CGV – CGU

Partie II – S’unir
Titre 1 – Les couples non mariés
Sous-titre 2 – Partenariats enregistrés
Chapitre II – Le règlement (UE) du 24 juin 2016

3102  20 % des partenariats enregistrés dans l’Union européenne et 13 % des nouveaux mariages concernent des couples binationaux143. Il devenait urgent pour l’Union européenne d’harmoniser les règles relatives tant aux partenariats qu’aux régimes matrimoniaux. Les deux règlements relatifs respectivement aux régimes matrimoniaux144et aux effets patrimoniaux des partenariats enregistrés145ont été adoptés le 24 juin 2016 et sont rentrés en application le 29 janvier 2019.

Leur élaboration et leur adoption ont été longues et complexes. En effet, certains États craignaient que, par le biais d’une règle de droit international privé, ils se voient dans l’obligation de reconnaître des institutions juridiques non acceptées dans leur pays (notamment le partenariat ou le mariage homosexuel). À la fin de l’année 2015, il est apparu nécessaire de recourir à la procédure de coopération renforcée.

Le projet européen a dû prendre en considération la diversité des droits nationaux et laisser la liberté à chacun des pays de déterminer ses propres notions fondamentales de la famille.

Cette garantie du respect des conceptions propres à chaque État se matérialise dans l’article 9 du règlement n° 2016/1104 qui permet au juge normalement compétent et dont le droit interne ne reconnaît pas l’institution en cause de décliner sa compétence146. Ce sera le cas des pays ne reconnaissant pas les partenariats homosexuels par exemple.

3103 Comme il sera indiqué plus loin, le règlement ne porte que sur les effets patrimoniaux des partenariats enregistrés. Ainsi, pour toutes les règles relatives aux effets personnels des partenariats, le droit commun étudié dans le précédent chapitre continuera à s’appliquer.

À titre liminaire, il apparaît utile de déterminer quel est le champ d’application du règlement pour comprendre à quels partenaires et à quels effets des partenariats il s’applique. Puis il sera analysé les règles permettant de connaître quelle loi appliquer aux effets patrimoniaux des partenaires, ce qui intéresse tout particulièrement les notaires.

Section I – Le champ d’application du règlement (UE) du 24 juin 2016

3104 La règle de conflit de lois énoncée à l’article 515-7-1 du Code civil a été partiellement remplacée, à compter du 29 janvier 2019, par les dispositions du règlement (UE) n° 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux uniquement des partenariats enregistrés (règlement « EPPE »).

L’objectif de ce règlement est « d’assurer la sécurité juridique des couples non mariés à l’égard de leurs biens et de leur offrir une certaine prévisibilité »147et de « permettre aux citoyens de profiter, en toute sécurité juridique, des avantages offerts par le marché intérieur »148.

Quels sont seschamps d’application matériel (Sous-section I), temporel (Sous-section II)  et spatial (Sous-section III) ? C’est ce qui va être étudié maintenant.

Sous-section I – Le champ d’application matériel
§ I – La notion de « partenariat enregistré »

3105 Afin de déterminer les contours de ce règlement, celui-ci définit la notion de « partenariat enregistré » comme étant « le régime régissant la vie commune de deux personnes prévu par la loi, dont l’enregistrement est obligatoire en vertu de ladite loi et qui répond aux exigences juridiques prévues par ladite loi pour sa création »149.

Cependant, cette définition n’est établie qu’aux fins du règlement. Autrement dit, la définition de cette notion relève du droit interne des États membres, et « aucune disposition du présent règlement ne devrait imposer à un État membre dont la loi ne reconnaît pas l’institution du partenariat enregistré de prévoir cette dernière dans son droit national »150.

À titre d’illustration en droit comparé :

parmi les États membres participants actuels, seuls six pays ne connaissent pas le partenariat enregistré151 ;

certains partenariats enregistrés – tel que le pacs français – ne reconnaissent que très peu de droits aux partenaires, contrairement à d’autres – tels les partenariats de droit néerlandais ou slovène pour ne citer qu’eux – qui accordent pratiquement les mêmes droits aux partenaires qu’aux époux.

