3129 Au moment de prendre en considération un mariage, qu’il soit célébré en France entre des étrangers ou à l’étranger entre Français ou étrangers, il convient de s’interroger sur la validité de cette union.
Le notaire devra être très attentif lorsqu’il se trouvera face à des mariages célébrés à l’étranger qui pourraient encourir la nullité, tels que le mariage polygamique ou encore en présence d’un époux mineur : en effet, pour qu’il y ait un régime matrimonial et le statut de conjoint, il faut un mariage valable.
Le notaire ne peut pas de son propre chef écarter un mariage qu’il tiendrait pour non valable, en arguant par exemple qu’il est contraire à l’ordre public.
S’il détecte une anomalie, dans le cas par exemple d’un mariage polygamique, il ne pourra pas l’écarter : il n’est pas juge de la situation. Ne pouvant toutefois pas ignorer le risque qui pèse sur cette union, il devra alerter les « époux » sur les « vices » qui entachent leur union et tenter de trouver des solutions dans le cas où le mariage serait annulé.
Ce principe de validité a été affirmé par la Cour de cassation envers une caisse d’assurance maladie176, puis une caisse d’assurance retraite177.
La Cour de cassation a dans ces deux cas précisé que l’annulation ne pouvait être l’œuvre que d’un juge français ou d’une autorité étrangère.
Il faut toutefois noter que le mariage d’une Française avec un homme déjà marié, dans le cadre d’une union polygame, ne pourra pas produire effet.
3130 Dans un cas cependant, le notaire ne devra pas faire produire effet au mariage. C’est celui où (après le 1er janvier 2007) le mariage n’aurait pas été transcrit sur les registres de l’état civil français. En effet, dans cette situation, l’article 171-5 du Code civil considère le mariage inopposable178.
Le notaire devra en informer les époux et leur conseiller d’effectuer rapidement les formalités de transcription.
En droit international privé, le mariage n’est pas soumis à une loi unique mais donne lieu à un « dépeçage » suivant l’aspect juridique en cause. Les conditions de forme relèvent de la loi de l’État du lieu de célébration du mariage, sous réserve de l’application de la loi nationale (dans l’hypothèse d’un mariage consulaire) et du formalisme à accomplir afin de rendre opposable en France un mariage célébré à l’étranger (Section I).
Quant aux conditions de fond, elles sont en principe soumises à la loi nationale des époux en vertu de l’article 202-1 du Code civil. Cette règle de principe simple devra être adaptée en présence de mariages mixtes, polygamiques ou de personnes de même sexe (Section II). Certaines unions présentent des particularités : ce sont les mariages entre personnes de même sexe (Section III) et les mariages polygamiques (Section IV).
3131 Le notaire peut avoir à connaître de trois cas de mariage présentant un élément d’extranéité.
Le mariage peut être conclu :
par des étrangers en France ;
ou par des Français au consulat de France à l’étranger ;
ou par des étrangers à l’étranger.
3132 Pour le mariage célébré en France, même entre deux étrangers, il y a lieu de respecter impérativement les conditions de forme prescrites par la loi française.
Ainsi :
deux étrangers peuvent valablement se marier en France, selon la forme française, et ce même en violation de leur loi nationale179 ;
deux étrangers ne peuvent pas valablement se marier en France selon la forme (privée ou religieuse) prescrite par leur statut personnel.
3133 Cette règle étant rappelée, il va être étudié les conditions de forme des mariages célébrés hors du territoire français, c’est-à-dire tant au consulat de France qu’à l’étranger.
C’est le nouvel article 171-1 du Code civil (en vigueur au 1er janvier 2007) qui fixe les conditions de validité des mariages célébrés à l’étranger :
« Le mariage contracté en pays étranger entre Français, ou entre un Français et un étranger, est valable s’il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration et pourvu que le ou les Français n’aient point contrevenu aux dispositions contenues au chapitre Ier du présent titre.
Il en est de même du mariage célébré par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises, conformément aux lois françaises.
Toutefois, ces autorités ne peuvent procéder à la célébration du mariage entre un Français et un étranger que dans les pays qui sont désignés par décret ».
