnue, pour la moitié des parts souscrites ou acquises, au conjoint qui a notifié à la société son intention d’être personnellement associé. Lorsqu’il notifie son intention lors de l’apport ou de l’acquisition, l’acceptation ou l’agrément des associés vaut pour les deux époux ».
224) V. infra, Titre I, Chapitre II, Section I, « La donation entre époux », n° a3546.
225) Cass. 1re civ., 20 oct. 1987 : « Attendu qu’il est encore fait grief à la cour d’appel d’avoir fait application de la loi française pour déterminer le montant de la contribution aux charges du mariage due par le mari alors que l’article 214 du Code civil renvoyant expressément à ce sujet aux conventions matrimoniales, la demande de l’épouse devait être réglée selon la loi applicable au régime matrimonial des époux, c’est-à-dire en l’espèce, selon la loi libanaise ; que, dès lors, en statuant comme elle a fait, la juridiction du second degré aurait violé l’article 3 du Code civil ; Mais attendu que les règles relatives aux devoirs et droits respectifs des époux énoncées par les articles 212 et suivants du Code civil sont d’application territoriale ; ».
226) C. civ., art. 212 : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». C. civ., art. 213 : « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir ».
227) Ce règlement est relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires.
228) Règl. n° 2016/1103, art. 30-2 : « Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un État membre pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au régime matrimonial en vertu du présent règlement ».
229) V. supra, n° a3155.
230) M. Revillard, Droit international privé et européen : pratique notariale, Defrénois, 9e éd. 2018, p. 331 et s., § 376.
231) C. civ., art. 763, al. 3 : « Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux. Le présent article est d’ordre public ».
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