§ II – La notion « d’effets patrimoniaux »

3106 Le règlement ne concerne que les « effets patrimoniaux » et ne se substituera donc à l’article 515-7-1 du Code civil – applicable aux partenariats conclus avant le 29 janvier 2019 – que sur ce point152.

À titre d’exemple, et de façon non exhaustive, l’article 27 du règlement énumère ses effets patrimoniaux ainsi qu’il suit :

« a) la classification des biens des deux partenaires ou de chacun d’entre eux en différentes catégories pendant et après le partenariat enregistré ; b) le transfert de biens d’une catégorie à une autre ; c) les obligations d’un partenaire qui découlent des engagements pris par l’autre partenaire et des dettes de ce dernier ; d) les pouvoirs, les droits et les obligations de l’un des partenaires ou des deux partenaires à l’égard des biens ; e) la division, la répartition ou la liquidation des biens après dissolution du partenariat enregistré ; f) les incidences des effets patrimoniaux des partenariats enregistrés sur un rapport juridique entre un partenaire et des tiers ; et g) la validité au fond d’une convention partenariale ».

3107 A contrario, l’article premier du règlement énonce les matières qui sont exclues de ce règlement. Par exemple, la succession d’un partenaire enregistré décédé sera régie par le règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012.

Il est important de souligner que les effets fiscaux ne sont pas régis par le règlement.

Sous-section II – Le champ d’application temporel

3108 Ce règlement s’applique aux couples ayant enregistré un partenariat à partir du 29 janvier 2019 et aux couples ayant déjà enregistré un partenariat avant cette date mais qui désigneront une loi applicable aux effets patrimoniaux de leurs partenariats après cette date153.

Les conflits de juridictions et de reconnaissance ou d’exécution des jugements concernant des partenariats enregistrés avant ou à partir du 29 janvier 2019 seront régis par le règlement du 24 juin 2006 dès lors que l’action sera intentée à compter du 29 janvier 2019154. Exceptionnellement, le règlement pourra aussi s’appliquer aux actions intentées avant le 29 janvier 2019. L’article 69, 2° prévoit que « si l’action engagée dans l’État membre d’origine a été intentée avant le 29 janvier 2019, les décisions rendues après cette date sont reconnues et exécutées conformément aux dispositions de chapitre IV, dès lors que les règles de compétence appliquées sont conformes à celles prévues par le chapitre II ».

Sous-section III – Le champ d’application spatial

3109 Le règlement est obligatoire dans tous les États membres participants. Ce règlement s’applique dans les dix-huit États membres suivants : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la République tchèque, la Slovénie et la Suède. L’Estonie souhaite également participer à cette coopération.

Les règles de conflit de lois sont d’application universelle et ce règlement écarte toute possibilité de « morcellement » du régime patrimonial.

Ainsi le règlement s’applique que la loi désignée soit la loi d’un État membre participant, ou la loi d’un État membre non participant, ou la loi d’un État tiers à l’Union européenne.

Cependant, un tel morcellement pourra apparaître dans le cadre de la circulation des décisions si certains biens sont situés dans un État tiers et d’autres dans un État membre participant.

Selon Alain Devers, en complément de l’article 13, § 1 du règlement, « il aurait été judicieux de prévoir que lorsque la masse partenariale comprend des biens situés dans un État tiers, la juridiction saisie pour statuer sur les effets patrimoniaux peut, à la demande d’une des parties, décider de ne pas statuer sur l’un ou plusieurs de ces biens si l’on peut s’attendre à ce que la décision qu’elle rendrait sur les biens en question ne soit pas reconnue ou, le cas échéant, ne soit pas déclarée exécutoire dans ledit État tiers »155.

3110 À l’inverse, les règles de conflit de juridictions et de reconnaissance ou d’exécution des jugements ne sont pas d’application universelle. Elles ne sont applicables que par les États membres de l’Union européenne qui ont participé à la coopération renforcée susvisée.

Ainsi le règlement sera applicable dès lors que le juge d’un de ces États sera compétent.