3134 Si les futurs époux sont tous deux de nationalité française, ils peuvent opter pour un mariage auprès de l’ambassade ou du consulat de France. Les formalités seront pour eux simplifiées : notamment la transcription sur les registres de l’état civil français sera effectuée automatiquement.
En principe, ce mariage sera reconnu valable dans le pays étranger. Toutefois, certains États ne reconnaissent pas aux autorités diplomatiques le droit de célébrer des mariages sur leur territoire, ce qui est le cas par exemple de la Suisse180, du Royaume-Uni181et des États-Unis182.
Dans ces pays, les futurs époux n’auront donc pas d’autre choix que de s’unir selon les formes locales en vigueur.
3135 La compétence des consulats repose en principe sur la nationalité française des deux époux.
Si seulement l’un des époux est de nationalité française, ceux-ci n’ont en principe pas la faculté de se marier auprès de l’ambassade ou du consulat de France sauf dans certains pays.
En effet l’article 171-1, alinéa 3 du Code civil précise que les autorités diplomatiques ou consulaires françaises « ne peuvent procéder à la célébration du mariage entre un Français et un étranger que dans les pays qui sont désignés par décret ».
La liste de ces pays est limitativement fixée par deux décrets qui visent quatorze pays183.
Cette possibilité a été introduite essentiellement dans des pays où le mariage selon les formes locales impose une conversion religieuse. Comme le fait remarquer le garde des Sceaux dans la circulaire du 22 juin 2010 relative à la lutte contre les mariages simulés184, « il s’agit notamment d’États où le mariage, selon la loi locale, prend une forme obligatoirement religieuse, si bien qu’à défaut d’une autorisation de mariage par les autorités diplomatiques ou consulaires, les ressortissants français seraient contraints à se soumettre ou à se convertir à une confession que ne recueillerait pas leur adhésion ».
Pour le ministère des Affaires étrangères, une modification de ces décrets pourrait être envisagée. Il pourrait notamment être supprimé de la liste la zone internationale de Tanger qui n’existe plus depuis 1956, date d’accession du Maroc à la souveraineté.
3136 Il est également possible pour un Français de se marier à l’étranger devant l’autorité étrangère compétente.
Ce sont les articles 171-1185et 202-2186 du Code civilqui le prévoient.
3137 La loi locale est reconnue compétente quelles que soient les formes utilisées dans le pays concerné : forme civile, forme religieuse et même mariage réalisé sous forme de cérémonie privée.
Ainsi le mariage de deux Français célébré à Las Vegas a été reconnu valable187.
De même, le mariage religieux célébré entre deux Français en Italie ou en Espagne par exemple sera valable. Toutefois, si un acte civil doit compléter la célébration religieuse, la loi française exigera que cette formalité ait été respectée.
Les tribunaux français ont également reconnu la cérémonie privée, sans acte ni registre, mais en présence de témoins pratiquée dans les pays musulmans188.
Il convient de signaler toutefois que depuis la loi du 14 novembre 2006 (qui sera examinée ci-après), tout mariage célébré en la forme locale doit être précédé de formalités en France, ce qui atténue la portée du principe de l’application des règles locales.
3138 La loi française veut contrôler tous les mariages simulés et les mariages forcés, en ce compris ceux qui sont célébrés hors du territoire français. Elle a ainsi cherché à imposer aux époux français se mariant à l’étranger les mêmes conditions que celles prescrites pour un mariage en France. Ainsi, quelles que soient les conditions prévues par la loi étrangère du lieu de célébration du mariage, le futur époux, de nationalité française, devra suivre les prescriptions de l’article 63 du Code civil qui sont :
la production d’un certificat de capacité à mariage189.
Ce certificat établit que les futurs époux de nationalité française remplissent les conditions de fond de la loi française pour pouvoir se marier. Ce certificat est délivré par l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu de célébration du mariage après publication des bans et audition des époux. La délivrance de ce certificat conditionne la transcription du mariage sur les registres de l’état civil français190 ;
la publication des bans prévue à l’article 171-2 du Code civil191 ;
l’audition des futurs époux ; étant précisé que les consuls peuvent y renoncer lorsqu’il n’y a pas de suspicion de mariage forcé ou de mariage de complaisance192.