Section II – La détermination de la loi applicable aux effets patrimoniaux des partenariats enregistrés

3111 Le considérant 48 du préambule du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016 crée une hiérarchie entre le rattachement subjectif et le rattachement objectif dans la lignée des précédentes règles de droit international, faisant primer l’autonomie de la volonté. Ainsi les partenaires peuvent choisir – dans un cadre limité – la loi applicable aux effets patrimoniaux de leur partenariat enregistré.

C’est à défaut de choix par les partenaires que les règles de rattachement objectif s’appliqueront. L’analyse des rattachements suivra donc cette hiérarchie.

Ce considérant justifie cette hiérarchie par le but de « concilier la prévisibilité et l’impératif de sécurité juridique avec la nécessité de prendre en compte la vie menée par le couple ».

Les partenaires pourront donc avoir choisi la loi applicable aux effets patrimoniaux de leur partenariat enregistré : il s’agit d’un rattachement subjectif (Sous-section I). À défaut de choix, il y aura lieu de déterminer la loi applicable : il s’agit là d’un rattachement objectif (ou non choisi) (Sous-section II). Dans ces deux hypothèses, il faudra déterminer la portée de la loi applicable (Sous-section III) et préciser que le renvoi est exclu (Sous-section IV).

Sous-section I – Le rattachement subjectif (loi choisie)

3112 Le règlement « EPPE » du 24 juin 2016 autorise aux partenaires, à l’instar des autres règlements, un certain choix de loi en ce qui concerne les effets patrimoniaux de leur partenariat.

§ I – Option ouverte aux partenaires enregistrés

3113 Les partenaires pourront désormais choisir la loi applicable à leur partenariat enregistré. Cependant, les partenaires ne bénéficient pas d’une autonomie totale.

En effet, l’article 22 du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016 donne la possibilité aux partenaires ou futurs partenaires de désigner l’une des trois lois suivantes :

« a) la loi de l’État dans lequel au moins l’un des deux partenaires ou futurs partenaires à sa résidence habituelle au moment où la convention est conclue ;

b) la loi d’un État dont l’un des partenaires ou futurs partenaires à la nationalité au moment où la convention est conclue ; ou

c) la loi de l’État selon le droit duquel le partenariat enregistré a été créé ».

3114 Concernant la désignation de la loi nationale, des difficultés peuvent se présenter en pratique, car le règlement ne donne pas la solution dans le cas où l’un des partenaires a plusieurs nationalités.

En effet, à la différence du règlement (UE) n° 650/2012 sur les successions internationales156, l’hypothèse de la plurinationalité n’est pas évoquée, ce qui pose un problème d’interprétation.

Certains auteurs considèrent que lorsque les partenaires ont plusieurs nationalités, la loi de chacune d’elles peut être choisie157. Ainsi Amélie Panet indique : « Même si le règlement est moins clair que l’article 22 du règlement succession sur la question, il évoque bien dans son considérant 49 “le plein respect des principes généraux du droit de l’Union”. Ainsi, les solutions Garcia Avello (CJCE, 2 oct. 2003, aff. C-148/02) et Hadadi (CJCE, 16 juill. 2009, aff. C-168/08) semblent avoir vocation à jouer ici : plus les partenaires seront dotés de nationalités différentes, plus ils auront une palette de choix étendue »158.

D’autres auteurs159estiment qu’il faut consulter le préambule du règlement pour répondre à cette question. Le considérant 49 expose en effet que « (…) la question de savoir comment considérer une personne possédant plusieurs nationalités constitue une question préalable qui n’entre pas dans [le] champ d’application [du règlement] et devrait relever du droit national (…) ». Ce même considérant indique que : « Cette question ne devrait pas influencer la validité du choix de la loi applicable effectué conformément au présent règlement ».

Ainsi, on devrait pouvoir distinguer trois cas en droit français :

si le partenaire a la nationalité de deux États membres de l’Union européenne : il devrait pouvoir choisir l’une ou l’autre de ses nationalités160 ;

si le partenaire a la nationalité d’un État membre de l’Union européenne et d’un État tiers : on devrait faire prévaloir la nationalité européenne161 ;

si le partenaire a la nationalité de deux États tiers : il devrait être fait application de la nationalité la plus effective.

3115 Si les partenaires choisissent une loi étrangère, il y aura lieu de bien vérifier au préalable que celle-ci confère des effets patrimoniaux au partenariat. Le notaire devra donc se pencher sur la loi matérielle de l’État retenu162.