3139 La transcription du mariage célébré à l’étranger sur le registre de l’état civil français est la dernière des formalités que les époux doivent effectuer. Elle résulte des articles 171-5 à 171-8 du Code civil dans leur rédaction issue de la loi du 14 novembre 2006193.
Avant le 1er mars 2007, la transcription du mariage était une simple mesure de publicité : même à défaut de celle-ci, le mariage était opposable aux tiers en France. La transcription était toutefois fortement recommandée, notamment pour une question de preuve. Ainsi les mariages célébrés avant le 1er mars 2007 et non transcrits sont opposables aux tiers. Afin de s’assurer de leur existence, le notaire sollicitera l’acte d’état civil étranger traduit et le cas échéant légalisé.
Depuis cette date, en l’absence d’une telle transcription le mariage est inopposable aux tiers. Il ne produit ses effets en France qu’à l’égard des époux et de leurs enfants194.
L’officier d’état civil refusera la transcription lorsque l’une des formalités préalables susvisées n’aura pas été respectée.
Il faut insister sur le fait que la sanction du défaut de transcription n’est pas la nullité du mariage, mais son inopposabilité. Celui-ci est valable et produit ses effets entre les époux et leurs enfants. Mais il est inopposable aux tiers : les intéressés ne pourront donc pas bénéficier des dispositions fiscales relatives aux couples mariés, ne pourront pas prétendre à une pension de réversion…
Il n’est pas aisé de distinguer les effets du mariage entre les époux et à l’égard des tiers. Un contrat de mariage, par exemple, devrait produire effet entre les époux mais non lors d’une acquisition envers les tiers, notamment envers un préteur.
En cas de décès de l’un des époux, son conjoint devrait pouvoir avoir la qualité de conjoint survivant sur le plan civil, mais ne devrait pas pouvoir bénéficier de l’exonération de droits prévue par le droit fiscal au profit des conjoints.
Si le mariage n’a pas été transcrit, il faut inviter les époux à le faire rapidement. Aucun délai n’étant requis, la transcription peut être demandée plusieurs années après la célébration du mariage.
Un arrêt récent195est venu limiter la portée de la sanction de l’inopposabilité. La Cour de cassation a précisé « qu’aux termes du premier de ces textes196, le mariage contracté en pays étranger entre un Français et un étranger est valable s’il a été célébré selon les formes usitées dans le pays de célébration ; que la transcription prescrite par le deuxième, qui n’est soumise à aucune exigence de délai, rend la qualité de conjoint opposable aux tiers depuis la date du mariage ».
En raison du caractère rétroactif de la transcription, la règle de l’inopposabilité envers les tiers se trouve limitée. Il suffira de procéder à la transcription du mariage pour que celui-ci soit rétroactivement opposable.
Cette opération de transcription est un moyen mis à la disposition des autorités françaises pour contrôler les mariages célébrés à l’étranger et éviter les mariages blancs.
Lorsque le mariage a été précédé de la délivrance du certificat de capacité à mariage prévu par l’article 171-2 du Code civil, il est transcrit sur les registres de l’état civil sauf si des éléments nouveaux fondés sur des indices sérieux laissent à penser que le mariage encourt la nullité197.
Lorsque les formalités de l’article 171-2 du Code civil et des prescriptions prévues à l’article 63 du même code n’ont pas été respectées, les époux peuvent faire l’objet d’une audition, ensemble ou séparément par l’autorité diplomatique ou consulaire ou les personnes auxquelles cette tâche a été déléguée. Cette audition n’est pas requise lorsqu’il apparaît que la validité du mariage n’est pas en cause au regard des articles 146 à 180 du Code civil.
Si le mariage non transcrit a été célébré à l’étranger :
avant le 1er mars 2007 : il est opposable aux tiers en France ;
après le 1er mars 2007 : il est inopposable aux tiers en France.
3140 L’article 202-1 du Code civil, dans sa rédaction issue du la loi du 17 mai 2013, dispose « les qualités et les conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies pour chacun des époux, par sa loi personnelle »198.