§ II – La forme de la désignation de la loi applicable

3116 L’article 23 du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016 portant sur la « validité quant à la forme de la convention sur le choix de la loi applicable » impose des règles formelles minimales : un écrit daté et signé par les deux partenaires.

Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite.

Cet article impose en outre une exigence supplémentaire: il faut distinguer selon la résidence habituelle des partenaires dans un ou plusieurs États membres participants au moment de la conclusion de leur convention ainsi qu’il suit :

« 2. Si la loi de l’État membre dans lequel les deux partenaires ont leur résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention prévoit des règles formelles supplémentaires pour les conventions partenariales, ces règles s’appliquent.

3. Si, au moment de la conclusion de la convention, les partenaires ont leur résidence habituelle dans des États membres différents et si les lois de ces États prévoient des règles formelles différentes pour les conventions partenariales, la convention est valable quant à la forme si elle satisfait aux conditions fixées par l’une de ces lois.

4. Si, au moment de la conclusion de la convention, seul l’un des partenaires a sa résidence habituelle dans un État membre et si cet État prévoit des règles formelles supplémentaires pour les conventions partenariales, ces règles s’appliquent ».

Ainsi, lorsqu’un pacs est enregistré en France entre deux partenaires résidant en Belgique au moment de la convention, la forme notariée sera requise pour de l’établissement de celle-ci163.

§ III – Le moment du choix

3117 La loi applicable peut être désignée avant, pendant, ou après l’enregistrement du partenariat164. Mais le règlement ne précise pas si la désignation ou le changement de loi applicable doit obligatoirement résulter des dispositions de la convention partenariale ou de la modification de cette convention, ou si même elle doit être expresse.

Par exemple, on ne sait pas si le fait qu’un partenaire déclare dans un acte de vente que les effets patrimoniaux de son partenariat enregistré sont soumis à une certaine loi est qualifié de désignation de loi applicable au sens du règlement. Par prudence, il convient de retenir la même règle qu’en matière de régimes matrimoniaux et de privilégier un acte établi spécifiquement à cet effet.

L’article 24, § 2165du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016 permet d’écarter la loi désignée si l’un des partenaires conteste son consentement à ce choix : il peut demander d’appliquer la loi de sa résidence habituelle « s’il ressort des circonstances qu’il ne serait pas raisonnable de déterminer l’effet du comportement de ce partenaire conformément » à la loi choisie.

Cependant, en pratique, le notaire instrumentaire d’une convention partenariale veillera à insérer une clause de désignation expresse de la loi applicable. À défaut d’acte notarié, si les partenaires souhaitent être liés par un pacs sous signature privée en France, ils pourront remplir le formulaire Cerfa n° 15726*02 au sein duquel ils doivent indiquer quel régime ils choisissent et sur lequel est fait mention expresse des articles 515-1 à 515-7-1 du Code civil, sauf ce qui a été dit précédemment166.

§ IV – Les effets d’un changement de loi applicable

3118 Si les partenaires désignent une loi applicable ou modifient la loi applicable après l’enregistrement de leur partenariat, le principe est celui de la non-rétroactivité de la désignation de la loi applicable, énoncé à l’article 22, § 2 du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016.

Cependant, les partenaires enregistrés peuvent en convenir autrement et stipuler dans la déclaration de loi applicable que cette désignation aura un effet rétroactif à compter de l’enregistrement de leur partenariat167, sans pour autant que cette rétroactivité puisse porter atteinte aux droits des tiers168.

Le règlement ne précise pas si l’acte de désignation de la loi applicable doit comporter ou non une liquidation du régime patrimonial antérieur en l’absence de rétroactivité. Quand cela est nécessaire, il est conseillé de procéder à cette liquidation tant que cette question reste en suspens.

Pour éviter cette liquidation, et le cas échéant un partage des biens qui pourrait entraîner une taxation, le notaire pourra éventuellement conseiller aux partenaires de stipuler dans la désignation que cette dernière a un effet rétroactif.

§ V – L’opposabilité aux tiers

3119 Selon l’article 28, 2 du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016, le rattachement subjectif n’est opposable aux tiers dans le cadre d’un litige que s’ils ont eu connaissance ou auraient dû avoir connaissance de cette loi. Cet article vise l’ignorance excusable des tiers, et énonce les situations dans lesquelles le tiers est « réputé » avoir connaissance de la loi applicable aux effets patrimoniaux.

Le paragraphe 3 de cet article distingue l’objet du différend afin de déterminer la loi applicable à l’égard des tiers si la loi désignée n’est pas applicable :

« 3. Lorsque la loi applicable aux effets patrimoniaux d’un partenariat enregistré ne peut être opposée par un partenaire à un tiers en vertu du paragraphe 1, les effets patrimoniaux du partenariat enregistré à l’égard du tiers sont régis :

a) par la loi de l’État dont la loi est applicable à la convention conclue entre l’un des partenaires et le tiers ; ou

b) dans des dossiers portant sur des biens immeubles ou des biens ou des droits enregistrés, par la loi de l’État dans lequel le bien immeuble est situé ou dans lequel les biens ou les droits sont enregistrés ».

Le rôle du notaire prend donc ici toute son importance : il lui revient d’informer le tiers contractant de la désignation de la loi applicable aux effets patrimoniaux des partenaires avec qui il contracte, et d’informer les partenaires des conditions d’opposabilité aux tiers de la désignation de loi.

Ainsi, lors d’un acte de vente immobilière, le notaire devra mentionner la loi applicable aux effets patrimoniaux du partenariat enregistré afin que le cocontractant ne puisse pas invoquer la méconnaissance de cette loi.

Sous-section II – Le rattachement objectif (en l’absence de choix de loi)

3120 Comment procéder si les parties n’ont pas désigné de loi applicable aux effets patrimoniaux de leur partenariat enregistré ?

Cette situation peut se présenter dans certains pays – tels que la Belgique ou le Luxembourg – où la convention partenariale portant sur les effets n’est pas obligatoire.

Par ailleurs, les conventions partenariales qui ne sont pas passées par acte authentique sont soumises au risque de perte par les partenaires et, dans cette hypothèse, il sera difficile de prouver que ceux-ci avaient désigné une loi applicable.

§ I – Principe : application de la loi de l’État de l’autorité de l’enregistrement

3121 En vertu de l’article 26 du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016, la loi applicable aux effets patrimoniaux aux partenariats enregistrés est la loi « de l’État selon la loi duquel le partenariat enregistré a été créé », c’est-à-dire la loi de l’autorité de l’État qui enregistre le partenariat.

Il s’agit donc de prendre en compte l’autorité locale ou bien l’autorité diplomatique. Cette règle régissait déjà la plupart des États, dont la France en son article 515-7-1 du Code civil.

Ce critère de rattachement permet d’éviter qu’une loi qui ne donne aucun effet aux partenariats enregistrés ou les prohibe soit applicable.

Le notaire devra donc être vigilant lorsque ses clients lui présenteront un partenariat enregistré à l’étranger : s’il a été enregistré par le consulat français dans un pays étranger, c’est la loi française qui s’appliquera, le partenariat ayant été créé en application de cette loi.

§ II – Exception : application de la loi de la dernière résidence habituelle commune

3122 Dans certains cas, ce rattachement de principe pourra être remplacé par un rattachement exceptionnel. En effet, l’article 26, 2 du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016 dispose :

« 2. À titre exceptionnel et à la demande de l’un des partenaires, l’autorité judiciaire compétente pour statuer sur des questions relatives aux effets patrimoniaux d’un partenariat enregistré peut décider que la loi d’un État autre que l’État dont la loi est applicable en vertu du paragraphe 1 régit les effets patrimoniaux du partenariat enregistré si la loi de cet autre État attache des effets patrimoniaux à l’institution du partenariat enregistré et si le partenaire qui a fait la demande démontre que :

a) les partenaires avaient leur dernière résidence habituelle commune dans cet autre État pendant une période d’une durée significative ; et

b) les deux partenaires s’étaient fondés sur la loi de cet autre État pour organiser ou planifier leurs rapports patrimoniaux. La loi de cet autre État s’applique à partir de la date de création du partenariat enregistré, à moins que l’un des partenaires ne s’y oppose. Dans ce dernier cas, la loi de cet autre État produit ses effets à partir de la date de l’établissement de leur dernière résidence habituelle commune dans cet autre État.