La loi du 4 août 2014199a ajouté à cet alinéa 1er une phrase in fine : « (…) Quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l’article 146200et du premier alinéa de l’article 180 »201.
Quelle que soit donc la loi personnelle applicable, le consentement des époux doit être libre et exprimer une intention matrimoniale. Cette nouvelle règle permet de lutter contre les mariages de complaisance202.
3141 Lorsque les futurs époux ont la même nationalité, il leur est bien entendu appliqué leur loi nationale commune.
Lorsqu’ils sont de nationalité différente, doivent-ils tous deux respecter les conditions prescrites par leur loi nationale respective ?
En principe chacun des époux devra respecter les conditions édictées par sa propre loi (c’est le cas des empêchements unilatéraux à mariage). Toutefois, pour certaines conditions les deux lois s’appliqueront aux deux époux (cela correspond aux empêchements dits « bilatéraux »).
3142 Certains empêchements à mariage sont unilatéraux en ce qu’ils visent l’aptitude individuelle des époux à se marier. On va dans ce cas rechercher pour chacun des époux dans sa propre loi nationale s’il est apte à se marier. Il s’agit des conditions :
3143 D’autres empêchements visent moins les futurs époux eux-mêmes que leur relation issue du mariage : ce sont les empêchements dits « bilatéraux ». Dans ce cas, seule l’une des lois pose un empêchement au mariage, mais comme celui-ci concerne l’union, les deux époux sont concernés.
Il est alors fait application des deux lois nationales de façon cumulative, et en pratique de la loi la plus restrictive.
Il s’agit des conditions relatives aux empêchements résultant :
3144 L’institution du mariage entre personnes de même sexe est récente. Les Pays-Bas furent les premiers à l’autoriser en avril 2001, puis ce fut le tour de la Belgique en juin 2003, du Canada et de l’Espagne en juillet 2005. Au 1er août 2018, vingt-six pays dans le monde l’autorisent.
À l’opposé, certains pays (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, Mauritanie, Somalie, Nigeria, Soudan…) interdisent l’homosexualité et par là même le mariage entre personnes de même sexe sous peine de sanctions pénales pouvant aller jusqu’à la peine de mort comme au Soudan ; dans certains pays européens, le mariage entre personnes de même sexe est prohibé et pourrait ne pas être reconnu208lorsqu’il a été célébré à l’étranger (Hongrie, Pologne, Roumanie…).
3145 En France, le mariage entre personnes de même sexe est autorisé depuis la loi du 17 mai 2013.
L’article 202-1 du Code civil dispose en son deuxième alinéa que : « Deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ». Cette disposition permet ainsi à des individus dont la loi personnelle interdirait de se marier avec une personne de même sexe de passer outre, dès lors que le domicile ou la résidence d’au moins l’un d’eux se situe en France.
À titre d’exemple, une Roumaine ayant une résidence en France serait en droit d’épouser une autre Roumaine vivant à Bucarest alors même que la Roumanie méconnaît le mariage pour tous et pourrait ne pas reconnaître la validité de ce mariage.
Il est par conséquent évident que le notaire français consulté dans le cadre d’une anticipation de la succession devra prendre soin de vérifier où se trouvent situés les biens du client et quels sont ses projets de vie (retour dans son pays d’origine ou non) avant de conseiller le mariage comme mode d’union favorisant la transmission successorale.
Par ailleurs, les dispositions de l’article 202-1, alinéa 2, du Code civil se trouvent en principe écartées par les conventions bilatérales signées par la France avec certains pays prévoyant l’application de la loi personnelle quant aux conditions de fond du mariage.
La circulaire du 29 mai 2013 fait état des conventions conclues par la France avec la Pologne, le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Serbie, le Kosovo, la Slovénie, le Cambodge et le Laos.
Un litige a été porté devant la première chambre civile de la Cour de cassation qui a rendu un arrêt le 28 janvier 2015209.
En l’espèce un couple d’hommes, l’un de nationalité française et l’autre de nationalité marocaine, a déposé une demande de mariage, qui a été refusée sur le fondement de la circulaire du 29 mai 2013 au motif que la France avait conclu avec le Maroc une convention le 10 août 1981 prévoyant l’application de la loi nationale aux conditions de fond du mariage en son article 5. Toutefois, l’article 4 de cette convention énonce que : « La loi de l’un des deux États désignés par la présente Convention ne peut être écartée par les juridictions de l’autre État que si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public ».
La Cour de cassation, après avoir repris les articles 5 puis 4 de la convention franco-marocaine, énonce que « tel est le cas de la loi marocaine compétente qui s’oppose au mariage de personnes de même sexe dès lors que, pour au moins l’une d’elles, soit la loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ». Ainsi, l’exigence d’une différence de sexe pour se marier est jugée contraire à l’ordre public international français.
Selon Hugues Fulchiron210, cet arrêt est surprenant. Selon lui, « il est vrai que passer de l’interdiction au statut de principe d’ordre public a de quoi frapper les esprits : plus qu’un renouvellement de l’ordre public, c’est une véritable révolution ».
Il souligne en outre que le communiqué de la Cour de cassation concernant cet arrêt en contredit le sens et la portée. En effet, au sein du communiqué la Cour de cassation affirme l’incompatibilité de la loi marocaine avec l’ordre public international français au motif qu’« on ne peut priver une personne de la liberté fondamentale de se marier, mariage qui, depuis la loi du 17 mai 2013, est ouvert, en France, aux couples de même sexe ».
Elle rappelle également que « la loi du pays étranger ne peut être écartée que si l’une des conditions suivantes est remplie : il existe un rattachement du futur époux étranger à la France [dans cette affaire, le ressortissant marocain était domicilié en France] ; l’État avec lequel a été conclue la convention, n’autorise pas le mariage entre personnes de même sexe, mais ne le rejette pas de façon universelle ». Ainsi, l’arrêt utilise une formule générale tandis que le communiqué ajoute une condition : celle du lien de proximité avec la France. En effet, selon le communiqué, deux conditions alternatives sont posées par l’arrêt : soit la situation présente des liens suffisamment étroits avec la France, soit certains pays qui n’autorisent pas le mariage homosexuel lui font produire des effets si les époux sont tous les deux étrangers ou encore si l’un d’entre eux est ressortissant de ce pays. On peut alors se demander si, à travers le communiqué, la Cour de cassation tente d’atténuer la portée de la décision.
Cette solution consacrée par la Cour de cassation aura pour effet de considérer les personnes de même sexe mariées dans un pays et non mariées dans un autre, et d’aboutir à des « mariages boiteux »211.
3146 Les règles de compétence de l’officier d’état civil français ont été élargies depuis la loi du 17 mai 2013. Selon l’article 74 du Code civil : »Le mariage sera célébré, au choix des époux, dans la commune où l’un d’eux, ou l’un de leurs parents, aura son domicile ou sa résidence établie par un mois au moins d’habitation continue à la date de la publication prévue par la loi ».
Le législateur a prévu à l’article 171-9 du Code civil le mariage entre personnes de même sexe résidant dans un pays ne l’autorisant pas de la façon suivante : « Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux de même sexe, dont l’un au moins a la nationalité française, ont leur domicile ou leur résidence dans un pays qui n’autorise pas le mariage entre deux personnes de même sexe et dans lequel les autorités diplomatiques et consulaires françaises ne peuvent procéder à sa célébration, le mariage est célébré publiquement par l’officier de l’état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l’un des époux ou de la commune dans laquelle l’un de leurs parents a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l’article 74. À défaut, le mariage est célébré par l’officier de l’état civil de la commune de leur choix ».
3147 La Cour de justice de l’Union européenne212a édicté un principe de reconnaissance des mariages homosexuels à travers son arrêt rendu le 5 juin 2018. Une question préjudicielle avait été soumise à la Cour constitutionnelle roumaine sur l’absence de reconnaissance des mariages homosexuels contractés à l’étranger par un citoyen roumain eu égard au droit de l’Union européenne.
L’article 21 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), relatif à la citoyenneté de l’Union, énonce que la vie de famille qu’un citoyen européen a eue dans un État membre doit pouvoir « être poursuivie lors de son retour dans l’État membre dont il possède la nationalité, par l’octroi d’un droit de séjour dérivé au membre de la famille concerné, ressortissant d’un État tiers ».