L’application de la loi de l’autre État ne porte pas atteinte aux droits des tiers résultant de la loi applicable en vertu du paragraphe 1.

Le présent paragraphe ne s’applique pas lorsque les partenaires ont passé une convention partenariale avant la date de l’établissement de leur dernière résidence habituelle commune dans cet autre État ».

Si le juge saisi fait droit au demandeur, c’est la loi de la dernière résidence habituelle des partenaires qui s’applique. Ainsi, tant le juge que le notaire français peuvent être amenés à appliquer la loi d’un autre État régissant les effets patrimoniaux d’un partenariat enregistré. La décision judiciaire étrangère rendue en ce sens dans un autre État membre sera reconnue en France sans procédure particulière169.

Cette substitution rétroagit à la date de « création du partenariat enregistré ». Cependant, si l’un des partenaires s’y oppose, la loi de la dernière résidence habituelle commune ne s’appliquera qu’à compter de la date de l’établissement de cette dernière résidence.

Le notaire devra donc informer les partenaires de cette disposition et leur conseiller de conclure une convention pour déterminer la loi applicable afin d’éviter la substitution. Toutefois, selon l’article 26 du règlement, il faut que cette convention soit conclue « avant la date d’établissement de leur dernière résidence habituelle commune ».

Sous-section III – La portée de la loi applicable
§ I – Principe : unicité de la loi applicable

3123 En vertu de l’article 27 du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016, la loi applicable porte sur l’ensemble des biens des partenaires. Ce principe de permanence du rattachement était déjà consacré par l’article 515-7-1 du Code civil.

§ II – Limite tenant aux lois de police

3124 Le règlement précise que la loi applicable ne doit pas porter « atteinte à l’application des lois de police du juge saisi »170.

Ainsi, si un notaire est chargé de la liquidation des effets patrimoniaux de partenaires hors cadre judiciaire, les lois de police ne devraient pas s’appliquer. Par ailleurs, ce sont seulement les lois de police du juge saisi qui devront s’appliquer et non les lois de police étrangères.

Le considérant 52 du préambule du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016 énonce à titre d’illustration que « la notion de “lois de police” devrait englober des règles à caractère impératif telles que celles relatives à la protection du logement familial ». La différence entre le règlement « Successions » et le règlement « EPPE » réside dans le fait que le premier permet d’appliquer les lois de polices étrangères et pas seulement celles de l’État du juge saisi, contrairement au second.

§ III – Limite tenant à l’ordre public

3125 Le second obstacle au principe d’unicité de la loi applicable est l’ordre public international. En effet, l’article 31 du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016 énonce que la désignation de la loi ne peut être opposable si elle est « manifestement incompatible avec l’ordre public du for ». Le considérant 53 précise que « dans des circonstances exceptionnelles, des considérations d’intérêt public devraient également donner aux juridictions et aux autres autorités compétentes des États membres chargées du règlement des effets patrimoniaux des partenariats enregistrés » la possibilité d’opposer l’ordre public pour écarter la loi par principe applicable.

Cependant, l’exception d’ordre public opposée dans le cadre de l’article 31 du règlement ne devra pas être contraire à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne171, et notamment au principe de non-discrimination énoncé à son article 21.

Sous-section IV – L’exclusion du renvoi

3126 Comme pour les régimes matrimoniaux à compter du 29 janvier 2019, le renvoi est exclu par le règlement172.

Il ne doit donc être fait application que des règles matérielles internes de la loi désignée à l’exclusion des règles de droit international privé.

Ainsi, deux partenaires de nationalité française ayant conclu un partenariat à l’étranger verront appliquer cette loi étrangère aux effets de leur partenariat, et ce même si cette loi étrangère renvoie à la loi nationale commune des partenaires.

Au vu de l’ensemble de ces règles, on s’aperçoit qu’il peut y avoir un éclatement du régime du partenariat enregistré entre différentes lois. Par exemple, pour une situation après le 29 janvier 2019, des Français ont enregistré leur partenariat au Portugal au moment où ils vivaient en Autriche. Ils ont désigné, lors de la signature de leur partenariat, la loi autrichienne comme loi applicable à leurs effets patrimoniaux, conformément à l’article 22 du règlement n° 2016/1104, 24 juin 2016. Ils déménagent ensuite en France, et le partenariat est rompu par le décès de l’un d’eux. Trois lois seraient donc applicables en l’espèce :

loi applicable aux effets personnels : conformément à l’article 515-7-1 du Code civil, c’est la loi du lieu d’enregistrement qui est applicable, soit la loi portugaise ;

loi applicable aux effets patrimoniaux : s’ils ont valablement désigné la loi applicable, c’est la loi autrichienne qui s’applique173 ;

lois de police françaises : elles peuvent être applicables, notamment concernant la protection du logement du partenaire survivant.


143) Source : Notaires d’Europe : Les notaires d’Europe s’engagent pour 2020.
144) Cons. UE, règl. (UE) n° 2016/1103, 24 juin 2016.
145) Cons. UE, règl. (UE) n° 2016/1104, 24 juin 2016.
146) Cons. UE, règl. (UE) n° 2016/1104, 24 juin 2016, art. 9, 1 : « Si la juridiction de l’État membre, compétente en vertu (…) considère que son droit ne prévoit pas l’institution du partenariat enregistré, elle peut décliner sa compétence. Lorsque la juridiction concernée décide de décliner sa compétence, elle le fait sans retard indu ».
147) Règl. « EPPE », préambule, consid. 15.
148) Règl. « EPPE », préambule, consid. 42.
149) Règl. « EPPE », art. 3, § 1 a).
150) Règl. « EPPE », préambule, consid. 17.
151) Bulgarie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie.
152) Règl. « EPPE », art. 1er.
153) Règl. « EPPE », art. 69, § 3.
154) Règl. « EPPE », art. 69, § 1.
155) A. Devers, La loi applicable aux effets patrimoniaux des partenariats enregistrés, Droit international privé : JCP N 20 avr. 2018, n° 16, 1168.
156) Dans le règlement »Successions« , la plurinationalité de l’intéressé permet de démultiplier les lois pouvant être désignées pour régir la succession.
157) M. Revillard, Droit international privé et européen : pratique notariale, Defrénois, 2018, § 600. Cela est exprimé par la formule « la loi d’un État ».
158) A. Panet, Partenariats enregistrés – La loi applicable aux effets patrimoniaux des partenariats enregistrés : Dr. famille mai 2013, n° 5, dossier 33.
159) Professeur Cyril Nourissat.
160) CJUE, 16 juill. 2009, aff. C-168/08, Hadadi.
161) CJCE, 7 juill. 1992, aff. C-369/90, Micheletti.
162) Pour les États membres de l’Union européenne, V. le site Couples en Europe : www.coupleseurope.eu.
163) www.notaire.be/se-marier-vivre-ensemble/la-cohabitation-legale/contrat-de-cohabitation-legale : « Forme du contrat de cohabitation légale. La convention doit être passée devant notaire. Un simple contrat signé entre deux cohabitants ne suffit donc pas ; ».
164) Règl. « EPPE », préambule, consid. 44.
165) Art. 24. Consentement et validité au fond : « 1. L’existence et la validité d’une convention sur le choix de la loi ou de toute clause de celle-ci sont soumises à la loi qui serait applicable en vertu de l’article 22 si la convention ou la clause était valable. 2. Toutefois, pour établir son absence de consentement, un partenaire peut se fonder sur la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle au moment où la juridiction est saisie s’il ressort des circonstances qu’il ne serait pas raisonnable de déterminer l’effet du comportement de ce partenaire conformément à la loi visée au paragraphe 1 ».
166) V. supra, § II.
167) Règl. « EPPE », art. 22, § 2.
168) Règl. « EPPE », art. 22, § 3.
169) Règl. « EPPE », art. 36-1°.
170) Règl. « EPPE », art. 30.
171) Règl. « EPPE », préambule, consid. 53.
172) Règl. « EPPE », art. 32.
173) Règl. « EPPE », art. 22, § 1.
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