Selon la Cour de justice de l’Union européenne, « le refus (…) de reconnaître, aux seuls fins de l’octroi d’un droit de séjour dérivé à un ressortissant d’un État tiers, le mariage de ce dernier avec un citoyen de l’Union de même sexe, ressortissant de cet État membre, conclu, lors de leur séjour effectif dans un autre État membre, conformément au droit de ce dernier État, est susceptible d’entraver l’exercice du droit de ce citoyen, consacré à l’article 21, § 1, du TFUE, de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ». Elle énonce également « qu’une telle obligation de reconnaissance aux seules fins d’octroi d’un droit de séjour dérivé à un ressortissant d’un État tiers ne méconnaît pas l’identité nationale ni ne menace l’ordre public de l’État membre concerné ».
Par ailleurs, l’article 21 de la loi du 17 mai 2013, relatif au mariage des personnes de même sexe en France, entérine la reconnaissance des mariages célébrés à l’étranger, y compris ceux célébrés avant l’entrée en vigueur de cette loi, en ces termes : « Le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l’entrée en vigueur de la présente loi est reconnu, dans ses effets à l’égard des époux et des enfants, en France, sous réserve du respect des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 et 191 du Code civil. Il peut faire l’objet d’une transcription dans les conditions prévues aux articles 171-5 et 171-7 du même code. À compter de la date de transcription, il produit effet à l’égard des tiers ».
Ainsi le mariage entre homosexuels belge et français célébré en 2004 en Belgique sera valable en France conformément aux dispositions susvisées, et permettra l’application des dispositions françaises en matière successorale en cas de décès de l’un des deux devenu résident en France laissant son conjoint pour lui succéder.
3148 La loi française n’autorise le mariage qu’entre des personnes non mariées213.
Il est clair que l’officier d’état civil français doit refuser de célébrer un mariage en France d’une personne engagée dans les liens d’un mariage antérieur non dissous même si les lois nationales des époux l’autorisent. Cela résulte de l’application de l’ordre public direct214.
Naturellement, de la même façon le notaire devra refuser de recevoir le contrat de mariage.
3149 Toutefois, si la loi française interdit cette célébration en France, les juges acceptent que le second mariage régulièrement célébré à l’étranger puisse produire des effets en France. L’ordre public dont l’effet se trouve atténué215ne s’oppose pas à ce que le mariage produise en France un certain nombre de conséquences. Tout va dépendre de la nationalité française ou non de l’un des époux :
entre deux époux de nationalité étrangère. Si la loi de chaque époux permet le mariage polygame, les tribunaux lui reconnaissent en France certains effets patrimoniaux : ainsi le deuxième conjoint est-il bien fondé à solliciter une pension de réversion ou à recueillir des droits dans la succession ;
entre deux époux dont l’un est de nationalité française. Dès l’instant où l’un des conjoints est Français, un tel mariage contracté à l’étranger n’a aucun effet en France. Cela a été affirmé par la Cour de cassation en 2002216.
Une Française non mariée ne peut donc pas conclure un mariage polygame à l’étranger. Si l’un ou les deux époux possèdent une double nationalité, la nationalité française primera sur les autres nationalités, et tout mariage en état de bigamie sera déclaré nul en France.
La difficulté pour le notaire est que ce mariage n’est pas nul de plein droit, mais est annulable. Il n’a pas la possibilité de le considérer comme non valable et ne peut donc pas l’ignorer. Dans le cadre de son devoir de conseil, il devra mettre en garde les « époux » des vices entachant leur mariage et proposer la meilleure solution dans le cas où leur mariage serait annulé.
En cas d’acquisition d’un bien immobilier par ces « époux », une attention particulière devra être prise vis-à-vis d’un éventuel prêteur. En effet, en cas d’annulation du mariage des emprunteurs pourrait faire « revivre » une précédente union et un régime communautaire.
L’annulation ne peut être l’œuvre que d’un juge français ou d’une autorité étrangère. Cette solution a été affirmée plusieurs fois par la Cour de cassation, notamment à l’encontre d’une caisse régionale d’assurance maladie217.